kaspar Ҩ Bought some green curry to Thai me over.

« Monsieur Hansen, le directeur aimerait vous voir s'il vous plaît. »

Je relevais la tête alors que toutes les autres se tournèrent vers moi. Au seuil de la porte, se tenait une petite femme replète, coiffée d'un chignon et habillée d'un vieux tailleurs noir à motif à fleur. Elle avait retiré ses lunettes et me regardait d'un air grave. D'habitude, quand elle m'appelait, c'était souvent pour discuter de mes prochaines heures de colles, sauf que là, elle avait une toute autre expression et cela m'inquiéta.

« Mais.. j'ai pas fini mon interro de maths. » répondis-je en gloussant.
- Ça n'est pas grave, elle ne sera pas comptée. Venez avec moi tout de suite s'il vous plaît.

Je regardais à droite et à gauche toutes les personnes qui me regardaient en éprouvant un peu de gêne. Je remballais sans faire d'histoire mes affaires en louant le ciel de m'avoir envoyé Madame Biboch pour venir me chercher. Je n'avais pas révisé mes mathématiques si bien que c'était plutôt une aubaine le fait de pouvoir librement la rater. Ce que j'ignorais en revanche, c'était que j'aurais nettement préféré me recevoir un zéro pointé et vingt heures de colle injustifiées plutôt que d'aller accuser la nouvelle qui n'allait pas tarder à tomber.
L'atmosphère était lourde dans le bureau du directeur et ce dernier se leva en me voyant entrer. Il avait un air grave, qui me mit rapidement mal à l'aise. Je n'aimais pas ce regard, vraiment pas ! Dans des situations pareilles, je lançais toujours une réplique idiote dans le but de détendre l'atmosphère mais je compris qu'il ne fallait pas le faire. Que ça sentais mauvais et que j'étais concerné.
« Ecoutez monsieur Hansen, ce que j'ai à vous dire n'est pas facile à annoncer... »
Ma première pensée fut celle du renvoi. Peut être avaient-ils découvert ma cachette à sous et qu'ils allaient me le faire regretter. Car oui, même à cette époque, j'avais déjà des légères tendances kleptomanes.
« Pardonnez moi, je... »
« J'ignore de quoi vous voulez parler, mais nous tenions simplement à vous informer du décès de votre grand mère. Elle a été retrouvé morte à votre domicile en fin de matinée. Je suis vraiment désolé et vous présente toutes mes condoléances. »
Je ne répondis plus de rien à présent. Ma bouche, grande ouverte, refusait de sortir le moindre son et je n'arrivais pas encore à réaliser le sort qui m'était à présent jeté. Ma grand mère, unique personne qu'il me restait dans ma famille, venait de rendre l'âme. Comment réagissait-on dans ces cas là ? Comment pouvait-on percevoir de nouveau l'avenir ? Mon monde s'écroulait.

Je suis né à Oslo, en Norvège, d'un père norvégien aux origines italiennes et d'une mère purement britannique, s'étant installé dans le pays nordique pour y travailler. Je ne connais pas beaucoup mes parents. Déjà, pour commencer, je n'ai pas connu du tout mon père. Ce dernier, pompier, a péri sous les flammes quelques semaines avant ma naissance. Ce dernier avait rompu avec sa famille suite à de nombreux désaccord et en mourant, il avait laissé ma mère toute seule, à me donner la vie puis à m'élever deux ans durant. Le mauvais sort s'acharnant sur notre famille, lorsqu'elle apprit qu'elle était atteinte d'un cancer du foie, elle avait appelé sa mère pour venir s'occuper de moi qui n'était à l'époque qu'un très jeune enfant, sortant tout juste du poupin. Très vite les choses s'aggravèrent et la maladie l'élimina quelques mois plus tard. Ma grand mère décida dès lors de me prendre en charge et me ramena avec elle à Londres, capitale de l'Angleterre.
Son mari, qui devait être mon grand père, était mort depuis peu et avait légué une petite maison pas loin du centre ville. Lorsque je grandit, Grand Mère m'apprit qu'il était un très bon batteur et que ses amis et lui avait créer un petit groupe amateur de rock où ils reprenaient autrefois de nombreux morceaux de leur idole : Elvis Presley. Il était aussi fan d'AC/DC, Aerosmith et d'autres vieux groupes plus ou moins connu. Naturellement, je me pris de curiosité envers cette passion et me mit à apprendre à mon tour pour pouvoir l'imiter, bien que je ne l'eusse jamais connu. Ma grand mère m'encourageait et ne cessait de me dire que j'étais le digne petit fils de son grand père, ce qui à l'époque me faisait très plaisir !

J'avais fini mon année scolaire et passé mon diplôme avant de me retrouver à la rue. J'avais usé des dernières ressources que grand mère m'avait laissé et à présent, il ne restait plus rien. Les huissiers étaient venus récupérer toutes les affaires et cela me brisa le cœur plus que tout de voir la batterie de grand père se faire emmener. Naïf et idiot comme j'étais, je m'étais promis dès lors qu'un jour ou l'autre, je la récupérerais. En attendant, le propriétaire de la maison signa la fin de mon bail et la rue fut ma nouvelle maison. La seule chose qu'il n'avait pas été pris était... la voiture de Grand Mère. Elle me l'avait légué, puisque je venais d'avoir mon permis. En revanche, ne pouvant la faire démarrer, je la laissais encore et toujours sur le même parking, en y prenant soin autant que je pouvais puisque c'était mon nouveau chez moi.
L'avantage, c'était que je n'étais plus contraint par rien du tout. Je pouvais faire ce que je voulais quand je le voulais. Regarder la télévision à travers la vitrine des boutiques spécialisée en multimédia, me promener dans la National Gallery à mon aise, écouter la radio le soir avant de dormir, profiter de la vie tout simplement. J'aimais cette nouvelle vie, même si elle n'avait rien de facile. Les débuts ont été difficiles, mais j'avais fini par m'y faire. Et heureusement que je courrais vite, sinon je n'aurais jamais semé la patrouille de police à mes trousses lorsqu'une fois, un gars s'était aperçu que je lui avait chipé son porte monnaie ! En revanche, je m'étais déjà fait rétamer la tronche par des racailles plus nombreuses et plus corpulentes que moi. A force, j'avais appris à me défendre, mais j'avais encore quelques difficultés. La nuit restait prédatrice et on pouvait toujours s'attendre à de mauvaises surprises, en particulier de la part des dealeurs...

Mais si cela faisait déjà un brin d'années que j'avais fini par adopter cette condition, je désirais à présent me trouver quelque chose de plus aisé. Je ne voulais pas rester ainsi pour le restant de mes jours, à attendre que le temps passe. Il y avait beaucoup à faire et je désirais aller de l'avant. Le hic c'était que je n'avais toujours pas trouvé quoi...