Même le diable me trouve instable (Firmin)

Vingt et un juillet mille neuf cent quatre-vingt-quatre. En Belgique c’est signe de fête, de feux d’artifice. Mais dans la maison familiale c’était le branle-bas de combat. Il était seulement deux heures du matin quand le travail commença et pourtant il était déjà près de vingt-deux heures quand je poussai mes premiers cris. Je ne peux pas nier que j’étais déjà un garçon difficile le jour de ma naissance. J’étais le premier enfant de la famille et la vie de jeunes parents liés à une vie à la ferme ce n’est pas le plus facile. Ma mère ne voulait pas lâcher son métier de professeur d’Histoire et en plus d’aider mon père dans les tâches de la ferme, elle n’avait pas beaucoup de temps pour moi. Je passai les cinq premières années de ma vie à vivre plus chez mes grands-parents que dans la maison qui était la mienne. Dans ma tête, même si je me sentais bien avec eux, je ressentais au fond de moi comme un sentiment d’abandon, comme si mes parents ne m’aimaient pas. Et à force j’en suis arrivé à ne pas m’aimer.

A peine âgé de cinq ans, ma mère mit au monde un autre garçon. Cependant, c’est avec des problèmes de surdité qu’il vit le jour. Ne pouvant l’élever tout en travaillant, ma mère abandonna son métier pour se préoccuper entièrement de ses enfants. Je revins donc dans la maison familiale mais ce n’est pas pour autant que j’avais l’impression d’y avoir ma place. Tout le monde semblait plus se préoccuper de mon petit frère que de moi. Le point positif dans l’histoire, c’est que j’ai acquis de l’indépendance et de l’autonomie. Qui plus est, j’aimais tellement mon petit frère que je ne lui en voulais pas d’être au centre de l’attention. Mais envers mes parents c’était différent et c’est dans la nourriture que je me plongeai pour essayer de me sentir mieux dans ma peau.

Mais comment se sentir mieux dans sa peau quand on est gros. Les moqueries et les réflexions en tout genre rythmaient mon enfance et mon adolescence. J’y faisais face comme tous les enfants mais la confiance en moi en a pris un coup. Toute façon l’école ce n’était pas trop mon truc donc j’y allais, je faisais de mon mieux pour obtenir le minimum et ce fut comme ça durant toute ma scolarité. Ma vie n’était pas très passionnante à cette époque. J’allais à l’école, j’aidais mes parents à la ferme et je passais beaucoup de temps avec mon petit frère. De temps en temps, j’allais jouer au football avec les enfants du quartier et j’avais du potentiel. Beaucoup de potentiel. Mais mes parents n’avaient pas le temps de s’occuper de moi, ayant plus de temps à consacrer au reste de la famille. Après deux petites années ma carrière s’est finalement arrêtée.

J’ai mis longtemps à trouver quel sens j’allais donner à ma vie. Mon père ayant des problèmes de santé, il n’y avait personne pour reprendre la ferme. J’aime m’occuper des animaux et même si ma relation avec mes parents était compliquée, je décidai de prolonger la tradition familiale. A l’âge de seize ans je laissai tomber mes études pour travailler. Ce métier m’apportait assez d’argent que même un diplôme n’aurait pu m’apporter. La vie était belle, enfin pendant un temps.

Après plusieurs années, je me rendis compte que mon bonheur était superflu. Certes j’avais un beau métier, une belle vie car beaucoup d’argents mais il manquait une chose à ma vie : l’amour et une famille. J’ai toujours été indépendant mais à partir d’un moment certaines choses manquent à ma vie. C’est pour cette raison que mon frère m’a inscrit dans une célèbre émission belge : l’amour est dans le pré. J’y ai appris que je ne supporte pas être mis en avant face à la caméra.

Durant cette émission j’ai donc rencontré une fille. Elle semblait trop belle pour moi mais à la fin de l’émission c’est tout de même elle que j’ai gardé. Ce choix m’a fait me rendre compte que je n’étais pas très intelligent et que je manquais de discernement. Après quelques mois de vie commune j’ai appris qu’elle me trompait sous mon propre toit et que la seule raison pour laquelle elle a participé à l’émission, c’était de passer à la télévision. Une vraie débile. Mais après une histoire pareille, on pense toucher le fond mais le pire est à venir.

Quand l’égo d’une personne est fortement touché, il se peut que cette personne pète les plombs et fassent des choses très peu recommandable. Au beau milieu d’une nuit, je fus réveillé en sursaut par des bruits étranges. Il s’avérait que c’était les animaux de la merde qui semblaient crier. Me levant rapidement, je remarquai que la ferme était en train de brûler. Je sortis aussi vite que possible en appelant les secours. Je ne pouvais rien faire pour sauver ce qui m’appartenait. C’était la fin de ma vie. Après une longue enquête il s’avéra que c’était la « débile » qui avait voulu se venger de l’avoir quitté. Ma vie était vraiment compliquée et si je voulais remonter la pente je me devais de tout quitter. J’avais à peine trente ans et encore assez de temps devant moi pour me créer une nouvelle vie. Avec l’argent de l’assurance et tout ce que j’avais mis de côté, je décidai de quitter la Belgique pour m’installer en Angleterre. C’était loin de chez moi mais en même temps pas trop loin de ma famille.

Sans diplôme c’est difficile de trouver un travail. Et même si j’ai beaucoup d’économies pour vivre je ne veux pas rester à rien faire. Je n'aime pas rester à rien faire. Pendant les quelques années qui me séparent de mon arrivée à Londres, j'enchaînais les petits boulots, passant de serveur à agent de sécurité. Mais depuis quelques semaines, j'ai enfin trouvé un travail fixe. J'enseigne le français dans les écoles secondaires. C'est assez passionnant de voir que l'on peut apprendre des choses aux gens. On se sent utile.