BEFORE WE REALIZED WE WERE SAD OF GETTING OLD Ϟ peter.

Tu n'allais pas tarder à décoller, les vingt heures approchant à grands pas. La mine certes fatiguée, tu étais pourtant motivée pour sortir ce soir. Rien de bien extraordinaire, juste une soirée en bonne compagnie. Il n'était pas rare que tu sortes le soir, même en semaine et bien que tu aies de sacrées horaires. Ça te permettait – justement – de te relaxer et de te changer de ton quotidien. Car s'il y avait bien une chose que tu détestais, c'était la routine. Tu faisais tout pour la fuir, avoir une vie des plus monotone t'effrayait, réellement. Cela symbolisait la fin de tout, pour toi. Il n'y paraissait pas, mais ta vie au bureau n'était pas si ennuyant et répétitive, bien au contraire. De nouveaux dossiers chaque jour, de nouvelles rencontres avec de potentiels acheteurs ou actionnaires, de nouveaux terrains à estimer. Bref, malgré le temps, ton travail continuait à te plaire et à te stimuler. Rien à craindre de ce côté-ci donc. C'était le soir, que tu craignais le plus. Quand il fallait alors rentrer à la maison et vivre le même cycle, encore et encore. Manger, laver, dodo. Ta vie avec Randall n'était pas faite de routine – ça non. Il n'entrait en rien dans les causes de cet ennuie que te faisait vivre les soirées à la maison. C'était inexplicable en fait, mais tu détestais rentrer. Peut-être par flemme de faire la cuisine, peut-être par désintérêt pour le programme télé, peut-être par cette permanente réticence à dormir.
Alors en ce début de semaine, après un week-end enfermée au domicile avec le fiancé, tu avais décidé d'inviter Peter à sortir en ne prétextant aucune autre raison que celle de vouloir le voir, simplement. Plus qu'une simple connaissance, il était un ami de longue date – du lycée, plus précisément. Londres n'en avait pas l'air, mais c'était une petite ville où il n'était pas rare de recroiser ces têtes qui ont marqué notre jeunesse. Et c'était le cas de Peter, qui était l'un des rares avec qui tu avais repris contact – par le biais de Charlie, par ailleurs. Faute d'être partie faire tes études en Irlande, tu avais par la même occasion perdu toutes ces petites amitiés que tu avais connu au fil du temps. Alors il était hors de question de perdre à nouveau la trace d'un ami d'antan. Ta vie sociale t'importait énormément, et si certaine personne se préfère dans un petit cocon fait d'uniquement leur famille et leur mari, toi, malgré l'âge, tu gardais tes amis les plus fidèles sous le coude.

Une petite papouille au chien, une grosse papouille au fiancé et te voilà embarquée dans le taxi – que tu avais appelé une dizaine de minutes auparavant, comme à ton habitude. Cela ne dérangeait pas vraiment Randall, que tu sortes avec un ami le soir. Enfin, il disait qu'il n'y voyait aucun inconvénient. Sans doute se poserait-il devant un film et s'endormirait devant, avec Percy allongé sur lui. Et puis, quand bien même cela le dérangerait, tu serais tout de même sorti. Et il le savait très bien : on ne pouvait jamais rien t'imposer. Ça n'allait en aucun cas commencer aujourd'hui. Il était vingt heures et quinze minutes, te voici bien en retard pour ne pas changer tes sales manières. Pourtant, tu n'avais pas traîné. À peine étais-tu rentrée de la boîte que tu avais couru te laver, avaler une bricole à toute vitesse et préparer tes affaires pour le lendemain. C'était comme si le temps jouait avec tes nerfs, et ce à chaque fois. Rien de bien grave, cependant. Il s'agissait de Peter après tout, il se ferait compréhensif.
Arrivée à bon port, tu payas la course et allas à grand pas vers le bar de votre rendez-vous. Ce même bar que vous aviez l'habitude de fréquenter, à présent car il était l'un des rares à servir des cocktails non alcoolisés potables. Ce qui t'arrangeait énormément, toi qui avais pour philosophie de vie de ne pas boire d'alcool. Une sorte de délire qui remontait à l'époque du lycée – justement. Soit, prenant soin de remettre en place tes cheveux tout ébouriffés, tu passas la tête au Barfly pour tenter d'y détecter la tête de ton ami. Tu savais pertinemment que s'il n'était pas là, tu l'attendrais dehors. Tu ne savais pas trop pourquoi, mais tu avais toujours fait ça : attendre les gens devant le lieu de rendez-vous. Une habitude stupide certes, mais une habitude tout de même. Et alors, tu vis non loin du fond sa bouille barbu vers laquelle tu t'empressas d'approcher. « Toutes mes excuses pour mon retard, j'espère que je ne t'ai pas trop fait attendre. » Retirant ton manteau, tu lui fis tes trois bises habituelles – car oui, toi, c'était trois – et vins t'asseoir en face de lui. « Il fait juste trop froid, j'ai l'impression d'être un glaçon c'est affreux. Alors alors, comment tu vas dis-moi ? »