The show must go on, right ? ♦ Kaspael

Qu'est ce qu'ils ont tous à venir me rendre visite? Moi qui désire la paix et la tranquillité, c'est plutôt raté. C'est plutôt sympa de leur part de venir jusqu'à moi, mais vraiment, j'ai pas envie. Je veux pas voir de gens, je veux pas qu'on me sermonne, je veux pas qu'on ait pitié de moi, je veux juste qu'on me foute la paix. La seule personne que j'accepte de voir sans rechigner est Chandler et encore, c'est parfois tendu. Je la vois me regarder en se demandant quand est ce que mon cauchemar allait prendre fin. A vrai dire, je me pose la même question. Pourquoi est ce que ça ne cessait pas? Pourquoi est ce que je subis encore mes sentiments comme si je portais tous les malheurs du monde sur les épaules? Je saigne encore, l’hémorragie ne veut pas s'arrêter.

Je regarde Lily avec un sentiment de culpabilité. Moi qui avait promis de bien m'en occuper avant qu'elle naisse, je suis un bien piètre père. Je suis tellement désolé pour elle de devoir lui endurer ça. Elle est encore très jeune, elle ne se rend pas compte un instant de ce qui se passe mais je suis persuadé que mon humeur teint sur elle. Elle pleure un peu plus ces derniers jours et pour rien. Comme moi. Il allait falloir que je trouve une solution. Je ne veux pas qu'elle reste comme ça et bien que l'idée de m'en séparer me déplait affreusement, c'est la solution qui me parait la plus probable et la plus raisonnable.

La Saint valentin approche et je me sens vraiment mal. Je n'ai pas envie de repenser à l'année dernière. La Saint Valentin n'est pas uniquement la fête des amoureux, c'est aussi l'anniversaire de la mère de ma fille. Et je n'ai pas envie d'y repenser.
Nate ne tarde pas à arriver. Je le vois ouvrir la porte et venir m'aborder. Lui, il est d'humeur et ça se sent dans sa voix. A moins qu'il le fasse exprès, comme Chandler le fait quand elle me parle, dans le but de recalquer un peu mon existence. Un échec en soi.

"Hello Savior ! What's up ?" demande-t-il. Je le regarde sans répondre. Ma voix reste enfouie dans ma gorge, les mots restent dans ma tête. Rien ne sort.

"Ça t'ennuie pas que je te pique un café ? "

Je hoche la tête de droite à gauche pour lui répondre que non, ça ne m'ennuie pas. De toute façon, même si c'était le cas, je ferais pas grand chose de plus. Je suis à bout de force et je peine à me lever. Mon corps a du mal à se mouvoir, tout comme ma voix a du mal à sortir. La seule chose qui me fait me lever c'est pour aller aux toilettes, prendre une douche ou encore m'occuper de Lily.
Au fond, cette situation m'effraie. J'ai envie de me relâcher, je n'y parviens pas. Je sais que je perd du temps en restant dans une telle létargie, que je devrais en profiter comme ma philosophie auparavant. Je me demande si grand mère aurait su trouver les mots pour me réconforter si elle était encore en vie et qu'elle me voyait dans cet état. Malheureusement, elle n'était plus là, tout comme mes parents et tout comme Abygaelle, ma meilleure amie.

J'observe Nate vivre sa vie sans rien dire. Je ne sais pas quoi lui dire en fait. J'ai pas très envie de discuter en même temps et l'idée même de parler me crispe les nerfs, me braque. Il suffirait de peu pourtant, mais pas moyen, j'y arrive pas.
Je suis nul, complètement nul.

Je brûle d'envie de demander à Nate de partir et de me laisser tranquille. J'ai tellement envie qu'on me lâche, qu'on me fiche la paix! Je suis à deux doigts de faire une nouvelle crise et pas que de larmes, de colère aussi. Il n'a rien fait pour cela, ça n'était pas contre lui, mais ça m'arrive de plus en plus fréquemment ces temps ci. Au fond, même s'il ne le dit pas, je sens bien qu'il me juge. J'aurais fait pareil en sens inverse, mais là tout de suite, je suis pas d'humeur à être compatissant ou encore empathique. J'en ai marre d'être comme ça. J'en ai marre d'être nerveux, braqué, et dépressif, j'en ai marre de broyer du noir mais je ne parviens pas à m'améliorer. Plus cette idée me vient en tête, plus j'empire mon cas. J'ai l'impression de glisser de jour en jour plus bas vers le fond du trou. Combien de temps faudra-t-il aux autres pour perdre patience? Cette idée m'effraie terriblement. Mais là aussi, je n'arrive pas à changer pour être supportable.

Chander s'occupe bien de Lily quand je ne peux pas le faire, à savoir tout le temps. Elle part pour travailler et me laisse seule avec la gamine. Elle sait très bien que je ne lui ferais jamais le moindre mal. Et quand je regarde ma fille, je suis un peu moins malheureux que je ne le suis. Mais je me culpabilise de lui offrir cette vie. J'espère qu'un jour cela changera, que j'arriverais à me retrouver. J'espère qu'à un moment donné, je pourrais retrouver le goût en la vie parce qu'actuellement, je la déteste. Je ne parviens même pas à savoir les véritables raisons qui me poussent à penser ainsi.

Nate est parti dans la cuisine et il revint avec deux tasses de café. Il en posa une, à mon adresse manifestement, sur la table basse. Je la regarde en prenant un point fixe sur l'objet. Une part de moi a envie de s'en servir. L'autre me paralyse.
Nate se lève et propose de changer Lily. Il demande mon autorisation pour le faire et je secoue la tête pour lui donner mon approbation.

"Oui, vas y. Merci."

Après tout, il est son parrain, tout comme Chandler en est la marraine. Au fond de moi, je leur en suis reconnaissant, j'ai juste l'incapacité de l'exprimer, malheureusement. De toute façon, je suis un gros nul. Je suis capable de rien faire de bien, pas même d'élever correctement un enfant. L'envie n'est pas ce qu'il me manque, je n'y parviens juste pas.
Nate est ensuite revenue, il a installé Lily puis il a commencé à lui jouer un air de guitare.

"Je crois qu'elle aussi aime la musique. Les chiens font pas des chats, hein ? " dit-il.
Je secoue la tête pour marquer mon approbation. Je reste encore incroyablement silencieux, en le fixant de mes grands yeux noirs.

"... je dois bien te paraitre misérable, pas vrai?" finis-je par demander.

Je le sais, j'en suis conscient. Je n'aime pas l'indifférence non plus. Heureusement qu'Ivana est partie, j'imaginais mal sa tête si elle me voyait dans cet état là. De toute façon, je n'ai plus envie de la revoir, jamais. Depuis son départ, mon coeur est comme un verre en cristal qui s'est explosé sur le sol. Elle n'en est pas tout à fait la cause, mais elle en fait inévitablement partie.