Quand le masque tombe - Barbara Elizabeth Lewis

Barbara a toujours pensé qu'elle n'était pas née dans la bonne famille, qu'il y avait eu, sans nul doute, un échange de nouveau-né à la maternité, le jour de sa naissance. Les vêtements en soie, les bonnes manières, les cours interminables de piano, le respect, le masque qu'elle devait porter tous les jours... Tout ceci ne lui ressemblait pas, au fond.

Barbara a vu le jour le 2 avril 1990 dans une maternité de Londres, elle est la fille unique des Lewis, la plus grande réussite de sa mère et la fierté de son père. Comment voulez-vous ne pas avoir une certaine pression lorsque vous possédez un tel statut ? Barbara, c'était le prénom que souhaitait sa mère. Ne s'y opposant pas, son père choisi tout de même le second : Elizabeth. Prénom que Barbara avait toujours préféré. Son premier, elle le détestait, ce n'était qu'un enchevêtrement de trois malheureuses lettres... Peut-être que le fait de n'avoir jamais réellement eu une vraie relation mère-fille y était pour quelque chose. Barbara a toujours été plus proche de son père, elle le voyait comme son protecteur, son chevalier fervent.

Quoi qu'il en soit, Barbara grandit entourée d'une famille trop hypocrites pour elle, prônant l'apparence à la vraie beauté intérieure. Elle se souvient encore de sa vieille tante que tout le monde respectait qui venait tous les mercredis pour lui inculquer les bonnes manières, de vraies séances de torture pour l'enfant. Sans oublier les leçons de piano, de langues, de tenues... Barbara évolua au sein d'une prison dorée, et c'est sans aucun doute cette solitude et les journées entières passées dans le grand jardin, allongée dans l'herbe fraîche, à regarder les nuages et à rêver d'une vie loin de tous ces strass qu'elle se construit une petite carapace dans laquelle elle aimait se cacher.

Son père était et est toujours très ami avec Keynes senior, Barbara se souvient des grands dîners qui avaient lieux parfois dans lesquelles tous les Keynes y étaient conviés. Elle détestait ces réceptions car elle devait porter des robes inconfortables et supporter les conversations ennuyantes des adultes toute la soirée. Elle se souvint néanmoins du jeune Nathanael qu'elle croisait parfois. Jamais ils ne s'étaient réellement parlé et à cette époque, elle était loin de s'imaginer ce qui l'attendait.

L'enfance de Barbara fut donc un long fleuve tranquille, elle s'éloignait de plus en plus de sa mère, trop occupée par son apparence et ses nouveaux achats. Inscrite dans une école privée et très réputée exclusivement pour fille, Barbara n'avait pas vraiment d'amis. Elle préférait rester dans la classe aux heures de pause, à lire des livres ou à regarder les nuages. Ce n'était pas son monde. Elle rêvait du prince charmant qui viendrait la libérer de ses chaînes. Prince qui n'est d'ailleurs jamais venu.

C'est à son adolescence que Barbara commença à dériver. Marre de tous ces interdits, de toutes ces obligations, de tous ces faux-semblants... La jeune fille enfreignait de plus en plus les règles, sortant tard le soir, côtoyant des garçons peu recommandables, repoussant ses propres limites. Elle se mit à fumer, boire, elle se fit même un tatouage sur l'omoplate droite, représentant un envol d'oiseaux. Son père n'était évidemment pas au courant de toutes ces aventures nocturnes. Le jour, Barbara était la fille modèle que son paternel chérissait, elle était sérieuse durant ses leçons, savait se tenir, prenait part aux diverses réceptions... Le soir, elle se faisait appeler Elizabeth, cachait qu'elle était la fille du célèbre Mr. Lewis et festoyait jusqu'au petit matin.

Un soir, alors que Barbara avait un peu trop bu, titubant dans les rues de Londres, un grand ami de son père la reconnu avant de la ramener chez elle. S'ensuivit un déluge de cris et de disputes. Son père était déçu, profondément blessé par l’attitude puérile, selon lui, de sa princesse adorée. Il ressaiera les chaînes de l'adolescente et l'envoya dans un internat privé de la ville réputé pour sa sévérité.

Cette période de sa vie a été, sans aucun doute, la plus dure. Enfermée dans un établissement bondé de petits gosses de riche à la dérive, Barbara ne s'y retrouvait pas parmi les moqueries et l'ambiance froide qui y régnait. Elle du y passer tout de même trois ans de sa vie, de ses seize à ses dix-huit ans. Tout ce que cela lui a apprit, c'est qu'elle ne devait plus agir comme elle l'avait fait à l'époque. Elle devait être plus discrète, se construire une double vie dont son père ne soupçonnerait jamais l'existence. C'est ainsi qu'elle entama des études de lettres « pour l'image » qu'elle abandonna une année plus tard, sans rien en dire à sa famille. Elle emménagea dans un appartement de Londres, pour son indépendance et postula pour un petit job de serveuse histoire de payer les factures.

Barbara, ou plutôt Elizabeth, pu vivre ainsi plusieurs années avant d'apprendre ce que son père prévoyait pour elle depuis son plus jeune âge. Un mariage. Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase mais néanmoins, dans un accord tacite avec Nathanael, elle préféra ne pas enflammer la situation et exploser le cadre familial.