(Anaé & Aleksanteri) Do I look pretty ?

Ses talons claquent contre le sol froid du métro londondien. Son attaché-caisse sous les bras et son sac à main glissant dangereusement sur son avant-bras, la jeune femme presse le pas quand elle entend le bruit de l'un de ses engins de malheur partir. Il ne faut pas qu'elle rate le suivant. Elle est déjà effroyablement en retard. Son cellulaire collé à son oreille, elle tente désespérément de joindre son assistante depuis dix bonnes minutes déjà mais rien à faire, cette dernière ne décroche pas. Ça vaut vraiment le coup d'avoir quelqu'un qui doit vous épauler h24 si celle-ci ne prend pas la peine de répondre à votre appel pense-t-elle avec agacement. En trois ans au Daily Telegraph, Anaé n'a jamais été en retard. Pas une seule fois. Elle est même du genre à venir une heure en avance pour boucler un article pour être certaine qu'il paraîtra bien dans l'édition prévue à cet effet. Alors forcément, elle se sent affreusement mal de ne pas savoir tenir ses engagements. Elle entend le métro suivant arriver et elle commence à courir à petites foulées en pressant les gens autour d'elle. Maudits soient les talons de dix centimètres qui vous empêchent de vous déplacer correctement. Durant sa course, elle sort une petite glace de poche ainsi que son mascara. Parce que oui, en plus d'avoir eu un réveil défaillant, elle n'a pas eu le temps de se maquiller correctement. Alors qu'elle a un rendez-vous. De la plus haute importance avant un lord qui siège au parlement. Ce dernier veut bien lui accorder une interview exclusive au sujet d'un problème politique survenu la semaine précédente. Elle a dû batailler des heures au téléphone pour obtenir ce sésame, la londonienne n'a donc pas l'attention de laisser filer son scoop. Les portes du métro s'ouvrent et Anaé se rue dedans comme une perdue. Ses prunelles furètent à la recherche d'une place assise tandis qu'elle essaye de poser correctement son mascara. Le premier yeux est plutôt bien réussi. Disons que cela aurait pu être pire vu la façon dont elle est serrée parmi tous les habitants de la capitale anglaise. Décidément, elle préfère largement prendre place dans un taxi ou bien conduire sa propre range rover plutôt que d'emprunter les transports en communs. Elle aperçoit une place libre non loin d'elle. Elle joue des coudes, tente de se faire la plus petite ( ça ce n'est pas bien compliqué ) et fini possible pour se frayer un chemin. Alors qu'elle était sur le point de prendre place, une brusque secousse se fait ressentir. Le métro vient de s'arrêter à une station et le freinage a été plus que brusque. La jeune Clarke n'a pas eu le temps de prendre appui sur quoi que ce soit et c'est avec un œil noire qu'elle s’assoit. Son œil droit ressemble à celui d'un panda. C'est affreux. Pire, on dirait qu'elle n'a pleuré que d'un seul œil. Prestement elle jette son maquillage dans son sac et farfouille dedans pour prendre un paquet de mouchoir. Ou même un tout petit mouchoir. Un rien ferait l'affaire. Le problème est qu'elle n'a pas le moindre mouchoir dans ses affaires personnelles. C'est le comble ! D'ordinaire, elle ne sort jamais sans un paquet et là, elle est démunie. Un léger ricanement le fait sortir de sa rêverie et c'est en fronçant les sourcils qu'elle se tourne vers l'inconnu. « Et ça vous fait rire ? » Comme il peut le constater, ce n'est pas son cas à elle. Anaé est vexée qu'un étranger puisse se moquer impunément d'elle. Sans se cacher en plus. Elle soupire tout en le regardant. Aucune compassion pour le malheur des autres, bien. Ses doigts manucurés tapotent sur son attaché-caisse pendant qu'elle réfléchit à une solution valable. Cependant, les gloussements de son voisin la dérange dans sa réflexion et c'est dans sa froideur la plus suprême qu'elle s'adresse de nouveau à lui. « Au lieu de vous esclaffer comme un mufle, vous pourriez m'aider ! » Ce serait le moins qu'il pourrait faire tout de même. « Avez-vous un mouchoir ? » Demande la jeune femme un brin radouci. Elle prie intérieurement pour que ce soit le cas. Pour un peu, elle croiserait presque les doigts. Parce qu'elle ne peut pas rester toute la journée ainsi, nous sommes d'accord ?

Des écouteurs. Il avait des écouteurs dans les oreilles et elle venait de l’enguirlander comme une vieille fille en mal d'affection. Quelque peu mortifiée par les propos qu'elle a tenu, la jeune femme baisse la tête pour tripoter ses doigts entre eux. Elle pourrait s'excuser, certes. Elle a presque envie de le faire. Sauf que la moue moqueuse qu'il aborde en la voyant ( ou plutôt en découvrant son œil massacré ) lui passer toute envie de se faire pardonner. « C'est pas drôle. » qu'elle maugrée en haussant les épaules pour se donner un contenance et pour passer pour une fille sérieuse. Ce n'est pas drôle pour elle mais si elle avait vu une autre fille dans le même état, elle aurait été la première à rire. Mais bon. Dans la situation actuelle, c'est elle la dindonne de la farce donc forcément la pilule passer moins bien. Anaé prend sur elle pour ne pas relever l'expression ironique de son interlocuteur. Elle se contente de le remercier vaguement pendant qu'il fouille dans ses poches. Il a l'air d'être à la peine. « Je peux voir avec quelqu'un d'autre au pire. » Parce que là, il se tortille comme un serpent et pour un peu, il va foutre des coups à tout ceux qui se trouvent dans un périmètre proche. Néanmoins, après son effort, le jeune homme lui tend son paquet. Silencieuse, Anaé reste stoïque sans esquisser un mouvement pour le prendre. Elle observe les diverses taches colorées qui ornent le paquet tout en se retenant de refuser tout en politesse son offre. Minutieusement et du bout des doigts, Anaé attrape le paquet en hochant la tête. Il doit rester deux mouchoirs à tout casser mais elle fera avec pour se démaquiller. Elle jette un vague coup d'oeil à son interlocuteur et pensant qu'il ne la regarde pas, la jeune femme gratte avec l'ongle de son index l'une des tâches. Au début, elle a du mal à reconnaître la texture mais après quelques secondes de réflexion … On dirait de la peinture séchée. Elle espère avoir raison car il y a plusieurs tâches rougeâtres sur le papier en plastique et si jamais il s'agit de sang … Seigneur, elle pourrait attraper une maladie quelconque ou être à côté d'un tueur ! Anaé secoue la tête en lâchant un petit ricanement. Elle a regardé trop de films ces derniers soirs et les scénarios rocambolesques lui montent à la tête. La journaliste prend un mouchoir, sort sa petite bouteille d'eau de son sac à main, verse un peu d'eau dessus et commence à enlever la couche noire de son visage grâce à l'aide de son miroir. A travers ce dernier, elle voit la mamie reluquer avec insistance leur voisin commun. Amusée, elle décide de le taquiner. « Vous avez une touche. » La mamie rosit de plaisir et glousse comme une adolescente qui est en train de vivre le premier flirt de sa vie. « Une grosse touche. » Poursuit la brune en se moquant avec légèreté. Si la vieille femme avait eu une quarantaine d'années en moins, nul doute que son charme aurait peut-être pu faire effet. Ou disons que son voisin aurait pu se sentir flatté devant tant d'attentions. Toutefois, là vu l'age … C'est une autre affaire. Anaé s'amuse tellement de cette situation burlesque qu'elle ne fait pas attention. Elle ne se tient plus à rien et quand le métro freine sans la moindre douceur à un nouvel arrêt, elle se fourre le doigt dans l'oeil. « Aïe ! » Trop euphorique et pas assez prévenante. Ajoutez à cela un brin de maladresse qui la caractérise facilement et voici le résumé. Elle bat des cils pour chasser la brûlure qu'elle ressent mais rien à faire. Il faut un certain temps pour que la douleur s'évapore. « Ce n'est vraiment pas mon jour. » grogne la jeune femme en croisant les doigts pour que personne n'ait vu son action stupide de la journée. Avec la chance qu'elle a, il y a fort à parier pour que ce ne soit pas le cas.