"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici somewhere in her mind, it's always raining a slow and endless drizzle (kenzo) 2979874845 somewhere in her mind, it's always raining a slow and endless drizzle (kenzo) 1973890357
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() message posté Ven 12 Fév 2016 - 14:18 par Invité
Mon regard s’attarda sur la silhouette d’un enfant s’immobilisant au bord du trottoir, sa mère le retenant par la capuche avant qu’il ne glisse dans l’eau du caniveau ou qu’une voiture ne le percute. Les diodes vertes s’éteignirent et les rouges s’allumèrent pour nous déconseiller de traverser le passage clouté mais je n’y pris pas garde et m’engageai tout de même d’une démarche cadencée. Les véhicules s’ébranlèrent et me frôlèrent alors que j’atteignais l’autre côté de la chaussée. Mes pas me menèrent sous les enseignes des boutiques et des restaurants mais celles-ci ne me protégèrent pas de l’eau de pluie qui dégoulinait déjà partout sur mes vêtements. Je soupirai. Le temps londonien était capricieux et mon humeur avait toujours tendance à le suivre. Pathetic fallacy, murmurai-je pour moi-même comme j’avais l’habitude de le faire depuis que j’avais l’âge de penser. Je levai mon regard vers le ciel : il ressemblait à du coton sale, de mauvaise qualité, que l’on aurait laissé tomber partout sur les étoiles et qui n’accordait pas au soleil la chance de briller. Je restai un instant contre une gouttière poisseuse, les mains dans les poches pour malaxer mon paquet de cigarettes, et j’observai les passants s’agiter autour de moi dans une danse effrénée que je constatais sans chercher à la suivre : cela n’avait aucun intérêt, je me complaisais dans l’immobilité de mon corps et celle de mon esprit. Puis je repris la marche, les semelles ballottées par l’eau de pluie sur le béton, les gouttes s’infiltrant vicieusement jusqu’à mon cou pour me faire frissonner, l’expression morose s’accordant bien avec le paysage. Il existait de ces journées durant lesquelles j’avais bien plus l’impression de faire partie du décor que des protagonistes de cette pièce de théâtre qu’était la vie. Notamment l’hiver, car tout devenait terne et tout confirmait mes opinions funestes. J’avais un an de plus – j’avais surtout un an de moins, un an de moins à vivre avant de m’écrouler sous une stèle pour dormir enfin durant des années. Voilà mon idée de l’unification personnelle : elle se faisait six pieds sous terre et en attendant, nous nous émiettions comme les nuages lors des jours de pluie.

Je bifurquai et me dirigeai vers Trafalgar Square, longeant les vitrines des boutiques et celles des restaurants jusqu’à la célèbre place, mais je marchais lentement, prenant le temps de tout faire et de tout voir. Pas vraiment par intérêt. Je craignais simplement de tout connaître trop vite, de ne pas avoir oublié les sensations des premières fois et de ne ressentir qu’un vide imposant dans la poitrine en songeant à de malheureux souvenirs. Les déjà-vus se pressaient à ma porte et mon ennui les étranglait un à un. Mes doigts se courbèrent autour d’un poteau au bord du trottoir et je m’arrêtai pour reprendre tranquillement mon souffle. Parfois, ça me venait : un poids tombait sur mes épaules et l’écho de sa chute résonnait partout autour de moi, partout en moi aussi. J’avais envie de m’écrouler sur le sol pour en capturer la fraîcheur humide et urbaine, mais les hommes ne faisaient plus cela, de nos jours. Les actes spontanés et déraisonnés n’appartenaient à aucun code : ils étaient propres aux parias et aux marginaux. Tombez sur le sol et on croira que vous êtes malade, que vous souffrez. Pas que vous avez simplement envie de vous allonger pour écouter les bruits de la terre et mieux pouvoir contempler le ciel. Mes pas poursuivirent leur route et je grimpai les marches jusqu’à la place bordée de statues imposantes, pourtant celles-ci aussi étaient empreintes de mélancolie une fois piégées sous la pluie. Elles ruisselaient d’eau et paraissaient beaucoup plus voûtées que d’ordinaire. Mon regard s’attarda finalement sur chaque silhouette présente autour de moi et je plissai les yeux en croyant en reconnaître une. N’était-ce pas l’un de mes déjà-vus mesquins ? Je m’avançai d’une démarche plus mesurée cette fois vers la jeune femme aux cheveux de jais qui était assise sur l’un des rebords, au sec car elle avait ouvert un parapluie au-dessus d’elle. Elle lisait, ou bien écrivait quelque chose et ce fut ce carnet singulier qui confirma que j’avais raison.

Il s’agissait d’un souvenir, un en particulier. Un que ma mémoire de cynique désabusé n’oubliait pas et que je me plaisais à rejouer régulièrement lorsque Lexie me laissait le faire, et je comprenais petit à petit qu’elle ne voulait plus. Ce souvenir, celui où elle m’avait ouvert la porte de chez elle et où j’étais entré dans son appartement pour cette fois y rester, les nuits passant les unes après les autres, le temps que je me fonde au paysage monotone de son foyer. Nous nous étions écoutés soupirer car chacun de notre côté, nous n’étions pas parvenus à dormir. J’avais pris possession de cet endroit en en foulant simplement le plancher et, comme à chaque fois, j’avais tenté d’y bander mes plaies physiques et mentales, jusqu’à ce que la douleur me prenne à la gorge et que je m’effondre sur ce même plancher. Jusqu’à ce que Lexie n’aie pas d’autres solutions que celle d’appeler une ambulance pour m’envoyer à l’hôpital, accomplissant ainsi l’acte pour lequel nous éprouvions tant de dédain : sauver l’autre. Mais c’était aussi toute sa vie que j’avais vu se déployer devant moi, comme les pétales d’une fleur au printemps : cette femme brune et mystérieuse en faisait partie. Kenzo, s’était-elle présentée un matin en revenant juste avant l’aube, découvrant sur son canapé la présence d’un inconnu silencieux, dont le regard noir luisait d’une lueur particulière qui se reflétait sur les reliefs de sa peau décharnée et déformée par ses os de verre au niveau de ses articulations. Elle avait finalement accepté cette présence, sans vraiment poser de questions et préférant apprendre à me connaître car elle semblait être de ceux qui ne rejetaient pas l’inconnu et qui lui souriaient pour l’apprivoiser. Et c’était tout pour réussir à le faire, car je l’avais appréciée bien vite. Nous avions créé un équilibre éphémère, presque jovial du fait des sarcasmes, avant que je ne disparaisse à nouveau. Et j’étais tombé par hasard sur les écrits secrets qu’elle ne montrait qu’à son propre cœur, certainement pas à des inconnus échoués sur son canapé. Je n’avais pas pu m’empêcher de lire certaines lignes, parfois des paragraphes entiers pour passer le temps. C’était étrangement plaisant de l’observer vivre puis de lire des vérités qui ne semblaient pas s’accorder avec la fraîcheur de son teint. Arrivée à sa hauteur, je penchai la tête et me raclai la gorge. « Tu me prêtes ton parapluie ? » Il était assez grand pour deux. Je lui fis remarquer par un sourire complice et amusé. « Mais on devrait aller au bar pour être sûrs que ta prose ne finisse pas trempée. » ajoutai-je sur un ton neutre et désinvolte en lui désignant le carnet ouvert sur ses genoux. « Je m’étais arrêté de lire à un moment super critique de ton amour pour ton copain. Meilleur livre de chevet du monde, je t’ai jamais remerciée. » Voilà comment je lui révélai que je ne m’étais pas privé de lire des choses qui ne me regardaient pas. Voilà comment nous nous retrouvions, et j’avais décidé de connaître la suite des évènements, certain d’avance qu’elle finirait par me la raconter, elle aussi.
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Kenzo A. Armanskij
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() message posté Mar 16 Fév 2016 - 0:38 par Kenzo A. Armanskij
Il y avait ces jours. Ces jours où tout semble aller mal. On se réveille, le cerveau embrumé, le coeur lourd. Et on ne cesse de penser à ce qui fait mal, à ce qui blesse, à ce qui brise. Il y avait ces jours, de tristesse. Et je les vivais, à chaque fois, avec la même intensité. La même morosité. J'étais restée, en cette fin de matinée, à l'appartement. En attente de quelque chose. Quelque chose qui pourrait rendre ce nouveau jour moins pensant. Moins douloureux. Je vivais l'absence. Leur absence. A Zola, et Louis. Je ne cessais de penser à eux, à cet avenir délicieux que nous réservait la vie. Mais je m'impatientais. J'avais besoin de les retrouver, maintenant. Je restais là, sur le minuscule balcon de l'appartement, à regarder la pluie se déverser sur les rues de Londres, fumant cigarettes sur cigarettes, me rapprochant un peu plus de mes derniers jours. Malgré mes efforts, je ne parvenais pas à arrêter, je ne parvenais pas à me détacher de ce poison délicieux qu'était la nicotine. Il y avait trop longtemps maintenant que mes lèvres avaient touché pour la première fois le filtre d'une Philip Morris. Je soupirais et passais une main dans mes cheveux. J'écrasais ma cigarette consumée et la déposais dans le cendrier. Puis, je retournais au chaud. Je refermais la fenêtre derrière moi et augmentais le son du tourne disque. Radiohead jouait Paranoid Android et tout en me rendant dans ma chambre, je me mis à chantônner par dessus la musique. Après avoir choisi une robe pull et des collants, je me dirigeais jusqu'à la salle de bain et pris une longue douche. Comme à mon habitude. Je laissais mes muscles se détendre sous le contact de l'eau chaude. Je me rendis alors compte que j'avais besoin de changer d'air. De sortir. Alors, une fois prête, j'allais prendre mon carnet dans ma chambre et enfilais mon long manteau noir. Je glissais mes pieds dans mes docs martens et quittais l'appartement. Aujourd'hui, je laissais mon vélo à la maison, et entrepris une marche. J'ouvrais mon parapluie et laissais le bruit des gouttes de pluie sur le sol me bercer tandis que je m'aventurais dans les rues glissantes de Londres.
Je finis par m'échouer à Trafalgar Square, lasse de marcher, et je m'asseyais sur un banc. Tenant toujours le parapluie, coincé entre ma côte mon bras, j'attrappais mon carnet et un stylo. J'avais besoin d'écrire mes plus sombres pensées. De me libérer l'esprit. Alors, je marquais tout ce qui me passait par l'esprit. Je pensais à Julian. Il était le seul à croire en mes talents d'écriture. Et surtout, le seul à les soupçonner. Je me contentais d'écrire, sans savoir si les mots avaient un sens. Pour moi, c'était le cas. Mais je ne m'étais jamais considérée bonne écrivaine. Je parvenais peut-être à dire les choses aux gens, mais ce qui se trouvait dans ce carnet était bien trop personnel pour que mes pensées prennent un sens dans le cerveau d'un autre. Je fus alors interrompue par une voix masculine que j'avais eut le temps d'apprendre à reconnaître. Et surprise, je fermais brusquement le carnet. Thomas se trouvait là. Le squatteur. Ce squatteur qui avait sauvé la vie de ma meilleure amie alors que moi, je n'étais pas là. Je lui souriais et hochais la tête en soulevant le parapluie, pour le couvrir lui aussi. Puis je fronçais les sourcils. De quoi me parlait-il? Comment pouvait-il savoir que j'étais en train d'écrire? Il aurait pu s'agir d'un agenda ou... D'autre chose. Qu'importe. Et puis il chassa toutes mes questions et je serrais la mâchoire. Non. Thomas. Non. Tu n'as pas fait ça. Non! Je me levais et le poussais alors. La colère s'était emparée de moi. Je le poussais à nouveau et répondis : « Pardon?! Tu oses fourrer ton nez dans ce qui ne te regarde pas et en plus tu te fous de ma gueule? » J'attrapais mon sac et lui lançais mon stylo dessus. Ridicule. Mais c'était au moins ça. Je tournais alors les talons et telle une furie, le quittais. Mais il me suivit, bien décidé à m'emmerder encore quelques instants. Je fis néanmoins pas me tourner vers lui et lui fis face. Le visage dur, la mâchoire serrée, je lui crachais : « J'étais presque heureuse de te trouver ici. » Je le toisais de haut en bas et à nouveau, repris ma marche. Je n'avais aucune idée d'où j'allais, mais je le fuyais. Il avait osé. Il avait osé ouvrir une porte que je lui avais interdite jusqu'ici. Personne d'autre que lui n'avait pu lire ce qui se trouvait dans se carnet. Je sentis des larmes rouler sur mes joues. Je me sentais bafouée, trahie, presque violée. Mise à nue. Je n'aimais pas ça. Je n'aimais pas cette fragilité.
Il y a de ces jours.
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() message posté Lun 29 Fév 2016 - 13:25 par Invité
Je la remerciai d’un signe de tête et me glissai sous le parapluie en coinçant mes mains entre mes cuisses. Le froid se sentait chez lui partout mais c’était dans le regard de Kenzo que la pluie semblait s’abattre le plus. Elle possédait cette sérénité singulière de ceux qui avaient déjà tout vécu, et en cela, nous nous ressemblions un peu, malgré son air lumineux croisé de son comportement acerbe et tranché lorsque quelque chose ne lui plaisait pas. La bruine douce qui habillait ses iris se changea en déluge lorsqu’elle tourna la tête vers moi pour m’observer, juger de mes actions, me détester une seconde avant de se laisser aller à la simple colère. « Pardon ?! Tu oses fourrer ton nez dans ce qui ne te regarde pas et en plus tu te fous de ma gueule ? » Je levai les yeux au ciel avec amusement. Classique, certes, mais efficace. Elle savait à présent qu’elle n’était plus la seule à avoir relu ses mots pleins de vie et de mort, pleins de lumière et d’obscurité, pleins de beauté et de laideur. Elle avait été jugée à son insu et ne le supportait pas encore. Elle se leva brusquement et je laissai échapper un juron dans un souffle silencieux lorsque les gouttes de pluie s’écrasèrent de nouveau sur mon visage et ma nuque. Dans un mouvement de rage, Kenzo lança son stylo sur moi et, une fois qu’il m’eut touché, il retomba dans une flaque d’eau, à mes pieds. Je soupirai en posant mes yeux sur lui : il serait probablement inutilisable si je le laissai tremper trop longtemps. Mais je n’eus pas le temps de me baisser pour le saisir car Kenzo se retournait déjà vers moi, un air assassin traversant son regard comme un éclair sagittal et cherchant en vain à blesser ma carcasse. C’était dommage, j’avais abandonné mes regrets depuis longtemps et ils avaient fondu sous le déluge. « J’étais presque heureuse de te trouver ici. » Elle fit volte-face et poursuivit sa route comme si ma vue lui donnait la nausée. J’en profitai pour attraper le stylo, le ranger dans ma poche de manteau et m’élancer vers elle sans me défaire de mon sourire mutin et sarcastique. N’étais-ce pas ce même sourire qu’elle avait réussi à apprécier au fil des jours que nous avions passés l’un aux côtés de l’autre ? Son engouement pour mon cynisme prenait un coup. Mieux valait peut-être que je la laisse partir.

Pourtant je décidai de presser le pas et de la rattraper avant qu’elle ne disparaisse derrière un angle d’immeuble et que je me lasse de la suivre. Je m’essoufflais bien trop vite pour avoir ce genre de patience, de toute évidence. Je tendis le bras et effleurai son épaule pour qu’elle ralentisse mais elle paraissait décidée à ne pas m’adresser la moindre attention. Je grommelai quelques mots désapprobateurs, comme si une part de moi regrettait déjà mes gestes, mais je finis par accélérer pour lui barrer la route, écartant les bras et les doigts pour lui signifier que j’étais venu en ami et que j’étais presque navré qu’elle se braque. « Arrête Kenzo. » soufflai-je d’un air amusé, même si je le pensais vraiment : ne fuis pas ce que tu as toi-même écrit, ça ne servira à rien. Mon intonation lui indiquait que sa réaction était exagérée mais quelque part, je la comprenais. Elle s’était disséquée elle-même, tant bien que mal, et je n’avais pas assez de tact pour m’empêcher de l’examiner à mon tour. Elle avait le corps frêle et fragile mais il cachait en lui des souvenir tranchants, comme les stalactites d’une grotte dont elle seule connaissait l’entrée – mais je l’avais espionnée, caché dans le brouillard de mes cigarettes, et peut-être un peu des siennes lorsqu’elle les avait laissées traîner sur la table du séjour, silencieux comme une ombre et avide de découvertes. Les âmes me fascinaient. Mon intérêt pour chaque visage ne ternissait pas. Il subissait simplement l’érosion d’une existence que je n’avais plus envie de mener, mais il arrivait parfois qu’une lueur brille plus intensément que les autres et que je la perçoive à travers la brume. Je ne pouvais pas m’empêcher de la regarder et de l’imaginer s’enflammer pour lui de plus bel devant mes yeux fatigués. « Je n’en ai parlé à personne, si ça peut te rassurer. Je ne suis pas du genre à marchander les secrets des autres. » Elle pouvait lire dans mes prunelles et ma voix que je disais manifestement la vérité. J’oubliais sa prose une fois le journal refermé mais m’en souvenais subitement lorsque je voyais son visage se découper devant moi. C’était comme si ses souvenirs étaient étrangement devenus les miens et que, pendant une fraction de seconde, j’avais vu ce qu’elle avait vu, senti ce qu’elle avait senti, désiré ce qu’elle avait désiré, simplement en la voyant se tenir en face de mon corps qui ne manifestait plus la moindre émotion. Tu veux connaître mon secret, Kenzo ? J’affichai un sourire à la fois malicieux et amical, cherchant à calmer sa colère en restant simple et sobre. Je suis vide à l’intérieur, c’est pour ça que je vais piocher mes sentiments chez les autres. Je haussai les épaules avec désinvolture. On ne pouvait pas se passer de vouloir les comprendre, ces secrets. Même elle le savait, au fond.

Je plongeai ma main dans ma poche et en ressortis le stylo encore humide qu’elle avait lancé sur moi. Mes yeux lui sourirent avec cette complicité qu’elle venait de briser et je m’humectai les lèvres pour poursuivre. « Ce serait bête que tu le perdes. Avec quoi tu écrirais ? » Il marcherait encore, certes, mais elle ne voulait plus écrire. J’avais trahi sa confiance et j’observai les fruits de mes paroles mûrir, peut-être un peu trop, rendant son regard furibond. Elle me jeta un regard noir lorsque je lui tendis. Mes yeux semblaient lui demander si elle était vraiment énervée. Si elle n’était pas soulagée, au fond d’elle, de ne plus être la seule à surmonter les obstacles qu’elle avait décrits au fil de la plume. Je ne la jugeais d’ailleurs pas. Mes mots étaient ironiques : si elle voulait des conseils subjectifs, je pouvais lui en donner, mais nombreuses étaient les personnes qui se braquaient lorsque je révélais le fond de ma pensée. Cela dit, elle vivait avec Lexie. Peut-être que cette dernière déteignait sur elle et que Kenzo était finalement capable de me tenir tête. Je ne pouvais pas le savoir si elle m’abandonnait sous la pluie alors que je la taquinais sobrement. « On la refait si tu veux. Salut Kenzo, ça te dit un café ? » m’enquis-je, le ton éreinté par la sempiternelle lassitude qui habillait mes traits, et pourtant, je le sentais un peu rieur. « On est pas obligés d’en parler si tu veux. » ajoutai-je d’une voix qui feignait d’être navrée pour qu’elle se calme plus vite. « Ce serait dommage parce que t’écris bien, mais je comprendrai. » Je relevai le menton, m’appliquant à ne pas retourner sous son parapluie car je devais attendre qu’elle accepte progressivement ma présence parmi ses souvenirs, sous le dôme de sa mémoire ruisselante de peines et d’euphorie, présence que j’avais affirmée comme un voleur dès le départ, m’attribuant le rôle nébuleux de l’ombre qu’elle voyait du coin de l’œil lorsqu’elle était seule et qui disparaissait lorsqu’elle tentait de l’observer, emportant avec elle toutes les explications qu’elle pourrait donner, tous les jugements qu’elle pourrait émettre.
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Kenzo A. Armanskij
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() message posté Lun 29 Fév 2016 - 18:50 par Kenzo A. Armanskij
On m'a apprit à ne pas ressentir. Alors qu'ailleurs, alors que dans d'autres familles on apprend à tenir aux autres, on apprend à partager. Je sais partager, c'est dans ma nature. Mais on ne m'a pas apprit à aimer. A dire ce que l'on ressent. Suzon a été là, les huit premières années de ma vie et m'a apprit des choses, certaines choses. Mais pas tout. Elle m'a abandonné trop tôt, trop tôt pour que j'apprenne à dire les choses. Que je les assume pleinement. Zola avait prit le relai, il s'était intéressé à moi, m'avait épaulé, aimé, adoré. On avait grandit ensembles, et mes sentiments à son égard ne m'avaient jamais effrayé. Il en fut de même pour Alexandra, lorsqu'elle entra dans ma vie. Au fond, je n'ai jamais eut peur de ressentir tant d'amour pour mon entourage. Mais lorsque jai compris que je donnerai la vie, j'ai eut peur. Tout ce que mon père m'avait ôté, cette attention, cet intérêt, j'étais tout simplement incapable de l'envisager. Dans ma vie future. En tant que mère. Comment pouvais-je aimer, être une bonne mère alors que ma mère, la mienne, celle qui m'avait donné la vie, s'était montrée incapable de me témoigner son attachement? J'ai eut peur. J'ai eut peur et j'ai paniqué. J'ai tout foutu en l'air. Du moins je l'ai cru. Je l'ai cru lorsque je me suis reveillée dans ce lit d'hôpital. Alexandra était là, derrière la vitre. Et Zola à mes côtés. Je suis restée, la main sur mon ventre plat. Impassible. Aucune larme ne s'était échouée sur mes joues. Pas une expression. J'étais restée de glace, immobile. Je ne ressentais rien. Plus rien. Mon fils n'était plus là. Louis, car c'est ainsi qu'il s'appelait, n'était plus en moi. Loin de moi. Et je le croyais mort. Et je sentais, j'entendais, je vivais dans chacun de ses hurlements, de ses pleurs, la douleur de Zola. Il brisait tout. Alexandra, un bras replié sur elle même, l'autre main sur sa bouche, tremblait à chacun de ses coups. Et je voyais ses larmes rouler sur son magnifique visage. Tout le monde pleurait, ressentait. Et moi non. Car on ne m'avait pas apprit à ressentir. Pourtant, je ressentais tout. Cette douleur. Ce vide. C'était ressentir, que de ressentir un vide, non? Et toutes ces années, à se déchirer, à se détruire. A danser honteusement sur les scènes nocturnes de Londres, à accepter les coups de reins brutaux de tous les rats de la ville. J'avais ressenti. Un vide. Un vide qui s'était comblé avec l'arrivée de Julian. Il m'avait aidé à ouvrir à nouveau mon coeur. A parler. C'était lui qui m'avait sauvé au fond. C'était Julian. Et sa brutalité incontrôlable. Je baissais les yeux.
Thomas était entré dans ma vie. Dans ma tête. Sans crier garde. Et j'étais là, démunie devant lui. Démunie devant tout ce que je ressentais. Tout ce que j'avais accepté d'écrire dans un vulgaire cahier en cuir, pour aller mieux. Pour faire le point. Je m'étais confiée, à ma plume. J'avais laissé ces choses me quitter, sortir, s'évader. Parce que j'avais mal, parce que je souffrais. Parce que c'était ainsi, et je n'avais pas la force d'en parler autour de moi. De dire les choses à Lexie. Elle semblait si vulnérable en ce moment, et pourtant, elle gardait la tête haute. Je ne pouvais pas dire cela à Kovu. Il se battait encore avec la drogue. Je ne pouvais pas dire ça à Julian. Il en savait déjà trop. Mon poids devenait son fardeau. Il en avait déjà assez. Mais Thomas, lui, savait désormais. Il savait ce que j'avais gardé au fond de moi. Toute cette frustration, cette colère. Je levais les yeux vers lui. J'étais désemparée, démunie face à son air satisfait et ses prunelles sombres. Lui aussi cachait des secrets, des démons, des soucis. Il fallait creuser, creuser pour apprendre, creuser pour savoir. Je secouais la tête et passais une main brusque sur mon visage, pour essuyer l'eau qui dégoulinait désormais. Impuissante, javais laissé le parapluie toucher le sol. Il ne servait désormais plus à rien. Mais je ne parvenais pas à rester droite, fière, alors qu'il me voyait nue. Il avait brisé mes carapaces, s'était accaparé de mes protection, avait ôté mon masque. Je n'étais rien d'autre que moi, face à lui. Je me sentais trahie, bafouée, violée. C'était mes sentiments, mes ressentiments qui étaient en question. Thomas me soufflait d'arrêter, d'un air amusé. Je fronçais les sourcils et le tapais brusquement à la poitrine. Je fronçais les sourcils et croisais les bras sur ma poitrine. J'avais envie de pleurer. J'en revenais pas, je n'en revenais pas qu'il ai osé faire cela. Me faire cela. Et je vis son regard s'adoucir. Au fond, il n'était pas qu'un enfoiré sans gêne. C'est ce qu'il laissait entrevoir, pour se protéger. Comme tous. Nous avions tous un moyen différent pour nous protéger. Je gardais mon regard sur lui, impassible. Mais je sentis mes traits se détendre. Il me connaissait désormais. Comme Zola et Alexandra. J'avais beau être imprévisible, ils avaient sû capter en moi l'essentiel. Je soupirais et levais les yeux au ciel lorsqu'il tenta de me rassurer. « C'est pas le soucis Thomas. C'est... A moi, ça. Ce que t'as lu, si ça se trouvait dans ce cahier, c'est parce que... Personne d'autre ne devait savoir!» Je tournais le regardais et me mordillais la lèvre inférieure. Au fond, je n'avouais pas grand chose entre ces lignes, seulement mes peurs, mes appréhensions, et surtout mes sentiments. Ce n'était pas un scoop que j'aimais Zola, que je tenais à Lexie comme à ma vie, que Julian était mon prince charmant sur son cheval blanc. Ce n'était pas nouveau. Mais c'était moi, c'était personnel. Je ne trouvais rien à ajouter et tournais la tête. Je ne parvenais plus à réprimer les larmes qui perlaient au bord de mes yeux. Et après tout, je ne cherchais plus à les cacher. Il avait tout vu de moi. Il haussa les épaules, d'un air désinvolte et je soupirais. C'était lui, c'était Thomas. C'était cet homme paumé qui avait squatté le canapé du salon durant quelques semaines. C'était l'homme avec qui j'avais passé des heures, en vieux survêtement, à parler de tout, de littérature, de la vie, la clope coincée entre mes doigts, la tasse de café dans l'autre. Au fond, ces journées me manquaient. Ces discussions me manquaient. Thomas me manquait. Je baissais ma garde. Parce qu'au fond, je tenais à lui. Et j'étais toujours faible avec les gens que j'aimais.
Il me tendit alors mon stylo et je le regardais avec mon colère. Tu m'énerves. Tu me trompes, tu me mets à nue et je continue de t'aimer. Je récupérère le stylo et le laisse tomber dans mon sac. Il plongea alors son regard sur moi et je sentis mon coeur se briser. Au fond, il ne voulait pas me blesser, il voulait juste en savoir plus. Il s'était montré curieux et avais manqué de tact. Je gardais les lèvres pinçais et arquais un sourcil lorsqu'il reprit tout depuis le début. Je soupirais. Il était trop mignon pour que je le laisse là. Je ne pouvais pas lui en vouloir pour avoir été con une fois. Julian, lui, l'était presque tout le temps, et pourtant, il restait mon Julian. Je continuais de l'aimer. Et je pensais alors à Cork. Je lui avais pardonné, j'avais mit du temps avant de me dérider. J'avais mit du temps avant d'oublier ce qui s'était passé avec Zola. Ils s'étaient déchirés inutilement, car mon amour pour eux ne changerait jamais. Je ramenais alors mon parapluie au dessus de ma tête. J'en avais oublié la pluie. Il parla à nouveau et je fronçais un peu plus les sourcils. J'écrivais bien. C'était une nouvelle. Mon seul talent était la peinture, et peut-être le sexe. Après tant d'amants dégueulasse, peut-être avais-je gagné en finesse. Je détournais le regard et haussais les épaules et répondais d'une voix froide : « C'est toi qui paye pour la peine. » Je le regardais de travers et entrepris ma marche jusqu'au café le plus proche. Je ne manquais pas d'argent, j'avais juste envie de le faire payer pour cette trahison. C'était... C'était ma vengeance, aussi stupide soit-elle. Je m'asseyais en terrasse et fermais mon parapluie. Les hauts-vents chauffés étaient de sortie. Et c'était agréable, d'être dans le froid, tout en ressentant ces vagues de chaleur. Je sortais mon paquet de cigarette et le posais sur la table. Il pouvait se servir. Il connaissait les codes maintenant, après avoir vécu quelques semaines dans le même appartement que moi. J'apportais alors ma cigarette à mes lèvres et lançais en plaisantant légèrement :« Si t'avais besoin de te rassurer sur ce que je pensais de toi, tu avais juste à me demander si je t'aimais...» Je t'aurai répondu oui. Parce que tu comptes. Comme beaucoup de personnes, tu comptes énormément. Mon ton était plus détendu, mais au fond, je restais blessée. Et j'avais conscience que mon regard attristé me trahissait. Mais au point où j'en étais, plus rien n'était important. Je levais les yeux vers lui. J'avais du mal à me réjouir de cette rencontre hasardeuse. Il fallait encore que j'accepte d'être ainsi transparente. Il pouvait lire en moi désormais, capter chacune de mes émotions. Car il savait désormais comme je les perçevais. Car désormais, il savait tout.
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() message posté Ven 4 Mar 2016 - 1:09 par Invité
Elle ne me laissa pas sourire longtemps et m’accorda un simple coup dans la poitrine, un qui suspendit ma respiration et me fit ralentir. Avait-elle senti mes os crisser sous le tissu de ma chemise ? Et sous ma peau ? Il lui suffisait d’y croire un peu plus pour que je tombe sur le trottoir humide, un genou au sol pour amortir une chute incontrôlable. Ma voix disparut en un soupir mais je continuai tout de même. Assez pour qu’elle m’obéisse et s’arrête. Assez pour qu’elle m’écoute et accepte de me répondre. C’était donc vrai : j’étais attachant. « C’est pas le soucis Thomas. C’est … A moi, ça. Ce que t’as lu, si ça se trouvait dans ce cahier, c’est parce que … Personne d’autre ne devait savoir ! » Voilà probablement pourquoi je n’avais pas fait l’erreur de devenir écrivain ou, pire encore, personnage de roman. On aurait pu lire ma vie car elle était un livre non seulement ouvert, mais aussi relié, édité, prêt à être vendu aux critiques, des vautours affamés qui n’attendaient que ça : vous disséquer, vous dépecer. Ce n’était pas l’impression que son journal intime m’avait donné. Au contraire, mes yeux avaient parcouru les phrases avec la lassitude de celui qui était incapable de dormir, cherchant la fatigue entre les lignes lorsque les pensées de Kenzo ne faisaient que me fasciner toujours un peu plus. Mais je n’avais rien dit. Je l’avais dissimulé à Lexie lorsqu’elle avait traversé le salon à la recherche d’un quelconque objet ou de l’un de mes soupirs, le cachant sous les coussins du canapé pour ne pas que son regard aiguisé en rencontre la couverture. Je l’avais toujours replacé à l’endroit exact où je l’avais trouvé, y frottant les traces de mes doigts et me retenant d’en corner les pages pour qu’il reste immaculé. Mais pourtant, ça ne suffisait pas à pardonner mon erreur. Elle se sentait peut-être nue de toute la protection que le secret lui avait procurée jusque-là. Elle avait peut-être l’impression que sa peau s’écorchait sous mes doigts fins lorsqu’ils avaient caressé les pages de son journal. Mais ce n’était pas ce que moi, je ressentais. Elle était simplement une fleur que j’avais observé éclore avec tranquillité et patience, devant mes yeux félins et délicats. Cette fleur vivrait longtemps et ne fanerait que durant les nuits les plus noires pour renaître le lendemain de ses pétales irisés. « Eh bien fais comme si je n’étais personne. » marmonnai-je avec toute la simplicité du monde. « J’ai juste été un type sur ton canapé, quelques nuits. Tu ne savais même pas pourquoi j’étais là mais tu m’as accepté. » Je haussai les épaules, un sourire mutin posé sur les lèvres. « Je ne t’ai jamais remerciée d’ailleurs. » Etait-il encore temps de le faire ? J’avais le temps de la remercier et de m’excuser, mais je m’abstins de lui demander le moindre pardon. Elle les avait écrits, ces mots. Ils ne prenaient sens qu’une fois sous des yeux capables de les lire, et les siens étaient fatigués par la prose qui rythmait son existence. J’avais simplement pris le relais, sans même qu’elle le sache, sans même qu’elle le soupçonne.

« C’est toi qui payes pour la peine. » J’écartai les bras, résigné à son ordre, conscient que je lui devais bien ça, puis hochai la tête avec amusement, un nouveau sourire brillant de malice se glissant sur mes lèvres. Je la suivis, plongeant mes mains dans mes poches et rentrant mon cou dans mes épaules pour me protéger du vent. La pluie s’abattait toujours sur nos crânes mais elle n’hésita pas à s’asseoir en terrasse, près des chauffages qui tentaient étrangement de remonter la température. Je passai une main sur la chaise pour en chasser l’eau qui s’y était accumulée, puis m’installai d’un mouvement leste et mesuré en face d’elle, les paupières plissées comme pour mieux contempler la disparition progressive de sa colère. Elle sortit un paquet de cigarette comme une trêve tacite qu’elle me proposait et je ne me fis pas prier pour me servir. Elle était comme ça, Kenzo. C’était quelque chose que j’avais compris chez elle bien avant d’en avoir la confirmation indirecte en lisant son journal : elle était généreuse. Et elle se donnait corps et âme pour les autres car elle semblait vivre à travers eux, pour eux plus que pour elle. Je craquai une allumette pour venir y plonger l’extrémité de ma cigarette. Un nuage de fumée enveloppa mon visage avant de se mêler à ses propres vapeurs de tabac, puis je regardai le tout se condenser et disparaître dans la brume céleste. « Si t’avais besoin de te rassurer sur ce que je pensais de toi, tu avais juste à me demander si je t’aimais … » Mes prunelles se braquèrent sur elle mais son air moqueur suffit pour ne pas m’alarmer. Elle était généreuse et peut-être un peu trop naïve. Elle confiait son amour à des inconnus qui n’y prenaient pas garde. Elle me le plaçait entre mes mains moites et Lexie ne m’avait pas dit qu’il était fragile – j’avais dû le découvrir par moi-même et cela m’agaçait. « Je ne voulais pas me rassurer. Je sais déjà ce que tu penses de moi. » Je laissai échapper un rire étrangement franc. « Ne me dis pas que tu m’aimes. Ça ne m’intéresse pas.  Il ne faut pas aimer les mauvaises personnes. » Je croisai mes jambes sous la table avec élégance et charisme. Je savais qu’elle les avait déjà aimées, ces mauvaises personnes, et que ça la rongeait un peu plus chaque jour, comme s’ils revenaient pour la dépecer, encore un fois, de tout ce qui lui restait, jusqu’à sa peau, ses os, son âme et son cœur. « De toute façon, je ne me rappelle pas avoir lu mon nom à un moment. Cela dit, je n’étais pas toujours concentré. » Je m’étais parfois laissé abattre par la douleur physique et mentale, celle de l’éloignement, celle de l’incompréhension. On nous servit des cafés et je portais immédiatement le mien à mes lèvres. « Je suis navré d’avoir lu ton journal. » Ma voix s’échappa en un soupir presque las. Elle les méritait donc, elle aussi. « Je ne l’ai jamais lu en pensant à toi, d’ailleurs. Pour moi, c’était simplement l’histoire d’une fille un peu folle, un peu géniale et un peu perdue qui me racontait sa vie par fragments de pensée. » Elle s’acharnait à dissimuler ses émotions et les bribes des cauchemars qu’elle avait faits la veille derrière son regard blafard. Il fallait croire qu’on faisait tous ça, un jour ou l’autre. « Je l’ai lu sans avoir de but caché derrière la tête pour te trahir ou t’humilier. Mais j’ai découvert que toi, tu avais des buts et assez de hargne pour les atteindre. C’est ça qui m’a captivé. » Je reposai ma tasse sur la table et la toisai, reconnaissant un semblant de complicité dans ses prunelles sauvages. J’y devinai la couleur de l’encre de Chine, tant ses iris étaient sombres d’une colère mal éteinte, puis vis plus distinctement la façon dont sa peau blanchissait sous les éclats moroses du ciel : cette fille était faite de papier.
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Kenzo A. Armanskij
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() message posté Sam 5 Mar 2016 - 1:02 par Kenzo A. Armanskij
La souffrance, je l'avais connu, je l'avais vécu. Elle avait bercé mes nuits, illuminer mes journées. Je n'avais ressenti que ça. Et ce vide. Cet indomptable vide dans lequel je m'étais enfoncée pendant cinq longues années. Après m'être détruite, je m'étais attaquée à Zola. Les objets avaient valsés, les sentiments aussi. Je lui avais craché ma colère au visage. Une colère dont il n'était pas responsable. Cette colère envers le monde, la vie, moi-même. Il avait encaissé, il avait essayé de garder la tête haute, alors que pourtant, il n'y avait rien à faire. Rien à faire pour que j'aille mieux. Pour que nous allions mieux. J'avais trop perdu. En perdant mon fils, j'avais tout perdu. Toute ma vie, j'avais cherché l'attention de mes parents, sans jamais la trouver. J'étais l'enfant de trop. Celle qui avait empêché mon père de quitter ma mère. J'avais été un fardeau pour eux. Un fardeau qu'ils avaient délaissés, confié à ma soeur. Elle s'était occupée de moi, mais elle n'avait pas oublié qu'elle aussi, devait vivre. Et je lui en voulais. Comme j'étais heureuse pour elle d'être sortie de cette vie là. Je lui en voulais car je n'étais pas responsable de tout ça, de mes parents, de leur égocentrisme. J'étais juste née, sans rien demander. Et je n'avais rien eut en retour. Que des regards méprisants. J'avais accepté. J'avais vécu avec ce manque, que Suzon était parvenue à combler. Avant de me quitter. Avant de faire sa vie. Elle connaissait les conséquences de son acte. Je ne lui en ai pas voulu d'être partie. Je lui en ai voulu d'avoir disparue. D'avoir espacé les appels, les visites. Je lui en voulais d'avoir vécu sa vie sans se soucier de moi. Et aujourd'hui, on se voyait, pour les formes, lors des fêtes. Mais je n'avais plus rien à lui dire. Elle ne savait pas pour ma grossesse, elle ne savait pas pour Louis. Elle ne savait rien. Et je pense qu'elle se confortait là dedans. Dans le fait de ne pas avoir à suppporter ma douleur. Ma véritable soeur, celle qui s'était toujours montrée présente, c'était Alexandra. Elle comptait bien plus que Suzon. Je l'aimais, de tout mon être. Et c'était grâce à elle que j'avais rencontré Thomas. C'était grâce à elle qu'il était entré dans ma vie, sans prévenir. Et comme d'habitude, je m'étais attachée à lui. Je m'attachais bien trop facilement, j'en avais conscience, mais j'étais ainsi. Faible. Je voyais le bien là où il n'existait parfois pas, et c'est ce qui me rendait si faible avec l'être humain. Autrefois très exclusive avec Lexie et Zola, aujourd'hui, je m'étais ouverte aux autre. Et fermée à eux. Car au fond, je ne disais plus grand chose à Lexie. Depuis qu'elle m'avait retrouvée baignant dans mon propre sang. Non, je ne lui disais les choses que très tardivement. Ainsi, elle avait su après tout le monde que mon enfant était vivant. Je soupirais. Il y avait des choses que je ne parvenais pas à dire à voix haute, et je me rendais compte qu'avec Thomas, je n'avais pas besoin de faire cet effort. Car il avait lu en moi. Il me remercia alors, pour l'avoir accepté chez moi, dans mon canapé. Je haussais les sourcils, surprise. A vrai dire, je ne m'étais pas posé la question. Il était l'ami de Lexie, et même si elle avait des fréquentations parfois douteuses, je lui faisais confiance. Elle n'était pas du genre à mettre nos vies, à toutes les deux, en danger par l'arrivée d'un inconnu étrange et sombre. Non. Comme à chaque fois, j'avais perçu cette lumière en Thomas. Je m'étais mis à ressentir ces sentiments. Ce sourire en tombant sur lui le matin. Cette excitation lorsque je m'asseyais sur la chaise du balcon, ma clope et ma tasse de café dans les mains. Lorsque je savais qu'on allait parler. De tout. De rien. De la vie. De tout, sauf de nous. J'avais aimé ces instants, et j'aurai aimé les retrouver. « Ne me remercie pas, c'est normal. Mais tu n'es pas personne Thomas, même si tu sembles t'en persuader au jour le jour. » Thomas déperissait à vue d'oeil. Il semblait extrêmement fatigué, au bord du gouffre. Mais il gardait cette nonchalence, et cette arrogance. On faisait tous face à la douleur de manière différente après tout.
J'acceptai donc de prendre un café avec lui. Après tout, il m'avait manqué. Et on faisait tous des erreurs parfois. Moi la première. Néanmoins, je n'étais pas prête à lui pardonner cet affront. J'avais encore en travers de la gorge le fait qu'il ai lu dans mon journal. Sans aucune permission. Je soupirais et me dirigeais vers la première terrasse de café que je trouvais. Il ne broncha pas lorsque je m'asseyais sur les chaises mouillées. Certes, il faisait froid. Et il pleuvait. Mais ce n'était pas cela qui allait me tuer. Je lui offrais donc une cigarette, en guise de paix. Il l'alluma et braqua alors ses prunelles sombres sur moi à mes mots. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres et sa réponse m'exaspéra. Je roulais des yeux et m'adossais à ma chaise, les bras légèrement croisés. J'attirais ma cigarette à mes lèvres. Ne pas aimer les mauvaises personnes? Je lâchais un rire et passais mes doigts fins dans mes cheveux d'ébènes. Je me penchais vers lui, et chassais de la paume de la main les quelques gouttes d'eau qui y perlaient encore. « Tout n'est pas noir ou blanc Thomas. On est tous un peu des deux. C'est ce qu'on vit qui nous rend soit l'un soit l'autre. Je me contente de tenir aux gens qui en valent la peine. » Je lui souriais, d'un air rassurant. Il n'y avait plus aucune colère dans mon regard. Thomas était juste un mec paumé, comme je l'étais encore aujourd'hui. Il cherchait, sans vraiment se bouger, quelque chose pour lui redonner une once d'espoir. Il déambulait, silencieusement dans les rues de Londres, braquait son regard presque sans vie sur les gens, et tentaient de les mettre à nu. Pour ressentir. Pour ressentir autre chose que ce vide qui brisait un peu plus son coeur. On était tous des putains de coquilles vides. Lexie, Zola, Julian, Thomas. Moi. On l'avait tous été. Il nous fallait juste l'instant, la chose, le moment pour retrouver un peu d'espoir. Pour aller mieux. L'espoir fait vivre. Ce n'est pas seulement une parole utopique dans le but de rendre l'existence humaine un peu moins pénible. Non. C'est un fait. Une vérité.
Il reprit alors la parole, relevant ne jamais avoir lu son prénom dans mon journal. Je souriais. C'était normal. Je n'étais pas du genre à parler de personnes que je ne connaissais pas encore assez. Non. J'attendais de les comprendre. Cela ne voulait pour autant pas dire qu'il ne comptait pas. Je soupirais doucement et apportais à nouveau ma cigarette à mes lèvres. On nous apporta nos cafés et je posais une main sur la tasse, pour me réchauffer. Il s'excusa alors d'avoir lu dans mon journal. Et je lui adressais un sourire. C'était pardonné. Puisqu'il s'excusait et admettait son erreur, c'était pardonné. Puis il reprit la parole, et je le regardais, surprise. Et touchée. Je secouais la tête. Tant de compliments balancés en pleine figure. De la part de Thomas, c'était surprenant. Et déroutant. Julian et lui semblaient voir des choses en moi que je n'imaginais même pas. Je baissais les yeux vers ma tasse et attirais ma cigarette à mes lèvres. Je fronçais les sourcils et relevais les yeux vers lui. J'étais sans voix. . « Je... Je ne sais pas quoi te dire... Je... Je n'ai pas de but, je veux juste... Avoir la vie qui m'étais destiné... » Je ne voulais plus de cette putain de vie merdique. Ces hommes vicieux et malsains, prêts à débourser des livres pour me prendre sans aucun respect dans une ruelle. Je ne voulais plus offrir mon corps au premier venu. Je voulais retrouver ma vie d'avant, et l'améliorer. Pour que mon existence ai un but. Pour que j'ai un but. Et je l'avais trouvé mon espoir.
Il avait six ans et deux semaines. Et s'appellait Louis.
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() message posté Sam 19 Mar 2016 - 16:13 par Invité
« Ne me remercie pas, c’est normal. Mais tu n’es pas personne Thomas, même si tu sembles t’en persuader au jour le jour. » Non, c’était vrai. Je n’étais pas personne. J’avais assez d’épaisseur pour que l’on me déteste ou que l’on m’aime. C’était un sentiment personnel, simplement. Embrasser le vide pour le faire sien car il était partout le même. Kenzo ne le comprenait probablement pas. J’avais lu les mots effrénés d’une fille qui avait trop vécu, peut-être. Elle était jeune et déjà, elle avait sombré bien plus bas que beaucoup d’autres. Ma lecture ne la menait à rien. J’avais pris ça avec un détachement tel qu’aujourd’hui,  j’étais incapable de comprendre pourquoi elle m’en voulait vraiment. Elle n’avait pas pleuré devant moi, ni lascivement dansé sur une scène pour que je la regarde. Elle n’avait pas porté puis perdu mon enfant. Elle ne s’était même pas dévoilée puisqu’elle n’avait jamais su jusqu’à ce jour que je connaissais les sombres pensées qu’elle avait inscrites sur ce carnet. Ca n’avait rien changé à son existence car j’étais une lueur parmi les millions qu’elle avait croisées sur le chemin. J’avais simplement le don d’être quelqu’un d’observateur, puisque je m’ennuyais assez pour comprendre les milliers de voies qui traversaient la mienne. Elle joua un instant avec sa cigarette tandis que je la fixai avec sérieux. J’étais impassible, un peu froid mais caustique, relevant toujours ce qu’il y avait de pertinent. Elle devait faire attention au moindre de ses mots. « Tout n’est pas noir ou blanc Thomas. On est tous un peu des deux. C’est ce qu’on vit qui nous rend soit l’un soit l’autre. Je me contente de tenir aux gens qui en valent la peine. » Elle me sourit et je fis de même, amusé par son innocence. Mes lèvres finirent par se pincer de manière énigmatique. Elle ne pouvait pas tenir à moi. Pas à ce point. Il lui suffisait de demander aux bonnes personnes, même aux plus évidentes. Je me demandais ce que Lexie avait bien pu lui dire à mon sujet, si elles avaient même une seule fois évoqué mon nom. Je me demandais si Kenzo s’était inquiétée de l’absence de sa colocataire le fameux soir où nous nous étions tenus au bord du toit d’un immeuble et que, manifestement, quelque chose en nous avait basculé dans le vide sans qu’on puisse le retenir. Je me demandais si elle se doutait vraiment de quelque chose ou si elle était trop naïve pour croire que j’étais à la fois blanc et noir, bon et mauvais, rêveur et terre-à-terre. C’était faux. Au mieux, j’étais la grisaille londonienne qu’elle transformait en poésie quand la pluie coulait dans ses iris. Au pire, j’étais la noirceur indélébile de l’encre de son stylo lorsqu’elle pleurait sur les pages et que les mots bavaient, illisibles et pourtant écrits, ressentis. Mais je n’en valais pas la peine. Pas pour elle. Elle avait bien mieux à faire que de m’en vouloir ou de tenir à moi. Je m’en allais toujours pour mieux décevoir.

Elle enroula ses doigts autour de la tasse de café et je fis de même, sans attendre qu’il se rafraîchisse un peu pour le porter à mes lèvres. Je battis des cils avec calme et confiance tandis que mes mots semblaient exploser dans sa poitrine sans lui laisser le moindre répit. Je recrachai un nuage de nicotine en la détaillant à travers la fumée : elle n’y croyait pas. Elle ne possédait donc pas cet orgueil maladif que Lexie et moi aimions tant cultiver en l’autre jusqu’à le voir pousser et fleurir en nous-mêmes. Kenzo releva son regard vers moi, hésitante, et elle ne fut pas capable de prononcer directement les mots qu’elle voulait. Je penchai légèrement la tête avec malice, un discret sourire étirant le coin de mes lèvres. Je me savais intimidant. Je me savais arrogant et surprenant. Mais cela m’amusait toujours de voir à quel point des compliments, même sincères, parfois trop, pouvaient faire de l’effet à une âme en peine. « Je … Je ne sais pas quoi te dire … Je … Je n’ai pas de but, je veux juste … Avoir la vie qui m’était destiné … » Sa voix hésitante me fit plisser les paupières. Je savais tant de choses, en vérité. Son journal me revenait en mémoire avec aisance car ses mots avaient une logique dans mon esprit nébuleux. Elle était une guerrière qui refusait la gloire. Une héroïne sans ambition. Elle ne voyait pas les choses comme des qualités ou des défauts, tout comme elle refusait de départager le blanc du noir. Elle se saisissait simplement de ces opportunités biaisées comme si elle avançait sur un plancher poreux et qu’elle risquait de tomber dans un trou à tout moment. Mais de l’autre côté se dressait quelque chose. Elle traçait ainsi un axe à travers le brouillard. « C’est ce que j’appelle avoir un but. » m’enquis-en en haussant les épaules, ramenant le filtre de ma cigarette à mes lèvres avec nonchalance. « J’ai foulé le sol de ce monde assez longtemps pour reconnaître ceux qui en ont. » Peut-être que quelque part, je m’étais retrouvé sur le canapé de son salon car je me résignais à fuir les miens. La situation n’était plus comparable aujourd’hui. Elsa virevoltait autour de mon existence pathologique comme jamais elle ne l’avait fait auparavant et j’avais accepté qu’elle le fasse. Je n’avais plus de raison de partir de mon appartement. Plus de raison de venir m’écraser sous le regard placide de Lexie, puisque de toute évidence, je doutais qu’elle accepte – son refus s’était fait sentir. Mais Kenzo avait-elle aussi bien perçu mes résignations et mes soupirs ? J’en doutais. Je l’avais trouvée épanouie et souriante, contrastant certes avec les phrases que j’avais pu lire dans le fameux journal, mais celles-ci témoignaient tout de même d’une certaine fureur, une fureur de vivre, une fureur d’exister. « Je ne crois pas au destin. » continuai-je sobrement, m’armant tout de même d’une fermeté singulière. « Il te rendra passive et résignée si tu penses qu’il dicte ta vie. Mais j’ai lu des choix dans ton journal. Des prises de décision. Très peu de résignation. » N’y avais-je donc pas cru un jour, à ce destin ? Puisque j’étais moi-même le symbole de la lassitude cynique, de l’idéalisme poussiéreux, et que j’avais toujours voulu devenir un aigle. « Tu l’as retrouvé ? » demandai-je finalement, restant évasif car elle savait très bien que je parlais de son fils donc le nom m’échappait parmi les volutes de fumée et le parfum de ces semaines passées trop vite entre nos doigts. J’avais l’impression que quelques jours seulement s’étaient déroulés depuis notre dernière soirée passée ensemble. Et voilà que revenaient au milieu les long mois si amers que nous avions vécu chacun de notre côté, étirant le temps qui perdait alors de son étanchéité, laissant couler l’eau de pluie sur nos visage et ruisseler les larmes dans ses yeux opalins.
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Kenzo A. Armanskij
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() message posté Ven 29 Avr 2016 - 0:23 par Kenzo A. Armanskij
Moi aussi j'avais voulu croire en mes mensonges. Moi aussi j'avais voulu croire que je n'étais rien, que je n'étais personne. Que je ne méritais pas de vivre, mais que je le devais, pour Lexie. Pour Zola. J'y avais cru, jusqu'à m'en tailler les poignets, jusqu'à laisser mon sang rouge vif se perdre dans l'eau chaude de mon bain. J'y avais cru jusqu'à voir le visage anéanti de ma meilleure amie, jusqu'à ce que je prenne que je n'avais pas le droit. Jusqu'à ce que je comprenne que je n'avais pas le droit d'abandonner car elle ne m'avait jamais abandonné. Quelque part, à force de toujours se répéter les mêmes choses, on finit par croire en ce que l'on se dit, on finit par enterrer la vérité pour se convaincre qu'on ne mérite pas notre place ici. J'ai arrêté de croire en mes mensonges, mais tout autour de moi, les gens continuent. Julian, Alexandra, Zola. On essaye de se complaire dans ce que l'on sait, ou ce que l'on pense savoir, sans chercher à voir plus loin. Sans chercher à trouver la juste vérité. Je regarde Thomas, et je sais qu'il n'essaye pas. Je sais qu'il n'essaye pas d'être heureux, qu'il n'essaye pas d'oublier et d'aller de l'avant. Il n'essaye pas, il préfère rester dans son malheur, dans ses réflexions philosophies, jusqu'à ce qu'elles perdent de leur sens. Je soupire, et détourne le regard avant d'apporter ma cigarette à mes lèvres. Il ne préfère pas relever mes paroles pleines d'espoir. Parce qu'il ne veut pas y croire, il ne veut pas avoir à se battre pour lui-même. Il laisse les choses arriver, et il attend. Quelque chose. Sans savoir quoi. Il semble amusé par ce que je dis, et je fronce les sourcils. Je suis peut-être sensible, et peut-être n'ai-je pas son intelligence pour déceler le véritable de l'apparence, mais je sais lire en lui, je sais lire en plein de personnes. Pas parfaitement, certes, mais je vois le mal, je vois le bien. Et cela n'altère en rien mon jugement, car je ne veux pas m'arrêter là dessus. Car je veux toujours en savoir plus. Je veux chasser le mal du bien. Et je sais qu'il n'a pas ouvert mon carnet en pensant à mal, je sais qu'il ne cherchait pas à me détruire. Il voulait juste ressentir, ressentir quelque chose qui ne ressemble en rien à ce qui le déchire. Je ne lui en voudrais jamais pour cela. Mais je lui en veux pour m'avoir choisis moi. Moi qui ne cesse de lâcher à contre coeur tous mes sentiments alors que j'en ai peur, alors que j'ai peur de ce que je suis capable de faire. Alors que j'ai peur de moi-même. Il me parle de but, il dit de moi que je suis pleines de convictions. Je n'y crois pas. J'essaye juste d'aller mieux, j'essaye d'être heureuse. Ce n'est pas un but, c'est ce qu'il faut faire. Je le regarde, l'air impassible, et demande alors : « Et toi, quel est ton but Thomas? T'attends quoi au juste pour te bouger le cul? » Il était là, à attendre que les choses se passent. A propos de tout. A propos de Lexie. A propos de lui-même. Je tenais à lui, et je ne supportais pas de le voir si passif. Alors que tout le monde, autour de lui, avançait, évoluait. Je détournais le regard, à nouveau, et l'écoutais parler, attentivement. Je fixais le sol, pensive. Je ne savais pas en quoi croire. Je ne savais pas si je devais croire au destin, ou non. Je ne savais pas si les évènements de ma vie étaient écrits, s'ils étaient nécessaires pour que j'avance, pour que j'évolue. Mon destin en entraînait d'autres. Celui de Zola. Celui de Louis. J'avais envie d'y croire, j'avais envie de croire que ces six années de souffrances n'avaient pas été veines. Mais c'était dur. C'était dur de penser que Louis méritait cette vie, qu'il méritait cette "mère adoptive" indigne, qu'il méritait de grandir dans un foyer et d'être arraché à tous ses repères du jour au lendemain. Je ne voulais pas croire que Zola méritait d'avoir sombré dans la coke toutes ces années alors qu'il n'avait fait qu'une chose tout au long de sa vie : m'aimer et me protéger. Je ne voulais pas croire que Lexie était destinée à souffrir de cette putain de maladie, que Julian serait hanté toute sa vie par le souvenir magnifique et douloureux d'Aïda, et les coups effrenés de son paternel. Je ne voulais pas croire en tant de malheur. Et pourtant, les faits étaient là. Nos expériences, aussi douloureuses soient-elles, nous forgeaient. Elles faisaient de nous ce que nous devenions. Elles étaient nous. Et peut-être ne serais-je jamais devenue la jeune femme forte que j'assume désormais si je n'avais pas vécu cela. Je laissais la question en suspend, me contentant d'observer mon ami en silence. Il était con. Il était incroyablement con de vivre ainsi, solitaire, désabusé. Mais il avait cette intelligence, ce regard sur le monde. Il voyait clair en certaines choses, il décelait les secrets de la vie. Mais il ne s'en servait pas. Il se contentait d'être philosophe, sans être élève. J'attirais à nouveau ma cigarette à mes lèvres et manquais de m'étouffer lorsque j'entendis sa question. Si je l'avais retrouvé? Théoriquement, oui, techniquement, non. Il était encore là-bas, dans ce foyer, à attendre qu'une mère vienne l'aimer, le prendre dans ses bras, lui lire des histoires. Il attendait impatiemment de redevenir un enfant. Il attendait quelque chose qui ne viendrait pas. Qui ne viendrait pas sans moi. Je passais une main dans mes cheveux et laissais la cendre s'échouer dans le cendrier en plastique posé au milieu de la table. « Je vais le voir régulièrement, mais il ne sait pas encore que je suis... Sa mère. » Et je redoute ce moment. Je redoute l'instant où il apprendra la vérité sur nous, sur sa famille, sur moi. J'ai peur qu'il me rejette, j'ai peur qu'il ne comprenne pas. Il est jeune, il est encore petit. Il y a certaines choses qu'on ne comprend à cet âge là, certaines choses qu'on ne veut pas comprendre. Certaines choses, que même plus tard, on accepte pas. Je soupire. Jamais je n'aurai pensé être confronté à ce genre de situation. Jamais je n'aurai pensé retrouver mon petit garçon, et devoir lui annoncer que tout ce qu'il pensait être vrai jusqu'ici, ne l'est pas. Jamais. Et je ne parviens toujours pas à me faire à l'idée.
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() message posté Jeu 28 Juil 2016 - 23:23 par Invité
Il y avait quelque chose de déshonorant dans l’espoir. L’espoir qui vous fait vous levez le matin alors que vous savez d’avance que la journée sera similaire à la précédente et identique à la suivante. On parlait de culte de la personnalité, moi je parlais du culte de la copie. Et je le rejetais au loin car j’en avais assez de vivre sous son joug. Je savais que Kenzo y croyait encore. Que bien des gens qui avaient croisé mon chemin y croyaient encore eux aussi. C’était un mot : l’espoir. Et il me hérissait comme un chat que l’on aurait plongé dans l’eau. Il me hérissait car il n’osait pas porter le nom qu’il devrait avoir. Je le lisais sur les éclats qui miroitaient le long de son visage : elle s’inquiétait pour moi mais m’en voulait de ne pas faire de même. De ne pas m’inquiéter de ma triste santé et de ma mauvaise humeur. De ne pas sourire avec enthousiaste pour laisser le cynisme s’évaporer. Mais j’étais né cynique, dans un tonneau poisseux, demandant aux autres de s’éloigner car ils faisaient tous de l’ombre à mon esprit. J’étais devenu chien avant que mes canines ne poussent. Questions d’étymologie, d’éducation, de ce que l’on voulait. Mais certainement pas d’espoir. J’en avais assez dans les prunelles d’Elsa et dans les souffles rauques de Diane pour m’en passer lorsque j’étais enfin seul. L’espoir était une brèche de lumière au milieu de l’ombre, mais pas le chemin qui y menait. Celui-là restait caché entre les obstacles et les précipices. Celui-là ne se révélait qu’à ceux qui n’avaient pas peur d’affronter les ténèbres, d’y plonger leur corps entier sans craindre de ne pas en ressortir indemne. Tu n’es pas entière, Kenzo. Combien de fragments de toi-même as-tu laissés derrière toi pour parvenir jusqu’ici ? Jusqu’à ce jugement que tu me portes et ces mots inscrits dans ce carnet innocent ? Elle pouvait me dire qu’elle m’aimait comme un frère, elle ne faisait qu’aimer un tas de poussière car c’était ainsi que je nous percevais tous pareillement : en cendres.

« Et toi, quel est ton but Thomas ? T’attends quoi au juste pour te bouger le cul ? » Sa vulgarité ne me fit pas ciller. Je restai de marbre, la fixant de ce même air mi railleur mi navré qui ne m’avait pas quitté depuis que je l’avais abordée sur la place. Nous parlions de son but car il avait un intérêt. Pourquoi venir discuter d’espoir et d’avenir avec un sceptique ? C’était comme parler de rédemption au Diable en personne, il se ferait un plaisir de vous écouter pour mieux pouvoir vous contredire et vous persuader de joindre ses rangs. L’espoir était une plaie. Une drogue que l’on brandissait à la place de l’Ostie à l’église car Il redonnait foi et Il était miséricordieux. Je n’attendais rien mais Kenzo ne se contenterait jamais d’une telle réponse. Je n’attendais rien car je me plaisais à nager dans l’obscurité. Il suffisait d’y rester assez longtemps pour ne même plus avoir besoin de lumière. La beauté plastique et visible ne m’intéressait pas. Je préférais l’imaginer et quoi de mieux qu’un monde entièrement noir, comme une ardoise vierge, pour pouvoir y dessiner les formes du suivant ? Je n’attendais rien car j’avais déjà ma misérable drogue, ma morphine adorée qui m’avait fait grimper en haut du toit de mon immeuble pour savoir s’il valait mieux que je dorme la tête sous les étoiles ou éclatée sur le bitume. Ma morphine dont je ne pouvais pas me passer puisque j’étais tombé assez bas en tout cas pour ne même plus faire attention à mes addictions. Kenzo voulait que je me défonce à l’espoir ? Je lui laissais les buts car j’avais déjà l’expérience. « Je t’attendais toi, voilà tout. Je me sens nettement plus concerné par mon avenir maintenant que tu me le dis. » ironisai-je en haussant les épaules. Elle partirait et croirait à un échec car je ne laissais pas de place à la victoire dès que celle-ci tentait de percer mon regard noir. Lexie ne l’avait toujours pas compris. Et elle ne le comprendrait toujours pas lorsque j’allais lui infliger une blessure qui ne pourrait pas guérir. Elle avait déjà une maladie qui la mettait à genoux. Je voulais prévenir Kenzo. Lui dire que Lexie tomberait bientôt et que je n’allais pas être là pour la relever car je n’avais jamais voulu jouer ce rôle. Quel était alors mon rôle dans l’histoire ? Celui de la poussière : j’existais mais je n’étais pas là. On me chassait du coin de l’œil comme une larme avant qu’elle ne ruisselle le long de notre joue. Nous avions tous assez pleuré. Assez pleuré pour que mon palais et ma peau n’aient que le goût de la rouille et de l’eau croupie des marécages.  

« Je vais le voir régulièrement, mais il ne sait pas encore que je suis … sa mère. » Mes doigts glissèrent tranquillement le long du filtre de ma cigarette et je soupirai un instant, observant Kenzo, mon regard cette fois marbré de désolation. J’étais sinistre et elle le savait très bien. Elle avait vu ma silhouette prendre racine sur son canapé sans broncher. Je l’avais soupçonnée de se lever tôt simplement pour tenter de discerner un sourire sur mon visage dès le matin, chose que je ne lui avais pas offert avant le soir, tard dans la nuit, discutant de tout et de rien avec une étrange légèreté que j’étais bien obligé de lui reconnaître. Une légèreté qu’elle essayait de coudre sur l’espoir qu’elle voulait me transmettre. Mais encore une fois, ce n’était pas vraiment à ça que je passais mes soirées. Elle m’avait vu mourir sur son plancher, Lexie cherchant à me réanimer avant de se résoudre à appeler les pompiers. Ou peut-être était-ce le contraire. Ou peut-être que cela n’avait pas d’importance car le résultat était le même. Tu sais, j’ai trouvé un semblant d’espoir à l’hôpital. La putain de morphine. Jamais vu un truc aussi efficace. Elle pourrait l’écrire dans son carnet magique. Que j’étais bien vivant et bien un connard. Mais elle aimait tout le monde. Elle devait se méfier de ne pas trop diviser cet amour. N’avait-elle pas un fils à combler ? Je levai discrètement les yeux au ciel. Lexie aurait souri. Lexie aurait souri parce que j’aurais fait une blague sur les fœtus et qu’elle aurait été la seule à l’apprécier à sa juste valeur. Voilà pourquoi nous n’écrivions rien. Nous gardions tout à l’intérieur et nous donnions parfois un fragment de notre âme, au lieu de tous les éparpiller autour de nous, et ainsi s’établissait la connexion. Lexie m’en voulait car j’avais probablement égaré celui qu’elle m’avait confié. Ou bien je l’avais laissé pendre au-dessus du vide en lui hurlant de rester calme, ma main tremblante prête à lâcher un morceau d’elle-même par pur égoïsme, simplement pour le plaisir du chantage, et elle n’avait pas supporté. « Ca n’a pas de sens. » notai-je finalement en plissant les paupières. « Tu me fais tout un speech sur le fait que c’est bien d’avoir espoir et d’aimer les gens, et tu me dis à la fin que t’as rien dit à ton fils ? » Je haussai les épaules avec désinvolture. « Je m’étais préparé à avoir les larmes aux yeux mais clairement je suis déçu de la fin. » J’étais provocateur. Fin, adroit, rusé, sanglant mais simplement provocateur. « Je sais même pas pourquoi on parle de ça. J’étais le premier à dire à Lexie d’avorter. » Mon ton était presque rieur, de ce rire froid et grinçant, significatif de ma présence. « Mais puisqu’on en parle, je peux reprendre tes mots : t’attends quoi ? » Un soupir m’échappa et je me penchai vers elle, adoucissant mes traits et ma voix. « Tu vois, c’est chiant quand on te fait la morale. C’est chiant quand on te reproche des trucs qui ne concernent que toi. C’est chiant de ne vivre que d’espoir, vu qu’apparemment dans mon cas, les rêves restent des rêves. » Et je n’arrivais même pas à dormir pour les vivre. Putain de morphine. Il m’aurait fallu un peu plus d’espoir, cette fois-là.
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Kenzo A. Armanskij
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() message posté Ven 26 Aoû 2016 - 20:33 par Kenzo A. Armanskij
La vie, un courant d'eau. Qui ne cesse jamais de s'écouler. Il faut juste savoir nager dans le sens du courant. Avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'il nous emporte dans une mer polluée, sans fin, pleine d'algues et de pétrole pour nous empêcher de sortir la tête de l'eau, pour nous happer vers ses profondeurs les plus lointaines, les plus sombres. Il faut savoir nager à contre courant, trouver un bord où s'accrocher, le temps de reprendre sa respiration, le temps de trouver une solution, une manière de reprendre notre nage où elle s'était arrêtée. La force physique ne suffit pas. Nous ne sommes qu'humains, condamnés à fouler la terre pour quelques années. Et notre plus grande faiblesse est notre humanité. C'est de percevoir, ressentir, aimer. De savoir que nous ne sommes qu'éphémères et que le temps s'écoule à une vitesse indomptable. C'est de savoir, que malgré nos efforts, elle restera toujours plus puissante, plus forte que nous. Qu'elle gagnera toujours, qu'elle restera toujours, alors que nous, atomes dans un univers sans bornes, sans fin, nous disparaissons. Comme si nous n'avions jamais existé. Laissant quelques œuvres, quelques travaux qui ont occupé notre existence mortelle et de courte durée. En réalité, le monde se nourrit de ce que nous sommes, mais ne nous accorde jamais véritablement une place en son sein. On le sert, on lui permet d'exister. C'est le prix à payer pour en profiter. Nous sommes des pions, les pièces d'un immense puzzle dont la fin n'est pas encore visible. Il faut juste savoir se faire sa place, et prendre du bon côté ce à quoi nous sommes destinés. Lorsque je nous vois, Thomas et moi, assis à cette terrasse de café, je me rends compte que nous sommes de ceux qui nagent péniblement à contre courant. Peut-être parce que nous sommes incapables d'accepter notre triste sort. Cette dure réalité que les problèmes ne s'en iront jamais, qu'ils nous suivront dans la mort. Que nous sommes nous-mêmes des problèmes impossibles à résoudre. Nous n'avons pas les armes pour surpasser la vie, pour être plus forts qu'elle. Nous aimerions nous battre, la dominer, la vaincre. Lui prouver que nous ne sommes pas seulement les composants d'un univers immense, mais que nous possédons notre univers, agrémenté de son propre système solaire. Thomas ne veut pas croire en l'espoir. Il ne croit que ce qu'il voit. Et il ne voit, et n'a toujours vu, que des âmes déchirées remontant une rivière à corps perdu, qui ne parviennent pas à se sauver de la noyade, malgré toute la détermination dont ils font preuve. Vous en faites partie. Alexandra, Julian, Zola, Thomas. Des atomes distincts accrochés au même bord, accrochés l'un à l'autre, prêts à sombrer ensembles. Car c'est dans l'horreur que nous puisons notre force mentale, celle de tenir bon, pour les autres.
Je relève les yeux vers mon ami. Il fait preuve d'ironie. Un sourire narquois s'affiche au coin de mes lèvres. Quand vas-tu cesser de gémir comme un gosse, quand vas-tu cesser de te détruire sous prétexte que tu ne vois aucune main fiable à saisir. Elles sont tremblantes, décrépies, frêles, translucides, de porcelaine Mais elles sont là, et n'attendent qu'une chose : qu'on les saisisse. Nous sommes faibles, et nos épaules supportent déjà une charge bien assez lourde pour qu'il y rajoute son fardeau. Mais nos cœurs sont justes, purs. Nos sentiments, réels. Notre regard, lucide. Les accomplis attirent ceux qui ont réussis. Les cœurs meurtris, ceux qui ne cessent d'échouer. Mais lorsque tout s'écroule, lorsque le monde continue de tourner, et que l'un d'entre nous s'évapore, tel un microscopique grain de poussière à la première brise, nous tenons. Restons debout, dans l'adversité. Car nous n'avons toujours fait que cela. Et les autres, ceux qui se sont laissés transporté par un long fleuve paisible, sans vagues, se noient. Je détourne le regard. Je ne suis pas une éternelle optimiste, je ne le serai jamais. Mais j'ai su observer, me rendre compte que mon existence était étroitement liée à celle des gens que j'aimais. S'ils n'avaient pas été là, à me tendre leurs mains maladives, je me serai laissée emportée par le courant. Laissant la vie décider de mon sort. Décider si je dois cesser de respirer, ou si je dois me taire, détourner le regard, accepter de n'être qu'un composant de plus. Durant cinq ans, je me suis laissée couler. J'ai laissé les choses arriver, sans tenter de les esquiver. Je me suis laissée mourir, j'ai laissé la vie me détruire. J'ai été comme Thomas, à repousser les illusions qui désiraient s'imposer à moi. A ne voir que le noir dans la nuit, et non pas la lumière au lever du jour, là où j'aurai pu décider de me battre, ou d'abandonner. J'ai erré, pleuré, enduré. Touché le fond. Et d'une seule impulsion, encouragée par le cœur fidèle d'une meilleure amie qui ne cessera jamais de m'aimer, j'ai regagné la surface, sorti la tête de l'eau, et j'ai décidé de suivre le courant, tout en apprenant à maîtriser ma nage, chacun de mes gestes, la vitesse à laquelle je me suis mise à avancer.
Mon cœur se serre. Parce qu'il en vient à critiquer des choix que lui n'aurait jamais la force de prendre. Mon regard se fait noir, et ma main vient fouiller nerveusement dans ma poche pour en sortir une cigarette. Je l'allume, et le poison qui se répand dans mes poumons me donne le courage de ne pas lui jeter mon reste de café brûlant au visage. Tu sembles si déterminé à ne croire en rien. Pourquoi, tout d'un coup, décides-tu de croire en moi? Il ne croyait pas en Lexie, il ne la pensait pas capable d'élever un enfant. Qui aurait-cru. Je ne possédais pas la force, mais j'avais la santé. Elle n'avait ni l'un ni l'autre. Mon estomac se contracte à ce souvenir. Ma meilleure amie, enceinte, avait fait ce choix sans m'en parler, terrifiée à l'idée que mon passé personnel n'influence mon avis. Elle avait cessé de croire en moi. Profondément blessée, et lasse de garder mon calme, ma main vient s'aplatir bruyamment sur la table. «  T'étais quel genre gosse à six ans, Thomas ? A six ans, j'attendais patiemment que mes parents m'accordent ne serait-ce qu'un regard, qu'ils me montrent que dans leur monde, j'existais. J'attendais après eux, et je n'aurai jamais supporté qu'on m'annonce que ma vie, mon enfance, tout ce à quoi je croyais, n'était qu'un mensonge. Il est petit, mais futé. Il va finir par comprendre, lorsqu'il sera prêt. Et contrairement à toi, il trouvera la force de vivre avec ses déceptions. » Je me levais brusquement, ramassais mon briquet, mon paquet de cigarette, mon sac et quittais la terrasse sans lui accorder un regard. Je le sentis se précipiter derrière moi, chercher quelques sous dans les poches de son jean, et me rejoindre. Je lui avais tendu la main, c'était à lui de la saisir.
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