It's not a habit ♣ Castiel && Kate

Août 2018

Il y a des clients qui viennent régulièrement. Des têtes que j'ai pris l'habitude de voir dans la boutique, que je reconnais, dont je connais les préférences. Il y a cette mère de famille, qui vient toutes les semaines fleurir son salon. Il y a ce vieux couple d'anglais pure souche, qui s'approvisionne toujours du même thé, une fois par mois, et qui s'arrête déguster un thé sur place en discutant. Et puis il y a ce jeune homme blond, qui ne semble pas vraiment à sa place si on s'en tient à son apparence, qui vient refaire son stock de thé, au jasmin entre autres, et dont le blouson de cuir ne passe pas vraiment inaperçu. Ce jeune homme, je pourrais ne pas m'attarder sur son cas, pourtant, ne serait-ce que parce qu'il vient ici régulièrement, il fait partie des clients que j'ai repérés, et pour lesquels je m'efforce de personnaliser l'accueil. Et puis...

Et puis il y a ce collier, autour de son cou, qu'il touche régulièrement. Et ça, je ne peux pas y rester indifférente, parce que c'est un geste que je fais très régulièrement moi aussi. Quand il est entré la première fois, j'étais en train de remettre un peu d'ordre, et je me souviens avoir froncé les sourcils, un peu étonnée de voir quelqu'un de son genre entrer dans ma boutique. Je n'aime pas avoir des préjugés sur les gens, et je me suis efforcée de ne pas le faire ressentir à mon client, mais je n'ai pas pu m'empêcher de me demander s'il venait vraiment acheter quelque chose. Il s'est avéré que oui, et j'ai été tout aussi surprise de son intérêt pour les différentes fragrances de thé et tisanes que je pouvais proposer. Alors la conversation, certes parfaitement professionnelle et uniquement centrée sur ses achats, s'est faite plus aisément que je ne l'aurais cru.

Et puis il y a ce A, autour de son cou. Comme ce S autour du mien. Comme le A de Aaron, gravé sur la médaille de baptême de mon fils. Je m'efforce de ne pas trop laisser tomber mon regard sur lui, de peur que les questions que je peux me poser me soient renvoyées, de peur de lancer un sujet sensible aussi - c'est le cas pour moi après tout. Mais je sais bien qu'il m'arrive de ne pas pouvoir m'en empêcher. Tout comme je ne peux pas toujours retenir ma main qui s'élève vers mes grigris en sa présence, parfois.

A force, cependant, c'est avec un sourire un peu plus chaleureux que pour mes autres clients moins réguliers que je l'accueille quand il passe la porte de ma petite échoppe, et aujourd'hui ne fait pas exception.

- Bonjour !

Ma voix est sans doute plus enjouée que quand il s'agit de quelqu'un d'autre, sans doute, aussi. Et à vrai dire, les temps sont assez calmes avec la période estivale, et je ne suis pas fâchée de voir quelqu'un aujourd'hui - à part un touriste demandant son chemin, je n'ai guère eu de visiteur depuis l'ouverture...

La canicule. J'ai pas vraiment la peau qu'il faut pour la supporter, et je reste enfermée dans ma boutique climatisée le plus clair de mon temps. Une seconde sous un soleil pareil, et je parie que je deviens écarlate. Même mon appart n'est pas aussi frais, et j'ai redescendu certaines de mes plantes qui s'acclimatent mal des trop fortes chaleurs pour qu'elles survivent. Si je m'écoutais, je mettrais bien un matelas par terre dans le bureau, d'ailleurs, plutôt que de regagner ma chambre...

Les clients se font rares, aussi, et l'ennui me gagne rapidement ces jours-ci. Assise devant le laptop sur lequel je publie mes articles, je tente désespérément d'écrire depuis ce matin, mais rien ne vient. Pourtant, je pourrais donner des conseils pour telle ou telle plante compte tenu de la météo, ou présenter tel ou tel mélange à boire en thé glacé... Mais je n'y arrive tout simplement pas, et mes doigts tripotent mes grigris plutôt que de pianoter sur le clavier. Alors quand son vélo s'arrête devant la boutique, j'accueille la distraction avec un sourire sincère.

"Bonjour Kate. Il faut me sauver la vie, je voulais faire du thé glacé, mais j'ai plus de thé !!
- S'il faut te sauver la vie alors !"

Je souris, et cherche du regard les boîtes que j'ai l'habitude d'ouvrir pour lui. Je me souviens parfaitement de la première fois où il a mis les pieds dans mon échoppe. De mes craintes pas forcément légitime en voyant ce petit loubard tourner et virer dans tous les sens. J'étais pas sereine quand il est venu jusqu'au comptoir, et j'ai mis quelques secondes je crois à imprimer qu'il me demandait réellement du thé. Je l'ai encore dévisagé un moment avant d'accéder à sa demande. Et puis il est revenu, une fois, puis deux, puis trois... Puis tout le temps.

"Jasmin toujours ? J'ai ce thé blanc à la rose et à la violette qui passe pas mal en thé glacé aussi en ce moment... Tu veux goûter ?"

Je m'affaire à lui préparer les sachets habituels, lui faisant systématiquement sentir les fragrances avant d'emplir des sachets, tandis qu'il reprend la parole, pour combler le silence.

"Quoi de neuf ?? Pas de vacances cette année ??
- J'ai hésité à fermer la boutique, mais la comptable m'a gentiment expliqué que les comptes me le permettent pas trop en réalité. Enfin c'est pas comme s'il y avait beaucoup de clients en ce moment, tout le monde est en vacances sauf nous on dirait..."

Les premiers sachets déposés sur le comptoir, je m'approche à nouveau, déposant un verre de thé glacé devant lui presque d'office finalement, avec un sourire aimable, et je m'en sers un par la même occasion.

"Toi aussi tu restes ici ?..."

Et je porte mon verre à mes lèvres pour siroter une gorgée du thé fleuri bien frais que je nous ai servi.

L'ennui. Quel fléau ! Alors s'il s'agissait de vie ou de mort de son côté, faute de pouvoir s'abreuver en thé, pour ce qui concernait la rouqine, il était assez évident - sans aucune exagérer bien sûr - qu'elle serait morte d'ennui sans son intervention. Peut-être est-ce tout aussi visible dans son empressement à s'occuper de lui que dans son discours, d'ailleurs. Elle n'est pas avare de sourire quand il s'agit du jeune homme, ne peut s'empêcher son regard d'accrocher souvent le A autour de son cou, tout comme elle triture régulièrement ses grigris en sa présence, davantage encore que le reste du temps.

Et puis elle n'hésite pas à lui offrir des tasses de ses nouvelles compositions, pour lui faire goûter, avoir son verdict, et, surtout bien qu'elle ne le dise pas ouvertement, pour lui faire plaisir. Parmi ses clients, il est sans doute l'un de ceux envers lesquels elle manifeste le plus de gestes commerciaux, consciemment ou non. Parce qu'elle ne s'est même pas vraiment posé la question en ces termes lorsqu'elle lui a proposé ce thé fleuri qu'elle boit elle-même à longueur de journée avec la chaleur actuelle, ça ne lui a même pas effleuré l'esprit qu'elle pouvait ne pas agir ainsi avec les autres. Ca lui est venu naturellement, tout simplement, et elle n'a pas lutté contre ça, loin de ça.

"Fais-m'en un, pour voir comment il est ?? J'aime bien l'odeur et puis je trouve ça romantique un thé à la rose et à la violette, donc ça peut être cool."

Elle a souri à sa mention du romantisme. Ca n'est pas vraiment quelque chose qui la touche plus que ça, bien qu'elle soit passionnée par les plantes et les fleurs, mais le fait qu'il le suggère la touche. Romantique, donc ? Elle ne saurait dire si elle l'aurait imaginé ainsi. Sans doute pas la première fois qu'il est venu avec ses airs de loubards.

"J'ai pas trop d'argent pour partir et puis avec ce qu'il m'est tombé dessus dernièrement, j'ai pas trop la tête à partir."

Kate a froncé les sourcils, se penchant instinctivement pour s'approcher de lui, comme si scruter son visage lui apporterait d'autres réponses que celles qu'il pourrait bien accepter de lui donner.

"Ce qui t'est tombé dessus ?"

Elle ne sait pas s'il va renchérir, ou faire mine de ne rien avoir entendu, se concentrant sur le breuvage qu'il goûte à l'instant. Et qui a l'air de lui plaire immédiatement, si elle en juge par les traits de son visage.

"Super ce thé !! Je vais t'en prendre aussi je pense, pour un premier rendez-vous ça sera cool.
- Tout dépend de ce que tu attends de ce premier rendez-vous. Je pourrais te conseiller un thé noir épicé, ginseng et gingembre..." répond-elle avec un sourire un brin espiègle.

Elle n'en dit pas plus, suppose que la réputation du gingembre en matière de stimulation érotique le précède suffisamment pour qu'il ne soit pas nécessaire d'expliciter davantage. Pour sa part, c'est davantage son action sur la vitalité qui lui fait boire ce mélange. Ca n'était pas comme si elle avait une vie sentimentale et sexuelle à entretenir, de toutes les manières...

HRP: