j'aime le piment d'espelette - nollaig -

La fin de la journée commençait à arriver. Tel un bon grand frère qui se respectait, Olly avait promis qu'il irait chercher Nollaig à la sortie de ses cours d'été. Comme c'était les grandes vacances, Olly gardait son cabinet que la moitié du temps où il consultait, si bien qu'à peine midi passés, il avait terminé de voir tout le monde. Il avait posé qu'une seule semaine de congé sans en avoir tout à fait profité puisqu'il n'avait absolument rien fait durant ce temps là. Au moins, lorsqu'il travaillait, il était occupé et il voyait moins le temps passer. C'était une part de son travail qu'il aimait d'ailleurs et il avait gardé le rythme depuis qu'il avait commencé.
A la sortie, il avait posé quelques restrictions à son assistante avant de quitter les lieux. Comme il avait du temps avant d'aller chercher son frère, il passa l'après midi à tout ranger chez lui. Un peu maniaque les bords, il avait pris soin de tout ranger à sa place et convenablement, à tel point que quiconque entrerait dans son appartement pourrait le prendre pour un maniaque compulsif. Il faut dire aussi qu'en temps normal, il était très ordonné, il fallait que chaque chose soit à leur place et il avait tendance à perdre le contrôle de tout lorsqu'il y avait quelque chose qui n'était pas ordonné, pas comme d'habitude. Par exemple, au travail, il n'aimait pas que les petites pinces soient mélangées avec les grandes, que les sets de pansements se retrouvent à côté des boîtes de pâtés et ainsi de suite. Il n'était pas strict au point de passer un savon aux stagiaire qu'il accueillait, mais il leur faisait bien souligner (gentiment, certes) lorsque ça arrivait.

Il s'était pointé avec vingt minute d'avance devant le bâtiment. Lorsqu'enfin, la sonnerie de la fin des cours retentit, il patienta encore quelques minutes jusqu'à ce qu'il aperçoive Nollaig. Ça faisait un petit temps qu'il n'avait pas fait un tête à tête avec lui, d'habitude, ils se voyaient aux réunions de famille ou lorsqu'Olly passait chez sa mère.

« Hey salut ! Alors, ça s'est bien passé ? »

Ils prirent le chemin du métro afin de pouvoir rentrer. Olly avait proposé à Nollaig de passer la nuit chez lui, tant qu'à faire. Au passage, il promit de ne pas faire la cuisine, afin d'éviter une nouvelle catastrophe, comme celle d'il y a trois jours. Heureusement, les choses s'étaient réglées depuis et il pouvait continuer à préparer des choses comme à son habitude.
Nollaig était plutôt silencieux, chose assez inhabituelle chez lui. En plus, Olly n'aimait pas le silence. Le blanc qui s'installait entre eux deux lui faisait comprendre qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.

« Hey, tout va bien ? »

Il lui adressa un regard insistant, pour lui faire comprendre que ça serait inutile de lui mentir en lui disant que oui. En fait, en posant cette question, il s'attendait à ce qu'il lui déballe sa vie, et non pas un oui ou un non.

« Tu peux tout me dire tu sais. »

Ces mots sonnaient comme une promesse. Olly n'était pas réputé pour être un traitre ou avoir une langue trop pendante. Même s'il parlait énormément, lorsqu'il s'agissait de cacher un secret, il était très doué, quitte à être réellement silencieux. La loyauté faisait partie de ses qualités et quiconque le connaissait le savait.

« Parce que là on dirait que tu as passé une journée aussi exaltante que la mienne... »

Mais sans doute pas sur le même niveau.

Malgré le fait qu'il n'avait pas le coeur à cela, Nollaig se penchait sur ses cours. Chaque été, il ne profitait pas entièrement de ses vacances. Il préférait prendre des cours en plus, pour avoir de l'avance, pour que l'année scolaire soit plus simple et surtout, pour pouvoir découvrir davantage que les autres élèves. C'était son but: être le premier et surtout apprendre pour apprendre, pas seulement pour la note. Il voulait être un garçon instruit dont les parents seraient fiers. Enfin, la cloche sonnait. Il n'était pas très serein, il n'avait pas tout suivi. De temps en temps, son esprit vagabondait pour penser à Marlon. Il avait été longtemps son meilleur ami... Et à présent, c'était terminé, ils ne se parleraient plus. Pas après ce qui s'était passé. Lorsque Nollaig avait enfin eu le courage d'avouer à son meilleur ami qu'il l'aimait d'un véritable amour, celui-ci avait simplement fait remarquer que c'était réciproque. Et alors, ils avaient passé la nuit ensemble, et pas seulement à jouer à des jeux vidéo. C'était une soirée plus qu'important aux yeux de notre cher adolescent... Et il n'avait pas compris d'avoir ensuite été simplement rejeté comme une vieille chaussette. C'était inimaginable... Et il ne se voyait même pas resté ami avec Marlon après ça.

Ce soir-là, c'était son frère Olly qui avait prévu de le prendre après les cours. Une bonne occasion de se revoir et de se parler un peu plus. Les deux jeunes gens discutaient de vive voix de plus en plus rarement. Mais heureusement, la technologie existait pour que les frérots puissent se contacter bien plus souvent. "Salut." répondit-il simplement dans un soupir lorsque son frère fut arrivé. Il lui adressa un très léger sourire suivi immédiatement d'un soupir. Il se sentait mal, il avait le coeur serré et il voulait tout simplement rentrer le plus rapidement possible. Même la perspective de passer la soirée avec son adorable frère dont il était extrêmement proche ne lui rendait pas le sourire. Et cela faisait des jours à présent qu'il était dans cet état lamentable. "Ouais." répondit-il à la question de son interlocuteur qui souhaitait savoir si les cours s'étaient déroulés sereinement, alors qu'ils prenaient le chemin de la bouche du métro. Il ne fallut pas longtemps à Olly pour se rendre compte que son petit-frère n'était pas dans son assiette. Nollaig haussa d'abord les épaules avant de se décider à parler un peu. "Je suis juste complètement déprimé." déclara-t-il. "Et c'est pas à cause de l'école. A vrai dire, j'ai complètement la tête ailleurs...Tu sais.... Y a une personne que j'aimais vraiment et.... ça s'est mal passé." ajouta-t-il ensuite. Il ne savait pas encore s'il pouvait donner des noms et des lieux. Il mourrait d'envie de se libérer de ce poids, de parler de son homosexualité à Olly, mais il redoutait sa réaction. Et surtout, il redoutait que celui-ci ne lâche le morceau à ses parents. "Je lui ai tout donné, j'ai été trahi..." soupira-t-il, parlant doucement, mais suffisamment pour que son interlocuteur puisse l'entendre avec le fracas du métro.

Bien que Nollaig avait l'âge de rentrer à la maison tout seul, il s'était quand même voué à venir le chercher après les cours. Son frère n'avait pas l'air d'être très en forme, et cela se voyait lorsqu'il apparut à la sortie du lycée. Olly l'avait salué avant de lui faire remarquer qu'il n'allait pas bien et qu'il pouvait tout lui dire. Mais il n'insisterait pas pour autant si Nollaig n'avait pas envie de parler. Il savait ce que c'était, de ne pas aller bien et de vouloir la paix. Même s'il avait tendance à se confiance à sa grande sœur, Cuinn, il gardait quand même des choses pour lui. D'ailleurs, il avait une certaine fierté qui l'empêchait de se montrer vraiment à mal devant les autres. Il avait beau avoir sa sensibilité, c'était plus fort que lui.

Nollaig confirma cependant ses soupçons et commença à se livrer. Il lui expliqua qu'il était déprimé ces temps ci et que l'école n'avait rien à voir avec ça. Il lui dit aussi qu'il y avait quelqu'un qu'il aimait et que ça c'était mal passé. Olly leva la tête en y pensant. Il poussa un soupir. Il savait ce que c'était, ça.

« Je lui ai tout donné, j'ai été trahi...  »

Olly baissa le regard. Il avait l'impression que Nollaig lui confiait des choses qu'il avait vécu lui-même récemment. Bien sûr, c'était le genre de situation qui arrivait à de nombreuses personnes, mais ça faisait encore très écho pour lui. Cela dit, il ignorait que son frère avait quelqu'un dans sa vie. Mais encore une fois, ça n'était pas forcément le genre de chose qu'on disait à tout le monde, surtout quand c'était frai ou tout simplement parce que ça faisait parti de l'intimité. La plupart des gens aimaient le dire à tout leur entourage tellement ça les rendait heureux, d'autres préféraient garder cela pour eux.

« Oh, oui, je vois... »

Il posa sa main sur la sienne avant de la retirer.

« Qu'est ce qui s'est passé ? »

Il était quand même curieux. Bien sûr, là aussi, il n'insisterait pas si Nollaig ne voulait pas en parler, mais il voyait bien qu'il avait envie de se livrer, autrement, il n'aurait pas commencé à lui dire tout ça. Et puis, peut-être pourra-t-il lui divulguer quelques conseils. Il était bien placé après tout, pour les peines du cœur. Il ne savait pas comment s'était passé celle de son frère, s'il était bien sorti avec quelqu'un, jusqu'où ça avait pu aller, mais peu importe, il avait de l'expérience. Et puis, il y avait encore de la route à faire, même si le lycée n'était pas à l'autre bout de Londres de la maison.

« Quoiqu'il ait pu arrivé... je suis désolé pour toi. Tu sais que... je.. sais c'que c'est. »

Il esquissa un petit sourire, histoire de s'encourager et peut-être même son frère, puis il baissa de nouveau le regard. Les souvenirs étaient encore présents, mais ça commençait à aller mieux. Y penser ne servait pas à grand chose, mais c'était difficile quand c'était devenu une hantise. Cependant, ça faisait déjà quelques mois et l'effet s'était dissipé.

Il poussa un large soupir. Il ne savait pas trop quoi dire à son frère, comment le dire, jusqu'où aller. Il frémit au contact de la main de son frérot sur la sienne, avant de lui sourire tendrement. C'était bon de savoir qu'il y avait quelqu'un avec qui en parler, avec qui faire fuir toute la frustration, évacuer les soucis avant qu'ils ne finissent par le consumer entièrement. Cependant, Nollaig ne savait guère s'il était prêt à dire toute la vérité à Olly. Ce n'était pas comme si c'était quelque chose d'évident... Il cachait sa préférence sexuelle et redoutait que cette information ne parvienne d'une quelconque façon aux oreilles de ses géniteurs. C'était quelque chose de sensible et il avait même la crainte de faire confiance à son propre grand-frère. Finalement, lorsque son interlocuteur lui demanda ce qui s'était passé, il se décida à lui répondre.

"Je...Disons que je pense qu'on a profité de moi. Je veux dire... On... On a eu... On a fait... euh..." Comment le dire sans que cela ne sonne trop clair dans sa voix? Comment le dire sans que cela ne choque ou n'étonne. "Enfin, tu vois ce que je veux dire. Je lui ai TOUT donné de moi-même... Et c'était la première fois. C'était important. Je suis pas une pute." Nollaig était devenu tout rouge, vraiment rouge, telle une tomate bien mûre. Encore dans ses mots, personne ne pouvait savoir qu'il parlait de Marlon. Il sourit timidement, en laissant son regard vaguer dans le vide, quittant Olly. C'était pas un moment serin que de parler de sa vie sentimentale et sexuelle avec un membre de sa famille. A vrai dire, c'était la première fois qu'il se livrait ainsi et il avait un peu honte. Non pas de ce qu'il avait fait, mais de ce que l'on pourrait en penser. Finalement, après avoir poussé un large soupir, il se pencha vers Olly, pour que personne ne puisse l'entendre aux alentours, même si le bruit du métro couvrait déjà bien ses paroles. S'il voulait se libérer définitivement de cette tristesse, il se devait d'en dire davantage. Il se devait de tout laisser sortir pour ne plus le ressasser dans son esprit, sinon il finirait par s'étouffer dans ses propres pensées.
"En fait... C'est Marlon. Mon meilleur ami. Ca faisait longtemps que j'étais amoureux de lui... Et il m'a certifié que c'était réciproque. Mais...Maintenant, il m'a juste jeté... Et on est même plus amis. Je veux dire, je suis tout seul. C'était mon seul ami et le meilleur, depuis toutes ses années. Je sais pas si on va arriver à se rabibocher. Il m'a fait trop de mal." Il poussa un petit soupir. Son coeur battait vite. D'un côté, c'était un poids en moins de dire la vérité au moins à une personne dans ce monde, mais de l'autre, notre adolescent redoutait gravement la réponse de son interlocuteur.

En allant chercher son frère à l'école, il n'aurait jamais imaginé une seule seconde avoir une telle discussion avec lui.Alors qu'il avait adopté une attitude guillerette en le récupérant, ses révélations lui firent disparaître son sourire. Nollaig avait des problèmes de cœur, et ô combien il connaissait la situation, à peu près la même d'ailleurs. A la seule différence que Nollaig n'avait pas été aussi loin avec la personne qu'il aimait. Lui, il avait été jusqu'à se fiancer. Il était persuadé que Victoria, le prénom de son ancienne fiancée, avait été la femme de sa vie et qu'il passerait le reste de sa vie avec elle. Il y avait cru dur comme fer. Son cœur était toujours un peu brisé d'ailleurs mais il avait commencé à se rétablir. Disons qu'il n'aimait pas trop y repenser, c'était encore un souvenir très difficile à supporter.

« Enfin, tu vois ce que je veux dire. Je lui ai TOUT donné de moi-même... Et c'était la première fois. C'était important. Je suis pas une pute.  »

C'était dingue à quel point ces mots résonnaient en lui. Il se voyait quelques mois auparavant, avec les même mots, à peu de choses près. Il lui avait tout donné, lui aussi, il lui avait fait aveuglément confiance parce qu'il l'aimait. Et puis elle l'avait humilié, publiquement qui plus est. Encore aujourd'hui, il était incapable d'expliquer son geste, ce qui lui avait prit, d'où cette colère était née. Peut être qu'elle voulait juste être sur que ce serait bel et bien terminé et ça n'avait pas raté. En tout cas, il était si songeur qu'il était incapable de lui répondre quoique ce soit. Il avait baissé les yeux vers le sol et s'était mué dans le silence.

Puis il lui révéla que la personne en question qu'il aimait, c'était son meilleur ami, Marlon. Un garçon donc. Au moins, cela eut pour talent de l'arracher à ses sombres pensées. Mais ce n'était pas un regard de stupéfaction qu'il lui adressa, mais plutôt de curiosité. Il était très calme en vérité, il avait seulement envie d'en savoir un peu plus sur cette histoire.

« Oh... je... vois. » finit-il par dire enfin, toujours un peu perdu dans ses pensées. Mais au final, il finit par poser sa main sur celle de son frère en guise de soutien. Il ne savait pas trop s'il serait capable de le consoler étant donné qu'il ne l'était pas lui-même, mais au moins, il pouvait être solidaire.

« Je sais ce que tu ressens. »

Il avait du mal à ajouter quoique ce soit. Pourtant, il cherchait les mots. Comment être optimiste après une telle déception amoureuse ? Il avait perdu une moitié de sa vie avec sa rupture. Il avait beau avoir commencé à se reconstruire, ce n'était pas encore terminé. La cicatrice n'était pas complètement refermée et elle lui faisait toujours mal.

« Mais... je... même si on pense que ça va jamais guérir, c'est une passade. On rencontre d'autres gens et on se lie à d'autres personnes, que ça soit des amis ou des connaissances de passades. La vie ne s'arrête pas là et... un jour, on finira par tourner la page définitivement et se sentir ridicule d'avoir été attaché ce mauvais souvenir. Lorsqu'une porte se ferme, une autre s'ouvre, mais nous perdons tellement de temps à contempler celle de fermée qu'on ne remarque pas celle qui vient de s'ouvrir. »

Il venait là de citer une phrase qu'il avait lue quelques années auparavant et qui s'avérait être très vrai de son point de vue. Il finit par soupirer et forcer un sourire afin de se resaissir. Il commença par se redresser convenablement et donner un petit coup dans l'épaule de son frère.

« Allez, je suis certain que tu vas retrouver quelqu'un ! T'as beau avoir un caractère de cochon, t'es quelqu'un de bien. Et ce type là bah... c'était pas le bon. Il ne te méritait pas. »

Il leva le regard afin de pouvoir savoir où ils en étaient sur la ligne de métro.

« Quand on rentrera, on mangera des cochonneries si ça te dit. Il paraît que la bouffe est un bon lot de consolation ! »

Il songeait déjà à toutes les friandises qu'il pourrait acheter sur le chemin de la maison. Au moins, il avait la tête ailleurs et plus plongée dans l'obscurité.

Nollaig avait le coeur battant, effrayé par la future réaction de son frère. Et s'il le rejetait? Et s'il le prenait mal? Mais, en même temps, notre lycéen ne pouvait plus garder tout cela pour lui. Il en avait assez de dissimuler sans arrêt sa véritable personnalité. C'était comme se trouver enfermé en prison pour l'éternité. Et si jamais Olly le prenait bien, ce serait un allié de poids pour en parler plus à tard à ses parents, n'est-ce pas?
Finalement, son interlocuteur ne sembla pas choqué ou stupéfié. Non, il avait l'air étonné, oui, et peut-être curieux, mais rien de plus. Aucun cri, aucune envie de le renier. Rien. Ce n'était donc que cela? Ca faisait des mois qu'il stressait à ce sujet pour qu'en fin de compte, personne n'en fasse tout un plat. Nollaig poussa un large soupir en guise de réponse aux paroles prononcées par son frère. C'était plutôt rassurant. Même si cela faisait du mal. "J'ai pas un caractère de cochon." répondit-il finalement en affichant un très léger sourire. Il n'avait pas le moral, malgré les petits coups d'épaule affectif de son frère et son envie de lui venir en aide. Il finit par afficher un sourire un peu plus serein.
"Avec plaisir pour les cochonneries. Je compte sur toi pour m'exploser le bide! Je veux au moins 5 tablettes de chocolat... Et de la glace, tiens. J'adore ça! Ca te dirait qu'on se regarde un bon film d'amour déprimant?" Il rit un peu, avant de reprendre une moue un peu plus sévère. Il jeta un oeil sur le plan affiché dans la rame, ils étaient bientôt arrivés.

"Et sinon... Ca te fait rien que je sois... Enfin que j'aime les hommes?" demanda-t-il. Oui, Olly n'avait pas vraiment réagi, mais notre jeune garçon était désireux de connaître le véritable ressenti de son frère à ce sujet. "Je veux dire... Est-ce que tu t'en doutais? Mes signaux à Marlon n'étaient pas assez discrets, c'est ça? Oh non... Tu nous as surpris l'autre fois, quand t'es venu à la maison?" Il fronça les sourcils, craintifs que d'autres oreilles indiscrètes ne l'apprennent, que d'autres ne l'aient deviné. Mais en même temps, il savait très bien qu'Olly n'avait jamais pu avoir l'occasion de surprendre quoi que ce soit. "Je... ça change quelque chose, entre nous, le fait que je ne sois pas celui qu'on croit? Tu penses que maman va me détester si elle apprend mon homosexualité?" Et oui, il ne perdait même pas une seconde pour mettre au goût du jour ses inquiétudes. Il était certain que sa mère et son père seraient déçus de ne pas avoir le fils rêvé, celui pour qui ils prévoyaient une femme et des enfants. Surtout son père... Il pouvait se montrer bien macho, bien souvent. Il poussa un petit soupire. "Non tu sais quoi, dis rien, je veux pas savoir. Je préfère me voiler la face et me trouver une petite-amie, comme ça, papa n'en saura jamais rien."

Ils étaient arrivés à leur station et Nollaig passa rapidement devant son frère pour sortir en premier. Pourquoi se renfrognait-il alors qu'enfin, il avait pu se libérer d'un poids? Enfin il avait pu avouer la vérité à quelqu'un de cher à son coeur, Olly, ce frère qu'il aimait tant?

Dans ce genre de situation, Olly ne savait pas comment réagir. Il n'était pas très doué pour consoler les gens parce que lui-même était difficile à consoler. Cependant, les révélations que lui avait faites son plus jeune frère l'avait énormément touché. Ca n'était pas au même “niveau” mais ça concernait la même chose. Seulement, Nollaig était au stade du petit ami, ils n'avaient pas eu autant de projet que lui-même avait eu avec Victoria, son ex fiancée, où ils étaient sur le point de se marier, où ils avaient choisis le prénom de leurs futurs enfants et même un éventuel déménagement en dehors de Londres pour être plus tranquille. Il avait vraiment les vu les choses en grands, parce qu'il avait été intimement persuadé que Victoria avait été celle qui était faite pour lui et il ne s'était jamais imaginé les choses autrement. Et repenser aux bons souvenirs qu'ils avaient passés tous les deux lui serraient le coeur comme un torchon trempé qu'on essorait. L'avenir avait soudainement été gâché, complètement à revoir et Olly avait perdu la joie de vivre pendant de longues semaines, voir même de longs mois. Pas au moins d'en devenir dépressif, juste qu'il n'avait pas du tout tourné la page. Aujorud'hui, ça allait mieux, mais il était encore sous le traumatisme.

“Oh que si!” lui confirma-t-il sous un ton amusé. “Et si tu veux ouais! Ca n'a carrément rien de viril mais ça fait du bien de temps en temps!”

Ils allaient bientôt joindre Hammersmith quand Nollaig lui demanda si ça ne lui faisait rien qu'il aimait les hommes. Olly le regarda, hésitant, sur la réaction qu'il allait avoir. Il mourrait d'envie d'être ironique, mais en vue de la situation, il préféra le sérieux.

“Qu'est ce que c'est supposé me faire au juste?”
Il n'était pas homophobe, loin de là. Olly avait toujours partagé une vie très égalitaire et même, il n'avait aucune phobie envers les homosexuels. D'ailleurs, il se fichait complètement de la sexualité des gens, tant que ça n'allait pas trop loin, du type pédophilie et autres dégueulasserie de ce genre. Les homosexuels étaient des être humains parfaitement conscients aussi conscients que des hétérosexuels, il n'avait rien à blâmer.
Nollaig poursuivit en lui demandant s'il s'en doutait et s'il les avait carrément surpris à la maison. Olly haussa les sourcils, surpris, avant d'éclater de rire.

“Quoi? Mais non! Et ça change rien du tout pour moi, je m'en fiche, t'aime qui tu veux! Enfin, évite les gamins et les animaux quand même hein, mais sinon j'ai aucune opinion à avoir! D'ailleurs, même si t'étais hétéro j'aurais aucune opinion à avoir sur tes choix de partenaires.”

Il n'aimait pas que les gens en ait une sur ses choix à lui alors il avait appris à abandonner tout jugement sur les autres. Et à moins que l'autre soit très louche, il s'en fichait.

“Quant à maman... je pense pas qu'elle te détestera. J'dis pas qu'elle le prendra de manière aussi cool que moi, mais de là à te haïr, non, je pense pas. Juste que ça lui fera bizarre quoi.”

Il donna une tapette à l'arrière de la tête de Nollaig lorsqu'il reprit la parole pour lui dire qu'il allait se prendre une petite amie juste pour éviter la foudre des parents.

“N'y pense même pas, tu sais très bien que ça n'est pas la solution! Franchement, t'invente pas des histoires, tu vas gâcher ta vie et sans doute celle de ta supposée petite amie. Soi qui tu es et... tant pis pour ceux que ça ne plait pas. Je sais que c'est facile de dire ça, mais c'est vraiment en étant toi-même que tu vas te sentir libéré. Et dans tous les cas... je suis derrière toi. Et je pense pas que je serais le seul si les autres de la fratrie était au courant.”

Il esquissa un léger sourire.

“Mais un secret reste un secret et... je ne dirais rien aux autres. De toutes façons, ça n'est pas à moi de faire apprendre ces choses là.”

Il ne savait pas si ce qu'il venait de dire était rassurant ou non, mais il le pensait très sincèrement. Le métro finit par s'arrêter à l'arrêt voulu et Olly s'extirpa du train en compagnie de son frère, tout comme une multitude d'autres personnes.

“Bon! C'est parti!”

Il allait seulement falloir passer à l'épicerie avant de monter à l'appartement, mais heureusement, il y en avait une sur le trajet.

L'optique de regarder un bon film d'amour déprimant redonnait le sourire et le moral à notre cher Nollaig. Certes, cela n'avait rien de viril, mais qu'est-ce que c'était bon de lâcher prise, de temps en temps. Et puis, après tout, qui avait le droit de définir ce qui devait être viril ou non? Chacun faisait ce qui lui plaisait.
Puis, Nollaig demanda à son frère si la nouvelle n'était pas trop dure, s'il avait une réaction vis-à-vis de cela. Il était vrai qu'Olly n'avait pas réellement montré quoi que ce soit sur ce qu'il ressentait, au fond, sur ce qu'il en pensait. Mais au moins, il avait l'air de prendre la nouvelle convenablement, sans prise de tête, ce qui ne risquait certainement pas d'être le cas des parents de l'adolescent. Ce qu'il pouvait redouter son père! Le lycéen fut soulager d'apprendre que son interlocuteur ne les avait pas surpris en train de se bécotter, lui et Marlon. Cela aurait été cocasse...

"Je ne sais pas... Tu pourrais être choqué... Trouver ça bizarre, avoir une drôle d'impression. T'imaginer des scènes dégueulasses dans la tête." Il tira la langue. Il blaguait, mais tout ce qu'il redoutait le plus, c'était d'avoir changé à la vue de son frère... Peut-être qu'il finirait par moins l'aimer? Nollaig n'était décidément pas le garçon dont ses parents avaient rêvé. Il sourit face aux explications de son interlocuteur. Aucune opinion à avoir. Décidément, Olly ne voulait qu'une chose: que No' soit heureux. Cela faisait du baume au coeur. C'était un poids en moins sur le coeur, et notre jeune homme se sentait plus léger. Mais, dans son esprit, il ne cessait de s'imaginer différents scénarii lorsque de son coming-out auprès de ses parents... Et rien de bien n'en venait. Il poussa un soupir, de nouveau une lueur de crainte dans les yeux. Une idée saugrenue lui vînt et la peur l'emporta sur la sensation précédente de bien-être. Il n'était plus seul avec son secret, mais il redoutait toujours qu'on l'apprenne.

"Aie!" s'exclama-t-il face à la légère tape qu'Olly lui assèna derrière la tête. "Si tu le dis..."souffla-t-il en guise de réponse. Et déjà l'idée de demander à l'une de ses amies féminines de le couvrir lui venait à l'esprit. "De toute façon, j'ai le coeur brisé.... C'est pas demain la veille que je laisserai un autre gars me toucher." déclara-t-il, boudeur.

Il fut l'heure de descendre du train. Ils passèrent au retour dans une épicerie, afin d'acheter lesdites sucreries. Nollaig était comme un enfant, à choisir des packs de dix en promotion. "Et maintenant, les glaces..." Il se hâta jusqu'aux congélateurs, au fond du magasin. Et le voilà avec un seau de 2 litres. "On mangera à la cuillère dedans en même temps." dit-il sur un ton un peu taquin. Quand il s'agissait de nourriture, Nollaig se trouvait tout de suite plus joyeux. Il n'y avait pas à dire. Le mec qui volerait tout droit le coeur de Nollaig serait celui qui réussirait à l'amadouer avec de la bonne bouffe...