got a feeling in my stomach that just won't quit. it's subtle as a shotgun. heavy as a brick. because i'm staring at the devil and the truth of it is, he's a lot more familiar than i'd care to admit. ✻✻✻ Je n’étais pas une personne qui accordait aisément sa confiance. Je n’étais pas une personne sociable et souriante, sociable et confiante. La majorité du temps, je priais pour que l’on ne me remarque pas. La plupart du temps, je désirais être oubliée, oubliée par les autres mais surtout oubliée par moi-même. Je ne me supportais pas. Je ne supportais pas l’être que j’étais et l’être que je devenais ; j’aurais souhaité plus d’assurance et plus de charisme, sans pour autant parvenir à représenter ces figures de perfection que j’enviais tant. J’avais passé mon lycée à être dénigrée et critiquée. Si, aujourd’hui, je me rendais compte que cela n’avait pas été si grave, les moqueries de cette époque m’avaient déchiré l’âme et le cœur, écrasant le peu d’estime en moi que j’avais bien pu avoir afin de me rendre vulnérable. Toutes ces personnes m’avaient détruite, quelque part. Ils avaient gâché mes chances d’être heureuse avant même que je ne comprenne que ma situation aurait pu être bien pire.
Et, quelque part. Elle l’était devenue. Elle était devenue bien pire, dans son panel de couleurs grises et sombres. Je m’étais toujours sentie en marge de la société, et mon fauteuil n’avait fait qu’aggraver ce sentiment. J’étais devenue différente. Réellement différente.
J’avais l’impression d’être née pour être éloignée. D’être née pour ne pas réellement toucher la même réalité que les autres. Je souffrais de mon malaise constant et de ma condition qui me retirait le peu de ce que j’étais. Alors, fatalement, j’étais distante avec ces personnes que je ne connaissais pas. J’étais même distante avec mes proches. Distante avec moi-même. Distante avec le monde, avec l’univers dans son spectre infini. J’étais habituée à être seule ; j’avais accepté l’idée de finir ainsi, de mourir de cette manière, avec mes simples souvenirs pour me tenir compagnie.
Mais, étrangement, j’avais abaissé mes barrières avec Rory. Je ne savais pas si cela était parce qu’elle était comme moi, une infirme perdue dans un monde qui souhaitait qu’elle suive le rythme, ou parce que j’avais la sensation de découvrir quelque chose de nouveau à travers nos écrits, mais c’était ainsi. Je n’étais pas méfiante. Mieux encore, je n’avais pas peur. Je n’étais pas animée par ces angoisses de faire quelque chose de mal. Je n’étais pas animée par ces angoisses de faire quelque chose de travers. Doucement, elle me renvoya une note, et je posais mon regard sur le papier.
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Si je deviens définitivement sourde, je doute que souhaite devenir mon interprète à temps plein. Ah pitié que je garde au moins une de mes deux oreilles fonctionnelles.
La science et la médecine : plus grand mystère pour moi.
17 octobre, donc tu es balance. Techniquement on devrait pas s'entendre, je dis bien techniquement. (oui j'ai un sacré problème avec l'astrologie) Mais bon, ça ne change rien, je t'offrirais quand même cette super pince !
En plus de jouer les interprètes, jouer les entremetteuses ça ne t'intéresse pas ?
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J’esquissai un sourire, tandis que l’infirmière me retirait l’aiguille du bras. Je lui adressai un signe de tête pour la remercier ; je l’observai ranger les différentes fioles pour pratiquer des tests dessus et s’en était fini pour mon cas. Après tout, c’était souvent de cette manière. J’étais un numéro. Une personne parmi tant d’autre. Un dossier perdu dans les tréfonds de l’hôpital. Cela me convenait, quelque part. Cela me rassurait de n’être pas tant différenciable des autres.
Elle se tourna vers Rory afin de s’occuper d’elle, un sourire bienveillant sur le visage.
« Alors, que puis-je faire pour vous ? » lui demanda-t-elle. Rory se tourna vers moi comme pour me faire comprendre quelque chose. Et je m’en souvins. Je me souvins que si l’on communiquait à travers de mots écrits, cela était parce qu’elle n’avait pas la chance de pouvoir entendre ; dans cet aspect singulier de nos échanges, le fait qu’il soit absolument nécessaire m’avait échappé. J’avais parlé avec Rory comme si elle était une personne sans aucun déficit. Sans aucun handicap.
« Elle est sourde. » adressai-je à l’infirmière avant de lui faire un sourire à mon tour.
« Elle est sourde de naissance pour son oreille droite, mais elle n’entend plus rien de la gauche depuis ce matin. » L’infirmière fronça les sourcils. J’eus presque l’impression de voir son cerveau réfléchir à toute vitesse afin d’examiner toutes les possibilités.
« Est-ce qu’elle a été exposée à un niveau sonore très élevé, comme en concert, par exemple ? Ça pourrait être un traumatisme. Autrement, cela peut être une maladie infection ou une otite. Dans tous les cas, il faudra voir un médecin. » Je l’observai avant d’hausser les épaules.
J’attrapai mon carnet et repris mon stylo entre mes doigts.
« Je vais lui demander. Vous permettez ? » Elle acquiesça, et je me remis à écrire.
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Elle voudrait savoir si tu as été exposée à des fréquences sonores très élevées dernièrement (genre, comme dans un concert). Ça sera une sorte traumatisme auditif blah, blah, blah.
Autrement, si ce n’est pas ça, elle dit que ça serait une maladie. Mais, là, faudra qu’elle fasse appel à un médecin.
Je te l’avais dit que ça pouvait être une otite ! Je peux me reconvertir, désormais. J’ai le choix entre interprète et infirmière. Ou entremetteuse. Mon demi-frère te branche, alors ?
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Je lui fis passer mon mot avec un stylo afin qu’elle puisse me répondre. Je lui adressai un sourire ; quelque part, je me disais qu’elle avait eu de la chance, elle aussi. Parler avec moi par écrit était sans doute plus facile que de le faire directement avec une infirmière.