12 ans. « Je t'ai posé une robe sur ton lit princesse, va prendre ta douche, je m'occuperai de tes cheveux ensuite. » Je roulais des yeux et finissais par les poser sur ma mère, lassée. Un simple regard vers mon père et elle se tournait à nouveau vers moi, balayant ma personne d'un geste de la main. Autrement dit, ne discute pas Skye, va prendre cette douche et te préparer. Je poussais un long soupire, bras croisés contre ma poitrine en accusant mon père du regard.
« Je viens d'avoir deux heures d'entrainement papa, je suis épuisée. Est-ce que je peux être absente UNE seule fois ? S'il-te-plait? » Mon père semblait agacé par ma demande et pour cause : je connaissais parfaitement la réponse. J'essayais d'éviter ces soirées caritatives depuis six ans, soit depuis qu'ils avaient décidé que c'était ma place de les accompagner plutôt qu'être à la maison avec une nourrice et la fratrie.
« Ta place est à côté de nous Mila, tu as beau essayé d'y échapper, tu nous accompagnes. » Y échapper? Non seulement je n'en avais rien à faire mais par dessus tout, je venais d'avoir huit longues heures de cours comme tout enfant de douze ans, accompagnées de trois heures de tennis, je rêvais de mon lit. Depuis l'âge de quatre ans, j'avais été inscrite dans un club, sport qui ne m’intéressait pas spécialement si jeune mais que pratiquait la meilleure amie de ma mère, ma marraine. J'avais commencé par y aller pour le plaisir et les entraînements s'étaient rapidement durcis, Elena voyant une future championne en moi, elle était devenue mon entraîneuse personnelle. Elle avait arrêté sa carrière, ayant fait son temps, et s'était reconvertie, fière d'entraîner sa filleule et de continuer dans ce monde. Si j'avais été pendant quelques années fière de gagner quelques coupes par-ci par-là pour des championnats régionaux et européens, écrasant mes adversaires, je perdais petit à petit le plaisir. Je ne savais pas si c'était réellement le sport ou l’enchaînement avec les cours mais c'était beaucoup trop. Cerise sur le gâteau, les nombreuses soirées de charités venaient s'ajouter et mes parents tenaient à ce que leurs enfants soient présent à chacune d'elle. Mon père était en politique et bien que je n'y comprenne absolument rien, il avait besoin de nous, de cette famille unie à ses côtés
pour le bien de carrière. J'avais envie de tout laisser tomber mais on ne m'autoriserait pas à briller par mon absence et encore moins à abandonner le tennis. Je montais donc les escaliers, les bras ballants dans le vide pour leur montrer à quel point cela me réjouissait, même si je savais pertinemment qu'ils n'en avaient rien à faire. Après quelques mois de bataille, j'arrivais à gagner une bataille, celle d'être scolarisée à la maison, histoire de pouvoir me consacrer presque pleinement au tennis. Les devoirs devenaient optionnels, quand j'en avais le temps, même si mes parents veillaient à ce que je ne prenne pas trop de retard sur les enfants de mon âge.
18 ans :
« Félicitations pour votre victoire à Doncaster. Qui sait de quoi vous serez capable l'année prochaine à Wimbledon? » J'adresse un sourire poli mais faux à la journaliste en question. Elle ne s’intéresse pas vraiment à cette victoire inattendue, c'est juste une manière polie d'engager la conversation sur mon père et sa campagne ratée pour être premier ministre. J'ai crée la surprise à ce tournoi, malgré la haine que m'inspire le jeu à présent. J'ai donné tout ce que j'avais, mais dans un seul et unique but : partir la tête haute. Ce que je n'ai encore annoncé à personne.
« Un mot sur votre père mademoiselle Abbott? » Je m'humecte les lèvres et William, mon frère qui se tient à mes côtés, en profite pour prendre la parole le premier.
« Personne ne pourrait représenter mieux que lui les valeurs du royaume-unis. Il fait toujours ce qu'il y a de mieux pour tous. » Je laisse échapper un rire, amusée et dégoûtée par la situation. J'ai beau aimé sincèrement mon frère, il absorbe les paroles de mon père comme une éponge et le suit tel un toutou depuis toujours. La journaliste se tourne à nouveau vers moi, attendant un commentaire expliquant ma réaction. Je reprends un air on ne peut plus sérieux et prend une longue inspiration.
« L'Angleterre ferait la plus grosse erreur de sa vie en votant pour lui. C'est un escroc, vous ne savez rien. » Je plante mon regard dans celui de mon père sans le baisser en déversant cette simple phrase. Les journalistes photographient tout autant sa réaction que la mienne, avides de ne pas rater une miette de notre échange mental. La main de William se ressert autour de mon poignet et m'éloigne de l'agitation médiatique, me jetant pratiquement dans la limousine qui se trouve à la sortie de la salle de réception.
« Tu ne réfléchis à rien Skye! T'as pensé à son retour? Parce que moi j'y pense et je te conseille de faire tes valises et de partir avant de l'affronter! » Je continue de sourire, j'ai beau trembler de chacun de mes membres, je suis fière de moi. Malgré la peur au ventre, malgré ma vie que je viens sans doute de gâcher, je me sens libérée.
« Je réfléchis justement. Il risque d'y avoir des tonnes d'enquêtes et crois-moi, j'espère qu'ils vont trouver toutes ses magouilles. On ne parle pas que d'argent Will! Tu t'es déjà dit qu'il ne méritait pas ton respect, encore moins cette vie de luxe alors que certaines personnes ont tout perdu par sa faute? Vous êtes aussi ignobles que lui en fermant les yeux! Toi, maman. » J'en ai profité moi aussi. J'aime cette maison qui ressemble à un château ou encore la Porsche offerte pour mes 18 ans. Cela ne m'empêche pas d'en profiter avec une pointe de culpabilité énorme en sachant d'ou provient cette argent.
« Tu sais que je n'en pense pas moins Mila... mais tu as pensé une seconde à nous? Aux petits? tu t'en fou, tu as la carrière de rêve, tu n'as plus besoin des parents pour survivre, tu l'as eue ta vie de princesse. Et tu prives les petits d'avoir la même. » Je lève les épaules en me mordant la joue. Jamais ô grand jamais je n'ai pensé à l'influence que mes paroles pouvaient avoir sur la vie de Peyton et Nate, âgés de 13 et 12 ans. Je ne veux pas que mon petit frère et ma petite sœur se retrouve avec une vie misérable mais mon père ne méritait pas de continuer à la mener.
« Vous irez tous bien. Continue ton petit jeu de fils-à-papa si ça t'amuse. » J'adore William, vraiment. Mes frères et ma sœur sont ce que j'ai de plus chers mais son comportement m'insupporte. Je sors de la voiture pour me diriger vers la mienne, à quelque pas de celle-ci, prenant mon téléphone au passage.
« Raph? Je peux passer? J'ai fait une connerie... Je crois. » Je pousse un long soupire et ravale mes larmes. Le soulagement mêlé à la peur me déboussole complètement, j'ai besoin de mon meilleur ami.
« Respire Mila. Tu veux que je passe te prendre quelque part? » « Non, je suis en route. » Je raccroche et tourne la clé dans le contact de ce bijou qui me sera sans doute enlevé, comme le reste, dés l'aube.
19 ans : Le téléphone sonne et je pousse un long soupire. Pour la cinquième fois, j'ai annulé la conférence de presse dans laquelle je suis censée annoncée mon retrait du tennis, mais je n'y parviens pas. Ma marraine est l'une des seule personne qui me soutient encore et ma carrière est sa grande victoire.
« Papa est sous les barreaux, j'espère que t'es fière de toi Skye! Mais bien sur que tu l'es, c'est facile pour toi, tu t'es barrée après avoir lâché cette bombe! » J'avale difficilement ma salive en écoutant les paroles haineuses de ma petite sœur au téléphone.
« Je suis désolée Peyt' » Elle me coupe,a vant même que je ne puisse me justifier sur mes paroles.
« Te fatigue pas Skye, t'es qu'une égoïste. » Je pousse un long soupire, levant les yeux au ciel. En six mois, c'est les seules paroles qui sont sorties de la bouche de ma mère et William, je n'ai pensé qu'à moi et pas au drame qui allait touché la famille au complet. Les petits ont fini par boire leurs paroles, évidemment.
« Tu sais quoi Peyton? Oui je suis une égoïste, désolée de te priver de ta petite vie de princesse pendant que des gens crève de faim pour te payer ton château! Papa se trouve exactement là ou il est censé être depuis des années, je ne regrette pas une seule seconde mes paroles et crois moi que si j'avais des preuves à fournir aux enquêteurs pour l'incriminer un peu plus, je me ferais un plaisir de le faire! Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis là pour vous... Vous ne serez jamais sans rien et tu le sais. Mais continuez à essayer de le défendre si ça vous chante. » Je raccroche, les mains tremblantes. Je m'en veux, elle n'a que 14 ans mais c'en est trop pour moi. Cette attention médiatique autour de ma victoire, autour du scandale et les reproches de la familiale au complet qui fusent depuis des semaines. Je décide de prendre la voiture et de rouler aussi vite et loin que possible. J'ai besoin de m'éloigner de cette ville qui m'étouffe ne fus-ce que 24h.
« Bébé... Je pense passer le weekend au chalet, j'ai besoin de ne voir personne l'espace de quelques heures. » Je laisse un message à Raphaël, mon petit ami depuis quelques mois. Tout le monde trouve que c'est la suite logique de notre relation, même si je les ai toujours contrarié lorsqu'on m'en parlait : il était mon meilleur ami et c'est tout. Ils avaient tous raison.
Lorsque j'ouvre les yeux, c'est avec un mal de crâne insoutenable et des bip incessants qui me donne envie de m'écraser la tête contre un mur pour que cela cesse. Je mets un certain temps à réaliser que je suis à l’hôpital, ou ma famille est présente contre tout espoir. double fracture du tibia, commotion cérébrale, poumon perforé, opération. Je ne capte que quelques mots dans la longue liste des informations donnés à ma mère. Ils restent un certain temps à mes côtés et je ne prononce pas le moindre mot, faignant de ne pas en être capable. J'ai mal, mais je pourrais faire un effort. Quand ils finissent enfin par tous partir, j'agite légèrement les doigts en toussotant pour capter l'attention de Raphaël qui semble portée sur la fenêtre de ma chambre. Il attrape ma main et pose sa joue sur celle-ci.
« Ne me fait plus jamais une peur pareil, compris? » J’acquiesce et ne tente même pas de retenir les larmes qui envahissent mes joues.
« Je crois que je l'ai fait exprès... Ils ont surgit de nul part et je n'ai même pas cherché à les éviter. » Je serre la mâchoire. Ce gibier était planté au milieu de la route, une voiture était arrivée dans l'autre et j'avais eut à choisir en une fraction de seconde entre celle-ci et l'animal. J'avais donné un coup de volant vers l'autre voiture. Pou sauver cette pauvre bête, pour provoquer cet accident. Pour ne jamais remettre les pieds sur un court de tennis avec une excuse en or. J'aurais pu tuer d'autres personnes par peur de la réaction d'Elana, je ne méritais même pas d'ouvrir les yeux à nouveau. Un silence de plomb s'installe dans la chambre et je lis diverses émotions dans ses yeux, en passant de l'incompréhensions à la colère. Le temps qu'il remette ses idées en place, je ferme les yeux pour ne pas affronter la suite de la conversation.
23 ans : « Raphaël ouvre bordel! » Je frappe une énième fois dans sa porte en hésitant à utiliser ma clé pour ouvrir la porte de son appartement. On a beau être séparé depuis 1 an, je ne lui ai jamais rendue - comme je n'ai jamais envisagé de l'utiliser un jour à nouveau. Il fini par ouvrir, les paupières encore lourdes de sommeil. Je lui adresse un sourire faux et le dépasse pour entrer sans qu'il ne m'y invite.
« Avant d'hurler que je n'ai rien à faire ici, encore moins de si beau matin... » Je pose un doigt sur mes lèvres pour lui signaler de ne pas interrompre.
« Nos 23 ans. On parle de Vegas depuis plus d'un an, Trish, Josh, Megan, tout le monde l'attend cet anniversaire. Je pense qu'on devrait y aller, comme prévu. » Je le laisse digérer ces informations un quart de seconde avant de reprendre la parole.
« Y'aura bien assez de distractions pour qu'on aie autre chose à penser que se taper dessus. Tu penses pouvoir me supporter 3 jours d'affilés? » Mon ton est un brin ironique, je ne peux m'en empêcher. On a été si proches, depuis toujours... ne reste qu'un énorme vide entre nous. Il a été mon meilleur ami dés que j'ai été en âge de balbutier, pour devenir mon petit ami à l'âge de 19 ans. On a eut des hauts, beaucoup de bas, mais la vie nous a toujours réunis jusqu'il y a six mois ou la rupture définitive à pointer le bout de son nez. Mon meilleur ami me manque parfois, mais ma rancœur envers mon ex petit ami prend le dessus. Je n'admettrai jamais que j'ai besoin de lui.
« Si tu veux. Vegas, yeah. » Son on est encore plus ironique que le mien, mais je tente de ne pas y accordé trop d'importance.
« Parfait. Je m'occupe de tout, je t'enverrai un mail avec les détails. Envoie moi tes invités et tes demandes particulières si tu en as. Je te laisse retrouver Morphée. » Ou tout autre pétasse qui pourrait très bien être dans son lit en ce moment même. J'attrape les clés, mon sac et lui vole un baiser, étant là pour l'énerver plus que pour le remercier. Ce geste est trop naturel. La maniaque de contrôle en moi est prête à tout organiser, je rêve de ce voyage depuis si longtemps, il est hors de question que je laisse notre rupture m'enlever cette joie. Je pouvais tout aussi bien envisager d'y aller sans lui mais nos amis communs ont tout en tête depuis un moment, je ne tiens pas à le mettre de côté ou à le priver de leur présence en les embarquant à l'autre coin de la planète. Et nous n'avons jamais fêté notre anniversaire séparément, ce serait trop étrange de le faire cette année.