(✰) message posté Mar 24 Juin 2014 - 23:47 par Invité
Comme il le faisait régulièrement, James consacra son mardi matin à l’inspection d’un temple fascinant : la section privée de l’une des plus grandes bibliothèques de Londres. Celle-ci renfermait une impressionnante collection de manuscrits et livres anciens, de quoi faire tourner la tête de notre charmant éditeur. Les livres y étaient classés non pas par noms mais bel et bien par ordre chronologique. Les premiers étaient si anciens qu’il semblait plus prudent de renoncer à imaginer ce qu’ils contenaient. Les toucher, ce serait prendre le risque de les abîmer et ça, James s’y refusait catégoriquement. Le jeune homme ne comptait plus les heures qu’il avait passé dans cet endroit, ni même les précieux trésors qu’il pouvait y dénicher. Il passa devant des manuscrits aux pages épaisses et inégales, certains portant de petites lettres grecques sur la tranche. Avec délicatesse, il en ôta un de l’étagère et pu ainsi apercevoir la belle Emma dans l’allée d’en face. Aussitôt, le visage de James se ponctua d’un léger sourire. Venir ici était également un prétexte parfait pour la revoir et s’assurer qu’elle allait bien. Leur histoire avait beau appartenir au passé, rien ne pouvait empêcher l’éditeur de s’inquiéter pour son ancienne compagne. Emma avait beaucoup compté dans sa vie… beaucoup trop, sans doute. Autant qu’il puisse en juger, elle avait été la seule avec qui il avait osé parler du futur. Il faut dire que la jeune femme était exceptionnelle et avait tout pour plaire. « 1460… ne me dites pas que c’est ce à quoi je pense … » James fut immédiatement tiré de sa rêverie. Il se tourna en direction de la voix qui venait de lui parvenir et découvrit alors une autre amatrice de vieux livres, lorgnant le précieux volume qu’il tenait entre ses mains et dont la valeur n’était pas discutable. Il s’agissait d’une édition extrêmement rare d’un des tout premiers livres imprimés dans ce pays. Autant parler d’un véritable trésor. James ne put s’empêcher de sourire de bon cœur et acquiesça, sans même savoir à qui il avait à faire. « D’accord. Alors disons que ce n’est pas ce que vous pensez. » Son interlocutrice lui lança un regard émerveillé. « Puis-je ? » L’éditeur acquiesça et lui remit l’ouvrage avant de se tourner de nouveau vers Emma … qui avait soudainement disparu. James scruta les lieux, en vain. Même s’il ne pouvait cacher sa déception, il savait qu’ils allaient finir par se revoir dans les minutes à venir. Après tout, ils partageaient le même amour et la même passion pour les livres. Sans compter qu’Emma travaillait ici, chose qui naturellement, facilitait les rencontres.
James continua son petit tour d’horizon. La semaine précédente, un éminent collectionneur avait légué une partie de ses précieux trésors à la bibliothèque, estimant que les amateurs sauraient les apprécier à leur juste valeur. L’homme en question s’intéressait principalement aux anciens livres de médecine, contenant des formules improbables et des schémas anatomiques encore imparfaits. Si la plupart étaient en parfait état, d’autres en revanche étaient usés par le temps. Par exemple, un mince et haut livre de l’étagère du bas était si écorné que l’on voyait le bois sous le cuir. Curieux de voir ce qu’il contenait, James le sortit délicatement. Il lança un regard oblique autour de lui puis observa le livre avec beaucoup d’attention. Sa reliure était de toile verte et le nom imprimé en doré était élimé. Quand il l’ouvrit vert le milieu, James entrouvrit la bouche et pencha la tête sur le côté en regardant l’image qui s’offrait à lui… une sorte de kamasutra version siècles passés. C’est à ce moment-là que James reconnut un parfum qui lui était familier. Emma se trouvait juste dans son dos, il le savait. Esquissant un sourire amusé, il ne put s’empêcher de lancer une petite remarque cynique. « Il avait bien dit que sa collection portait principalement sur d’anciens livres d’anatomie n’est-ce pas ? Il semblerait qu’il ne parlait pas exclusivement de médecine. » James tourna pour voir la page suivante et grimaça légèrement. « Comment peut-on faire ça ? Je veux dire … c’est physiquement impossible. » Voyant d’autres personnes arriver en face de lui, James referma brusquement le livre et le reposa sur l’étagère. Non, il n’avait pas envie que quiconque se rende compte qu’un éminent éditeur tel que lui avait pu feuilleter un tel ouvrage. D’ailleurs, il ne l’avait même pas fait de manière volontaire, il était tombé dessus par hasard. Voilà tout. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il se tourna vers la belle Emma. Avec nonchalance, James glissa ses mains dans les poches de son pantalon et observa la jeune femme avec bienveillance. « Je reconnaitrais ton parfum entre mille… et le bruit de tes pas également … comment vas-tu depuis la semaine dernière ? »
(✰) message posté Jeu 3 Juil 2014 - 14:12 par Invité
La journée était particulièrement longue. Encore une fois, Emma n’avait que très peu dormis. Pour passer le temps, elle s’était replongée dans de vieilles photos, laissant son esprit voguer librement parmi ses vieux souvenirs d’Amérique. Elle s’était attardée sur un cliché en particulier, où l’on pouvait la voir tout sourire, avec un jeune homme à peine plus vieux qu’elle, sur le perron d’une charmante petite maison blanche. C’était la belle époque, celle où elle possédait encore une famille, une vraie, avant que son père ne décède et que tout se gâte. Avant que sa mère ne chasse son grand frère de la maison, et que le petit monde de l’adolescente qu’elle était alors ne s’écroulât autour d’elle. Avant que tout ne dérape pour elle… Elle avait reposé le cliché avant de s’allonger sur son lit, fixant le plafond, les bras croisé derrière la tête, attendant que les heures passent. Depuis qu’elle avait perdu son frère – ou plutôt depuis que celui-ci l’avait abandonnée seule avec sa mère – elle avait du mal à trouver le sommeil. Mais si ces insomnies étaient régulières depuis ses seize ans, elles s’étaient faites plus insistantes ces derniers jours, allant jusqu’à la mettre en retard pour son travail. Elle ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’un jour, elle retrouverait Raleigh, et que ce jour était sûrement plus proche que ce qu’elle n’aurait pu penser… Mais pour l’instant, il fallait absolument qu’elle trouve une solution à ce manque vitale de sommeil si elle ne voulait pas se faire virer, et surtout retrouver un rythme de vie correct. Elle en avait plus que marre de se lever en sursaut tous les matins, de devoir se jeter sous la douche parfois encore vêtue de son pyjama, avant de pédaler comme une folle sur son vélo pour arriver à l’heure à la bibliothèque, dégoulinante de sueur. Elle s’était enfin décidée à prendre rendez-vous chez le médecin, même si l’idée de prendre des somnifères la rebutait plus qu’autre chose.
Si le début de la matinée avait été particulièrement difficile – à cause de la visite d’un groupe de collégiens qui n’était pas spécialement intéressé par les livres, et encore moins par l’exposé qu’on leur demandait de faire – les choses se calmèrent vers dix heures et demi, l’affluence diminua, et Emma s’octroya un petit instant de paix en allant ranger la pile interminable des retours sur leurs étagères. Si sa collègue ne supportait pas de parcourir les allées à la recherche de l’emplacement correct pour chacun des livres de la pile, Emma adorait ça. Elle prenait son temps, poussant son chariot afin de ramener chaque livre à sa place, dans son chez soi. Cela lui permettait de prendre une pause tout en travaillant, de s’accorder un moment de tranquillité loin de l’agitation de l’accueil, un moment rien qu’à elle, au cours duquel elle avait tout le loisir de se perdre dans ses pensées, ou tout simplement de mettre son cerveau en veille et de se vider l’esprit. Une fois tous les livres remis à leur place, la jeune femme rangea son chariot et s’accorda cinq minutes d’errance dans la section privée de la bibliothèque, réservée aux manuscrits les plus anciens que l’établissement avait en sa possession. L’odeur qui se dégageait des vieux ouvrages était comme une sorte de drogue pour elle, et bien qu’elle n’ouvrît presque jamais ces livres, elle se plaisait à lire leur tranche, s’imaginant l’Histoire qui les accompagnait. Une silhouette au bout d’une allée la tira de ses rêveries. Une silhouette qu’elle aurait reconnue entre mille. Elle avait oublié qu’on était mardi matin, et que James venait faire son tour comme à son habitude. Leur histoire était certes finie, mais ils étaient restés en bon termes, et Emma appréciait la présence de l’éditeur. Après tout, il avait beaucoup compté pour elle, et comme toujours, elle s’était investie à cent pour cent dans leur relation. Il faut dire qu’en amour, la texane était incapable de faire dans la demi-mesure. Une fois derrière lui, elle jeta un œil par-dessus son épaule sur le livre qu’il était train de feuilleter, et un sourire se dessina sur ses lèvres. Evidemment, James s’était rendu compte de sa présence sans qu’elle n’ait à se manifester. « Ce type de manuel représente même la majeur partie de sa collection. Et je suis sûre qu’avec un peu d’entraînement et d’assouplissement, cette figure est réalisable… » Elle laissa échapper un rire taquin tandis qu’il refermait le livre et le remettait en place, avant de se tourner vers elle. Il était toujours aussi charmeur, avec cette petite lueur dans le regard. « Plutôt bien écoute, la vie suit son cours… Et toi, que racontes-tu de beau ? Tu venais chercher de quoi pimenter tes nuits ? »
(✰) message posté Dim 6 Juil 2014 - 11:41 par Invité
Le rire d’Emma, doux et cristallin, le fit sourire de bon cœur. Il avait toujours aimé l’entendre rire. Mais en fin de compte, que n’avait-il pas aimé chez elle ? Emma représentait une partie non-négligeable de son passé et jamais il ne pourrait définitivement tirer un trait sur tout ce qu’ils avaient partagé. La revoir et passer du temps avec elle était toujours un vrai bonheur pour l’éditeur et le sourire qu’il affichait en cet instant traduisait très précisément ce sentiment. « Plutôt bien écoute, la vie suit son cours… Et toi, que racontes-tu de beau ? Tu venais chercher de quoi pimenter tes nuits ? » Imperturbable, James la fixa intensément avant d’arquer un sourcil, faisant mine de ne pas saisir où elle souhaitait en venir. Il la dévisagea longuement et laissa son regard la parcourir de haut en bas avant de faire mine d’être confus. « Pimenter mes nuits ? Rassure-moi, tu faisais allusion au livre là ? » A croire que c’était plus fort que lui, James ne pouvait s’empêcher de la taquiner. Il n’y avait rien d’offensant dans ses propos, c’était juste sa manière d’être, n’en déplaise à certains. Son éternelle assurance le faisait parfois passer pour un être totalement dénué de sentiments et relativement peu accessible, ce qui était naturellement faux. Malgré son statut et ses responsabilités, James avait su rester simple et authentique. « A vrai dire, j’aime venir ici. Mon côté rat de bibliothèque est systématiquement ravivé dès que je passe la porte de cet endroit. Ca m’aide à m’évader, à extirper mon esprit des contraintes administratives liées à mon boulot, ce genre de choses.» Ce genre de choses … la revoir en faisait également partie. Ce n’était pas un hasard si James choisissait très précisément cet endroit pour s’évader. La présence d’Emma l’attirait comme un aimant, sans doute car en dépit de leur séparation, il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour elle. Ne pas la voir durant une semaine était compliqué … deux semaines, c’était infernal. James n’avait jamais su dépasser ce cap. Il se souvenait encore de ce temps où il enchainait les soirées et les galantes compagnies… il testait, abusait, sans jamais véritablement se soucier des sentiments d’autrui. Puis Emma était arrivée… En sa présence, tout était différent. James n’avait jamais eu besoin de feindre un quelconque intérêt, ou une gêne qui n’existait pas. Il ne portait plus de masque. Il se comportait tout simplement comme il avait toujours rêvé de se comporter. Avec Emma, tout était simple, naturel, reposant… Elle était son équilibre parfait. Mais comme toujours, James avait fini par abuser de cette situation. Lorsqu’Emma lui faisait remarquer qu’il consacrait beaucoup trop de temps à son travail et pas suffisamment à leur couple, James ne réalisait pas l’ampleur de la situation. Jusqu’à ce qu’Emma s’en aille… Tout avait été terriblement compliqué à gérer pour lui. Son absence, sa solitude … mais aussi le fait de réaliser qu’elle avait raison sur toute la ligne : il n’était qu’un pauvre fou égoïste. Peut être que dans le fond, James n’était pas destiné à partager sa vie avec une autre personne. Ses histoires sentimentales avaient toujours eu le don de se terminer par un reluisant échec. Sauf qu’il n’y avait jamais accordé la moindre importance jusqu’au départ d’Emma. Sortant de ses pensées, James lança un rapide coup d’œil à sa montre. Il était presque midi. « Je t’invite à manger un morceau ? A ce propos Emma, à quand remonte la dernière fois que tu as pris un VRAI repas ? Je veux dire … tu es … amincie… oh magnifique comme toujours mais … changée.» Ce qui n’était pas un reproche, non. Mais comme toujours, il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour elle d’autant qu’il était bien placé pour connaître ses préoccupations concernant sa famille et tout le reste. Jamais rien ni personne ne pourrait l’empêcher de se faire du mauvais sang pour Emma. « Inutile de protester jolie demoiselle. Je sais que tu as encore toute une pile de livres à ranger, mais si l’on part du principe qu’ils ont attendu durant des siècles que l’on daigne prêter attention à eux, ils peuvent bien se passer de ta présence disons … une heure ou deux. Qu’en dis-tu ? »
Il reluqua la jeune femme de haut en bas, l’air confus, comme si elle s’était elle-même désignée piment de ses nuits. On ne le changera jamais, pensa-t-elle. Il était incorrigible, et était tout à fait incapable de contrôler son humour parfois plus que scabreux. Heureusement pour lui, Emma s’était habituée à ce genre de blague lorsqu’ils étaient encore en couple. C’était alors une simple question de survie. Mais cela n’avait pas été chose difficile, la jeune femme étant plutôt de bon publique, et capable de rire d’à peu près tout. Il n’en fallait pas beaucoup pour qu’elle parte en éclat de rire soudain, ce qui était soit apprécié par son entourage, soit raison de moqueries, dont elle n’avait cure. « Evidemment que je faisais allusion au livre, je ne vois pas de quoi d’autre j’aurais pu parler… » Elle lui lança un regard chargé de sous-entendu avant d’éclater de rire. Elle mit vite sa main devant la bouche pour se retenir. Après tout, ils étaient quand même dans une bibliothèque, où le silence était plus que de rigueur ! Et lui-même en tant que rat de bibliothèque – comme il aimait le souligner de temps en temps – était au fait des règles de l’établissement. « Ne me fais pas rire comme ça alors que je suis obligée de reprendre les gens au moindre bruissement de feuille, je vais perdre toute crédulité auprès des plus jeunes ! » Elle essaya de prendre un air sérieux, mais son sourire ne resta pas absent bien longtemps de ses lèvres. Elle n’était pas de nature à se renfrogner ou à bouder pour un oui ou pour un non. Il en fallait beaucoup pour l’énerver, et encore, la jeune blonde avait plutôt tendance à se laisser envahir par la tristesse que par la colère lorsqu’elle était obligée de faire face à un conflit – chose qu’elle fuyait comme la peste. C’était d’ailleurs ce qu’il s’était passé lorsqu’elle avait dû quitter James. Elle lui avait fait remarquer ses absences trop nombreuses, mais n’avait jamais été capable d’hausser le ton, de lui hurler dessus comme le font certaines femmes. Non, elle s’était contentée de rester calme, une légère faiblesse transparaissant dans sa voix, une fois, deux fois, trois fois, jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus. Peut-être aurait-il réagi différemment si elle s’était montrée plus ferme, peut-être aurait-il saisi l’importance de ce qu’elle essayait vainement de lui faire comprendre… Elle ne lui en voulait même pas, rejetant la faute sur elle-même, comme toujours. Elle s’était repassée le film des milliers de fois dans sa tête, cherchant et trouvant toutes les erreurs qu’elle avait pu commettre, sans voir qu’il n’était pas tout à fait blanc comme neige. Elle avait été triste, mais en colère, jamais. Il la ramena sur terre en parlant de son amour pour les bibliothèques. « Je te comprends. Surtout cette section, où l’on passe d’un siècle à un autre en quelques pas seulement. C’est un excellent moyen d’évasion je trouve. C’est bien pour ça qu’en général, je me débrouille pour venir ranger les livres de ces étagères avant que mes collègues ne le fassent ! Et puis, c’est quand même la section la plus calme de toute la bibliothèque, rien de mieux pour se reposer. » Elle avait toujours aimé les livres, encore plus lorsque ceux-ci étaient chargés d’histoire et avaient traversé les âges, suivant l’évolution de civilisations parfois aujourd’hui disparues. James jeta un œil à sa montre, incitant sans le vouloir la jeune femme à faire de même. Il était bientôt midi, et son estomac commençait à se faire entendre. Il l’invita à manger, semblant s’inquiéter de ses kilos perdus qui commençaient à être apparents. Il faut dire que son rythme de vie était quelque peu chamboulé par ses insomnies, et que le peu de repas qu’elle engloutissait ne suffisaient pas à contenter son organisme. Lorsqu’il lui demanda qu’elle avait été son dernier repas, elle repensa à la pizza qu’elle avait dévorée comme une affamée en compagnie de Robin, et effectivement, cela remontait à plusieurs jours. Mais Emma avait tendance à faire passer le travail avant tout, et n’était pas du genre à se prendre une grande pause pour avaler un repas raisonnable. Elle commença à entrouvrir les lèvres pour protester, mais le jeune homme ne lui en laissa pas l’occasion. Il ne lui laissait pas le choix, et si cela aurait pu l’agacer, il n’en était rien. Elle trouvait plutôt sa réaction adorable. Comme quoi, il continuait malgré tout à s’inquiéter de son état. « Bon… On ne peut pas dire que tu as tort… J’accepte l’invitation, mais pas plus d’une heure ! Je n’ai pas envie de me faire sermonner par ma patronne… »
(✰) message posté Mar 22 Juil 2014 - 0:16 par Invité
Aussi surprenant que cela puisse paraître, il y avait bel et bien une personne qui passait avant toutes les autres dans l’univers de James et il s’agissait bien entendu de la belle Emma. Ne pas s’inquiéter pour elle relevait de l’impossible et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’éditeur était particulièrement doué pour remarquer le moindre changement chez elle. Sans doute une vieille habitude, trace de leur vie commune passée. Ce n’est pas pour rien qu’il se vantait de connaître Emma mieux que personne. Certes elle avait toujours été mystérieuse à ses yeux, mais James connaissait chacune de ses petites manies, chacun de ses petits défauts… il l’avait vu rire, il l’avait vu pleurer, il l’avait regardé dormir durant des heures… Fut un temps où il aurait été capable de décrocher la lune et les étoiles pour elle. Assurément, il en aurait encore été capable même si les choses étaient désormais beaucoup plus complexes. Il avait merdé sur toute la ligne et en avait pleinement conscience. Emma méritait quelqu’un de bien. Quelqu’un qui soit … différent de lui. James était sans doute un peu trop obsédé par sa carrière et obnubilé par les livres pour s’ouvrir aux autres. Il avait compris ça beaucoup trop tard, malheureusement. Toutefois, il comptait bien s’octroyer encore un moment en compagnie de la belle Emma et l’inviter à diner lui sembla une bonne initiative. Il se doutait bien qu’elle tenterait de protester et tâcha donc de ne pas lui en laisser l’occasion. Quand elle accepta enfin son offre, le sourire de James ne manqua pas de s’élargir. Il était irrésistible, c’était certain. L’assurance et le charisme du jeune homme n’étaient plus à démontrer et de toute évidence, il adorait en jouer. Charmer était une seconde nature chez lui. « Très bien, une heure ça me semble parfait. Et amplement suffisant pour te faire ingurgiter un double supplément de calories.» Lança-t-il avec un regard pétillant de malice. Il avait souvent ce côté « petit garçon » adorable et mutin, ce qui était plutôt mignon au demeurant et contrastait fortement avec son assurance légendaire. Délicatement, il glissa un bras autour des épaules de la jeune femme comme il aurait pu le faire avec sa meilleure amie. En un sens, c’est un peu ce qu’elle était. C’est aussi pour cette raison qu’il avait toujours été autant attaché à leur relation. Emma n’avait pas seulement été sa moitié. Elle avait été sa confidente, sa maitresse et sa meilleure amie. Autant dire que ce n’était pas donné à tout le monde. Tout en lui parlant doucement pour ne pas faire trop de bruit, il l’entraina vers la sortie de la bibliothèque. «Ca me fait penser que je t’ai rapporté un livre de mon dernier voyage à Paris. C’est une édition rare que j’ai déniché un peu par hasard dans une vente aux enchères. Je me suis dit que tu adorerais le lire…» Ca aussi, c’était l’un des avantages d’avoir vécu avec elle durant tout ce temps. Il connaissait ses goûts en matière de littérature et ne s’y trompait que rarement. En l’occurrence, il s’agissait d’un livre dont ils avaient souvent discuté par le passé. Un auteur dont ils appréciaient tout deux les écrits et le courant littéraire. James savait qu’elle allait l’adorer. Mais il se garda bien de donner davantage de détails. Quand ils furent enfin dehors, il ôta son bras des épaules de la jeune femme tandis que son téléphone portable se mettait à sonner. « Excuse-moi. » Si James était tenté de répondre, il n’en fit rien. Il savait que son obsession pour le boulot avait le don d’agacer Emma et il n’était pas question de gâcher leur petite sortie à cause de ses vieilles manies. Ainsi, il ne tarda pas à basculer la sonnerie en mode silencieux et à glisser l’appareil dans le poche de sa veste. « Alors … Si tu me disais ce qui se passe de beau dans ta vie depuis notre dernière rencontre ? » Si la question était aussi vague, c’est tout simplement car de nombreux points l’intéressaient. Naturellement, James voulait savoir où en étaient ses péripéties familiales, il voulait savoir si elle arrivait à gérer tout ça sans se mettre trop de pression. Il aurait aimé pouvoir l’épauler et la soutenir comme il le faisait autrefois même si désormais, les choses étaient bien différentes cela va sans dire. « Tu vas trouver ça idiot sans doute mais … ça me manque tout ça. Je veux dire … nos discussions, le fait de savoir ce que tu penses, ce que tu ressens… Je n’ai pas envie d’entrer dans l’éternel débat du pourquoi du comment nous en sommes arrivés là mais … c’est tout de même important à mes yeux de savoir si tu vas bien ou pas. Alors sois franche avec moi. Sans quoi… » James ne termina pas sa phrase mais prit une expression amusée et volontairement menaçante, signe qu’il trouverait toujours le moyen de la faire parler. Son sourire taquin s’estompa tandis qu’il attendait une réponse de la part de la jolie blonde.
(✰) message posté Dim 27 Juil 2014 - 16:19 par Invité
« Un double supplément, carrément ? Tu n’y vas pas de main morte dis donc ! » Elle lui lança un sourire en coin, tout en acquiesçant intérieurement. Elle ne pouvait pas le contredire, elle était morte de faim, et comme elle prenait de moins en moins de repas dit normaux, elle avait tendance à engloutir tout ce qui lui passait sous le nez sans prendre le temps de mâcher. La pauvre pizza n’avait d’ailleurs pas fait long feu… James passa un bras autour de ses épaules, l’emmenant vers la sortie de la bibliothèque. Etant du genre tactile, elle avait toujours appréciée que le jeune homme le reste avec elle malgré leur séparation. Cela lui apportait cette douce sensation de sécurité qui lui manquait depuis tant d’années – depuis que Raleigh était partie. Elle se laissa aller contre lui, se laissant guider comme une enfant vers l’extérieur, vers cette heure d’échappatoire qui l’attendait, une heure entière rien que pour eux, loin de toutes les préoccupations qui pouvaient lui encombrer l’esprit. Rien qu’en pensant à cette perspective, elle pouvait sentir la tension quitter son corps progressivement. Elle se redressa d’un coup, les yeux pétillants, lorsqu’il lui annonça qu’il lui avait ramené un livre de Paris. Elle avait toujours rêvé d’aller visiter la capitale française, mais n’en avait encore jamais eu l’occasion. Lorsqu’il mentionna les mots ‘’éditions rares’’, elle fut encore plus intéressée, comme une enfant devant ses cadeaux de Noël. « C’est vrai ? C’est vraiment trop gentil ! Mais dis moi, quel livre m’as-tu rapporté ? Il est de qui ? » Même si elle brûlait d’envie de connaître la réponse – et de tenir l’ouvrage entre ses mains – elle ne se faisait pas de souci. Emma savait très bien que le jeune homme connaissait très bien se goûts. Il ne s’était d’ailleurs jamais trompé lorsqu’il s’agissait de lui faire un cadeau. Comme quoi, bien qu’il ait été beaucoup absent, il avait tout de même su se montrer attentif à ce qu’elle aimait, à ce qu’elle pensait. Et encore aujourd’hui, elle été souvent incapable de lui mentir lorsqu’il lui posait des questions. Cela aurait été inutile, il avait cette capacité à déceler la moindre touche de mensonge dans ce qu’elle lui disait. Une ombre passa sur le visage de la jeune femme lorsqu’une sonnerie de portable retentît. Cette sonnerie, elle la connaissait bien. Combien de repas en amoureux était-elle venue interrompre, combien de balade, combien de film… Elle ne supportait plus cette sonnerie, et l’espace d’un instant, elle eût peur que James ne décroche, et jeta un regard inquiet vers sa poche. Il retira son bras de ses épaules, mais au lieu de décrocher, il passa l’appareil en silencieux avant de le glisser dans la poche de sa veste. Le sourire revint sur les lèvres de la jeune femme. « Merci. » Ça n’avait été qu’un simple murmure, mais elle appréciait vraiment qu’il fasse cet effort. Elle savait à quel point cela pouvait lui couter de se couper ainsi de son travail. Et qu’il prenne cette peine alors qu’il avait décidé de passer une heure avec elle était tout à fait agréable. Il se tourna vers elle, lui demandant un peu ce qu’il y avait de nouveau dans sa vie depuis une semaine. En soi, il ne s’était pas passé grand-chose, mais elle avait eu un petit coup de mou. Depuis qu’elle faisait ses insomnies, son moral était loin d’être au beau fixe, et elle avait tendance à se noyer sous une masse de travail monstrueux pour oublier – ce qui était toujours mieux que de se noyer dans l’alcool… Mais elle détestait se plaindre, et ne voulait surtout pas accabler James de ses problèmes, et encore moins gâcher cette heure qu’elle avait avec lui. Alors qu’elle réfléchissait à une façon de lui faire croire que tout allait bien, il insista sur le fait que c’était vraiment important pour lui, ce qui entama les dernières barrières de la jeune femme. Même si elle ne voulait pas étaler sa vie, elle ne pouvait qu’être honnête avec lui, comme elle l’avait toujours été. Elle eût un rire léger face à sa fausse menace, avant de commencer à lui répondre, fixant le sol qui défilait sous ses pieds. « Moi aussi ça me manque… Et bien écoute, je… Pour être honnête, je suis un peu fatiguée, car je ne dors pas beaucoup ces derniers temps… Mais ça va, rien de bien grave, ni de quoi s’inquiéter, ça finira bien par passer. » Elle le regarda dans les yeux, souriant doucement. Elle avait toujours eu tendance à minimiser tout ce qui la concernait pour ne pas inquiéter les gens, et cela ne changerait jamais…
(✰) message posté Dim 27 Juil 2014 - 17:05 par Invité
« Notre auteur Emma … forcément.» Voilà la seule et unique réponse qu’il se contenta de lui donner afin de satisfaire sa curiosité. S’il lui avait toujours promis de lui faire visiter la capitale la plus romantique du monde, James n’avait jamais eu l’occasion d’honorer sa promesse. Comme beaucoup d’autres d’ailleurs. Dieu sait qu’il s’en voulait pour tout ça. Leur séparation était le fruit de ses propres erreurs, de son propre égoïsme et de son goût immodéré pour le travail. A croire que rien ne comptait davantage dans sa vie et qu’il n’avait été programmé que pour les négociations acharnées, les contrats, les réunions et autres interminables conférences. La sonnerie de son portable ne manqua pas de leur rappeler cet état de fait. Mais pour l’instant, James n’avait pas la moindre envie d’être dérangé. Il avait juste envie d’être avec Emma et de profiter de cet instant de pure complicité entre eux. Un moment comme ils n’en avaient pas connu depuis fort longtemps. James ne savait pas ce qui le troublait le plus. Etait-ce de se trouver ainsi confronté à cette jeune demoiselle qui mettait en émoi tous ses sens, le fait d’avoir passé les deux dernières heures à feuilleter d’anciens manuscrits comme un alcoolique retrouvant sa bouteille chérie après de longs mois d’abstinence ou bien un ensemble de tout cela ? James rassembla ses pensées, tâchant de former un tout cohérent. Indéniablement, Emma était la seule responsable de l’état d’esprit dans lequel il se trouvait. Comme il fallait s’y attendre, James voulu en savoir davantage. Il avait besoin qu’Emma lui fasse part de ses pensées, il tenait à connaître la vérité même si elle avait l’art et la manière de dissimuler à la terre entière ce qui n’allait pas. En entendant sa réponse, il ne put réprimer un profond soupir. « Tu as toujours été très habile pour minimiser les faits. Pour une fois dans ta vie, tu devrais prendre le temps de faire un break, de te reposer et de ne penser qu’à toi. La terre ne s’arrêtera pas de tourner pour autant, tu peux me croire.» Fondamentalement, ça le tuait de ne plus être là pour veiller sur elle. Si James n’était pas un homme très démonstratif, il avait pourtant toujours été très subtil dans sa manière d’analyser ceux qui l’entourent. Avec Emma, en particulier. Peut-être parce qu’elle méritait plus d’attention que les autres. Peut-être parce qu’elle était exceptionnelle et qu’il était difficile de l’ignorer. Peut-être parce qu’elle était la seule dont il avait sincèrement été amoureux. Avec tout ça, il avait effectivement mis de côté le fait qu’Emma ait avoué à demi mot que ce qu’ils avaient vécu lui manquait également. Avant de la connaître, James était une créature insensible et solitaire. Elle l’avait changé. Elle avait su faire de lui quelqu’un de meilleur et il ne l’avait jamais remercié pour cela. « Emma, tu sais je…» C’est ce moment-là que James choisit pour s’arrêter de marcher, se tourner vers la jeune femme et frôler son bras du bout des doigts. S’il s’était écouté, il aurait probablement été jusqu’à prendre sa main, l’attirer contre lui et la serrer de toutes ses forces, juste pour le plaisir de sentir à nouveau cette étreinte si particulière. Mais il ne le fit pas… Par respect ou accès de conscience, James savait qu’il ne devait pas s’amuser à cela. Pourtant, il n’avait pas envie d’abandonner cette bulle de bien être dans laquelle il se trouvait totalement immergé depuis qu’ils avaient franchi le pas de la porte de la bibliothèque. C’était absurde, pourquoi s’était-il mis dans une situation pareille ? Pourquoi était-il venu une fois de plus, au risque de repartir encore plus chamboulé et confus qu’il ne l’était en arrivant ? Ainsi, il désigna aussitôt le restaurant d’un léger mouvement de tête. « C’est ici. J’espère que l’endroit te plaira. Interdiction formelle de commander une salade, tu m’entends ? » Un sourire taquin ponctua ses lèvres tandis qu’ils pénétraient dans l’enceinte du restaurant. L’endroit était accueillant et chaleureux. Si James ne fit pas vraiment attention au décor, c’est parce que toute son attention se focalisa sur l’œuvre d’un jeune artiste qui était exposée sur leur droite : « WISH LIST » était inscrit en lettres dorées tandis que les clients du restaurant étaient invités à écrire sur un post-it un de leur rêve avant de le coller sur un panneau. Certains espéraient devenir riches, d’autres souhaitaient trouver l’amour ou encore le bonheur de leurs proches. Amusé, James esquissa un léger sourire et se tourna vers Emma. «Est-ce que toi aussi tu as une liste de choses que tu aimerais faire avant de disparaître ? » Pour un homme qui vit au jour le jour, envisager ne serait-ce qu’un instant le reste de sa vie n’était pas simple. James avait beau essayer de se projeter dans l’avenir, il se trouvait toujours confronté à un voile opaque. Peut-être que songer à l’avenir lui faisait peur en un sens… « Personnellement, je n’aime pas penser à demain. Personne ne sait ce que la vie nous réserve et je préfère laisser au destin le loisir de me surprendre. Finalement, ce sont les choses les plus simples qui rendent la vie pétillante. Une promenade à deux, un bon livre, un fou rire… Mais si je devais faire une liste, je crois que le contenu en serait totalement absurde comme … pouvoir voyager dans le temps, casser la gueule à Neil Petersen qui me pourrissait la vie quand j’étais gamin, dire au revoir à ma grand-mère, … te retenir. Ne jamais te laisser partir et pouvoir ainsi changer le cours des évènements.»
(✰) message posté Dim 27 Juil 2014 - 20:33 par Invité
Le sourire de la jeune femme s’élargit lorsqu’il laissa deviner l’auteur du livre qu’il lui avait rapporté de la ville lumière. Elle se souvint qu’il lui avait autrefois promis de l’emmener visiter Paris, mais évidemment, il n’avait pas eu le temps de l’emmener faire ce voyage, trop absorbé qu’il était par son travail. Mais elle ne lui en voulait plus à présent, elle avait su pardonner, oublier. Et puis, il faut avouer qu’elle n’avait jamais été rancunière non plus. James poussa un soupir lorsqu’elle ne répondit qu’à moitié à sa question, et il ne pu s’empêcher de la reprendre sur cette faiblesse qui était sienne. Il fut un temps où elle avait été capable de lui parler presque normalement de ce qu’elle ressentait, de ce qu’elle vivait, de ce qu’elle pensait. Mais cette époque appartenait au passé, et elle n’avait jamais réussit à être aussi proche de quelqu’un comme elle avait pu l’être avec lui, à l’époque où ils étaient encore ensemble. Elle fixa à nouveau ses chaussures, souriant nerveusement alors qu’il essayait de la faire parler. Elle n’était pas bête, et savait bien que s’il persistait il arriverait à ses fins. Elle avait toujours été incapable de lui résister, à lui et son sourire charmeur. « Tu n’as pas tout à fait tort… Mais tu me connais, c’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher d’aller à la bibliothèque, de travailler, d’aider les gens… Je m’ennuie sans ça. Et ce n’est pas quelque chose que tu peux me reprocher… » Elle lui lança un sourire taquin. Ce n’était qu’une boutade, rien de méchant dans sa remarque. Bien que ce côté du jeune homme l’ait profondément désespéré lorsqu’ils vivaient ensemble, maintenant elle ne se permettait plus de lui faire des remarques sur son style de vie. Cependant, elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour lui, de se demander comment il pouvait survivre avec un rythme aussi effréné, comment il pouvait avoir une vie sociale en dehors de ses livres… Un peu comme il faisait pour elle. Il s’arrêta, commençant une phrase qu’il ne terminerait jamais. « Oui ?... » Emma se tourna vers lui à son tour, l’interrogeant du regard. Il frôla le bras de la jeune femme du bout des doigts. Elle resta immobile, le regardant droit dans les yeux. Une part d’elle même avait envie de se blottir dans ses bras, de s’abandonner contre lui, de se laisser aller, d’oublier tous ses soucis, d’être bien, tout simplement. Mais une force invisible la retenait, celle là même qui semblait le retenir également, qui les empêchait de franchir cette barrière. Il mit fin à cet étrange moment entre rêve et réalité, désignant le restaurant qu’il avait choisi pour faire manger la belle. Elle laissa échapper un rire léger lorsqu’il lui interdît de commander une salade. « Oh ne t’inquiète pas pour ça, j’ai bien trop faim pour me contenter d’une simple salade. Et ça m’a tout l’air d’être sympathique comme endroit. » ajouta-t-elle en jetant un œil par la fenêtre. L’ambiance était tout à fait cosy, et elle n’aurait pas pu rêver mieux comme cadre à son escapade d’une heure. Ils pénétrèrent dans l’établissement, et James fut attiré par un tableau remplit de post-it sur lesquels on pouvait lire une série de rêves que les clients souhaitaient vivre avant de mourir. Pour une grande rêveuse comme elle, ce n’était pas un post-it qu’il aurait fallu, mais un bloc entier si ce n’est plus ! « Si seulement tu savais… Elle est longue comme mon bras ! » Elle lui fit un clin d’œil complice avant de laisser libre cours à son rire cristallin. Elle reprit son sérieux avant de lui retourner la question. Elle l’écouta attentivement, le retrouvant tout à fait dans sa réponse. Lorsqu’elle y repensait, c’était vrai qu’il ne s’était jamais inquiété du lendemain, de ce qui pouvait leur arriver. Et elle l’avait aimé pour ça, pour cette touche de fantaisie et d’inconnu qu’il mettait dans sa vie. Elle laissa échapper un éclat de rire lorsqu’il parla de son bourreau alors qu’il n’était qu’un enfant, mais retrouva bien vite son sérieux lorsqu’il parla d’elle. Elle scruta son regard intensément, cherchant à savoir ce qu’il avait voulu dire, cherchant une prise à laquelle se raccrocher. Elle était un peu perdue – et il faut le dire, facilement impressionnable – entre ce qu’il lui disait et ce qu’elle ressentait. Son frère lui manquait, et elle se sentait un peu seule ces derniers temps, ce qui lui rendait difficile de faire la part des choses. James avait été plus qu’un simple amant de passage, elle ne pouvait pas le nier. Si elle avait toujours eu tendance à s’engager à deux cent pour cent dans ses relations, il y avait eu autre chose entre eux, un véritable lien, une vraie connexion, qu’il lui était impossible d’oublier… « James… Pour ça, il aurait fallu que tu décroches un peu de ton travail, et tu sais comme moi que tu en aurais été malheureux. » Elle avait parlé d’une voix douce, calme, tout en restant souriante, de ce sourire qui ne quittait presque jamais ses lèvres.
(✰) message posté Dim 27 Juil 2014 - 21:18 par Invité
Eternel sujet, éternel débat sur lequel James ne souhaitait pas revenir. Les discordes d’autrefois risquaient fort de reprendre le dessus et il n’était pas question de gâcher le peu de temps qu’ils passaient ensemble pour des broutilles de ce genre. Ils avaient suffisamment donné, l’un comme l’autre. De toute évidence, il n’aurait jamais dû s’aventurer sur un terrain aussi glissant. L’idée était même très mauvaise. Il leur faudrait toute une vie s’ils voulaient se dire tout ce qui leur passait par la tête. Pas sur que ce soit une bonne idée. « A ce moment-là, peut-être.» A quoi bon en reparler ? Jusqu’à preuve du contraire, James ne possédait pas de supers pouvoirs lui permettant de remonter le temps à sa guise afin de pouvoir corriger ses propres erreurs. Se torturer avec tout ça n’avait plus aucun sens. Cela faisait maintenant un bon bout de temps qu’ils menaient chacun leur vie librement et ce n’était peut-être pas une mauvaise chose. Pour Emma en tout cas. Car de son côté, il avait absolument tout perdu. James marqua donc une pause, cherchant ses mots. Il soupira, embarrassé. Emma avait raison sur toute la ligne et c’est précisément pour cela qu’il culpabilisait autant. Il passa une main fébrile sur sa nuque, s’accordant quelques instants tandis que son regard se perdait dans celui de la jeune femme. Souriant vaguement, il continua : « Tu sais, je manque souvent de tact. Je sais que je passe ma vie à bosser, je ne m’accorde jamais de temps. Travailler, c’est une échappatoire. A croire que je ne sais faire que ça… C’est triste hein ?» Il haussa les épaules, un petit sourire gêné au coin des lèvres. « Jaaames !! Ca faisait longtemps que je ne te voyais plus par ici ! » L’ancien charmant petit couple fut interrompu par une voix légèrement nasillarde provenant de la salle. La serveuse s’avança vers eux tandis que James esquissait un sourire poli. « Bonjour Cassie. J’étais effectivement en déplacement ces derniers temps. Une table pour deux aujourd’hui s’il te plait.» James avait l’habitude de venir diner ici. Il aimait l’ambiance, le personnel était très sympathique et la nourriture, à tomber à la renverse. L’atmosphère décontractée qui y régnait convenait parfaitement à l’homme d’affaire qui d’ordinaire, était contraint de diner dans des endroits bien plus formels. « Je vois… Aussi loin que remonte ma mémoire, c’est bien la première fois que je te vois accompagné. » James laissa échapper un petit rire nerveux tandis que la serveuse fixait Emma en silence, une petite pointe de jalousie dans les yeux. « Cassie … ? La table ?» La jeune femme s’excusa en silence et les mena jusqu’à leur table. James ne disait rien mais il était véritablement amusé par le comportement de Cassie. Celle-ci s’était toujours amusée à le draguer alors forcément, le fait qu’il soit accompagné d’une jolie jeune femme compromettait son petit rituel journalier. Elle était assez drôle Cassie, avec son accent Texan et son drôle de look. Quand elle leur tendit la carte et s’éloigna, James esquissa un petit sourire sur les lèvres, s’expliqua auprès de sa belle invitée. « Je suis désolé Emma. Il ne faut pas lui en vouloir. Elle est un peu déjantée mais très sympa au demeurant.» Une fois les cartes à leur disposition, James ne daigna même pas y jeter un œil tant il était concentré sur Emma. Si son regard direct, son assurance et sa manie à vouloir toujours tout contrôler était souvent à l’origine d’un malaise chez ses interlocuteurs, Emma ne sembla pas lui en tenir rigueur. Pendant qu’elle observait la carte, il l’observait elle. Il s’imprégnait de tout ce qui émanait d’elle, de ses manies à la manière singulière dont elle remettait en place une mèche de ses cheveux, sans même s’en apercevoir. « Est-ce que quelque chose en particulier te fait envie ? »
Elle se demanda ce qui avait bien pu les mener sur ce terrain si glissant. Dire qu’à peine cinq minutes auparavant, tout allait bien, ils étaient décontractés, ne se prenaient pas la tête, tout allait pour le mieux. Et là, en l’espace d’à peine quelques secondes, tout semblait avoir dérapé. Si le sujet abordé la mettait un peu mal à l’aise, ce n’était rien comparé au spectacle que James lui offrait. Une main derrière la nuque, avec son petit sourire gêné, restant silencieux, laissant échapper un soupir. Cela lui faisait du mal de le voir ainsi se torturer encore après toutes ces années. L’eau avait coulé sous les ponts comme on dit, et on ne pouvait pas réécrire l’histoire passée. Elle aurait aimé pouvoir le rassurer, lui dire que tout allait s’arranger, que non, ce n’était pas triste de s’échapper ainsi dans le travail – elle faisait bien la même chose elle-même ces derniers temps – mais alors même qu’elle prenait sa respiration afin de lui dire tout ça, elle fut interrompu par un accent qu’elle aurait reconnu entre mille. Apparemment, elle n’était pas la seule texane à succomber au charme du jeune britannique. La jeune serveuse ne semblait pas vraiment apprécier la présence d’Emma, mais cela avait plutôt tendance à faire rire la jeune blonde que de l’agacer. Un léger sourire passa sur les lèvres de la jeune femme, avant qu’une ombre ne vienne l’altérer de façon imperceptible lorsqu’elle entendit la réflexion de Cassie. À l’en croire, James ne venait plus que seul au restaurant, sans jamais être accompagné. Si un part d’elle y voyait une lueur d’espoir, son côté protecteur s’inquiéta de savoir que son ami n’ait pas pris la peine de passer du temps en agréable compagnie depuis longtemps. S’il l’encourageait à prendre du temps pour elle, c’était un minimum que de suivre ce conseil pour lui-même. Après avoir fixé la jeune femme d’un regard foudroyant, la serveuse daigna les conduire jusqu’à leur table, ce qui tira un sourire à Emma. Elle qui n’était vraiment pas du genre jaloux, elle ne pouvait s’empêcher de trouver ce genre d’attitude ridicule chez les autres, et en riait doucement. Encore plus lorsque James s’excusa de la conduite de la jeune femme. « Oh ne t’en fais, je veux bien te croire. A en entendre son accent, elle ne peut qu’être sympathique. Les texans sont tous des gens adorables… » Si elle avait dû quitter son Texas natal pour trouver du travail, la jeune femme était tout de même fière de ses origines, et espérait bien pouvoir y retourner un jour, si ce n’était pour retrouver sa mère, au moins pour faire un tour sur la tombe de son père. Et qui sait, peut-être retrouver quelques amis d’enfances, avec qui elle n’avait presque plus de contacts… Elle étudia attentivement la carte qu’on venait de leur tendre, ne faisant même pas attention à James qui l’observait. Elle ne s’en rendait plus vraiment compte avec le temps. Si au début de leur relation, cela l’avait surprise, elle avait fini par s’y habituer, et parfois même appréciait cette franchise dans son regard. Ce trop plein d’assurance débordait un peu sur elle, ce qui ne lui faisait pas de mal. « Pour être honnête, tout me fait envie ! Je ne sais pas sur quoi m’arrêter… Allez, disons qu’un bon rumsteak me fera le plus grand bien, ça fait une éternité que je n’ai pas mangé de viande rouge. » Elle posa la carte refermée à côté de son assiette, appuyant son menton sur ses mains jointes, plantant son regard dans les yeux de son interlocuteur. Elle n’arrivait pas à faire disparaître cette petite lueur d’inquiétude qui avait point après les dires de la serveuse. « Dis-moi, tu penses à lever le pied de temps en temps ? A ralentir ? A prendre du temps pour toi, comme tu le dis si bien ? »