"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici I just wanna look at your face in peace now _ Isolde&James 2979874845 I just wanna look at your face in peace now _ Isolde&James 1973890357
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I just wanna look at your face in peace now _ Isolde&James

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James M. Wilde
James M. Wilde
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() message posté Mer 29 Mar 2017 - 12:44 par James M. Wilde
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« I cannot sleep
There's too much noise in my head
I cannot sleep
I want it here instead
I never thought that this could come to this
I just wanna look at your face in peace now
I cannot keep
The shame that's clawed us out
I will not keep
My shut up, shut up lies
I never thought that this could come to this
I just wanna live in bliss, in peace now »

Isolde
& James




Jour 3. Lorsqu’elle l’a foutu dehors, il est allé s’échouer sur le canapé de Gregory dans un silence d’une éloquence terrible, impossible pour lui de retourner au Viper pour l’instant, l’assaut des journalistes y est incessant, frôle l’hystérie collective. Les regrets s’accumulent et pèsent sur son humeur devenue si sombre qu’il ne sait plus que partager sa présence ombrageuse entre trois lieux bien distincts. Le Royal Albert Hall où il passe la plupart de ses journées, l’appartement d’Isolde, qu’il doit investir en grand secret pour éviter de relancer les rumeurs qu’il a soigneusement faites étouffer et le studio d’enregistrement où il crèche la plupart des nuits pour y broyer l’éloquence de sa solitude et de son malêtre. Prétendre à coup de communiqués et de déclarations grinçantes sur les réseaux sociaux qu’il n’était lié à personne et que ce n’était vraiment pas à l’ordre de ses nuits débridées a eu l’effet escompté, ils ont pris le couple présenté comme un montage factice écroulé par le souffle putride de l’ironie d’une vie inaliénable, ils se sont détournés de la librairie. James Wilde avec une aveugle, une mère de famille qui plus était, impossible en effet. Il devrait être satisfait du résultat et pourtant il l’a ressenti dans sa chair telle une trahison supplémentaire de sa nature, les mensonges sont devenus soudain nombreux, des mots portés pour blesser qui perdent tout leur sens, des mots livrés en des promesses qui s’affadissent parce qu’on les renie publiquement. Il souffre… Il souffre d’avoir dévoilé une partie de ses déviances devant Moira, de les avoir laissées filtrer sous un jour si éclatant qu’il en est devenu éblouissant. Il souffre d’avoir renié l’ébauche des délicatesses doucement tissées par les mains d’Isolde, la honte le pourchasse et il demeure en permanence renfermé et presque muet, ce qui est loin de ressembler à cette volubilité débordante à laquelle il a su habituer son entourage, à parler, parler, parler encore pour fuir plus vite. Dorénavant il ne fuit plus, il regarde dans ses silences ce qu’il sent se délivrer peu à peu et la peur s’insère sous sa peau qui frémit de désirs qu’il cherche à tarir à tout prix. Les seuls moments de paix sont recouvrés à la chaleur d’Isolde, lorsqu’il parvient à l’étreindre pour mieux la retrouver, à la rappeler à lui pour se baigner dans la douceur qu’il cherche à puiser dans leur alliance si fragile. Il aimerait lui parler, mais il continue de se taire.

Près de la fenêtre, dans le déclin du jour qui baigne le petit salon d’une lueur glacée, il observe des cieux qu’il distingue à peine. Il se tient là depuis une heure… Peut-être deux. Il ne sait même pas si on lui parle ou s’il est demeuré dans l’absence de toute présence, gardien mutique de ses peines. Il tente de se concentrer sur les souvenirs des répétitions déjà nombreuses, trace les traits acérés de Jurowski, le chef d’orchestre russe qui le mène et qui se laisse mener, dans un ensemble si harmonieux qu’il est bienvenu dans le déchirement permanent que Wilde ressent au fond de son être. Il tente de trouver ce qui lui permettrait d’orienter les cordes d’une façon plus déliée lors du basculement vers Redemption, afin qu’elles ne viennent pas étouffer la partie au piano, mais qu’elles y dessinent tout de même un renfort graduel qui les emmèneraient tous dans un ensemble frôlant la perfection. Ils ont essayé beaucoup de choses mais rien ne le satisfait. Si Moira daignait passer, sans doute aurait-elle un avis, peut-être même le conforterait-elle dans un des choix qu’il propose déjà mais où il se perd à se sentir solitaire quand il en a perdu l’habitude. Qu’elle soit maudite… Il soupire et son souffle forme de la buée sur la vitre alors que le paysage s’est déjà obscurci et qu’il ne fait que distinguer la nouveauté de la nuit qu'il prend comme une surprise, presque malvenue. Une journée encore… Une autre. Il enfonce ses mains dans ses poches avant d’étirer sa nuque pour y chasser la contrariété qui tresse l’ensemble de ses muscles. Il cherche Isolde, drôle d’instinct, il a l’impression d’être le seul aveugle de ces lieux à présent qu’il s’enferme chaque jour plus encore dans ses ruminations. La petite a dû dire quelque chose, il ne se souvient pas, il oublie de plus en plus de donner la réplique lorsqu’on le sollicite et il sait qu’il lui faudrait faire l’effort de sortir de cette retraite qui pèse sur sa posture et sur tous ceux qu'il côtoie, ils finissent par ressentir cette sclérose qui prend d’heure en heure les atours opaques d’une sorte de dépression. Les notes subtiles lui échappent, les joies simples semblent devenir des loisirs inégaux et illusoires. Il fait sombre dans la pièce, à moins que sa propre vue ne se ternisse de ses pensées détestables. Les cycles de son caractère se détourent peu à peu, depuis l’éclatement du scandale, la face la plus ténébreuse de ses affects se tourne pour le protéger de tout assaut extérieur, il est lointain quand il était tactile, il est renfermé quand il cherchait à évader tous les faux-semblants de ses proches, il est silencieux quand le bruit qui continue de tonner dans ses esprits est incessant.

_ Isolde ?
Sa voix s’est élevée. À peine un murmure qui se fraye dans la pièce, comme pour rappeler à lui une réalité de plus en plus incertaine. Il n’a plus la notion du temps, est-ce qu’il est déjà tard ? Peut-être ont-elles mangé quand il n’a pas daigné dire s’il avait faim ou non. Il a dit non… Maintenant il se souvient. Sa voix croasse, il a oublié de boire et pourtant il se met soudain à rêver de sa présence, s’abreuver à la vision d’elle, vision presque divine, ou de sa fille, pour réapprendre ce que la vie peut tisser tout autour de lui quand il s’éteint à attendre le terme de ses propres exactions. Il n’ose même pas appeler Joe pour savoir les échéances qui doivent déjà s’accumuler vis à vis du tribunal. L’avocat n’a pas proposé de le faire comparaître, il aurait fallu qu’il soit suicidaire pour cela, James aurait enterré toute défense en une seule phrase. Il ne lui a pas proposé d’assister aux délibérations non plus, qu’elles aient lieu demain ou dans quinze jours, il ne voit pas pourquoi il leur ferait l’honneur de sa présence quand il aurait sans doute l’envie d’aller cramer en direct live la gueule de cet enfoiré qui l’a sali plus encore qu’il ne l’était déjà par sa propre dépravation. Il ne se raccroche qu’à l’élan malsain de le savoir irrémédiablement condamné par ses exigences. Il n’en sourit même pas. Il ne sourit presque plus, sauf quand Isolde est là, sauf quand Leela parvient à le sortir de sa léthargie pour le faire participer à une conversation sans aucune conséquence qui sait l’arracher à sa douleur. Il sait qu'il a besoin d'elles, il s'en sent presque coupable quand il continue de se noyer, de se noyer plus encore. Et qu'il menace sans doute de les emporter avec lui. Il s’étire une fois encore avant de fouiller la pénombre et de laisser tomber une phrase supplémentaire, adressée à sa présence qu’il devine déjà :
_ Je suis d’une bien piètre compagnie…
Il esquisse une moue contrite, n’avance pourtant pas jusqu’à elle, arrêté dans son trouble, englué dans ses songes. Il aimerait pouvoir, pouvoir briser la distance qu’il ménage tout seul, il aimerait la rejoindre pour tuer la cacophonie qui l’étrangle et ce calme trop prégnant qu’il hait de plus en plus.
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() message posté Sam 1 Avr 2017 - 20:26 par Invité
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James & Isolde

C’est un fourmillement, juste cela. Un fourmillement qui cavale le long de l’échine, ruissèle entre les méandres tortueux de l’ossature, s’essouffle au creux des reins. L’âme enfouie se fait timide. C’est qu’elle est restée si longtemps cachée dans les enchevêtrements de la peur qu’elle ignore comment se montrer sans honte. Elle essaie pourtant, glissant dans l’embrasure son visage marqué par la fatigue, devenu d’un blanc laiteux d’avoir été trop longtemps enfermé. La lumière brûle, irradie, fait balbutier les paupières qui peinent à s’habituer aux lueurs nouvelles. Mais les prémices sont là pourtant. Ils sont une main délicate et fébrile qui se referme autour des ténèbres pour les éloigner une fraction de secondes, et dévoiler l’être qui s’y est caché trop longtemps. Depuis ce moment au cimetière, depuis cet ultime aveu qu’elle a déposé aux pieds de James, Isolde se surprend à éprouver un calme étrange. Il ressemble à ce bruit assourdissant qui suit parfois une détonation brutale, au temps de latence qui étreint le cœur fissuré quand on ose lui porter un autre coup, trop douloureux pour être ressenti tout de suite. Il y a des choses qu’elle distingue en filigrane de la souffrance, qui transparaissent dans l’absence insupportable. Ce deuil qu’elle n’a jamais totalement consentit à faire parce qu’il la forcerait à accepter l’inacceptable, à rendre à l’état de poussière désolée tout ce qui l’avait tant animée autrefois. Il est là à présent. Il est partout. Il la regarde et sa main souhaiterait la retenir encore dans les souvenirs qu’il lui inspirera toujours. Mais Isolde tient bon pour une fois, elle se refuse à ce passé qui l’attire pour donner une chance à l’effleurement du présent, à l’esquisse d’un futur possible dont il ne détiendrait pas tous les codes. Le déchirement aura au moins eu le mérite de lui faire prendre conscience que le chemin qu’elle empruntait jusqu’alors n’était guère le bon. Elle a choisi de changer de parcours, d’avancer avec prudence sur un chemin glissant, se laissant rattraper par la main d’un guide incertain qui finirait peut-être par la pousser dans le précipice plutôt que de l’en garder. Peter avait toujours eu l’élan viscéral de la protéger : de lui, d’elle, des autres. Peut-être s’était-elle trop longtemps reposée sur lui, allant jusqu’à perdre la conscience qu’elle pouvait se protéger seule. Isolde avait cette force-là sans en avoir totalement conscience. Cette force qui la maintenait debout, qui lui faisait mal à en crever, mais qui la relevait chaque fois qu’un coup lui était porté. De quelqu’un qui vit, elle était devenue un être d’instincts qui survit. Elle s’était toujours raccrochée inconsciemment à ces élans-là qui lui avaient permis de tenir. Mais aujourd’hui elle avait peur. Et la peur qui l’étreignait était différente de toutes celles qu’elle avait connues : elle avait un arrière-goût de dupe. Jamais elle n’avait foncièrement regretté les choix qu’elle avait pu faire au cours de sa vie. Même d’avoir quitté Peter, lorsqu’ils n’avaient pas su se remettre du deuil, elle ne l’avait jamais regretté. Elle avait senti que c’était la chose à faire et qu’il n’y avait pas d’autre issue pour eux alors. Tout était différent aujourd’hui. Les promesses gravées sur sa peau meurtrie par James prenaient les atours d’échappatoires indispensables. Elle voulait s’y raccrocher comme s’il n’y avait pas d’autre alternative pour elle, comme s’il s’agissait du seul espoir auquel elle pourrait croire encore. Naïve. Si naïve. Si inconsciente. Elle le savait si bien au fond, elle avait tenté en vain de s’en garder depuis le début, alors pourquoi être le papillon de nuit atrophié qui irait se calciner les ailes sur la surface brûlante des instincts destructeurs qui finiraient immanquablement par le rattraper ? C’est ce fourmillement étrange. Cette vibration qu’il a su faire naître et qu’elle ne peut plus ignorer, qu’il lui faut suivre, tenir, même si cela doit la blesser un jour.

« Est-ce que je peux la garder avec moi ? » C’est la voix de Leela, anormalement prudente, qui la tire de ces pensées dans lesquelles elle se noie trop longuement depuis quelques jours. Un léger sursaut la traverse. Un sourire étire la commissure de ses lèvres, égaye sa peau diaphane. Dans l’obscurité ses doigts viennent suivre les lignes de son visage encore rond. Elle n’est plus tout à fait un bambin, n’est pas encore une enfant pour autant. Elle aimerait tant que jamais ses rondeurs innocentes ne s’affadissent, disparaissent au profit des angles qui s’acèrent avec l’âge et marquent la peau à jamais. Elle voudrait la protéger toujours, être un rempart infaillible contre toutes les attaques qu’elle subirait elle aussi. Si petite encore … Si fragile. Une émotion troublante transcenda ses traits pendant quelques secondes : une distance, conjuguée à une tendresse voilée d’une tristesse infinie. Elle ne se lasserait jamais de la texture de sa peau, de cette joue pleine, presque potelée en vérité, dont le grain glissait sous son pouce qui y traçait des arabesques délicates. « Bien sûr. Elle est à toi … Tout est à toi. » Sa réponse arrive en contretemps, et lorsque ses doigts quittent enfin son visage, ils rencontrent furtivement la texture de l’étoffe. La laine est un peu rêche, elle n’a plus la même texture que dans son souvenir. Elle s’était toujours moqué de lui lorsqu’il portait cette écharpe rouge, avec tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi. Il ne s’en séparait jamais, comme un enfant qui refuse de se détacher de son nouveau jouet. Elle le trouvait si ridicule alors. Que n’aurait-elle pas donné pour la revoir flotter autour de son cou une dernière fois et qu’il puisse la placer lui-même entre les mains de Leela. Cette écharpe, si simple pourtant, faisait partie de tous les fragments de souvenirs qu’elle avait consentit à rouvrir. Tous ces cartons, proscris, calfeutrés dans les obscurités de la réserve, territoire jusqu’alors interdit qu’elle avait fini par affronter. Car si Isolde n’avait pas de certitudes pour son propre avenir, elle en avait pour celui de Leela. Elle voulait qu’elle apprenne à connaître son père, qu’elle puisse apprivoiser ce qu’il restait de lui pour avoir la conscience infinie que, quoiqu’il puisse se passer dans son existence de petite fille, il y aurait toujours cet être qui l’avait aimé plus que tout. « Est-ce que ça veut dire que … J’aurais jamais de papa ? » Ses petits doigts triturent nerveusement un coin de l’écharpe un peu abîmé par le temps alors que ses lèvres s’ourlent en une moue inquiète. « Comme James il est souvent avec nous à la maison je pensais que … Que ça pourrait être mon papa lui aussi … Un jour … » Parce que ce n’était pas pareil. Chérir une figure évanescente, rendue impalpable par la mort, et aimer quelqu’un avec qui l’on peut échanger, que l’on peut toucher, étreindre, sentir. C’était une matérialité dont Leela commençait à ressentir le manque à mesure que la conscience du monde qui l’entourait croissait. Alors pourquoi pas … « Oh Leannan … Tu sais … James il t’aime lui aussi … Il t’aime à sa façon. Mais ce n’est pas pareil … Pas tout à fait. Ton papa … Tu étais sa vie tu sais … Il aurait tout fait pour te protéger … Et moi aussi. Je ferais tout … Je te le promets. Même s’il n’est pas là, je serais toujours là. » Ses lèvres se posèrent sur son front. D’un geste précautionneux, elle remonta la couverture à hauteur de ses épaules, touchée par ses interrogations et par la moindre de ses craintes. Entendrait-elle un jour la voix de cet amour paternel, qui chantait en son cœur d’enfant depuis qu’elle était née ? Isolde n’en savait rien. De la voie qu’elles empruntaient ensemble, elle ignorait tout.

La porte s’était refermée sans bruit sur ses craintes de petite fille pour la laisser sombrer dans les bras d’un Morphée qui, espérons-le, serait indulgent. Isolde se massa la nuque avec la paume de sa main, ses épaules s’affaissant légèrement alors qu’elle rejoignait le salon où se trouvait James, mutique. Il n’avait pas dit grand-chose de toute la soirée, ombre factice dans le fourmillement incessant de leur univers dès lors que Leela était présente. Elle n’avait pas osé lui demander ce qui le tourmentait, si cela avait un lien avec ce livre, ou ces articles qui avaient marqué furtivement la toile. Elle craignait presque de lui parler, ayant l’impression de sentir les angoisses qui le tenaient comme des ondes qui émaneraient de son corps. Le calme ne l’a pas quittée lorsqu’elle parvient jusqu’à sa silhouette dont elle sent les vibrations. Sa voix s’élève enfin. Sans doute sa présence l’a-t-elle tiré de la retraite dans laquelle il se cloisonne depuis plusieurs heures. En d’autres circonstances elle l’aurait confronté, appuyant le doigt, charcutant jusqu’à lui faire avouer ce qu’il ne pouvait lui confier. Mais ce soir-là elle était fourbue, fatiguée de toutes ces émotions qui la cisaillaient. Les paroles de Leela lui revenaient comme un refrain incessant. Sans ternir son humeur cela la laissait songeuse, suspendue au bout d’un fil délicat qui aurait pu se briser au moindre choc. Elle ne rêvait pour l’heure que d’un bain, pour détendre ses muscles noués. D’un bain et de calme, pour s’accrocher encore un instant à l’illusion que tout allait bien quand les promesses qu’ils s’étaient confiées étaient déjà sans doute entrain de s’étioler. « Je n’avais jamais compris ce qui touchait tant ma mère dans la voix de Billie Holiday … » Elle s’était approchée du vieux 45 tours, posé sur une petite table dans un coin de la pièce, et qu’elle trainait dans son sillage depuis son adolescence. Cadeau de son père pour ses quatorze ans. C’était un miracle qu’il fonctionne toujours, après tout ce qu’il avait traversé. Prudemment, elle y avait placé un disque, et c’était le bruissement des touches, délicates, qui s’était fait entendre en premier. Avant cette fameuse voix qui murmurait dès lors les premières paroles d’I'll be seeing you. « Maintenant je sais … » D’un pas feutré, funambule qui se déplace au-dessus des délicatesses par crainte de les froisser d’un pied trop brusque, elle l’avait rejoint, envahissant son espace sensible avec douceur, presque prudence. Le bout de ses doigts effleura le creux de sa paume, détourant le poignet, glissant autour de sa main jusqu’à se faire guide. Elle la plaça dans la courbure de son dos avec lenteur, avant de détourer son autre main pour la soulever légèrement. Invitation subtile à une danse dont la mesure suivait le rythme alangui de la chanson. L’absence de son regard se posa sur son profil. Elle murmura, confidence faite à celui qui sait entendre. « Maintenant … Je l’entends. » Isolde déambule, amorce les pas d’un slow étrange qui a jeté un voile sur son silence et ses remarques soupirées. « And when the night is new … I'll be looking at the moon » chanta-t-elle en écho de le musique, murmure au creux de son oreille d’une voix étonnement mélodieuse. Pas aussi exceptionnelle que la sienne bien sûr, mais aux intonations douces pourtant, et non dissonantes. La première chanson s’interrompt enfin et c’est une autre qui suit, alors que son souffle s’égare au creux de sa nuque, et que ses paupières ont l’imprudence de se fermer un instant. Un soupire la tance. Elle est tendue, cela doit se sentir. Elle s’est trop donnée encore toute la journée, à des tâches dont elle ferait mieux de se préserver. « J’ai un peu mal au dos ces temps-ci … » se justifie-t-elle en étirant son cou à droite, puis à gauche, toujours avec lenteur, avant de rouvrir de grands yeux qui cherchent à s’attacher quelque part, sans y parvenir pourtant. « Je sais ce que tu as fait … Pour les articles. Pour les journalistes … Merci. »



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() message posté Mar 18 Avr 2017 - 16:42 par James M. Wilde
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Isolde
& James




Que reste-t-il des vivants lorsqu’ils ne cherchent qu’à se faire rappeler par les morts ? Que reste-t-il des mots et des émotions si le silence les destine à l’oubli ? Que reste-t-il des pensées quand elles finissent par s’évanouir à l’orée d’un sommeil à peine esquissé quand il continue de vous fuir ? Ils ont réussi à vivre quelques jours de changement, de vies à entremêler sans qu’elles ne soient réellement compatibles, ils ont réussi à entamer la marche d’un avenir sans qu'il ne puisse s’étoffer à cause du brusque revirement d’humeur qui renferme James sur lui-même. La marche d’un avenir qu’elle semble gravir seule, il se tient encore tout en bas de l’escalier, souhaite monter mais ne sait plus réellement comment faire alors que sa passion dépérit dans le noir de ses songes. Il l’a sentie, toutefois, peu à peu se libérer de la naphte à laquelle elle l’avait habitué, se libérer du passé qui continuait de le maintenir dans une distance qui lui semblait alors infranchissable, impossible à subir, impossible à supporter alors qu’il n’aspirait qu’à la rejoindre. C’est le contre-temps de leur histoire, le décalage subtil de leurs existences qui continuent de se chercher et de se manquer tour à tour. La rejoindre, il y aspire encore mais il n’arrive plus à combler tout le vide dans lequel il se voile pour disparaître à tous, il aimerait se convaincre de la persistance de leurs idéaux trop fragiles mais il ne les distingue déjà plus, ils ont péri sous la faute qu’il a commise dans ce bureau, à précipiter l’aigreur qui est venue entacher jusqu’à l’intimité qu’il cherchait à construire pour s’en protéger. Il ne se persuade même plus de ses choix, il ne voit aucune route, tout n’est qu’une chute ininterrompue qui lui semble avoir débuté dans la maison des cauchemars à la mort de l’automne, il trouve des justifications qu’il enterre tout seul, il s’accable dans un jugement dédaigneux qu’il porte sur sa silhouette qui se tient toujours tendue, au bord d’un avenir qui lui apparaît parfois comme la mascarade peinte par les journaux depuis quelques jours entravés. Il se raccroche aux dernières lueurs qui s’affadissent dans un passé trop récent, les serments qui lui firent garder ses mains entrelacées aux siennes, et près de cette fenêtre il est parcouru d’un frisson qui cherche à le prémunir des secours trop faciles de son acte de foi qui vacille dans toutes les incroyances dont il pave sa vie, un frisson qui le secoue et qui lui rappelle les images détestables qu’il a clamées sur une autre pour les repousser… en ne les rendant que plus prégnantes encore. Il ne reste que l’ébauche de ce qui est, et qui ne peut être réellement s’il ne le permet pas à cause de cette distance qu’il prend de plus en plus, pour démontrer qu’il ne mérite aucun salut, dans l’inconscience d’une conduite qu’il ne parvient plus à révoquer pour réapparaître fantasque, ou même versé dans des envolées que chacun lui connaît. Il se tient dans le rôle de son juge, il décide déjà du châtiment et il continue sans doute de l’infliger à Isolde sans qu’elle ne puisse comprendre ce qui dessina le doute dans les promesses chantées.

Il entend quelques voix en provenance de la chambre, il retourne au présent pour tenter de saisir une réalité dont il veut ériger les frontières pour se garder de ce qui pourrait venir la menacer. Mais il ne fait qu’y enfermer celui qui la met en péril, et en l’y cloisonnant, le rendre plus ombrageux encore. Les voix ne portent pas de sens, elles ne forment qu’une musique qu’il essaye de verser dans sa tête pour enterrer le reste, quitter un seul instant le tourment des heures qu’il continue de collectionner, il ne se doute pas de la teneur des propos qui ne feraient que le cloitrer dans sa folie et qui toutefois révèleraient ces mêmes chemins qu’il espère découvrir pour se sortir du gouffre dans lequel il a chu. Pourquoi ne peut-il pas le combler, le combler pour les retrouver toutes les deux, cesser de se sentir estropié, brisé par le rejet qui sonne comme une injure, le rejet qu’il a choisi pour éviter de dessiner d’autres tortures sur sa productrice, pourquoi ne peut-il jamais se satisfaire entièrement de ce qu’il obtient quand il a l’impression que de recevoir un don, c’est se voir arracher ce que l’on croyait déjà acquis. Il se rappelle de douleurs plus anciennes, si anciennes qu’elles demeurent dans des zones de son esprit qui se tiennent inviolées, des comportements qu’il a autrefois adoptés dans ce besoin avide de dévorer tout ce qu’il pouvait, elle, elle et toutes les autres à la fois, sans jamais combler le vide à l’intérieur. Le vide qui demeure, qui s’est rouvert dans la brutalité des cris les plus récents. Il regarde par dessus son épaule et la retrouve dans l’univers qui lui est propre, quant à lui invité en sursit dans une demeure qu’il a choisie, aucun sourire ne reparaît sur ses lèvres mais les oripeaux de cette chaleur qu’elle seule sait provoquer reviennent masquer la fêlure de son âme. Cette fêlure qui s’est dessinée à l’aube d’une jeunesse et dont les pans ne furent que davantage écartés par l’âge adulte pour y verser toutes les folies qui forment sa personnalité. Il sait Isolde incertaine en sa présence, sans doute interdite par ses trop nombreux silences, il faut dire qu’ils n’ont guère eu le temps d’apprécier un quotidien qui continue de leur échapper, le sort poursuivant une oeuvre tragique qui les blesse toujours, à chaque minute. La peur décroit quand il la regarde, dès que ses yeux la devinent, il se rappelle de ses résolutions et des envies qu’elle a créées, des envies plus altières que toutes les autres réunies, dont il ressuscite à chaque fois des corps de plus en plus décharnés. Il apprécie qu’elle ne cherche pas à savoir, tout en sentant la possessivité malsaine se complaire des silences aggravés qui ne peuvent ainsi la révéler. Il l’écoute et le rythme de son coeur s’alourdit, à renouer avec des sensations délicates et illusoires, qui le portent toutes vers elle, il demeure dans son coin mais se sent suspendu à ses lèvres et au ton de sa voix. Il force toute son attention à se resserrer sur sa silhouette, ses doigts qui furètent sur la platine pour y déposer une offrande. La musique l’étreint et le réchauffe aussitôt, un titre qu’il connaît, une tessiture qui l’enchante déjà, des rythmes qui sont éloignés de sa créativité et qui la nourrissent malgré tout. Tu sais… Tu sais alors que le savoir m’échappe tout à fait. Tu sais… Tu sais quand je ne sais plus rien à force de m’éloigner. Le malheur perturbe son souffle, il l’observe tandis qu’elle approche, il la laisse mener ses volontés jusqu’à lui, et quand il la regarde ainsi, il se souvient d'eux dans la brutalité de ce passé qui les concerne, il ne sait plus et pourtant il sent. Il sent ce qu’il continue de chercher ici, il sent dans la mélancolie des âges qui défilent le repos que son âme continue de quérir sans jamais le trouver tout à fait.

Elle vient s’octroyer la proximité qu’il lui abandonne sans bouger, elle connaît dorénavant son corps et toute la logique de cette douceur qu’elle y protège, sa respiration la rejoint et ses prunelles s’agrandissent pour regarder son visage qui se baigne dans la clarté de la nuit londonienne. Il reconnaît toute la magnificence de son regard opaque qui le cherche et le trouve toujours, il a l’impression d’être transparent, déchiffrable, lu sans qu’elle ne persiste à le contraindre à la confession. Pas ce soir, pas encore, non. Il ne veut pas, il préfère encore l’illusion d’une seconde infinie à ses côtés plutôt que de se confronter à l’angoisse du monstre qui l’habite. De sa main tranquille et patiente elle le guide et il se laisse emporter, tente d’apprendre à suivre son pas qui est censé dessiner tous leurs futurs, il ne résiste pas et dans leurs silences retenus, il tremble de ce rapprochement qu’il quémandait sans même le réaliser, le froid recule, il se sent moins esseulé et abandonné à cette souffrance constante, alors qu’elle le soutient, il se sent de nouveau touché par toutes ses grâces, recraché au milieu des vivants. Son corps se réveille soudain et la chaleur qui se déploie dans sa poitrine lui permet de respirer plus intensément, il a l’impression de revenir d’une sorte de coma. Ses doigts glissent dans la courbe de son dos, caressent sa silhouette avec une légèreté presque timide en suivant la ligne d’une des cicatrices, il comprend le pas, il comprend la demande encore non formulée et retrouve les instincts enterrés qui furent un jour longuement enseignés via une éducation qui souhaitait parfaire toutes les qualités qu’il devrait manipuler dans ce grand monde qu’il a soigneusement fui. Le rythme ralenti de la chanson parcourt ses veines, rappelle d’autres souvenirs qu’il repousse aussitôt, il n’a pas dansé avec une femme ainsi depuis… depuis. Il interdit ce retour en arrière, son esprit se referme sur Isolde et ses yeux demeurent ouverts à tracer les traits de son visage quand elle tourne son attention jusqu’à lui. L’émotion l’enserre au son de sa confidence, et un léger sourire qui demeure d’une infinie tristesse flotte sur ses lèvres toujours closes. Sa main serre un peu plus fiévreusement son épaule, comme pour répondre à la phrase aussi alanguie que le tempo, il ferme les yeux pour entendre à son tour, trouver le réconfort de leurs songes enlacés tout comme leurs corps, réapprendre ce qu’ils sont ou ce qu’ils devraient être s’il cessait de fuir. Il souffle un écho arraché à son propre univers :
_ Tous les infinis des émotions tracées, toujours retrouvées, jamais éteintes. Des éternités dans une seule note…
Voir. Sentir. Palpiter. Savoir l’univers tout entier à ses pieds. Sa joue vient se lover contre sa tempe, embrassée à sa peau au moment même où elle se met à chanter, et il se perd dans le grain de sa voix qu’il découvre, son coeur s’accélère, son émotivité si exacerbée se déchaîne dans sa cage thoracique, il pose un baiser dans ses cheveux, un remerciement qu’il ne formule pas, un remerciement pour être venue l’arracher quelques minutes à son austérité. Il l’écoute, elle plutôt que la voix de Billie Holiday, elle pour la graver plus profondément encore avant qu’elle ne se plaise à disparaître dans les replis d’une âme qui devient trop complexe. Il la tient contre lui, malgré la fin si prévisible du morceau, une fin qui le navre en vérité, telle une écorchure supplémentaire sur sa peau. Son corps à elle se fait l’écho de la douleur qu’il planque, une douleur physique qu’il a déjà de nombreuses fois détourée dans ses muscles, l’effort la malmène, elle s’abîme dans une intensité trop soutenue, il frôle les tensions qu’il identifie du bout des doigts avant de laisser échoir l’une de ses mains dans sa nuque pour y dénouer les signes de la faiblesse qu’elle évoque. Il a des questions sur la langue, aucune ne parvient pourtant à passer les quelques barrières devenues des barricades, ses doigts dessinent ses deux sourcils, l’un après l’autre, dans un réflexe intime, elle est magnifique dans le crépuscule tamisé du salon. L'inquiétude quant à son état fait flotter le ton de sa voix, légèrement rendue grave de n'avoir que trop peu parlé :
_ Je ne t'ai jamais vue si fatiguée...

Constat aux atours du questionnement qu'il n'est pas parvenu à porter, comme si ouvrir une conversation détonnait au milieu du mutisme qui devient caractérisé. Sa seconde phrase le perturbe, le préambule rend à son corps quelques sursauts de panique qui se trahissent dans ses épaules, il entend la condamnation qu’il se porte en boucle depuis des jours avant de comprendre ce qu’elle cherche à exprimer. Une. Deux. Trois trop longues secondes où son souffle reparaît, perturbé, avant que sa voix ne murmure, abîmée par une profondeur presque inquiétante :
_ J’ai fait ce que je devais. Je ne les aurais pas laissés vous atteindre.
Ce qu’il a fait. Ce qu’il a fait… Si elle savait ce qu’il a dû donner en retour pour savoir les protéger, ce qu’il a dû sacrifier aux démons de sa nature pour équilibrer le jeu pervers lancé par ses détracteurs, et pouvoir espérer s’en tirer lui aussi. S’en tirer sans qu’il ne puisse oublier pourtant le rôle qu’il aura fallu endosser jusqu’au bout, endosser encore aujourd’hui dans ce silence abrutissant, à attendre, attendre, attendre toujours que l’on daigne enfin lui accorder le salut. Elle n’aurait jamais consenti si elle avait su, elle n’aurait jamais consenti la honte qu’il lui faut dorénavant boire. Ses yeux se baissent, il ne parvient même pas à la regarder, elle ne doit jamais apprendre le prix de sa sauvegarde, il ne doit pas le lui avouer, il ne peut pas. Même pour alléger sa conscience, elle aurait l’impression de porter le désaveu et l’opprobre qu’elle croit déjà envolés. Il aurait préféré l’épargner bien plus rapidement que cela, mais les journalistes ont fini par partir, et s’il a fallu repousser dans les ténèbres la figure de toute sa créativité, il cherche à se conforter dans l’absolu du choix qu’il continue de porter. Il ne pouvait pas la laisser dans leurs griffes, il ne pouvait pas imaginer Isolde ou la petite entachées plus avant par ce monde qu’il a lui même charrié jusqu’à leur seuil. Sa gorge toujours serrée, le dos de sa main caresse le visage si fin d’Isolde. J’ai fait ce que je devais… Il la berce entre ses bras, cherchant à soulager son dos dans une étreinte où elle peut se reposer avant de saisir sa main pour l'inviter doucement jusqu'au canapé, qu'elle cesse de tenir sur sa seule volonté quand il la sent presque vacillante dans l'étreinte. Il s'assied à ses côtés, ses doigts toujours entremêlés aux siens, puisant dans son contact la force de prétendre. Prétendre encore un peu. Encore un peu pour croire que rien ne dénote dans ce quotidien qu'il ne sait même pas comment appréhender :
_ Ce sera bientôt terminé, le procès et le reste. Tu n'auras plus à t'inquiéter.
La phrase s'évade de ses lèvres comme une sorte de constat innocent qui prend soudain les atours d'une prophétie et il observe son profil, sa main convulsivement refermée sur la sienne dans un réflexe de terreur.
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Anonymous
Invité
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() message posté Mar 16 Mai 2017 - 9:52 par Invité
I just wanna look at your face
in peace now.
James & Isolde

Les indéfinissables harmonies de Billie Holliday auraient dû étendre un empire sur leurs sens encore un moment, embellir les silences tortueux derrière lesquels ils se cachaient dans l’espoir de n’être plus regardés autrement que tels qu’ils sont. Les douceurs parfois candides du caractère d’Isolde se modelaient contre la silhouette noueuse de James, cherchant à détourer les nerfs tendus pour y passer un baume, trouver les réponses aux énigmes qu’il traçait dans une errance solitaire. La danse prenait des atours étranges au fil des secondes où elle s’installait, la peau diaphane de l’écossaise mirant de toutes les impressions qui la cisaillaient alors : la fatigue d’abord, l’inquiétude ensuite, la tendresse enfin. Cette tendresse qu’elle avait toujours éprouvée pour lui mais qu’elle n’avait pas su lui montrer tout de suite, cette délicatesse qui avait toujours existée entre eux mais qui avait eu besoin de s’insurger dans la violence avant de pouvoir se révéler tout à fait.  Ils auraient dû se voir, arriver à ce point de non-retour où leurs existences liées ne seraient plus jamais les mêmes. Elles ne le seraient plus, car il avait tatoué sur le grain fragile et torturé de sa peau la marque de ses intensités. Des intensités qu’elle n’oublierait pas car elles avaient su la ramener d’un territoire où elle se serait enlisée jusqu’à y crever. Pour cela il aurait toujours cette place unique et indicible dans sa vie, cette place qui n’équivaudrait jamais aucune autre et qu’il garderait même si les chemins empruntés venaient à converger dans des directions différentes.  Mais l’empire qu’il avait su avoir sur elle et sur ses sens, esquissé dans la déliquescence de la réserve oubliée du théâtre, étoffé par les cris d’Hoodoo, rendu terrible au cœur de la nuit torturée par l’héroïne, rappelé contre le piano qui avait recueilli les dernières confidences arrachées à sa retraite nécessaire, commençait à s’étioler doucement. Les barrières abattues, il ne restait plus rien à part ses fragilités nues. Nues mais fortes, maintenues debout par la seule volonté de sa hargne inconsciente. Cette hargne qui s’était perdue dans les affres du deuil et dont elle avait fini par oublier l’existence. Aujourd’hui des impressions nouvelles se dessinaient sur son être fracturé, mais renaissant. Isolde se sentait libérée peu à peu d’un poids qui jusqu’alors lui alourdissait la poitrine au point de rendre chaque battement de cœur douloureux. Et contre toute attente, malgré toutes les fatigues qui tyrannisaient ses traits, c’est une forme de sérénité retrouvée qui s’y esquissait peu à peu, en marge d’une tristesse qui ne la quitterait sans doute jamais, mais qui finirait par être une autre cicatrice venant marquer sa peau.  Elle rejoindrait les autres, ne serait qu’un fragment de plus pour composer l’être qu’elle deviendrait, elle serait un signe du passé sans incarner une conséquence.

Tandis qu’ils se mouvaient avec la lenteur imposée par le rythme de la chanson, le revers de ses phalanges cherchait à le voir, à dessiner les contours de son visage qu’elle connaissait par cœur, mais sur lequel elle redécouvrait parfois, pourtant, des nuances inconnues. En filigrane, dissimulée sous la finesse de la peau qu’elle devinait blafarde, Isolde reconnu une ancienne compagne nommée incertitude. Elle était là, partout. C’était elle qui le rendait silencieux entre autres qui se cachaient à son œil si singulier. Elle leur fit un signe invisible, voulu leur dire qu’elles n’avaient rien à craindre, qu’elle était prête à les accepter pour peu qu’elles se montrent dans la splendeur de ce qu’elles étaient. Mais elle n’obtint aucune réponse, ni d’elles, ni de lui qui les incarnait par sa posture inconsciemment défensive. Alors Isolde n’insista pas, lui laissant ce recul qu’il choisissait d’instaurer et contre lequel elle ne pouvait pas lutter. Elle estimait n’avoir pas le droit de lutter contre sa volonté après lui avoir elle-même imposé un silence nécessaire à sa propre sauvegarde. C’était le prix à payer. Un prix qui aurait des conséquences irrémédiables dont ils subodoraient déjà les signes mais qu’ils n’étaient pourtant pas prêts à accepter totalement. La posture du dos d’Isolde changea lorsque ses doigts vinrent en effleurer les marques. Elle se redressa légèrement, imaginant que ce simple geste parviendrait à délier tous les nœuds qui rendaient douloureuse la région de la colonne vertébrale. Isolde ne s’habituerait jamais à cette douleur-là, constante, qui comme un vague-à-l’âme la saisissait parfois sans prévenir au point de la faire s’affaisser tel un pantin désarticulé. Son corps brutalisé était le réceptacle de toutes les émotions qui la traversaient. Il subissait tout, condamné à une sensibilité sans barrière qui avait le don de l’ébranler souvent, raison pour laquelle les sentiments avaient une toute autre ampleur lorsqu’ils étaient projetés sur la surface de sa peau. Sa tête oscilla légèrement sur le côté, laissant à ses doigts l’occasion de se frayer un chemin jusqu’aux raideurs de la nuque. Les paupières de la jeune femme s’abaissèrent quelques instants, imaginant qu’il parviendrait du bout des ongles à délier tous les rouages qui s’étaient installés là.  « Je vais bien … Ne t’en fais pas. » avait-elle murmuré en rouvrant de grands yeux d’une clarté obscure sur les tourments dissimulés de son être, notant au passage la dissonance légère dans le timbre de sa voix. Etaient-ce tous les non-dits, toutes les questions informulées qui s’étaient agglutinées au bord de ses lèvres qui cherchaient à voir le jour ? Elle ne saurait peut-être jamais.

Un : « Je sais. » empruntant une sincérité troublante vint lui répondre spontanément, sans modulation notable dans le timbre de sa voix. Ignorante de beaucoup de choses, Isolde avait pourtant été sure qu’il n’aurait pas laissé qui que ce soit les atteindre. Peut-être pas elle, non, peut-être pas. Mais Leela … Elle avait aperçu le lien indicible qu’il avait tracé avec elle. Un lien qui serait sans doutes moins illusoire que celui qu’ils avaient créé ensemble, parce qu’il s’était écrit entre l’innocence d’un cœur de petite fille et la fragilité dissimulée de celui d’un homme brisé. Certains enfants avaient cette capacité étrange à vous révéler et vous distinguer tel que vous avez été, sans jugement ni violence. Ils ne faisaient que prendre ce qu’il y avait de meilleur en vous, aveugle face aux travers de votre nature car encore trop innocents pour les distinguer. Leela l’avait vu. Certainement mieux qu’elle au fond. Elle l’avait vu, et cela, Isolde le savait pertinemment. « Elle le sait aussi. Peut-être pas consciemment, et peut-être qu’elle oubliera vite … Mais elle le sait. » avait-elle ajouté sans douter un seul instant qu’il entendrait ce qu’elle voulait lui dire. Elle ne lui avait jamais raconté l’enchantement qui s’était saisie de la petite fille lorsqu’elle était rentrée de cette journée passée au Viper. Malgré les chagrins, malgré la peur terrifiante de l’abandon qu’elle avait éprouvé sur le coup, Leela n’avait retenu de cet intermède que les instants partagés avec lui et tout le reste de l’équipe. Le chocolat chaud futuriste, la nympho au nom de guenon, les câbles alambiqués, les sursauts imperceptibles de chacun chaque fois qu’elle s’approchait un peu trop d’un fil électrique, les paroles de James pour la rassurer face aux flashs des journalistes, la complicité naissante lorsqu’il l’avait imitée en trempant son sandwich à son tour dans sa tasse encore fumante. Elle n’avait retenu de cette journée que ces échanges-là, oubliant de fait les angoisses, et tous les aspects qui auraient pu tout gâcher. Isolde ignorait ce que les préserver lui avait coûté. Elle aurait aimé pourtant, qu’il fasse le choix de s’ouvrir à elle plutôt que de demeurer mutique. Qu’il ait suffisamment confiance en elle pour l’estimer capable de le voir, et de l’entendre. Mais alors qu’elle le suivait presque mécaniquement jusqu’au canapé, rien ne vint. Rien à part du silence encore, et les sursauts de ses angoisses cachées qu’elle repéra sans peine lorsque sa main vint enserrer la sienne nerveusement.

« Regarde-moi. » Son pouce amorça le langage en venant tracer un arc-de-cercle invisible sur le dos de sa main. « Regarde-moi James … » Le pouce continua encore, semblant vouloir apaiser les terreurs imperceptibles, ces soubresauts qu’elle sentait sous le grain de la peau qui tremblait des non-dits qui s’accumulaient et étendaient leur emprise sur toutes les beautés fragiles qu’ils avaient su créer. Il était là dans toute sa chair, dans tout son sang, il palpitait à ses côtés et sous ses doigts, mais son esprit était si loin qu’il lui semblait inatteignable. Il ne la voyait plus, il avait dépassé les frontières du réel pour se projeter dans une obscurité où elle n’avait pas de place. Isolde cherchait à le ramener un instant des terres où il était parti quérir ce qu’elle ne pourrait pas lui donner, elle voulait qu’il la regarde encore, qu’il l’observe quelques instants supplémentaires quitte à laisser de côté les dernières barrières qui la protégeaient. Elle n’avait jamais été si près de lui, et si incertaine pourtant, alors qu’elle prenait conscience en filigrane de l’asymétrie de leurs évolutions existentielles. Il avait su voir tant de choses en elle, et pourtant lorsqu’elle l’écoutait, il semblait être passé à côté de l’évidence. Elle s’était retranchée tant de fois derrière les silences, avait voulu trouver les clefs d’un salut qui avait exigé trop de contreparties. Il le fallait pourtant, il ne pouvait en être autrement. Mais les contrecoups de l’absence se tissaient peu à peu, les beautés amorcées s’étiolaient, et lui qui savait lire en elle mieux que quiconque avant cela ne la distinguait plus. Peut-être était-ce une volonté inconsciente, une peur qui aurait pu être vaincue si elle avait été là pour le soutenir. Elle était venue le chercher dans les tréfonds de l’horreur avec une volonté infaillible de le ramener à la surface, et elle avait réussi. Mais elle y avait laissé une autre partie de son âme, une partie qui avait eu besoin de distance pour se reconstruire, et à terme, se renforcer. Elle l’avait vu, dans tout ce qu’il avait de forces, d’imperfections et de faiblesses, et elle avait eu peur. Peur de ne pas être à la hauteur cette fois-ci encore, peur que les forces l’abandonnent, peur de ce qu’il lui montrait. Une peur terrassante dont elle lui avait déjà confié les secrets aux abords de son piano, dans la pénombre alanguie par les rythmes incessants du Viper. Mais ce soir elle n’avait plus peur. Plus comme avant en tout cas. Elle avait seulement peur de cette distance qu’il imposait peu à peu et contre laquelle elle se sentait impuissante. Ne serait-ce que pour un soubresaut, ou pour un instant illusoire, elle voulait le voir encore, le toucher, sentir qu’il la distinguait toujours malgré les erreurs qu’ils avaient commises et malgré les maladresses dramatiques de leur parcours ensemble. Pour convoquer son attention, ses mains fraîches avaient encadré les angles de son visage, glissant lentement le long du cou, puis des épaules, des bras enfin jusqu’à poser ses paumes sur les dos de ses mains. Elle les avait alors porté jusqu’à elle, les plaçant avec douceur sur son propre visage, l’entraînant consciemment dans les méandres de son monde sans images. « Ferme les yeux … Regarde-moi. » lui intima-t-elle, guidant ses doigts à la rencontre de ses traits, abaissant un instant les paupières, dirigeant subtilement la pulpe de ses doigts jusqu’aux ridules d’inquiétudes qui marquaient jusqu’alors son front, et qui se détendirent à son contact. « Cette inquiétude que tu lis, cette inquiétude que tu vois … Ce n’est pas pour eux qu’elle existe. » Un soupire sous-tendu fit se soulever sa cage thoracique. Les doigts de sa main droite se refermèrent autour de l’une des siennes, la guidant de son visage à ses lèvres qui en effleurèrent un vague instant les contours, avant que ses paupières ne se rouvrent. « C’est pour toi. » N’avait-il pas compris que le procès, et tout le reste, n’avaient au fond aucune importance pour elle ? Que s’était pour lui qu’elle s’inquiétait, au-delà de toute autre chose ? Attendait-il que tout s’achève ? Espérait-il qu’en s’éteignant, cela l’ôte d’un poids qu’il aurait représenté jusqu’alors ? Les allures de sa phrase l’avaient fait frissonner, rehaussant la peur nichée au creux de son ventre face à une évidence terrible qu’elle n’avait pas envie d’entendre. Pas ce soir-là, en tout cas. « C’est pour toi que je m’inquiète James … Ne le vois-tu pas ? » avait-elle murmuré encore, dans un écho presque triste, n’espérant pas même une réponse. Au moins saurait-il. Au moins aurait-il conscience. Au moins n’aurait-elle pas à regretter un silence de plus, cette fois-ci.




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