peace of what - maelle -

« Hey Seth, ça va ? »

Il sursauta. Voilà plusieurs jours qu'il n'avait pas trouvé le sommeil, rongé par la culpabilité. Des cernes noires étaient parfaitement distinctes autour de ses yeux, et il était si fatigué qu'il avait fini par s'endormir sur son bureau. Son coéquipier était venu le réveiller en le secouant un peu et il avait oublié qu'il était en train de travailler.

« Hein quoi ? »

On le dévisagea du regard. La tête que faisait son camarade ne jugeait rien de bon, il le regardait avec le l'inquiétude dans l'expression qu'il faisait.

« J'ai besoin de café » soupira Seth.
« Non, tu as surtout besoin de repos. »
« Non, non... je... tout va bien. »
« Seth, ça marche pas avec moi. »

Seth se tût. Il avait envie d'insister, parce qu'il voulait réellement travailler, mais il savait que ce que lui disait son coéquipier n'étais pas faux et qu'il avait effectivement besoin de dormir. Seulement, s'il trouvait le sommeil, il allait encore faire des cauchemars. Il pensait qu'en se concentrant dans le travail, cela lui permettrait de penser à autre chose. Ca pourrait marcher, s'il dormait un peu. Il avait pourtant l'habitude aux insomnie, c'était un spécialiste informatique après tout. Mais il avait accumulé beaucoup de journées sans fermer l'oeil et quand il parvenait à dormir, c'était toujours très mouvementé. Il craignait d'ailleurs de tout faire foirer, sa vie, sa santé, ses relations.... Une fois de plus, il avait l'impression de devenir cinglé.

« Peut être que tu as raison. » admit-il.
« Rentre chez moi. On a prévenu le responsable, il a donné son feu vert. »
« Oh. »

Il remercia ses collègues, prit ses affaires, salua tout le monde et sortit des locaux de la police. Il décida de prendre un taxi pour rentrer chez lui, bien trop épuisé pour affronter les transports en commun. Il n'était pas du genre à faire des dépenses comme celle ci, mais il arrivait à un point où il ne pouvait plus s'assumer. Dans la voiture, il adressa un message à Apple pour lui avertir qu'il ne se sentait pas très bien et qu'il avait besoin de repos et que s'il ne répondait plus, c'était parce qu'il était en train de récupérer. Il savait qu'au fond, il n'aura pas encore la paix, mais c'était plus pour la rassurer qu'autre chose. Il en fit de même avec Stella, sa sœur jumelle.

Arrivé à la maison, il sentit la présence de quelqu'un d'autre chez lui. Deux solutions possibles, soit c'était sa colocataire, Maelle, soit c'était Stella, sa sœur, reine de l'improviste.

« Y'a quelqu'un ? Je suis rentré plus tôt que d'habitude. »

Remarque inutile, la personne présente l'avait sans doute bien remarqué. Il traversa le couloir qui amenait jusqu'au salon quand il aperçut que c'était seulement Maelle. Une bonne nouvelle, il n'avait pas envie d'affronter sa sœur. Elle était trop brutale alors que ce qu'il voulait, c'était la tranquillité.

« Salut ! » dit-il en secouant la main. « Ça va ? La journée a été difficile ? »

Il se laissa tomber sur le canapé avec la grasse d'un sac de patate. Il se frotta les yeux avec son pouce et son index avant de cligner des yeux pour paraître plus réveillé.

J'étais rentrée plutôt d'une humeur joyeuse, parce que je partais à Rio. Rio rien que ça. On m'y envoyais pour écrire un article test, tout frais payé. Je remplaçais quelqu'un qui avait démissionné. J'en étais ravie, c'était comme si le destin m'envoyais la marche à suivre. Je n'avais jamais été aussi heureuse. J'étais donc rentrée plutôt pour faire mes valises. Je ne partais que quelques jours mais j'étais toute excitée. Rien que l'idée de voir du sport en vrai dans un grand stade et de pouvoir voir toutes les disciplines m’enchantait. J'avais eu la chance d'être affecté à la natation. Je verrais les plus grand athlètes du monde. Il y avait de quoi faire la fête avant de partir. Une fois ma valise prête je l'ai traîné dans le couloir de la chambre et j'ai entendu une porte, Seth avait du rentré. J'ai entendu sa voix qui me confirmait qu'il était là, qu'il était rentré plutôt. J'ai senti que sa voix était différente de d'habitude. Elle n'avait pas aussi d'entrain. J'ai fait glissé ma valise dans le salon et quand je l'ai vu allongé sur le canapé et que j'ai lu la fatigue sur son visage, j'ai senti que quelque chose n'allait pas.

« Tout va bien? Tu n'as pas l'air dans ton état? Tu as besoin de quelque chose?»

Je sentais que quelque chose n'allait pas, mais je ne savais pas s'il accepterait de m'en parler. On n'est colocataire depuis un moment et même si on se parle beaucoup il y a certaines choses dont on ne parle pas, comme par exemple nos histoires de cœur. Pour ma part je ne lui ai que vaguement parlé d'Aaron, il a déjà vu Samaël mais Sam est un ami. Je n'amène pas souvent quelqu'un ici. C'est chez lui et je ne veux pas déranger, c'est aussi chez moi, mais je comprendrais qu'il veuille être tranquille. J'avais compris qu'il n'était plus avec Phil parce que je ne le voyais plus venir et je savais aussi qu'il était avec une demoiselle, ce qui m'avait fait un drôle d'effet puisqu'il était bi du coup, tout comme moi et j'avais ressenti un élan d'affection pour lui. Même si je ne lui avais jamais vraiment dit que j'aimais aussi les filles, parce que je ne l'ai jamais vraiment dit à personne. Il me demande si la journée à été bonne. Je lui souris et avance vers lui et prend une chaise pour m'installer à ses côtés.

«Très bonne … je m'en vais à Rio pour quelques jours. Je suis à l'essaie pour devenir journaliste sportive.»

Je m'en veux un peu de lui ça alors que lui n'a visiblement pas l'air d'avoir passé une très bonne journée.

C'était difficile à imaginer, difficile de se dire que c'était vrai, qu'il n'allait plus jamais le revoir. D'une certaine manière, le souvenir de leur dernière entrevue lui laissait une note positive, mais ça n'était pas encore assez pour chasser sa culpabilité. Il s'en voulait terriblement, et même si une part au fond de lui lui disait qu'il n'y pouvait rien, qu'il ne pouvait pas prévoir la mort des gens, qu'il était trop tôt, qu'il ne s'attendait pas à ce que ça soit aussi rapide, qu'il n'avait pas à s'en vouloir autant, c'était plus fort que lui. Il arrêtait pas de dire incessamment 'je n'aurais pas dû, je n'aurais pas dû' avant de se morfondre de nouveau et de regagner les ténèbres du mal-être. Ca allait peut-être passer, peut-être pas. Mais si c'était le cas, ça ne sera pas avant longtemps. Seth était parfaitement conscient qu'il allait lui falloir du temps avant de se pardonner malgré son face à face avec la réalité. Sa sœur le soutenait, sa petite amie aussi.... tout le monde était avec lui. Mais c'était difficile. Parce que malgré tout, Seth, il y avait tenu à Phil. Il n'avait pas regretté sa relation avec lui, ça n'a jamais été une erreur à ses yeux.

Maelle, sa colocataire, l'avait rejoint dans le salon. Elle avait deviné que quelque chose n'allait pas et malgré ses efforts pour le dissimuler, Seth avait bien de la peine à se maîtriser. Elle le questionna sur son état d'humeur mais il préféra ne pas répondre. S'il le faisait, il allait vraiment retomber. Il préféra lui donner une réponse par le regard qu'il lui adressa. Non, il n'allait pas bien.

« J'ai besoin d'un café. Et d'un paquet de clope. Non, en fait, j'ai pas envie de tabac, j'ai besoin d'un truc plus fort. »

Quelque chose qui était dans la capacité de le calmer et il savait parfaitement quoi. Sauf que, même étant anéanti de la sorte, il ne comptait pas le dire à voix haute devant sa colocataire. C'était une chose honteuse et qui ne se faisait pas devant tout le monde forcément et Seth avait du respect pour elle. Sauf qu'il n'allait pas tenir bien longtemps. Il avait besoin d'être calmé, de se sentir apaisé et c'était la raison pour laquelle il regardait avec envie l'endroit exact où il rangeait son matos pour les joints.
Mais il préféra se concentrer sur la réponse que Maelle lui fournit quand il lui avait demandé si elle allait bien. Au moins ça le ferait tenir un peu, même si c'était un effort inutile en fin de compte. Il était déterminé et désormais, rien ne pourrait l'arrêter. Sauf peut être une urgence à gérer.
Quand il apprit qu'elle partait au brésil pour quelques jours, il ouvrit de grands yeux en sa direction, surpris par cette nouvelle.

« Oh... tu pars ? »

A vrai dire, il ignorait si cette nouvelle était mauvaise ou indifférente. Maelle avait un métier très prennant, tout comme lui d'ailleurs. Il était arrivé plus d'une fois qu'on dû l'appeler en pleine nuit pour se rendre au QG sur le champs afin d'informer d'un nouveau drame sur lesquels ils allaient plancher. Mais Seth ne dormait pas beaucoup habituellement. D'ailleurs, la plupart du temps, jusqu'à tard la nuit, il restait sur l'ordinateur à trafiquer des choses.

« C'est... c'est cool ! Tu m'apporteras quelque chose de là bas ? »

Il se força un sourire avant de continuer :

« Et n'oublie pas les photos aussi ! Enfin, j'imagine que c'est prévu, non ? Tu vas faire quoi là bas exactement en fait ? »

Autant la questionner sur ses plans une fois qu'elle sera à l'autre bout du monde. En attendant, il allait falloir combler l'absence de Maelle et Seth songeait déjà à Stella ou à Apple, voir même son frère Lyam. Il fallait quelqu'un à ses côtés, et il savait sur qui il pouvait compter.

Seth avait vraiment mauvaise mine. Il disait avoir besoin d'une clope mais à mon avis il lui fallait autre chose. J'ai haussé un sourcil, curieuse de savoir ce qu'il avait vraiment. Je n'avais pas envie d'insister puisqu'il ne m'en parlait pas de lui-même mais je me promis de mener ma petite enquête. Il avait vraiment une tête des mauvais jours et ce n'était pas bon signe. J'avais acquiescé lorsqu'il m'avait demandé si je partais et je lui avais donc révélé que je partais pour Rio. Il avait l'air content pour moi mais je sentais qu'il y avait autre chose.

« Évidement, je t'apporterais quelque chose et des photos je n'en manquerais pas. J'ai hâte d'y être. »

Je me sentais un peu coupable d'être d'humeur très joyeuse alors que lui n'allait pas bien. Je sais qu'on n'est pas assez proche pour qu'il me parle de ses problèmes mais en tant que colocataire et amie il pouvait me parler, mais s'il ne le faisait pas c'est que ça devait être quelque chose de plus important, pourtant je ne pouvais pas me résoudre à rester là sans rien faire. Il me posait d'autre questions pour que j'oublie qu'il n'allait pas bien, c'est typique des gens qui font l'autruche.

« Je vais interviewé des sportifs, des nageurs apparemment et j'en profiterais pour me rincer l’œil par la même occasion. En fait je pense beaucoup à devenir présentatrice alors ça fera bien sur mon cv. Peut-être que je changerais de journal. Le BBC m'a fait une proposition il y a quelques jours. J'ai rendez-vous avec eux après Rio. C'est mes patrons qui risquent de faire la tronche, mais ma chef m'a tellement soûlée qu'ils n'auront que ce qu'ils méritent.»

A mes yeux le journalisme télé était tout aussi intéressant et j'avais hâte de le faire. Je voulais surtout pouvoir assister à des matchs ou des compétitions et celle des jeux olympique était vraiment le must. Je me suis assise sur le rebord du fauteuil et je l'ai regardé avant de lui lancé d'un air décid : :

« Bon, tu vas me dire ce qu'il passe ou je vais devoir te faire un interrogatoire. Je sais que c'est toi le flic mais tu ne me laisse pas vraiment le choix.»

Je n'ai pas été dur avec lui, du moins j'espère que je ne l'étais pas. Je voulais juste qu'il sache que j'étais là s'il en avait besoin et quelque chose me disait qu'il en avait besoin même s'il ne le savait pas encore. Parfois les gens ne se rendaient pas compte qu'ils avaient besoin de parler et une fois qu'ils s'y mettait on ne pouvait plus les arrêter. J'étais persuadé que c'était le cas de Seth.

Seth se força un sourire lorsqu'elle fit référence à son prochain voyage au brésil et qu'elle lui promit lui ramener quelque chose ainsi qu'une multitude de photos. Seth n'était jamais allé au Brésil. Il avait eu beau voyagé dans sa vie, c'était un pays qui ne l'avait jamais particulièrement attiré en même temps. Mais ça devait être sympa tout de même. Le Brésil était connu pour sa capacité à faire la fête, son carnaval, ses beaux paysages... c'était une bonne destination mine de rien, Maëlle avait de la chance!

“Oui, j'imagine! Amuse toi bien sûr! Et ne drague pas trop, il parait que les gens là bas sont canons!”

Heureusement, Maëlle apportait de la gaité. Il en était plutôt ravi à vrai dire, parce qu'au moins, c'était quelque chose de positif. Ca lui permettait de ne pas totalement se morfondre et de penser à autre chose. Le voyage de sa colocataire était peut-être un prétexte, mais il s'y intéressait quand même. De toute façon, Maëlle lui confirma qu'elle comptait bien en profiter dans tous les sens du terme ce qui lui fit échapper un petit rire. En tout cas, il l'admirait beaucoup. Il connaissait un peu les journalistes, son équpe travaillaient avec certains d'entre eux et ils étaient amenés à les côtoyer souvent. En plus la BBC en personne lui avait fait une offre et il en fut d'autant plus impressionné. Il imaginait aussitôt Maëlle animer une émission quelconque et c'était une chose qu'il avait absolument envie de voir en vrai.

“Sérieux? Chapeau la miss! Je croise les doigts pour toi! J'espère que tu y arrivera! C'est en voulant très fort quelque chose qu'on y arrive le mieux!”

Mais Maëlle était intriguée par son état. Il avait pas réellement envie d'en parler à vrai dire. Il allait se morfondre quelque jour avant qu'il reprenne contrôle de lui même et de sa vie. Mais la disparition de Phil l'aura marqué à jamais, c'était inévitable.

“Un interrogatoire? Oh pitié... je vais juste te dire l'essentiel, j'ai pas tellement envie de m'étendre là dessus.”

Il inspira un grand coup avant de lui annoncer la terrible nouvelle :

“Phil, mon ex copain, est mort. Je l'ai appris toute à l'heure. Et même si je n'étais plus avec lui... je tenais quand même à lui. Il méritait pas ça. Personne le mérite en même temps, mais... c'était tellement tôt...”

Il aurait pu s'étendre sur le sujet, mais comme il le lui avait dit, il n'avait pas tellement envie d'en parler. Du moins, pas de suite. C'était encore trop frais pour qu'il se confie assez facilement et il avait envie de tout sauf de ça. La mort de Phil était un réel coup dur, sans parler de la culpabilité qu'il éprouvait à l'égard du défunt en question.

“M'enfin... on ne peut pas revenir en arrière, malheureusement.”

Il se força un nouveau sourire en essayant de se ranimer le plus possible.

“On mange quoi ce soir? J'ai un peu faim...”

Un prétexte pour passer à autre chose. Autant se focaliser sur quelque chose d'autre, ça ne lui serait que bénéfique. Déjà qu'il n'aimait pas se montrer dans cet état là devant quiconque, il n'avait pas eu d'autres choix que de le faire sur le coup.