(✰) message posté Ven 29 Aoû 2014 - 13:39 par Invité
i'll hold you 'til the hurt is gone
CALEB HYLAND & SELENA HYLAND
Le trajet se passe dans le silence. Un silence que je ne saurais pas interpréter. Est-ce dû au fait que nous n’ayons pas encore parlé de ce qu’il s’est passé cette nuit qui a précipité Caleb à l’hôpital ? Est-ce simplement parce que lui comme moi sommes exténués ? Ou bien s’agit-il d’autre chose ? Je n’en ai pas la moindre idée. Mais j’ai largement le temps d’y réfléchir, tâchant de rester concentrée sur la route malgré mes pensées évasives. Ce qu’il lui est arrivé, il faut que nous en parlions, c’est inévitable. Une overdose… moi qui ne savait même pas qu’il consommait une quelconque substance illicite, je me suis vue tomber de très haut au moment d’apprendre ce qui lui était arrivé pour le mettre à terre avec une telle violence. Le sujet est donc pour le moins délicat. Comment lui demander des explications sans qu’il se sente brusqué ? Je suis sa sœur et je suis en droit de savoir, mais je sais aussi que, comme moi, il préfère garder une part de sa vie dans l’ombre, loin de ma connaissance, et ce certainement pour de bonnes raisons. Sauf que là, il s’agit de quelque chose de grave, d’un danger qui pourrait bien nuire à sa santé, bien plus intensément que cette horrible nuit d’il y a quelques jours. Alors oui, j’avoue que dans ma réflexion, j’essaye de trouver comment formuler mes interrogations. Il faut qu’il me parle, il faut que je sache pourquoi il a fait ça et depuis quand il s’amuse à prendre ce genre de trucs. Il doit me parler. Je sais que la discussion risque d’être houleuse et compliquée, mais il a toujours été là pour moi, et aujourd’hui, c’est à mon tour de me montrer présente et de lui témoigner mon soutien. Ce pourquoi j’ai insisté pour être celle qui le ramènerait chez lui à sa sortie.
Nous rejoignons finalement le quartier de Camden Town puis arrivons dans la rue où habite mon aîné. Trouvant facilement une place de parking, je gare ma voiture et coupe le moteur après m’être assurée que le véhicule se trouve bien entre les lignes délimitant l’emplacement. Tournant la tête vers Caleb, je croise son regard et me contente de lui adresser un sourire qui se vaut tendre. Ne sachant pas quoi lui dire, je lance le mouvement et sors de la voiture, la contournant pour rejoindre le coffre que j’ouvre. M’ayant rejointe, mon frère tend immédiatement le bras pour récupérer son sac, mais ma main va délicatement attraper son poignet pour l’interrompre dans sa course. « Laisse Caleb, je m’en occupe. » Je joue peut-être le rôle de la mère poule, mais je ne veux pas qu’il se fatigue. Certes, il n’a pas beaucoup d’affaires, mais je préfère tout porter pour être certaine que cela n’augmente pas son épuisement. Glissant son sac à dos sur mon épaule, je referme le coffre et récupère mon sac à main avant de verrouiller la voiture et de rattraper mon frère qui s’est déjà dirigé en direction du bâtiment. Nous nous retrouvons rapidement devant sa porte, toujours sans un mot, porte que je le laisse ouvrir. Puis je me glisse à l’intérieur, allumant les lumières afin d’éclairer les pièces plongées dans la pénombre de la soirée. Rejoignant sa chambre, je délaisse ses affaires dans un coin de la pièce et rejoins Caleb dans le salon. « Je vais rester ici cette nuit, si tu veux bien de moi. » déclare-je en abandonnant mon sac à main sur le canapé. Je lui impose ma présence et ceci est planifié dans ma tête depuis quelques jours déjà, depuis qu’il a été administré à l’hôpital pour dire vrai. Je ne compte pas le laisser seul, en tout cas pas ce soir. Je m’empresse d’ailleurs de rectifier ma phrase, consciente que je lui laisse le choix de refuser ma présence. « En fait, non. C’est pas négociable, je reste. » Hors de question qu’il passe la nuit seul. Je veux m’assurer qu’il ne lui arrivera rien et que les médecins ont eu raison de le laisser sortir. Je veux veiller sur lui et être là pour lui.
Selena et Caleb, sortie d’hôpital version 2.0. Au fond c’est bel et bien ce que ça m’évoque. Un retour en arrière, une régression, des mauvais souvenirs. Sortir de l’enfer aseptisé, retrouver la vie normale, réelle, après seulement un court séjour dans ce vaste bâtiment où naissent, meurent, survivent, luttent, désespèrent des dizaines de personnes chaque jour. Un léger courant d’air me balaie le visage lorsque les portes à tambours pivotent ; l’atmosphère inodore et aussi pure qu’elle peut l’être en plein Londres s’engouffrent dans mes poumons. C’est stupide et réconfortant, de quitter ce microcosme dévastateur censé guérir et préserver. Ironie. Je suis docilement Lena jusqu’à sa voiture, sans opposer la moindre résistance. C’est bien la moindre des choses que je puisse faire, après tout le souci que je lui ai causé. Nous ne parlons pas pendant le trajet ; je me contente d’observer la route défiler par la vitre passagère. C’est rare qu’il y ait du silence dans une pièce où nous sommes rassemblés tous les deux. Nous sommes exactement pareils, tous les deux ; nous sommes capables de parler des heures ensemble, de tout et surtout de rien. C’est simple de rire avec quelqu’un qui nous connait par cœur. « Quand vous ne parlez pas, c’est qu’il y a un gros problème », a toujours dit notre mère en cas de rares disputes. Rien de plus vrai, je songe tandis que la voiture avance au rythme de la circulation londonienne. La vérité c’est que je ne sais pas quoi lui dire. Plus encore qu’avec Elias, je me sens gêné et blessé dans mon orgueil de grand frère. Je dois prendre soin d’elle. C’est elle le bébé, la petite dernière, c’est elle la personne à protéger. Ça ne devrait pas être l’inverse, ce n’est pas dans la logique des choses. Nous n’avons pas évoqué l’incident de l’autre soir. Pas encore, tout du moins. Le sujet plane cependant dans l’habitacle de la voiture comme une ombre malsaine. Je m’attendais à une explosion de sa part, à des questions, une confrontation. Mais au lieu de ça, rien. Rien, absolument rien d’autre que le silence. L’ambiance plombée me pèse, et je tente de m’absorber dans la contemplation du trajet pour ne pas y faire attention. Peut-être ne veut-elle pas en parler, au final. Je me mords la lèvre en inspirant brièvement. J’aimerais que tout ça soit derrière moi. J’aimerais que le sujet ne menace plus de ressurgir à tout instant, j’aimerais qu’il ait définitivement disparu. Pourtant je sais que les questions vont venir, et je sais que la dispute couve sous la surface tranquille. Méfie-toi de l’eau qui dort. Lena est comme ça. Une surface tranquille sous laquelle menace un geyser d’émotions et de colère.
Nous nous retrouvons en contrebas de mon immeuble, mais la conversation demeure inexistante. C’est sans doute la première fois que je ne sais pas quoi dire à Lena. Je suis à court de mots, et je n’ai même pas envie de chercher. Je me penche vers le coffre ouvert pour prendre mon sac mais Lena s’interpose d’autorité. « Laisse Caleb, je m’en occupe. » Je la dévisage un instant mais ne dis rien, serrant les mâchoires. Je me dirige vers la porte de l’immeuble et m’engouffre dans le hall tandis que Lena verrouille la voiture. Je fronce les sourcils une seconde en détaillant la serrure neuve de mon appartement puis fini par la déverrouiller. « Je vais rester ici cette nuit, si tu veux bien de moi. » J’ouvre la bouche pour répondre mais elle me devance. « En fait, non. C’est pas négociable, je reste ». Je secoue la tête. « Lena, j’apprécie, vraiment. Mais je vais bien, je t’assure. Tu devrais rentrer à la maison. Je te promets que je t’appelle demain matin ». Vaine tentative. Je sais pertinemment qu’elle ne va pas lâcher le morceau, et si sa propension à la combativité me rend d’ordinaire plutôt fier d’elle, il n’en va pas de même après les récents évènements. La solitude, le simple confort de n’avoir rien à promettre à personne l’espace de quelques heures, c’est de ça dont j’ai besoin. Je me sens cruel envers ceux que j’aime et qui m’aiment ; j’ai déconné, j’ai franchis les barrières de la confiance et je sais que Lena ne cessera pas de s’inquiéter de si tôt — comment pourrais-je lui en vouloir ?
Invité
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(✰) message posté Dim 7 Sep 2014 - 0:29 par Invité
Je ressens encore l’écho amer de ce silence pesant et lourd de sens faire frémir chaque atome de mon corps. Que nous parlions si peu n’est pas normal, si bien que je finis par céder en ouvrant la bouche pour laisser des mots se faufiler entre mes lèvres, les premiers depuis que nous avons quitté l’hôpital. Je vais rester et je ne lui laisse pas le choix. J’ai toujours été de nature têtue, ce depuis mon enfance. Rares sont ceux qui parviennent encore à ne pas céder à mes caprices, tous plus divers les uns que les autres. À vrai dire, Caleb reste la seule personne de mon entourage capable de me raisonner. Mais ce soir, il n’obtiendra pas satisfaction. Qu’il le veuille ou non, je compte bien m’installer chez lui pour cette nuit afin de m’assurer qu’il soit réellement hors de danger. Bien évidemment, je ne m’attends pas à ce qu’il accepte ma présence aussi facilement, si bien que je me contente de froncer les sourcils lorsqu’il m’assure aller bien, me conseillant de rentrer chez moi en finissant par me promettre de m’appeler le lendemain matin. Les phrases qu’il a employées me soulèvent le cœur. Comment peut-il dire une chose pareille ? « Tu vas bien ? Tu as fait une overdose, mais tu vas bien ?! » Les mots sifflent entre mes dents tandis que mes mâchoires se crispent. Je n’arrive pas à croire qu’il ose m’affirmer se porter presque comme un charme alors qu’il a frôlé la mort il y a peu. Il aurait pu y rester. Non mais est-ce qu’il s’en rend compte au moins ? Est-ce qu’il a conscience du fait que j’ai cru perdre définitivement mon grand frère, et ce pour la deuxième fois dans le cadre de ma courte existence ? Un rire soufflé et tendu m’échappe tandis que je prends soin de lever les yeux, mimant l’exaspération que je devrais ressentir en cet instant même. Sauf que je ne ressens aucune forme de contrariété, si ce n’est une anxiété difficilement maîtrisable. J’ai peur pour lui, réellement. Son état s’est amélioré et c’est bien pour cela que les médecins l’ont autorisé à rentrer, mais ce n’est pas pour autant que mes craintes ont disparu. Mais comme à mon habitude, je suis bien trop orgueilleuse pour simplement lui montrer à quel point je suis terrifiée. Je me dissimule derrière un masque de colère tenu avec brio devant mon visage, sachant pertinemment qu’il finira tôt ou tard par le briser, découvrant ainsi la vraie nature de mes sentiments en cet instant même. « Loin de moi l’idée que tu puisses réitérer l’expérience si je te laisse seul ce soir, mais je crois que la peur que j’ai ressentie en te trouvant inconscient dans ton appartement est un argument suffisant pour te faire comprendre que je ne bougerai pas d’ici. » Certes, j’évoque le fait que m’être retrouvée face à son corps étendu au sol et inanimé m’a effrayée tout comme il m’a ébranlée. Pourtant, mon ton sonne froid, intransigeant, faisant ainsi comprendre à Caleb qu’il ne me fera pas changer d’avis. Je ne partirai pas.
Un nouveau silence dérangeant suit mes propos. Bien… bravo Selena, tu te décides à ouvrir le dialogue mais y mets un terme presque aussitôt en parlant sans prendre le temps de te calmer. Chapeau bas. Me mordant la langue, je croise les bras, l’océan brillant de mes iris voguant au hasard jusqu’à retrouver les traits de ce visage que je connais par cœur. Bon sang… il faut qu’on en parle, je ne peux plus supporter ce mutisme qui s’impose entre nous, posant un cadenas parfaitement verrouillé sur le coffre des explications qu’il pourrait me donner par rapport à cette effroyable soirée. Il doit parler, il doit me parler. Je suis sa sœur, cadette certes, mais nous sommes suffisamment proches depuis ma naissance pour qu’il me fasse confiance… Non ? « Je ne voulais pas entrer dans le vif du sujet aussi vite, mais maintenant qu’on y est… » soupire-je finalement, décroisant mes bras pour tendre mes mains comme si je lui présentais un objet invisible dressé entre nous, ceci avant de laisser retomber mes bras le long de mon corps. Mon regard croise le sien. J’ai l’impression d’être face à un inconnu. Pourquoi Caleb ? Pourquoi ?« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Ma voix s’est adoucie, allant presque jusqu’à se montrer murmurée. « Qu’est-ce qu’il s’est passé » plutôt que « Qu’est-ce qu’il t’a pris ? » ou que « Pourquoi tu as fait ça ? ». Je ne peux pas me permettre de l’accuser directement de ses actes, car je sais qu’il n’en est pas pleinement responsable. Évidemment, il est celui qui a consommé je ne sais quelle saloperie jusqu’à mettre son organisme dans un état critique. Mais je connais mon frère et je suis prête à mettre ma main à couper quant au fait qu’il y a quelque chose de totalement indépendant de sa personne qui a lancé cette succession d’événements catastrophiques nous ayant menés jusqu'au point où nous nous trouvons. Les traits auparavant graves et tendus de mon visage se décontractent finalement, laissant une mine inquiète prendre la relève alors que mes mains se joignent pour permettre à mes doigts de se tortiller les uns les autres nerveusement. « Explique-moi Caleb, me laisse pas dans l’ignorance. J’ai besoin de comprendre… » De comprendre qu’est-ce qui m’a échappé, à quel moment j’ai cessé de m’intéresser suffisamment à mon frère pour saisir que quelques chose n’allait réellement pas. Il se drogue –ou se droguait, je ne sais pas à quel temps je dois conjuguer ce verbe. Comment ai-je pu être aussi aveugle pour ne pas le remarquer ? Comment ai-je pu laisser une telle chose se produire ? Il doit me parler, il doit lever le voile sur cette zone d’ignorance. Il faut que je sache.