Aria Ҩ New body, new life.

Mon histoire… ? Y en a beaucoup à dire... je vais tâcher d’essayer de vous la raconter en manquant le moins de choses possibles pour que vous puissiez vraiment savoir qui je suis, ce que j’ai vécu… toute ma vie, comme demandé.

Moi, c’est Aria. Enfin, je m'appelais Harry, avant. J’ai seize ans. Je suis née dans un hôpital de Londres, et aussi surprenant que cela puisse l’être… j’étais un p’tit gars. Harry. C’était mon prénom, comme dans Harry Potter sauf que lui et moi, on se ressemble pas du tout… Je ne sais pas pourquoi ma mère a choisi ce nom, mais je suppose que c’est l’absence de mon père et le manque que celle-ci lui procurait qui l’a fait choisir ce prénom : celui qu'il portait. Je portais le prénom de l’homme qui avait participé à ma mise au monde mais qui, pourtant, n’était pas présent lors de mon arrivée dans la civilisation. À l’hôpital, seuls des médecins et celle qui m’avait donné ce nom était présents. J’étais petit mais je le savais déjà, je ne pourrais tout au long de ma vie ne compter que sur ma mère… mon père était un lâche qui était parti avant ma naissance. Peut-être avait-il peur de ne pas assurer avec moi ? Peut-être que ma mère était juste un coup d’un soir pour lui… ? Aucune idée, en tout cas, ma mère ne m’a jamais vraiment parlé de lui. Elle me disait juste qu’il était un homme qu’elle avait rencontré au boulot et qu’ils avaient partagé une courte mais très belle histoire d’amour… je ne sais pas les circonstances de son départ, elle n’a jamais voulu me le dire et c’est peut-être mieux comme ça.

Moi et ma mère étions seuls… Nous n’avions aucune famille, enfin, je ne connaissais personne. À Londres, je n’avais aucune tante, aucun(e) cousin(e)… j’ai donc vécu mes premières années avec ma mère. Nous avions une relation très forte que tout le monde pourrait envier. On passait tout notre temps libre ensemble, elle m’emmenait et venait me chercher chaque jour à l’école… Financièrement, c’était un peu plus compliqué. Nous n’étions pas très riches, et c’est pas le métier de sage-femme de ma mère qui pouvait nous aider à avoir tout ce dont nous avions besoin. Bien sûr, j’avais chaque soir un repas, j’avais des vêtements… le minimum. Rares étaient les moments où nous pouvions sortir pour nous faire des petites sorties cinémas en famille, des restaurants, des bowlings… bref, vous voyez un peu ce dont je veux vous parler. Le travail de ma mère ne nous permettait que de vivre un minimum, sans vraiment pouvoir profiter de la vie. Ce n’était pas un souci, après tout… nous nous aimions, et c’était le plus important.

Mais plus les années passaient, et plus le petit sourire qui se baladait sur mes lèvres apparaissait de moins en moins souvent. Je ne me sentais plus heureux, je grandissais, j’avais besoin de nouvelles choses, de sortir avec mes amis… C’est à partir de mes dix ans que je commençais à découvrir une nouvelle facette de ma personnalité… ou peut-être celle que je tentais de cacher depuis toujours. Je passais de plus en plus de temps dehors, chez des amies que je m’étais faites à l’école et qui, sans vraiment savoir pourquoi m’intriguaient. Je les enviais d’avoir la vie que j’avais toujours voulue : la plupart avaient un père, ils avaient beaucoup d’argent, des frères et des sœurs, des passes-temps favoris… j’étais jaloux. Et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de changer de vie, et tout ça grâce à l’une de mes camarades de classe qui m’avait aidé à découvrir qui j’étais vraiment au fond de moi. Cette fille, c’est Charlotte. Elle était elle-aussi née à Londres, nous n’avions que quelques mois de différence, et pourtant… nous étions très proches. Elle passait beaucoup de temps à la maison à dîner avec moi et ma mère, à se faire des soirées séries à la maison… Et plus le temps passait, et plus je la jalousais. Pour certains garçons, quand on leur disait ‘’ouais, tu cours comme une fille !’’ ou ‘’tu te comportes comme une fille’’, ça les vexait, ils se mettaient en colère ou avaient un tas d’autres réactions colériques. Pour moi, c’était différent. Plus je passais de temps avec Charlotte, et plus j’avais ces ‘’manies’’, ses manières, ses habitudes… : l’habitude de passer ma main dans mes cheveux, je marchais et parlait différemment, j’étais vachement plus sensible que les autres garçons que je connaissais et je pouvais fondre en larmes pour des choses vraiment subtiles… Vous voyez ce dont je veux vous parler, non ? Je ne me sentais pas bien, le corps dans lequel j’étais ne me plaisait pas, je ne me sentais pas heureux… Et c’est quand j’ai avoué ce sentiment à Charlotte qu’elle l’a accepté sans même se moquer de moi et qu’elle m’a aidé à devenir la personne que je voulais vraiment être : une fille.

Après l’école, je passais beaucoup plus de temps chez elle. Elle me faisait essayer ses fringues, me montrait ce que les filles se faisaient physiquement : vernis, maquillage, façons de marcher… elle m’a tout appris et je lui en étais très reconnaissant. Nous faisions bien sûr tout ça en cachette… ça a duré quelques mois avant que ma mère ne remarque que mon comportement avait changé : j’avais quatorze ans et demi.

J’essayais de lui cacher ces quelques secrets que je couvais depuis maintenant quelques mois, mais cela devenait de plus en plus difficile. Comment pouvais-je mentir à la personne qui avait tout fait pour moi pendant toutes ces années ? Sans elle, je ne serais rien… Un soir, Charlotte était à la maison. On avait prévu de passer une petite soirée devant la télé comme on en faisait souvent... et je lui ai tout avoué, et elle a réagit comme toutes les mères devraient le faire : elle l’a accepté. Les mois qui ont suivis, elle m’a aidé à me faire pousser les cheveux, à prendre soin de mon corps pour que je ressemble vraiment à celle que je voulais être, à laver mes cheveux avec des lotions spéciales pour qu'ils soient plus doux, ma mère me filait même des pilules (que je prends toujours actuellement mais dont je vais manquer dans pas longtemps) pour garder une voix aïgue... Bref, vous voyez un peu. Elle savait ce que je ressentais, et elle voulait me rendre heureux. J’allais donc à l’école avec les cheveux un peu plus longs, mais je ne montrais pas de choses qui pouvaient faire comprendre à l’école que je voulais être une fille… c’est à la maison que moi et ma mère nous amusions à me vernir les ongles, à me vêtir de vêtements qui me correspondaient plus, etc… Elle était la seule au courant.

J’avais quinze ans quand, pour mon anniversaire elle a décidé de m’offrir le plus beau cadeau que je pouvais avoir : une carte d’identité. Bien sûr, après avoir déballé ce cadeau je ne savais pas ce à quoi il allait me servir… mais c’est quand elle m’a tout expliqué que je l’ai vite compris. Elle ne l'avait pas eue de façon légale, bien sûr, mais elle voulait mon bonheur et se foutait clairement des risques qu'il y avait derrière. Cette carte d’identité sur laquelle se trouvait ma photo et qui était à un autre nom que le mien était mon nouveau départ, notre nouveau départ. Rien ne nous retenait dans la ville de la grande pomme, elle aussi voulait changer d’air… j’étais la personne la plus heureuse au monde, j’allais enfin vivre ma vie.

Bien sûr, la vie n’est pas toute rose… quelque chose a détruit nos projets, je venais d'avoir seize ans : Ce jour-là, j’étais à l’école, ma mère rentrait du boulot… C’était en fin d’après-midi, j’ai reçu un appel sur mon téléphone en plein cours… Le téléphone a sonné une fois, une deuxième fois… j’ai dû sortir de cours pour y répondre : c’était un médecin de l’hôpital dans lequel j'étais né. Le médecin que j'avais au bout du fil m’annonçait que ma mère avait eu un accident et que je devais rapidement me rendre à l’hôpital… C’est l’un des surveillants du lycée qui m'a emmené à l'hôpital. Elle était allongée dans ce lit, un tas de fils étaient branchés sur elle, il y avait aussi cette machine qui faisait un ‘’bip’’ toutes les cinq secondes… J’étais assise sur le lit de ma mère, près d’elle qui peinait à respirer… Elle m’a expliqué qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps, qu’elle était désolée… j’étais dégoûtée. J’étais en larmes, j'avais franchement envie de crever. J'voulais pas qu'elle meurt, qu'elle me laisse seule. Qu’est-ce que j’allais faire sans elle, hein ? Rien. J’étais rien sans ma mère, personne. Elle m’a tendu un mouchoir pour que je puisse essuyer mes larmes, mais aussi cette mystérieuse enveloppe. Je l’ai ouverte et j'y ai découvert la carte d'identité qu'elle m'a offerte quelques mois plus tôt ainsi qu'un peu d'argent. Elle m'expliquait qu'elle voulait que je quitte la ville, que je trouve un moyen de vivre la vie que je voulais depuis toujours...

Les ‘’bips’’ de la machine étaient de plus en plus fréquents, elle allait partir au ciel… j’ai embrassé sa joue, pleurant comme une madeleine. Je l’ai serrée dans mes bras en lui murmurant que je l’aimais et que je la remerciais infiniment pour tout ce qu’elle avait fait pour moi, puis… elle est partie, dans mes bras… comme ça. Elle était morte dans mes bras.

Je reprenais mes esprits, assise dans le couloir de l’hôpital où les médecins m’avaient installé. Je savais ce qui allait m'attendre, une famille d'accueil ou une autre connerie du genre... Alors je me suis échappée en douce pour retourner chez moi prendre quelques vêtements et quelques objets qui m'étaient chers (dont une photo de ma mère) puis j'ai dû partir, sachant que ce serait le premier endroit dans lequel on viendrait me chercher. J'ai passé les prochains jours dans les rues de Londres en tant qu'Aria, Charlotte m'aidait un peu, me donnait souvent son argent de poche, m'aidait sans vraiment pouvoir m'accueillir chez elle. Je me débrouillais seule... J'étais Aria, Harry n'existait plus.