Boum... Boum... Pow! ► Spencer

Boum... Boum... Pow!

Parfois, on fait des rencontres auxuquelles on ne s'attend pas. En vadrouille à North London pour m'acheter des pinceaux et de la peinture, je me suis enfin décidée à quitter mon quartier pour aller rendre visite à Lexie plus tôt dans la journée. C'est donc habillée d'une robe d'été bleu marine et de mes éternelles doc martens noires que je m'étais aventurée dans la grande ville de Londres que j'aimais tant. Lexie et moi avions passé la matinée à parler des dernières nouvelles, et de mon envie de dévaliser tous les magasins de la ville. Jusqu'alors, ça avait été comme un rituel à chaque début d'été, en période de soldes. Sauf que je n'avais pas l'argent pour me permettre cela depuis que j'avais détruit une bonne partie de mes meubles après avoir croisé Zola dans le parc pour enfants d'Hammersmith. Je m'étais tout de même autorisé quelques courses pour m'acheter de quoi peindre. Depuis que j'avais rencontré Dyngan, l'envie de peindre était revenue, et l'inspiration tout autant. C'est donc avec bonne humeur que je sortais de la boutique, les bras chargés de deux sacs d'accessoires pour peindre. Je passais alors devant le Starbuck de North London et entrais afin de me prendre un café. Je commandais patiemment et ressortis alors. Je me dirigeais vers un banc pour m'asseoir lorsque je sentis mon portable vibrer. Je le cherchais longuement dans mon sac avant de le trouver et de le sortir. Julian m'avait envoyé un message en me demandant de passer le soir même. Je répondis que je passerais dans la soirée et c'est alors que je heurtais quelqu'un. Je ramassais mes sacs qui étaient tombés et lançais : « Pardon, je suis désolée, je ne regardais pas devant moi. Tout va bien? » Par chance, mon café n'avait pas coulé. Je relevais alors ma tête et je restai figé quelques instants lorsque je reconnus la personne en face de moi. Spencer. Mon ami du lycée. Un sourire se dessina sur mes lèvres et je le pris alors dans mes bras, sans plus attendre. « Comment vas-tu? Ça me fait tellement plaisir de te voir! » Spencer et moi traînions ensembles alors que nous étions au lycée, mais nous nous sommes perdus de vue lorsque ce dernier m'a avoué ses sentiments. Je pris alors sa main, sans même me soucier de ce qu'il avait prévu, et l'entraînais jusqu'au banc où je comptais m'asseoir. Je déposais mes affaires près de moi et me tournais vers lui, prête à prendre des nouvelles de cet ami qui m'avait tant manqué malgré tout.
Il n'avait pas changé. Il était toujours aussi beau, toujours avec cet air de garçon paumé mais adorable. J'avais l'impression de revenir des années en arrière, alors que tout allait bien. Alors que Zola et moi étions ensembles, heureux, amoureux et où nous représentions encore le couple parfait dont tout le monde rêve. J'avais du mal à croire que je me trouvais avec Spencer, ce Spencer là. Et je me dis alors que les choses étaient bien faites et que je devais profiter de ces retrouvailles pour retrouver mon ami. Or, je me rendis alors compte qu'il allait découvrir une tout autre Kenzo, bien différente de celle dont il était tombé amoureux. Et j'eus un pincement au coeur lorsque je compris que les choses n'allaient pas redevenir comme avant, et que j'allais sûrement le faire fuir et que j'allais susciter sa pitié avec mon histoire tordue, morbide, et chaotique.

Boum... Boum... Pow!

Il y a des heureux hasards. En sortant ce matin, je ne m'attendais pas à croiser ce vieil ami de lycée. Je pensais tout simplement aller faire mes quelques courses et rentrer tranquillement avant de me servir un verre d'eau et me mettre à peindre. Mais ce timing avait fait qu'en sortant de Starbuck, j'avais percuté ce jeune homme. Ce jeune homme qui était autrefois mon ami, et qui attendait plus de ma personne. Il avait été un regret. Liée à jamais à Zola, je n'avais jamais eut la place pour un autre homme dans ma vie, et l'idée ne m'avait même pas traversé l'esprit. Depuis ce jour où nous nous étions éloignés l'un de l'autre, je n'avais eut aucune nouvelles de sa part, et je n'avais pas cherché à en avoir, persuadée que cela ferait plus de mal que de bien. Je m'étais contentée de parcourir ses profils facebook, twitter et instagram afin de me tenir au courant sur sa santé, son moral, sa vie. Et ce que j'avais cru comprendre ne me paraissait pas trop mal. Et à l'instant où il avait répondu à mes plates excuses, j'avais reconnu la personne qui s'était adressé à moi. J'aurai pu me montrer froide ou faire semblant de ne pas le reconnaître, mais retrouver une personne qui avait fait parti de mon heureux passer me fit d'abord chaud au coeur. Et j'espérai qu'il soit tout aussi heureux de me revoir, mais sa réaction m'enleva tout espoir d'heureuses retrouvailles, et blessée, je souris afin de cacher cette douleur qui grandissait à l'intérieur de moi. J'avais tout gâché, pour et avec Zola. Et aujourd'hui, je payais les erreurs du passé. Alors je commençais à me faire à l'idée que nous allions échanger quelques mots, ainsi que nos numéros, nous quitter tristes et le coeur lourd, et contempler le numéro l'un de l'autre sans jamais nous contacter. Mais lorsqu'il me demanda si j'avais du temps, un sourire se dessina sur mes lèvres et je relevais à nouveau la tête, comme si j'étais enfin autorisée à montrer mon visage de glace. Je hochais la tête, en souriant timidement et répondis d'une voix faible : « Oui bien sûr, viens. » J'attrapais sa main et l'attirais jusqu'au banc non loin de là. Il faisait beau, et nous devions profiter de ce soleil tant qu'il était décidé à se montrer. Délicatement, je posais mon sac de courses à côté de moi et croisais les jambes en apportant pour café à mes lèvres. Je me mis à l'observer. J'étais émue de revenir quelques années en arrière et de retrouver Spencer qui m'avait tant manqué malgré ce choix que j'avais fait de ne pas l'accepter dans mon coeur. Ce coeur qui n'avait appartenu qu'à Zola. Et qui lui appartiendrait toujours. Retrouver Spencer me faisait revivre d'une certaine manière, comme s'il apportait une touche de couleur à ma vie si terne et si triste. Comme si ce soleil et ces retrouvailles s'étaient donnés rendez-vous pour illuminer ma vie et réchauffer mon coeur si lourd et si douloureux. Avec douceur, j'apportais ma main à son visage et caressais sa joue. Il me connaissait, il savait que je ne parlais jamais et que tout passait par les gestes. Mais ayant peur qu'il ne se réhabitue pas à mon comportement, j'ajoutais : « Tu n'as pas changé... » Je lui souris alors et laissais ma main retomber sur ma jambe avec lourdeur. En vérité, je contrôlais chacun de mes gestes, chacun de mes mots dans la peur de le blesser, de l'énerver ou de lui rappeler quelle personne j'avais alors été lorsqu'il était tombé amoureux de moi.
Aujourd'hui, il allait découvrir une nouvelle facette de moi. Cette facette, certes déjà présente autrefois, mais surtout majoritaire et prenante désormais. Cette facette triste, de jeune femme perdue, irresponsable et autodestructrice. Perdre le pilier de ma vie avait fait s'effondrer toute ma raison, tout mon esprit, toute ma vie. Et je n'avais même pas essayer de me reconstruire. Spencer m'avait connu forte, battante, courageuse et ambitieuse. Et il allait désormais retrouver une jeune femme sans but, qui existe mais qui ne vit pas, et à cette idée, je sentis mon coeur se serrer. Je ne voulais pas qu'on me plaigne, qu'on ai pitié de moi ou provoquer les larmes. Je voulais juste retrouver un sens à ma vie, ou plutôt, laisser la vie me redonner un sens à l'existence. Et j'avais l'espoir, et je dirai même la conviction, que Spencer pourrait y contribuer. Car l'amitié est la seule chose aussi forte que l'amour, si ce n'est pas plus encore.

Boum... Boum... Pow!

J'étais particulièrement douée pour faire semblant et montrer aux gens ce que je désirais voir. Mais avec mes amis, ou des gens qui l'avaient été, je ne voulais pas faire semblant, je ne voulais pas montrer qu'une image de moi-même. Et je remarquai rapidement que je n'avais pas besoin de dire clairement à Spencer ce qui n'allait pas pour qu'il comprenne que quelque chose clochait. Et je vis à son regard qu'il avait tout compris. Alors j'essayai néanmoins de ne pas mettre toute l'attention sur moi. On alla donc s'asseoir sur un banc en face du Starbuck. En effet, désormais, j'étais plutôt le genre de personne à rester en retrait de la population lorsque je parle de moi-même, et à profiter de l'air pur et de la nature. Je vis bien à son visage que Spencer était surpris que je l'emmène sur le banc et non dans le Starbuck. Mais contrairement à ce qu'il dit, j'avais changé. Je baissais alors le regard, gênée. S'il savait à quel point rien n'était plus pareil. Je soupirais et je vis alors qu'il me tendait une cigarette. En souriant, je murmurais un "merci" à peine audible et l'apportais à ma bouche. Après l'avoir allumé, je soufflais une bouffée de fumée et regardais mon ami. Ce qu'il me demanda me figea alors. Je soufflais et le regardais alors, d'un air désolé. Je n'aimais pas pourrir les journées des gens, et je savais qu'avec mes malheurs, Spencer se sentirait quelque peu déprimé. « J'ai changé Spencer. Plus rien n'est comme avant. Zola et moi, c'est fini depuis plus d'un an... » Les choses étaient dites et je n'avais pas besoin de m'éterniser des années là dessus pour que Spencer comprenne à quel point la situation était devenue pesante et à quel point je pouvais être malheureuse. J'eus un sourire triste et je regardais alors devant nous.
« Bref. Quoi de nouveau? » Bien évidemment, nous n'étions pas là pour parler de moi et mes petits malheurs, mais aussi de lui. Et bien évidemment, sa vie était ce qui m'intéressait le plus en cet instant de retrouvailles. Je lui souris et je m'assis alors en tailleur, tenant toujours mon café chaud dans mes mains, ma cigarette coincée entre deux doigts. Je tendis alors mon café à Spencer comme pour lui proposer d'en boire. Je me sentais minable, incapable de rendre ces retrouvailles joyeuses et amusantes, au contraire, j'allais tout gâcher. Honteuse, je baissais à nouveau les yeux et tirais une nouvelle taffe sur ma cigarette. Puis je posais ma tête sur l'épaule de Spencer, avant d'observer les alentours.

HS: Désolée c'est vraiment pourri...   

Boum... Boum... Pow!

S'il y avait une chose que les savaient à mon sujet, c'est que j'avais partagé une bonne partie de ma vie avec Zola. Ainsi, il était presque obligatoire que son prénom apparaisse dans la conversation. Néanmoins je regrettais ce sujet obligatoire car c'est avec douleur et tristesse que j'avouais, depuis ma fausse couche, que les choses n'étaient plus comme avant. Qu'il n'avait plus Zola et Kenzo, mais Zola, seul, déterminé et détruit, et Kenzo, brisée, souillée, coupable de tout ce malheur. De plus, je me retrouvais, des années après nos derniers échanges, à devoir annoncer à un homme qui m'avait aimé que désormais j'étais libre. Comme si je l'invitais à revenir des années en arrière et à réitérer sa demande. Or ce n'était pas le but de cet aveux. Je me devais d'être sincère, de dire les choses telles qu'elles étaient car Spencer avait été mon ami et pouvait le redevenir à chaque instant. Je n'aimais pas qu'on me mente, alors dans la même morale, je ne devais pas mentir, ni omettre quoique ce soit qui puisse laisser de fausses idées planer au dessus de moi. Et je vis à son visage que les choses le surprenaient. Il m'avait toujours connu au bras de Zola, il m'avait voulu alors que lui et moi nous aimions plus que jamais, et il m'avait perdu car ma vie se trouvait au côté de mon âme soeur. Désormais, j'étais seule. Seule comme je ne l'avais jamais été, et comme il ne m'avait jamais connu.
« Les choses ont déparées. On se faisait du mal. » Avouais-je simplement en approchant la cigarette de mes lèvres. Tout en tirant une autre taffe, je regardai devant moi. Comment lui expliquer, sans trop d'artifices, que ma vie avait radicalement changé. Je tournais alors la tête vers lui, le regardais un instant, et résignée, repris la contemplation de la rue qui - sincèrement -, n'était pas très intéressante. « Je suis strip teaseuse. » Balançais-je alors comme si cela pouvait expliquer dans son intégralité mon changement. Je me risquai alors à scruter son visage. Tournant la tête vers lui, je soupirais alors et passais une main dans mes cheveux en l'écoutant me parler des dernières choses qui s'étaient passées dans sa vie, de sa situation actuelle. Je souriais. Il réussissait plutôt bien. Ainsi Spencer était aussi musicien, chose que j'ignorais jusqu'alors. Avec sincérité, je lui souris et répondis : « Tu me feras écouter ce que vous faites? » Il lui manquait une copine. Je me raclais la gorge. J'étais tellement gênée que je tournais la tête dans la direction opposée afin qu'il ne voit pas mes joues rosies. Cette conversation dérivait d'une façon peu habituelle. Au fond, quelque chose existait encore entre Spencer et moi, et elle nous empêchait d'avoir des retrouvailles sans complications.
« Pas grand chose. J'ai un appartement à Hammersmith. » C'était, en effet, la seule chose que j'avais à répondre. Honteuse, je me recroquevillais sur moi-même, et continuais de fumer ma cigarette, le regard perdu au loin.