Ce que l'homme sobre à dans la tête, l'homme saoûl l'a sur la langue - Dim

3 Juin 2016 - Westminster

*Alors c'est ça, Londres ?* Les gouttes de pluies fouettèrent mon visage découvert, alors que je levais les yeux vers l'Elizabeth Tower. *C'est donc toi la fameuse horloge, Big Ben.. enchanté ! C'est désormais toi, qui fera s'écouler chaque seconde de ma vie.. veinarde !* Le taxi m'avait déposé là quelques minutes plutôt, car s'était le seul quartier Londonien que je connaissais, du moins, de nom. Londres, je n'y avais jamais foutu les pieds. Heureusement, je parlais parfaitement l'Anglais. Obligation militaire. Baragouiner plusieurs langues, c'était l'histoire de ma vie. Bref.. je devais trouver un endroit où m'abriter, me réchauffer et attendre le coup de file de Mikhail, un confrère, grâce à qui j'avais passé la frontière et ce, sans problème. J'étais, dorénavant un sans papier et un sans domicile fixe. Radieux comme avenir. Putain de mafia, putain de dettes à la con et putain de vie mais à choisir, je préférais être un putain de vivant, qu'un putain de cadavre. Ils ne viendraient sans doute pas me chercher ici, en Angleterre, du moins, je l'espérais. Mikhail m'avait conseillé de quitter Moscou afin de démarrer une nouvelle vie, même si cela signifiait changer de nom, de métier et de nationalité. Difficile de me prendre pour un anglais avec mon accent merdique mais bon, ça valait le coup d'essayer. Quel autre choix s'offrait à moi ? Aucun.

Je rentrais dans un bar au hasard afin de prendre un verre et de sécher un peu mes vêtements. Je m'installai au comptoir et commander un Whisky. Le serveur me dévisagea et avait l'air de se dire que je n'étais pas du coin. Je détournai le regard, observant les alentours et tentant de me fondre dans la masse. J'avais du mal à garder mon calme, même si j'étais maintenant en sécurité. Je ne m'appelais plus Liev Zelentstov, je n'étais plus né à Saint-Pétersbourg, je n'avais jamais été militaire et je n'avais jamais rien eu à faire avec la mafia Russe. Mon ancienne vie n'existait plus et je devais apprendre à vivre avec et construire une vie nouvelle, celle que j'avais toujours désiré, avec femme, enfants et belle maison. Mon téléphone vibra au fond de la poche de ma veste. C'était Mikhail. Je pressai le bouton vert pour décrocher. " Liev, où es-tu ? ". Je pris une gorgée d'alcool, avant de répondre doucement. " D'accord, j'ai quelque chose pour toi ! Je te rejoins ! " Je raccrochai après avoir donné l'itinéraire à mon confrère et je recommandai un autre verre.

Mikhail me tendit une enveloppe, qui avait l'air bien lourde. Il m'indiqua que ma nouvelle identité se trouvait  à l'intérieur. Désormais, je me nommais, Dimitri Rubinski, j'étais né à Londres mais avait vécu toute ma vie en Russie, histoire de justifier mon bel accent. Il y avait aussi une belle liasse de billets. Pour le reste, je devais me débrouiller. Mikhail ne voulait guère se mouiller plus pour moi, ce que je pouvais comprendre. Il avait déjà fait beaucoup et j'avais une dette de plus à ma liste. Son dernier conseille était de me faire oublier et apprendre à aimer l'Angleterre autant que ma Russie d'origine. Une dernière poignée de main échangée et Mikhail sortit du bar, me laissant seul, livré à moi-même.

Aujourd'hui - Hammersmith 

" Tu viens d'où, en vrai ? " Son parfum boisé me titillait les narines de bon matin. " De Londres." Elle s'esclaffa afin d'affirmer qu'elle était la reine d'Angleterre. Je regardais le plafond, clope au bec, en essayant d'ignorer sa plaisanterie. " Pourquoi tu ne dis jamais rien ? " dit-elle, en se collant son corps nu contre le mien, tout en se blottissant comme un chaton en manque de caresses. " Parce qu'il n'y a rien à dire.. " Je la fusillai du regard, tandis qu'elle levait ses sourcils. " Tu es un sacré menteur ! " J'écrasai ma cigarette dans le cendrier qui ornait la table de chevet, avant de me retourner complétement vers la jeune femme. " Et toi, tu pose trop de question pour une prostituée.. " Elle rit, en laissant balader ses mains sur mon torse marbré de cicatrice et d'encre noir. " Que veux-tu.. je suis une professionnelle ! " Ses effleurements me firent frissonner. J'observai sa peau mate, sa chevelure sombre et frisée, avant de plonger mes iris dans ses grands yeux noirs. Elle, non plus, n'avait pas grandi à Londres. J'en mettrais ma main au feu. Elle s'appelait Adélia mais se faisait appeler Lia. Bien que son prénom, je ne le prononçais jamais et dans quelques jours, je l'aurais oublié, tout comme son parfum ou même, les traits de son visage et les courbes de son corps. Elle m'offrait simplement l'hospitalité pour la nuit, ainsi qu'une place au chaud dans son lit, en échange de quelques billets. Elle me proposa une dernière étreinte charnelle, avant que je ne quitte les lieux.

Je lassai mes chaussures, tandis que Adélia peignait ses longs cheveux. " Tu compte vivre comme ça combien de temps ? " Je me redressai, sans répondre à sa question. " Et toi ? " Elle baissa les yeux, comme si je venais de toucher une corde sensible. Et oui, elle comme moi, nous avions choisi la facilité. Un service contre un service, un peu d'argent contre une piaule et un peu de chaleur humaine. Mais l'argent ne tombe pas du ciel. Je tendis le peu qu'il me restait à la jeune femme, elle en aurait sans doute plus besoin que moi. J'affichai un léger sourire en coin, en fixant les belles prunelles de la jeune femme. " J'ai décidé de mettre un terme à ma vie de vagabond et ce, dès aujourd'hui." J'embrassai son front, avant de sortir de la chambre. Elle me regarda m'enfuir, en silence. Un dernier geste, une dernière parole. " Dasvidania, Lia. "  Dasvidania, Liev Zelenstrov.  Dasvidania Russia. Dobry dégn London.