« beauty is a whore, I like Jonah Roseburry better »

La malchance, une chose qui m’a parcourue tout au long de mes vingt-trois ans de vie et qui me suivra probablement encore pendant mes certes courtes, mais plusieurs années restantes. C’est peut-être du au fait que je sois née un vendredi 13, du coup je serais servante du diable sans le savoir ou un truc du genre. C’est une des seules théories valables que j’aie pu trouver jusqu’à présent, puisqu’aucune autre chose n’expliquerait les faits, étant donné que j’ai toujours été plus ou moins bonne envers moi-même et ceux qui m’entourent. Dieu n’aurait donc aucune raison valable de m’avoir fait souffrir autant. Selon moi, j’appartiendrais donc au Diable lui même, avec un grand D. D’ailleurs je tâcherais de demander à celui que je croiserais au moment de ma mort, pourquoi ils ont bien pu m’avoir causé autant de peine et pourquoi. Tout ce malheur a commencé, alors que je venais à peine d’apprendre à marcher.

Cher Journal,
Aujourd’hui a tout chamboulé. Si je devrais choisir une journée à éliminer de toute ma vie, ce serait celle-ci. Swan ne cessait de tousser. On croyait que c’était rien. Tousser, ce n’est rien ça, ce n’est qu’un verbe. On croyait que ce n’était qu’une petite grippe qui passerait tout à fait inaperçue dans une semaine. On l’a emmené chez notre médecin de famille, Rick Dawson. Tu te rappelles de lui ? Je t’en avais déjà parlé, c’est un ami de la famille depuis longtemps. Mon mari et lui sont amis depuis tout petits, quelqu’un de très cher à nos yeux. Passons. Nous sommes allés le voir, sans grandes préoccupations dans nos esprits, juste histoire qu’il nous prescrive quelques médicaments afin que notre blondinette se rétablisse vite. Mais il l’a vu. Il l’a dit. Haut et fort. Je ne pouvais y croire mes yeux. Je n’y croyais pas. Ni mes yeux, qui lisaient ses lèvres. Ni mes oreilles qui écoutaient ses paroles. Je n’y croyais tout simplement pas. Plus. Je n’arrive même pas à l’écrire. Je n’ose pas. J’ai peur. J’ai peur. J’ai peur, fois cinq-cents mil. J’ai peur pour elle. En plus c’est tout de ma faute. Ma mère est morte de FK lorsque j’avais quinze ans. Je n’arrive même pas à écrire le nom en entier, vois-tu. J’ai sûrement obtenu le gêne aussi, sans le savoir, puisqu’il ne s’est pas activé ou peut importe comment ça marche et franchement je ne veux pas le savoir, surtout si ces chansons de mourir sans plus grand que le chiffre zéro. Que j’ai peur. Il m’a été donné par ma mère, du coup, les 25% de chances que ma Swan l’ait aussi ont été positifs. Elle l’a aussi. Mon dieu. C’est terrible. Ma fille a la FK par ma faute. Elle va mourir. Je ne sais pas quoi faire. C’est terrible. C’est de ma faute. J’ai peur. Je ne veux pas la perdre. S’il vous plaît, elle est si jeune. C’est terrible. C’est de ma faute. J’ai peur. Ne me séparez pas d’elle. Maman je sais que t’es là. Fais-moi un signe. Rien qu’un petit signe. Rien qu’une toute petite et minuscule lueur d’espoir.
(Extrait du journal de Cece Osborne, mère de Swan Osborne du sept décembre 1993.)

Elle ne cessait de se répéter ses trois phrases dans sa tête. Trois phrases qui la hantent encore et toujours aujourd’hui. « C’est terrible. C’est de ma faute. J’ai peur. » Si seulement je savais, si seulement je pouvais lire son journal, si seulement je savais qu’elle éprouvait tant de malheur et de culpabilité. Je ne veux pas, je ne veux pas qu’elle se sente comme ça, mais je l’ignore. Les années passaient, ce malheur me suivait, encore et toujours, successivement, sans jamais s’arrêter. Je ne pouvais rien y faire : c’était comme ça. La vie m’avait apprendre à l’accepter, j’ai toujours eu un peu de mal, mais je ne l’ai jamais vraiment montré, parce qu’au fond c’était comme une partie de moi. Ça ne changerait pas, jamais. Jusqu’à mes dix-sept ans. Encore, une fois tout a basculé, mais cette fois on dirait que Dieu était bel et bien de mon côté, car il s’agissait désormais d’un chamboulement positif et non plus d’une malchance en plus, ou d’un poids encore plus lourd à porter sur mes épaules. Non. Cela a tout basculé. Ça a tout changé.

Cher journal,
Cela fait plusieurs jours que je ne t’ai plus écris, mais je n’en peux plus. Je suis à bout. Il faut que j’écrive, que je me libère. J’ai envie de mourir, mais je ne veux pas, je ne peux pas. Ma mère et mon père éprouvent déjà assez de peine comme ça, je ne peux pas leur faire ça, encore un poids un plus ? Non jamais. Chaque fois qu’on pose les pieds à l’intérieur de cet hôpital, dans la salle de diagnostique de Rick, je vois son visage se décomposer en petits morceaux et cela malgré le sourire faux qu’elle dessine par-dessus à chaque fois. Elle croit pouvoir me duper, mais elle ne peut  pas. Mon père non plus d’ailleurs, mais je ne les blâme pas, ils n’ont jamais été des bons acteurs. Cette chose me suit. Elle me suit, la vie qu’elle me suit. Me chasse. Me hante. Je ne pourrais jamais m’en débarrasser. Mon futur est inchangeable. Je m’adapte, chaque jour du mieux que je peux. J’accepte le fait que je ne serais jamais à l’abri de la mort. Je pourrais mourir à n’importe quel moment. Chaque fois que je toussais, que je suais ou que d’autres symptômes de FK se montraient brulaient à l’intérieur de mon corps, je sentais la main de la mort elle-même me prendre par le cou, prête à m’emmener. Au fond, j’avais perdu espoir depuis longtemps, mais je tenais le coup, plus ou moins, je l’oubliais. Je croyais que tout était perdu. Jusqu’au jour où tout a changé. Jonah. Voilà le nom de mon changement. Il m’a redonné espoir, il m’a redonné envie, il m’a illuminé à nouveau, il m’a redonné le sourire. Je ne veux pas me séparer de lui, alors s’il te plaît ne fais jamais ça, promets-moi dieu, répète-le. Il répéta.
(Extrait du journal de Swan Osborne du novembre 2008.)

Je ne m’étais jamais sentie aussi en sécurité et en danger en même temps. Il me fait sentir unique, désirée, spéciale, importante. N’est-ce donc pas, ce qu’est l’amour ? Le vrai ? On n’en finira jamais. Je ne me fatiguerais jamais. On fait nos premières expériences ensembles, nos premières folies ensemble et pleins de belles promesses d’avenir.  Cependant, parfois je me demandais si je n’étais pas un peu trop égoïste. Je le laissais m’aimer, alors que j’étais condamnée à mourir jeune, je n’avais pas ce droit et parfois je considérais l’option de le quitter –sans aucune raison valable certes– mais pour pas qu’il souffre lorsque je serais morte, car ce sera peut-être demain on ne sait pas. Mais je ne pouvais pas, je l’aimais beaucoup trop.

La magie du premier amour, c’est d’ignorer qu’il puisse finir un jour. (Extrait du journal de Swan Osborne du juin 2009.)

Deux ans passèrent et tout allait pour le mieux, c’était le grand amour, encore plus grand que  le mot énorme lui-même. C’était du vrai, du meant to be, nous étions faits l’un pour l’autre. Que vous croyiez à l’âme-sœur ou pas à la base, vous commencerez à y croire lorsque vous saurez notre histoire. Mais le Diable semblait devenir plus fort que Dieu à nouveau, le Diable semblait me vouloir en sa possession à nouveau, il semblait m’avoir déjà. C’est pendant le printemps après mes dix-neuf ans que mes parents m’annoncèrent la nouvelle la plus chamboulante de toute ma vie. Encore plus que lorsque j’ai appris que j’avais le FK.

Mon cœur est brisé en petits morceaux. Je déménage en Nouvelle-Zélande afin de faire un traitement expérimentale. Je n’ai jamais détesté cette maladie autant de toute ma vie. Jamais autant. Je la déteste. Véritablement et officiellement de tout mon cœur. Elle a gâché ma vie et continue de la ruiner tous les jours. Je suis au plus bas, je préfère mourir que devoir me séparer de lui, mais il le faut. Pour Jonah. Pour mes parents. Il ne faut pas abandonner.
(Extrait du journal de Swan Osborne du octobre 2010.)

La distance était bien trop dure. Après plus de deux ans de relation, la distance me tuait de l’intérieur. Je pleurais à chaque fois que je voyais sans visage sur mon écran d’ordinateur, sur skype. Je pleurais toutes les larmes de mon corps, toutes les nuits, tous les soirs. Chaque matin, mes yeux rouges et enflés se faisaient voir. Rick était venu avec nous en Nouvelle-Zélande pour le traitement, toujours fidèle à son poste d’ami de famille de toujours et de médecin de famille également, il avait compris la couleur et état minable de mes yeux. Il ne disait rien, me donnait un peu de crème pour alléger le tout, chaque matin, tous les jours, pendant mes quatre ans de traitement. Je lui dois beaucoup, je lui dois probablement le fait d’être encore en vie aussi. Pendant ses quatre ans, malgré le fait que c’était terminé, il n’y avait pas un moment, une année, un mois, une semaine, un jour, une heure, une seconde que je ne pensais pas à lui. Je ne pourrais jamais aimer quelqu’un d’autre que lui. Il est tout.

Je veux mourir. Je ne peux pas vivre sans Jonah. Je refuse.
(Extrait du journal de Swan Osborne du août 2013.)

J’avais craqué. C’est en septembre 2013, que j’avais essayé de commettre un suicide. Mes poignées étaient en sang, j’étais allongée sur le sol de la salle de bain de cette foutue clinique privée, je sentais mon pouls s’affaiblir, je me sentais partir. Je ne pouvais plus me faire à l’idée de devoir vivre sans lui. Il était la seule chose qui me maintenait en vie et qui me donnait envie de rester dans ce monde, mais il n’était plus là, depuis bien longtemps : alors j’avais craqué. Mon père et Rick m’avaient trouvé à temps et ont pu me sauver. Encore une fois, Rick, mon sauveur m’avait cloué les pieds au sol, il ne voulait pas me laisser partir, mon père non plus, ma mère non plus. Jonah ne l’a jamais su, je les aie implorés pour qu’ils ne disent rien. Mais on l’avait tous compris, je ne pouvais pas vivre sans lui. Il était hors de question ou je craquerais à nouveau. Je n’en pouvais plus de rien, je n’en pouvais plus de cette vie sans Jonah, de cette clinique, de ce traitement sans résultats, de tout, j’en pouvais plus. J’étais condamnée à mourir et je le savais, mais ma mère ne voulait pas abandonner, elle avait la foi en ce traitement.

Le traitement ne fait pas plus d’effet que ça. Je sais qu’elle est condamnée à mourir, mais je refuse d’y croire. Je refuse de perdre ma Osborne à la crinière dorée. Je refuse de baisser les bras et de perdre espoir. Je refuse. Je refuse, tu m’entends ? Je refuse. Mais elle veut retourner auprès de Jonah, si elle doit mourir elle veut le faire à ces côtés, je ne sais pas quoi faire. Aide-moi maman. Que dois-je faire ? Je sais qu’ils sont âmes-sœurs, il suffit de les regarder pendant une seconde, il suffit de les voir ensemble, je le sais, mais j’ai peur. J’ai peur maman, j’ai peur.
Extrait du journal de Cece Osborne, mère de Swan Osborne du janvier 2014.)

Je m’en souviendrais toute ma vie. Mes parents ont enfin accepté ma décision de vouloir rejoindre Jonah, de repartir à Londres et de finir ma vie là-bas. Je ne peux plus repousser mes sentiments, je ne peux plus, nous sommes inscrits dans les étoiles. J’y retourne, il ne sait rien. Au fond j’ai peur. Je ne sais pas comment il va réagir. Et s’il a passé à autre chose ? Et s’il ne m’aime plus et qu’il a trouvé quelqu’un d’autre ? Et si je l’ai perdu pour toujours ?  J’ai peur.