(Oïwel & Oswald) but we're innocent !

- Sympa ton costume. On pourrait presque croire que c’est un vrai.

Je ne sais pas ce qu’il y a de pire entre le fait d’être pris pour un manifestant révolutionnaire ou l’idée de passer mes prochaines heures dans une cellule crasseuse. Et que dire de ma crédibilité de prêtre ? Autant être franc, elle en prend un sacré coup et ce n’est pas pour me satisfaire.

- Messieurs je vous assure que vous faîtes erreur, dis-je en tentant vainement de me défendre.

Pour plus de précautions, l’agent qui me conduit à ma cellule a préféré me passer les menottes. Une première dans ma triste existence. J’ai envie de sourire, de rire aux éclats, tant la situation est ridicule, gênante, pitoyable. Je remarque sans aucun mal une odeur d’alcool mélangée à celle de la transpiration. Je m’imagine alors quel genre d’énergumènes se succèdent chaque jour, chaque nuit, coupables ou innocents de crimes qui les dépassent probablement. C’est en tout cas le sentiment qui m’accompagne chaque fois qu’un individu m’avoue sa plus grosse faute, son crime le plus honteux. Et croyez bien qu’en plus de dix ans, j’ai entendu bien des histoires.
L’agent de police me libère finalement de mes chaînes et me tapote l’épaule, probablement dans le but de me réconforter. Je me rends compte qu’un étranger occupe déjà l’espace ridicule qui nous est offert. Non par choix mais plutôt pas obligation, je m’assis à ses côtés et commence à fixer le mur tagué qui nous fait face.

- Vous étiez à la manifestation vous aussi ?

Ma voix résonne sans que je comprenne comment. Le plafond est trop bas, les murs sont trop près et la luminosité semble être un luxe que ce commissariat de police ne peut pas s’offrir. Je me pince l’arête du nez tout en pensant que la situation ne peut probablement pas être pire. Un énième soupire vient s’échapper d’entre mes lèvres tandis que je décide de retirer cette veste sombre, beaucoup trop chaude pour être portée à l’intérieur.

- Je m’appelle Oswald. Ceux qui me connaissent seraient probablement horrifiés de me voir à l’intérieur de cette cage de fer mais je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est Dieu qui a voulu m’y enfermer. Vous savez, histoire de me punir pour… quelque chose.

Le visage d’Eleonor me vient automatiquement à l’esprit. Une pensée répétitive qui fait désormais partie de mon quotidien et m’aide, contre toute attente, à endosser un rôle dont je me lasse et que j’ai de plus en plus de mal à comprendre. Je me persuade alors de me séparer du seul signe distinctif qui pourrait m’innocenter, de la seule marque religieuse qui m’est offerte de porter lorsque je décide de quitter la maison de Dieu. Je fais sauter mon col romain et le laisse tomber sur le sol comme un vulgaire morceau de tissu. Tant pis, je pense en tentant de me rassurer tandis que cette impression d’être un homme tout à fait normal m’envahit d’une manière totalement inattendue.

- Oh vous avez un chien ? Je suis persuadé qu’ils s’en occupent bien en attendant de vous relâcher, dis-je en tentant de le rassurer tant bien que mal tandis que mon regard se perd dans l’étroitesse de la pièce.

Quel idiot je fais à ne pas avoir remarqué le handicap de ce jeune homme plus tôt. Habituellement je suis quelqu’un de très observateur, sachant déceler chaque particularité d’une personne mais je dois dire qu’aujourd’hui je me suis laissé emporter par mes émotions. Du moins, c’est l’excuse que je trouverais à dire si l’on doit me reprocher quoique ce soit. Je baisse les yeux vers mon col romain, vulgaire signe distinctif dont je me suis débarrassé sans remord ou presque. Dans cette cellule tu n’es personne. Ces mots résonnent dans mon esprit tandis que je commence doucement à y croire. Après tout pourquoi pas ? Cette malheureuse aventure est peut-être un bon moyen d’être une autre personne, pour une fois. Et ce n’est certainement pas un aveugle qui rétablira la vérité à mon sujet.

- Vous savez, Dieu n’aime pas que ses fidèles jouent avec le feu. Et puis d’après moi chaque événement se déroule en fonction de quelque chose. Disons que pour ma part, j’ai peut-être trop tenté le diable.

Ce que je dis n’a ni queue ni tête lorsque l’on se trouve en dehors de ma tête, mais je ne cherche pas vraiment à me justifier, du moins pas devant ce garçon.

- Vous avez sans doute raison, dis-je suite à sa précédente remarque. Je trouve quand même cette situation assez comique. J’ai hâte de voir leur tête lorsqu’ils s’apercevront qu’ils ont chopé les mauvais personnes.

Je glisse mes mains dans les poches avant de mon jeans, prenant une position plus ou moins confortable sur le banc de cette cellule à l’odeur inqualifiable. Il semblerait que mes prochaines heures soient condamnées, tout comme celle de cet étranger qui doit probablement se poser d’avantages de questions que moi. J’aimerais lui dire que Dieu l’accompagne chaque jour de sa vie et l’aide à avancer à travers les péripéties de la vie mais mes lèvres restent inertes tandis qu’aucun son provenant de ma bouche ne semble vouloir s’extérioriser.
Un brouhaha se fait alors entendre à l’extérieur de la cellule. Je tourne mon regard vers ses voix qui s’élèvent, qui jurent et qui balbutient des mots en tout genre. Je me demande alors si ces personnes à l’allure indescriptible sont aussi innocentes que nous. En fait… Le contraire serait étonnant quand on sait que ces chers représentants de l’ordre n’ont même pas été foutus de faire la différence entre un aveugle et une personne valide.

- Bon dîtes moi, qui êtes-vous Oïwel ? On risque de passer un bon bout de temps ensemble alors autant apprendre à se connaître, dis-je avec le plus de naturel possible avant de rajouter : bon c’est vrai que vous auriez pu tomber sur une personne plus intéressante et plus originale que moi, je vous l’accorde.
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