twenty seven years ago
« Lucy prit la main de son mari et murmura quelques paroles en néerlandais à son oreille. Ses longs cheveux blonds tombaient sur ses épaules et ses yeux laissaient transparaitre un profond désespoir. Elle laissa tomber sa tête sur l’épaule d’Erick. Ils patientaient sur le canapé de leur grand salon. Désespoir, voilà à quel point ils en étaient arrivés. Mais un désespoir qui n’expliquait en rien leur geste à venir.
On sonna à la porte. Erick se leva alors afin de traverser leur grande maison de ville londonienne, mais Lucy le retint par la main. Ses yeux étaient remplis de larmes, ses lèvres tremblantes.
- Erick… murmura-t-elle.
- Lucy, on le veut tous les deux cet enfant.Il était grave. Mais ce n’était qu’une façade. Il devait être un homme fort, comme son père le lui avait appris. Voilà dix années que Lucy partageait sa vie après une rencontre à l’ambassade. LE coup de foudre. Le destin avait prévu qu’ils soient ensembles. Mais le destin les empêchait depuis presque neuf ans d’avoir un enfant naturellement. Et l’horloge biologique de Lucy tournait. Trente-cinq ans et toujours rien.
Lorsque Erick revint au salon moins d’une minute plus tard, il était accompagné d’un homme. L’homme serait passé inaperçu dans la rue : grand, brun, costard-cravate. Un homme de la City comme un autre.
- Madame Van HalenElle ne lui répondit qu’avec un hochement de tête, comme honteuse.
- Nous sommes déjà au courant de tout ce que vous faites monsieur. Nous sommes, on-ne-sait-comment tomber sur vous et vos, si je puis dire service et…
- Vous trouvez ça contre nature ?
- J’aurais préféré ne pas être au courant,rajouta Lucy.
- Madame, nous aurons à simuler une grossesse, vous êtes malgré tout un peu médiatisés.Lucy se mit alors à pleurer. Encore une fois revenait sur le tapis le fait qu’elle n’arrivait pas à concevoir. Et médiatisés ? Ce n’était pas des rois de Tombouctou. Juste des ambassadeurs. Une femme mariée à un ambassadeur. Rien de plus. Pour elle tout du moins.
- Nous avons des… Complices à l’intérieur d’une maternité londonienne, l’homme eut alors un petit rictus qui déclencha le regard noir d’Erick. Ils diront à des parents que leur enfant est finalement mort. Nous essayerons de faire au mieux pour « choisir » un enfant caucasien avec des caractéristiques physiques ressemblantes aux vôtres. Mais on ne peut pas garantir le sexe de l’enfant.
- Non mais voler un enfant à quelqu’un d’autre…
- C’est notre solution chérie…Lucy acquiesça puis se leva avant de se lever et de partir s’isoler près de la fenêtre. Elle entendait alors un peu moins tous les détails que son mari et cet homme partageait. Mais elle s’y ferait. Erick lui avait promis qu’ils s’y feraient. Parce qu’ils allaient être parents et qu’ils attendaient ça depuis presque dix ans. »
twenty six years ago
« Lucy ne pouvait pas lâcher des yeux l’enfant qu’elle tenait dans ses bras. La petite chose qu’elle avait entre les mains était sienne. Automatiquement, quand on avait déposé l’enfant dans ses bras, elle avait oublié qu’elle était celui d’une autre. Qu’il avait été volé. Que ses parents biologiques le pensaient mort. Elle n’avait pas cherché les détails de tout ce mic-mac. Elle avait son enfant. Le poids de cet enfant dans ses bras lui avait fait oublié tout ça. Erick les regardait toutes les deux posées sur le canapé. Il en aurait fini de voir sa femme porter ce gros faux ventre de maternité.
- D’où vient cet enfant ? La question lui avait échappé. Il était curieux. Même si cette petite fille allait s’appeler Van Halen. Elle allait porter son nom et véhiculer son image. Et lui n’avait pas réussi à enlever de son esprit le fait que des parents devaient actuellement faire le deuil d’une petite fille.
- Dévoiler cela va contre mon éthique professionnelle.
- Vous volez des enfants… Vous en avez réellement une ?L’homme ne répondit pas et sourit.
- Vous allez l’appeler comment ?
- Minerva. Minerva Georgina Alphonsa. Comme ma tante et mon arrière grand-mère, répondit alors Lucy.
L’homme prit alors Erick à part. Mais pas assez loin pour que Lucy ne puisse pas comprendre qu’il s’agissait d’une question d’argent. Ils avaient acheté un enfant. Un enfant qu’ils feraient passer pour le leur. Mais qu’ils allaient aimer. »
twenty two years ago
« Minerva Van Halen avait maintenant quatre ans. Des petites boucles brunes commençaient à tomber sur ses petites épaules d’enfant. Mis à part le fait que la petite demoiselle était brune, rien ne pouvait dire à tout le monde qu’elle n’était pas l’enfant de Lucy et Erick Van Halen. Elle vivait une enfant de petite fille heureuse, bien que la plupart du temps accompagnée d’une nounou plus que de ses parents qui s’étaient replongés dans le travail une fois sa petite enfance passée. Ils travaillaient encore plus qu’ils ne le faisaient qu’avant.
Ce jour là, Lucy avait pris sa journée pour s’occuper de sa petite Minerva. Pour une fois. Du haut de ses quatre ans, Minerva ne comprenait pas encore tout mais c’était une enfant très intelligente pour son âge. Mais en même temps, sa mère n’était pas très objective quand il s’agissait de sa princesse.
- Ma chérie, ta maman a quelque chose à te dire, dit alors Lucy en prenant sa fille sur ses genoux.
L’innocence de l’enfant (et surtout le fait qu’on venait de la déranger pendant sa période de jeu) l’empêchait de répondre un seul mot a sa mère. Assise sur les genoux de sa maman, Minerva la regarda sa mère intriguée.
- Touche le ventre de maman chérie.La petite s’exécuta. Et quelle fût sa surprise lorsqu’elle découvrit, en soulevant le gilet de sa mère, d’y trouver un petit ventre arrondi de sa mère.
- Maman tu as grossi.Lucy rigola doucement.
- Ce ne sont pas des choses qui se disent ma chérie, ahah.
- Maman tu as trop mangé ?
- Non chérie… Il y a quelqu’un dans le ventre de maman.Alors âgée de trente neuf ans, Lucy avait attendu plus de trois mois avant d’annoncer à sa petite ce qu’elle avait à annoncer : une grossesse. Depuis quinze ans qu’elle attendait ça, voilà que c’était arrivé.
- Mais ? C’est vivant.
- Oui ma chérie, et ça sera ton petit frère.
- Frère ? »
twelve years ago years ago
« Minnie n’était pas la plus mal lotie du monde, ah ça non. Et elle l’avait compris. Elle vivait dans une grande maison en plein Londres, était bilingue et ne manquait de rien, ou peut-être de l’attention de ses parents depuis que son frère avait entreprit toutes les activités extra-scolaires du monde pour les rendre fière. C’était là presque une compétition. Elle l’aimait, ce petit frère, mais parfois, elle avait l’impression d’être étrangère à cette famille.
Le questionnement logique d’une adolescente, on pourrait le dire ainsi. La confrontation normale qui s’impose à ce moment là de la vie et qui nous pousse à nous poser des questions : parce qu’on déteste une décision, qu’on en veut à quelqu’un et qui de mieux pour porter le chapeau que les deux parents qui nous laisse le plus souvent dans les bras d’une gouvernante ? Ça expliquait aussi pourquoi Minerva était devenue soudainement Minnie : la crise d’adolescence.
Minerva Van Halen était un peu différente de ses parents, beaucoup. Elle était brune, bien qu’une nuée de mèches blondes platine étaient apparues récemment dans sa chevelure en signe de protestation. Ses yeux étaient d’un brun foncé tandis que ses parents et son frère avaient des yeux plus clairs. Mais certains disaient que son visage était aussi doux que celui de sa mère et qu’elle avait le sourire de son père. On attribuait sa taille svelte au fameux métabolisme d’Alphonsa, son arrière-grand-mère. Autant de choses qui étaient fausses et dont Minnie n’avait pour autant pas la connaissance.
Mais aujourd’hui et depuis quelques temps, c’était à propos d’elle. Pas de son frère et de ses matchs de football/tennis/polo ou autre comme ça pouvait l’être par moment. Uniquement elle. Et ça le serait encore pour quelque temps.
La famille Van Halen au complet était alors réunie chez un médecin spécialiste, afin de découvrir les résultats d’analyse que toute la famille avait passé. Pour faire face à une vérité qui dérangeait : Minnie était malade. Gravement malade.
«
- Bien, le docteur regarda les Van Halen un par un, d’un ton grave, avant de s’attarder sur la jeune fille dont il était question aujourd’hui.
Comment te sens tu aujourd’hui Minerva ?- Fatiguée.
- C’est à cause des globules rouges ça…
- Pourtant je suis blanche comme un linge.
- Toujours à cause des globules rouges.Minnie était en effet pâle, fatiguée, et presque trop svelte. Elle était malade.
- Ce sont les symptômes de l’aplasie médullaire, comme nous en discutions la dernière fois.
- Docteur, venons en au fait, s’il vous plaît, intervint alors Erick.
- Pour tout vous dire, nous avons eu de la chance. Minerva souffre en effet d’aplasie médullaire provoqué par le Syndrome de Gasser. C’est à dire que son taux de globule rouges fait des montagnes ruses sans raison. Si on ne l’avait pas détecté plus tôt, ça aurait pu lui être fatale.
- Et pour ce qui est des traitements ? demanda alors Lucy.
- La meilleure solution reste la greffe de moelle osseuse. On se contentera pour l’instant d’androgènes et de transfusions sanguines. Trouver un donneur n’est pas facile vous savez… - C’est pas censé être un truc de famille ? demanda alors Minnie.
- Le fait est qu’aucun de tes parents, ni même ton frère ne sont compatibles. Et ce n’est pas forcément génétique et identiques. D’ailleurs Monsieur et Madame Van Halen, Minerva est B+ alors que vous êtes tous les trois A -Erick le stoppa net.
-
Enfin bref, on va devoir attendre un donneur ?
- Euh. Oui, malheureusement…
- Je suis condamnée ?
- Bien sûr que non Minerva. »
eight years ago
« -
Minerva tu as pris rendez vous chez le médecin ? demanda alors Lucy.
- Minnie.
- Ça ne change rien la réponse qu’on attend de vous mademoiselle, lui répondit Grace, sa gouvernante.
Minnie leva les yeux au ciel (et les yeux de son ordinateur par la même occasion).
- Oui.
- Très bien, et tu as été faire ta prise de sang ?
- Oui. Tu sais, m’man, je pense pas que ça va ré-apparaître.
- On est jamais trop prudent, rajouta la gouvernante.
- Au fait m’man, je veux faire du droit l’année prochaine.
- Pardon ? Tu ne veux pas faire un degree d’histoire de l’art ou je ne sais quoi d’abord ? Comme tout le monde.
- Non, je veux être avocate. Une jeune avocate qui aura une carrière fulgurante.Lucy fronça alors les sourcils, étonnée et s’installa en face de sa fille dans la cuisine. C’était Grace qui avait encouragé Minnie à se lancer dans ce qu’elle voulait vraiment. Même si, au fond, elle voulait juste impressionner son père. Ça avait été facile pour son petit frère, lui, il était un garçon, enfin c’était comme ça qu’elle le voyait.
Minnie avait grandit. Fini la période qui frisait le grunge. Minerva se teignait désormais en blonde et s’habillait comme les jeunes filles respectables de son âge et de son quartier. Elle travaillait encore plus pour avoir son diplôme. Elle sortait de façon raisonnable, pas comme Lucy avait pu le faire à son époque. Minerva, à dix-huit ans, ressemblait presque déjà à sa mère quand celle-ci en avait vingt-cinq.
Erick rentra alors dans cuisine.
- Ta fille veut faire du droit, lança alors la femme de l’intéressé.
- Mais c’est très bien. Après elle pourra même se lancer dans la politique comme son père, ahah. Bon, je file de nouveau, dossiers au bureau etc.Minerva sourit. Elle en attendait plus. Mais au fond, elle aurait pu ne rien avoir du tout. Elle pouvait s’estimer heureuse que son père ait féliciter cette initiative. »
two years ago
« -
M’man, je suis rentrée. M’man ?Sans réponse de la part de l’intéressée, Minerva se déchaussa et lança son sac dans l’entrée. Comme quand elle était jeune, adolescente etc. Des mauvaises habitudes pour une fille de bonne famille. La maison londonienne lui avait toujours paru trop grande. Bien qu’elle ait passé la majorité de sa vie ici dans la capitale londonienne, elle avait toujours préféré les Pays-Bas, leurs paysages, sa langue et surtout leur appartement en bordure d’Amsterdam et leur maison de campagne. Bien qu’elle aime Londres, tout paraissait aseptisé dans cette ville maison de ville à deux pas de l’ambassade. C’était sûrement ça qui l’avait toujours dérangée aussi, la proximité de l’ambassade et de toute ce qui était plus au moins officiel : tous ces hommes en noirs et tout le tralala.
Minnie pût remarquer que son petit frère était lui aussi là grâce aux chaussures qui trainaient, elle aussi dans l’entrée. Il n’avait que dix neuf ans et vivait encore au domicile familiale. Elle qui avait prit son envol pour se démarquer de son petit frère choyé se disait que parfois ses efforts étaient vains : il était un branleur né bien que ses parents le mettent sur un pied de stalle dès qu’ils en avaient l’occasion. Peut-être parce que c’était un homme. Peut-être.
- Maman ?Aucune réponse. Minnie se mit à monter les marches pour se diriger dans sa chambre, comme d’habitude accompagnée de toute sa technologie, prête à attendre ses parents pour le diner hebdomadaire en famille.
Lorsqu’elle arriva en haut des escaliers, Minnie crût entendre ses parents dans le bureau de son père :
- Erick tu crois franchement que ce mensonge va durer encore longtemps ?
- Ça fait vingt-trois années que ça dure Lucy. A quoi ça servirait de lui dire ça, MAINTENANT ?
- On lui ment Erick.
- On a voulu un enfant on la eût Lucy. C’est tout.
- Je sais. Je sais…
- On a vécu avec ce mensonge depuis qu’elle est née. Il n’y a pas d’intérêt à s’arrêter maintenant. Choquée, Minnie ne pût que redescendre en vitesse lorsqu’elle entendit sa mère sortir du bureau de son père.
- T’es là Minnie ?
- Oui, je… je… Je viens d’arriver.
- Papa est au bureau, si tu veux le voir.
- Oui… Ouais. Ok.Incapable de bouger un muscle, elle regarda sa mère descendre les escaliers. Mensonge ? C’était elle le mensonge ? Elle, Minerva Georgina Alphonsa Van Halen, était un mensonge ? Dans quel sens ?
Encore une fois, tout autour d'elle était remis en question et le doute l'habitait. Qu'est-ce qu'elle était ? »
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