La personnalité de James avait toujours été fondamentalement différente en présence d’Emma. Il n’était pas capable de s’expliquer ce changement d’attitude et pourtant, le constat était bel et bien réel. Après avoir informé Cassie de leur choix et commandé une bouteille d’un excellent cru, l’éditeur demeura silencieux un court instant. Il avait parfaitement entendu les questions de la belle Emma et à vrai dire, ne savait pas trop comment y répondre. James savait parfaitement comment, où et avec qui il pouvait s’octroyer du bon temps. Il ne fallait vraiment pas s’inquiéter pour lui de ce côté-ci. Il n’était pas un modèle de vertu en la matière, c’était même tout le contraire. S’il conseillait à Emma de prendre du temps pour elle, il n’avait jamais véritablement eu l’occasion de prendre ce genre de conseils pour lui-même. Lever le pied n’était pas dans ses habitudes. James consacrait son existence toute entière à sa vie professionnelle. Ce n’était pas une contrainte en soi puisque la littérature était une passion à ses yeux. S’enfermer dans le travail était sans doute une manière détournée de déconnecter ses pensées du reste du monde. Une échappatoire en quelque sorte. « A quoi bon ? Ce serait une perte de temps. Tu vas sans doute penser une fois de plus que je suis un maniaque du boulot et je ne vais pas te contredire sur ce point. M’enfermer dans ma bulle m’aide à ne pas trop penser, ne pas trop ruminer non plus. Quand j’ai besoin de me changer les idées, je pars piloter quelques heures. Seul. J’aime ce sentiment de liberté. » A l’époque où ils s’étaient connus, James commençait à peine à apprendre à piloter. Il avait toujours adoré les avions, depuis sa plus tendre enfance. Passer son brevet de pilotage était une évidence, un rêve de gosse qu’il avait fini par accomplir. Quant à savoir s’il prenait du bon temps d’une autre manière et bien … disons simplement que le romantisme avait fini par s’estomper, se cacher de lui-même derrière une épaisse couche de glace. Mais cette existence lui convenait. Il ne voyait aucune raison de se plaindre pour un état de fait contre lequel intrinsèquement, il ne pouvait rien. « Tu ne devrais pas te fier aux apparences. Je ne suis pas un modèle de vertu et je ne m’en cache pas. Mes relations ne sont jamais sérieuses, ce sont de brèves aventures sans lendemain. Pas d’attache, pas de sentiments. Simplement du bon temps. Tu me connais, je suis très indépendant. C’est dans ma nature. Et puis…» Et puis elles ne sont pas toi. Voilà ce qu’il aurait ajouté si seulement Cassie n’était pas venue apporter la bouteille de vin à ce moment-là. James la remercia d’un vague sourire tandis qu’elle versait le divin nectar dans leurs verres, avant de s’éclipser. « Et toi, quelle est ton excuse ? Tu n’es pas sans connaître ton potentiel de séduction, tu es drôle, intelligente, renversante… un poil déjantée sur les bords mais c’est une partie de ta personnalité qui te rend terriblement attachante. Pourquoi n’y a-t-il personne dans ta vie qui, en tant qu’ex petit ami, me permettrait de te faire la morale en te disant qu’il n’est pas suffisamment bien pour toi ? » James esquissa un sourire profondément amusé car il savait que tous les futurs prétendants d’Emma seraient passés au peigne fin par ses soins. Elle allait certainement trouver cela insupportable mais il ne pourrait pas s’en empêcher. Et qu’importe s’il n’avait pas son mot à dire ! « Qu’est-ce qui t’effraie à ce point Emma ? Les sentiments ? La peur d’être abandonnée ? » Sans véritablement savoir pourquoi, James était persuadé qu’il ne tapait pas loin du mille. En un sens, ils étaient deux handicapés sentimentaux et c’est peut-être pour cette raison qu’ils s’entendaient toujours aussi bien. Le jeune homme porta son verre de vin à ses lèvres et en bu une légère gorgée.