"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici one way or another, we all want to escape. (remy) 2979874845 one way or another, we all want to escape. (remy) 1973890357
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one way or another, we all want to escape. (remy)

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() message posté Dim 18 Oct 2015 - 22:13 par Invité
Je lâchai un soupir contenu en déposant ma veste sur les draps tirés et blancs du lit mécanisé. Mon regard s’évanouit quelques secondes dans la pièce assombrie avant de se poser sur les rideaux bleus fanés dans le coin de la pièce. Je m’en approchai lentement avant de les écarter, libérant la pellicule de poussière qu’ils retenaient en eux. Dehors, la bande crépusculaire rouge sombre avait fini de diffuser son éclat mat. Le ciel haut et froid qui irradiait sa lumière faible et vacillante plus tôt n’était plus que d’un noir ardoise à présent. Les heures devaient être passées depuis mon arrivée aux urgences en fin d’après-midi, mais je n’en avais pas eu conscience jusqu’à maintenant. Les heures devaient être passées jusqu’à ce que l’on m’indique qu’il était préférable que je passe la nuit ici, que l’on m’attribue une chambre, pour surveiller mes constantes, que l’on ne me force à passer une soirée de plus dans la semaine entre les quatre murs d’une de ces chambres communes. Je ne me sentais pas mal, légèrement faible, la vision trouble, mes jambes engourdies mais j’aurais su m’en accommoder chez moi, j’en restais persuadée. Je me détournai de la fenêtre et fis quelques pas en arrière avant de m’asseoir sur le lit que l’on m’avait attribué. Il y avait quelqu’un dans la salle d’eau. Je n’entendais pourtant que les ronronnements sourds des machines en marche, seuls les rayons faiblards de la lumière filtrant à travers le pas de la porte close pouvaient m’indiquer une présence. Ainsi que les couvertures froissées du deuxième lit en face de moi. Je lançai un coup d'oeil à la blouse de papier qu'ils m'avaient fournie et que j'étais supposée enfiler. Je haussai les épaules avant de relever mes cheveux nonchalamment sur ma nuque et de m’adosser aux coussins superposés. Je plongeai mon visage dans mes mains jointes, l’odeur des désinfectants de l’hôpital y semblait déjà incrustée. Cela ne sentait pas le propre, mais les antiseptiques, les produits de nettoyage aux parfums hypocrites destinés à masquer ce qu’il se cachait de plus inquiétant dans chacune de ces chambres. Cette odeur était déjà sur moi. Peut-être n’avait-elle jamais disparue. Peut-être ne disparaitrait-elle plus jamais, après tout. Je passais autant de temps en ce lieu qu’à l’extérieur. Peut-être plus, j’en avais perdu le compte. Je continuais de refuser ces faux-semblants, ces entre-deux, ces territoires d’incertitude qui s’acharnaient à dicter mes journées, ces endroits où la raison finissait de se perdre. Je continuais de refuser de m’en remettre totalement à eux, aux médecins et leurs solutions, refuser de n’avoir plus comme unique perspective que ces nuits d’hôpital, ces traitements interminables et la protection dérisoire d’une bulle de science. Je le faisais pour ne plus m’inquiéter de ces frayeurs récurrentes que l’on m’annonçait, ces espérances fugaces aussitôt anéanties. Mais ils finissaient toujours par gagner, tout de même. Ils finissaient toujours par me convaincre de rester, jouant sur mes craintes de perdre connaissance chez moi et d’inquiéter inutilement. Je restais, par pratique, et il n’y avait rien de plus agaçant. Je lançai un regard au plateau posé à mes côtés mais ne m’y penchai pas immédiatement. Je n’en avais pas besoin pour imaginer ce qui nous était proposé, encore une fois. Je me souvenais encore de la saveur muette de cette première soupe, avalée sans cœur, lors de ma première hospitalisation. Au dehors, il faisait déjà froid, et en dedans, je ne connaissais pas encore, pas tout à fait. C’était un lieu étrange et étranger, un lieu qui le restera toujours, m’étais-je alors promis. Mais le temps était passé, et la distance s’était étiolée entre les souvenirs et la réalité.
Je rabattis mes jambes contre moi pour me pencher et m’emparer de la tasse en céramique. Je rêvais de café mais l’on ne m’en donnerait pas. Je n’y avais pas le droit. Peut-être était-ce mieux ainsi. Même le café ici n’avait pas la bonne odeur. Son fumet rasait les murs des salles d’attente comme un traitre dans l’ombre, s’insinuait dans les couloirs, les chambres, étrange, infidèle et factice. Même dans sa tasse, il avouait sa faiblesse, d’un noir délayé, réchauffé, décevant. Je baissai mon regard sur que l’on m’offrait à la place, une tisane, et sentis l’odeur de sa camomille monter dans ma gorge. J’actionnai la télévision à l’aide de la télécommande murale et les images multicolores et muettes se chargèrent de colorier le mur blanc. Les infirmières effectueraient bientôt leur tour pour mettre en place les derniers soins. Je portai la tasse à mes lèvres avant de l’éloigner dans un rire contenu : même leur tisane parvenait à nous écoeurer. Ou peut-être était-ce ma notion du goût qui n'avait plus de valeur, un autre symptôme. La porte en face s’entrouvrit et je levai le regard juste à temps pour apercevoir ma voisine d’une nuit rejoindre la chambre. Elle était plus jeune que je ne l’imaginais, plus jeune que ce à quoi j’avais été habituée, plus jeune que je ne l’aurais voulu, pour elle. Je n’étais pas la seule à être piégée ici. Je reposai ma tasse sur la table séparant nos deux lits avant de laisser échapper : « Je le déconseille. » Je souris poliment avant d’appuyer ma tête contre mon oreiller pour la laisser retrouver ses espaces. Je brisais le silence convenu implicitement lorsque nous partagions une chambre. Ce n’était pas ma première fois. Il était presque d’usage de s’ignorer sous prétexte de respecter l’intimité de l’autre. D’usage de ne jamais questionner sur le mal qui nous amenait ici pour ne pas les comparer entre nous, pour ne pas être indiscrets, pour simplement cacher le fait qu’il n’y avait rien de plus désolant. D’usage de ne pas se lier, tout simplement, pour en ressortir tout aussi facilement, comme s’il ne s’était rien passé. Mais le reflet des images de l’écran sur son visage m’empêchait de voir si celui-ci était pâle ou non, m’empêchait de l’apercevoir tout simplement.
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() message posté Mar 20 Oct 2015 - 11:52 par Invité
Avec un soupir bruyant, elle referme la porte de la petite salle de bain. Elle n'avait pas vraiment prévu de finir sa soirée comme ça. Pas dans cet état. Pas ici. Pas maintenant. C'est tellement loin de ce qu'elle s'était imaginée une heure plus tôt. Mais elle n'avait pas eu le choix, parce qu'elle n'avait pas eu la force de lutter. Alors, elle est là. Dans cette minuscule salle d'eau, à salir le rebord du lavabo avec ses mains tachées de sang. Elle est là, et elle ne sait pas quand les médecins l'autoriseront à sortir. Une infirmière passe deux fois. A son troisième tour, elle tapote contre la porte pour s'assurer que tout va bien. Mais rien ne va. Elle reconnait facilement sa voix, c'est une amie. C'était une collègue. Dans ce contexte, elle n'est plus une collègue. Dans ce contexte où elle est la patiente, tout est différent. Tout a une saveur nouvelle. Tout a une saveur de sang, d'antiseptique et de gelée à la fraise. Tout est dégueulasse. Elle se penche vers le lavabo alors qu'une nouvelle nausée la secoue. Elle voudrait que ça cesse, elle voudrait que ça disparaisse. Comme avant. Sauf que ça n'a jamais disparu. C'était silencieux, c'est tout. La douleur était invisible, la maladie s'infiltrait dans un silence reposant. Mais pas ce soir. Elle tousse, pose une main sur son ventre douloureux sentant une nouvelle vague venir la terrasser. Plus forte, plus désagréable. Et elle finit de rejeter du sang au milieu du lavabo. L'eau suffit à tout faire disparaître et elle se lave la bouche, les mains et son visage pour effacer les dernières traces. En apparence, tout va bien. Tout va toujours bien. Sans doute elle n'acceptera jamais cette maladie, sans doute elle ne pourra jamais l'assumer. Fatalement, elle ne réussit pas à s'en plaindre, parce qu'elle pense ne rien avoir. Sa robe salie par le sang atterrie à ses pieds. Elle vient s'adosser contre la porte, prend sa tête entre ses mains en tentant d'évaluer la situation. Elle est venue travailler aux urgences, elle a fait un malaise qui aurait pu lui coûter la vie et on lui ordonne de rester ici les prochaines 24h. Ça pourrait être pire. Sa collègue s'était assurée qu'elle soit bien installée. Mais ça reste une chambre d'hôpital. Le lit doit être confortable mais ce n'est pas l'objectif principal de l'ensemble de la chambre. Parce que ce n'est pas un hôtel. Parce que personne n'a envie de rester ici sur le long terme. Ici, le long terme, ça fait peur. Elle voudrait prévenir Elsa, elle voudrait que sa meilleure amie débarque avec toute sa joie, toute son innocence et ses rêves de princesse. Mais elle ne bouge pas. Elle regarde simplement l'heure sur sa montre. Les infirmières refuseront qu'Elsa lui rende visite. Demain, oui. Juste, pas maintenant. Mais elle veut Elsa. Elle a besoin de sa présence. Dans un nouveau soupir elle jette sa robe dans la corbeille et sa main agrippe son short et son t-shirt à enfiler. Ses cheveux retombent sur ses épaules avant qu'elle ne puisse apercevoir son reflet dans le petit miroir accroché au-dessus du lavabo. Elle arbore un sourire rayonnant alors que son égo – toujours aussi présent, épuisant et étouffant – ne cesse de lui souffler qu'elle est terriblement belle. Elle s'aime, ça n'a pas changé. Ça ne changera s'en doute jamais. Lorsque la porte s'ouvre, son sourire s'affaiblit, un peu. Une autre fille est là pour occuper le second lit. Celui près de la fenêtre. D'habitude, son rôle est différent. D'habitude, elle a son badge d'infirmière qui indique son prénom et elle s'occupe des patients. D'habitude, elle n'est pas de ce côté du rideau, à partager une chambre au troisième étage du Great Ormont Street Hospital. Non, d'habitude elle est dans le bureau des infirmières. Ou avec Milan, dans leur ambulance ou n'importe où ailleurs à faire des conneries. Elle s'approche de son lit pour s'y installer, bien qu'elle envisage de s'éclipser dans pas longtemps. Ce n'est qu'à cet instant que la télévision attire son attention. Le programme n'est pas génial. Si ça avait été une série, elle aurait forcément apprécié. « Je le déconseille. » Et l'inconnue dépose une tasse sur la table, puis s'allonge sur son lit. Sa curiosité la pousse à se demander pour quelle raison cette fille est ici, à l'hôpital. Elle lui sourit en retour, intriguée malgré l'avertissement. Ses doigts s'agrippent à la tasse qui lui est réservée pour l'approcher de son visage pour en sentir l'odeur. Sûrement un thé à la lavande, un truc dégueulasse pour aider à dormir. L'odeur lui rappelle la camomille. Loupé. Et c'est vrai, c'est mauvais. Elle se met alors à tousser. Peut-être à cause de la tisane. Peut-être un peu à cause de ses poumons aussi. « Les boissons sans saveur des hôpitaux, c'est pas un mythe. » Elle en a souvent bu, mais généralement elle se contente d'une bouteille d'eau pendant son travail. Elle étale ses jambes sur le lit, écarte ses petits orteils et attrape ses magazines sur les miss. Bientôt l'élection de miss univers et ses yeux pétillent d'une excitation nouvelle, pressée d'y être. Parfois elle jette un coup d'œil à sa voisine, parfois à la télé et le reste du temps, elle reste concentrée sur ses magazines. « Normalement ils rediffusent des épisodes de The Walking Dead, parfois, le soir. » L'air nonchalant, elle hausse les épaules tout en tournant une nouvelle page. Ça ne vaut pas sa série favorite mais il n'y a pas beaucoup de choix. Peut-être que c'est une manière de lui dire de changer de chaîne, que le programme qu'elle regarde est sans intérêt. Finalement, elle bascule ses pieds dans le vide pour s'assoir sur le rebord du lit. Parce qu'elle s'ennuie, il faut qu'elle parle. Le silence, elle ne supportera jamais. Sans même se cacher, elle détaille sa voisine qui ne semble pas vouloir dormir, qui semble s'ennuyer aussi. Un peu. Les traits fatigués marqués sur sa peau prouvent que ce n'est pas la première fois qu'elle atterrie ici. Peut-être même qu'elles se sont déjà croisées, mais c'est moins sûr. L'hôpital est immense et elle était souvent affectée dans un autre service. « T'as de la chance, tu partages ta chambre avec la fille la plus géniale au monde. » En comparaison, elle aurait pu tomber sur une fille désagréable et hystérique. « Je suis Remy. » Son sourire se transforme en grimace alors qu'elle se remet à tousser, calant rapidement une main contre sa bouche. C'est moins fort, mais toujours douloureux. Elle repose les magazines à côté de leurs plateaux et extirpe de son sac un petit sachet qu'elle montre à sa voisine. Les derniers biscuits qu'elle avait pu s'acheter à sa pause déjeuner. Et comme elles sont plus ou moins dans le même bateau, elle désigne d'un geste de la tête, leurs plateaux sur la table. « Je te déconseille aussi la nourriture. Tu veux un biscuit ? »
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() message posté Dim 25 Oct 2015 - 1:29 par Invité
Il m’arrivait de penser qu’il n’y avait rien de plus désagréable qu’une chambre d’hôpital inoccupée, rien de plus désagréable que de s’y retrouver isolée et oubliée, laissée à l’écart là où les maux et les malaises ne pouvaient plus être vus, là où nous ne devenions tous plus qu’un numéro sur une porte entrouverte et un dossier à son entrée. Ce n’était que dans ma tête, j’en étais consciente. Après tout, les couloirs des urgences n’étaient guère plus reluisants, avec leurs éclairages au néons et le linoléum gris au sol. Mais nous n’étions pas seuls, au moins. Il y avait des noms et des interpellations, ces tableaux et leurs lignes qu’ils s’employaient à rayer au fur et à mesure des entrées et que nous ne pouvions que fixer, espérant que notre attente prendrait fin. Il y avait ces magasines disposés dans les salles d’attente pour distraire les moins touchés, dans le meilleur des cas, ces blessés graves et leurs maux visibles et inquiétants pour nous faire oublier nos propres douleurs, dans le pire des cas. Le pire des cas n’était-il pas d’être soi-même l’un de ces blessés ? Je ne savais plus. Il ne me semblait pas en faire partie, pas ce soir, mais ils me gardaient tout de même. Je les inquiétais. Et ils ne me disaient plus réellement pourquoi, plus réellement à quel point. J’avais appris à leur montrer que je m’en moquais, que je ne voulais rien savoir, je ne savais plus faire autrement. Mais ce n’était pas le cas. Au moins, ce soir, je n’étais pas seule. Au moins, ce soir, je n’aurais pas à me concentrer sur ces blessures qui restaient invisibles mais me clouaient au lit, m’empêchant de m’y endormir. Au moins, ce soir, je pouvais laisser de côté mes silences et mes agacements. Car toute la raison dont je disposais n’avait finalement servi qu’à me dispenser cette seule et unique leçon : cet esprit, dont j’étais si fière, cet esprit, auquel je me raccrochais lorsqu’il n’y avait plus que moi, dans une chambre d’hôpital, cet esprit ne servait ni à trouver le repos, ni à en donner. « Les boissons sans saveur des hôpitaux, c'est pas un mythe. » Je haussai les sourcils pour mesurer son euphémisme mais ne la repris pas tout de suite, la laissant retrouver sa place sur son lit déjà défait. Elle était là avant mon arrivée. Je me demandais combien de temps, combien de temps avait-elle du supporter cet isolement avant qu’ils ne décident de m’imposer pour la nuit. Ce n’était pas sa première fois non plus. Elle semblait tout aussi habituée que moi aux déconvenues de leurs plateaux repas. Je l’avais entendu tousser également. J’ignorai si cela venait uniquement de moi, peut-être étais-je véritablement devenue habituée à déceler le moindre diagnostic derrière chaque symptôme, à imaginer le pire derrière ce qui pouvait n’être qu’une simple toux. Mais elle s’était reprise d’elle-même et je ne posai pas de questions.
Je tassai distraitement de mes coudes les oreillers dans le creux de mon dos et m’y laissai tomber en inspirant lentement, calmant les soubresauts de mon cœur agité dans ma cage thoracique. Je savais que ma tension artérielle les inquiétait, je savais qu’ils me gardaient pour cela ce soir, mais mon cœur était également empressé et mon souffle se faisait court. Je massai mes tempes d’un geste machinal, réactivant le son de la chaine d’informations en continu au dessus de nous. Elle ne regardait pas la télévision, j’apercevais les pages de son magasine glisser les unes après les autres du coin de l’œil. J’avais du mal à m’y concentrer également, de toute façon. Les bandeaux défilaient sous mes yeux et je n’y voyais que des mots sans parvenir à leur donner un sens, sans essayer de les comprendre. « Normalement ils rediffusent des épisodes de The Walking Dead, parfois, le soir. » Sa voix me tira de mon absence et je clignai des yeux une fois en devinant son haussement d’épaules faussement innocent. Je me redressai pour attraper la télécommande posée entre nos deux lits et zappai en fronçant les sourcils. « Tant que c’est pas la saison 4. » laissai-je échapper simplement avant de tomber sur la chaine en question. Je lui adressai un regard pour savoir si cela lui convenait mais rencontrai déjà le sien fixé sur moi alors qu’elle s’était redressée, assise pour me faire face. Je restai silencieuse sur l’instant, un éclair de malice passant sûrement dans le fond de mes prunelles, la poussant à dire le fond de sa pensée. « T'as de la chance, tu partages ta chambre avec la fille la plus géniale au monde. » finit-elle par dire simplement et j’arquai un sourcil, amusée. Je me redressai à mon tour et l’observai avec la même attention qu’elle. Elle semblait épuisée, tout autant que je devais le paraître sans doute. Mais malgré son teint pâle et tiré, ses tâches de rousseur et le clair de son regard réussissaient tout de même à frapper le regard. Sa façon de poser également, comme si on la forçait sur l’instant, et comme si, dans la seconde suivante, elle consentait à cette intrusion et s’y donnait à cœur joie, s’y offrait. « Je suis Remy. » Je souris et ramenai mes jambes contre moi pour m’asseoir à mon tour avant de finalement répondre : « Alexandra. Lexie, si t’es si géniale que ça. » Après tout, nous étions coincées ici, ensemble. Forcées de partager une chambre, forcées d’y passer la nuit alors que nous ne nous connaissions pas, alors que nous n’étions certainement pas au meilleur de notre forme. Elle pouvait m’appeler Lexie. « Je te déconseille aussi la nourriture. Tu veux un biscuit ? » Je reportai mon regard sur elle pour apercevoir le paquet de biscuits qu’elle venait d’extirper de son sac et je secouai la tête en la remerciant d’un sourire. Je glissai un bras sous ma tête. « Je veux un burger mais je ne suis même pas sûre de réussir à l’apprécier. Et puis, ils le rateraient ici aussi, de toute façon. » Ce n’était pas tout à fait vrai. J’étais certaine de ne pas réussir à l’apprécier. Certaine qu’il réussirait à me rendre malade, un peu plus. J’avais du mal à avaler quoique ce soit, mon corps rejetait ce qui pouvait le faire aller mieux, semblait se complaire dans sa fragilité et son amaigrissement. Mais ce n’était pas le plus important ce soir. C’était par principe. Je voulais pouvoir sortir d’ici et avoir l’occasion de rendre mon corps nauséeux avec ce que je désirais lui infliger ou non. Sa toux reprit à mes côtés et je fronçai légèrement les sourcils alors que celle-ci lui arrachait une grimace sous sa violence. Je me penchai et lui tendis la boite de mouchoirs posée à mes côtés. « Tu es là pour quoi ? » Un léger sourire vint se dessiner sur mes lèvres et je haussai les épaules. Je te dis si tu me dis. N’était-ce pas ce que faisaient les enfants dès leur plus jeune âge dans la cour de récréation ? Nous étions dans la même situation ici, il n’y avait pas de pitié possible et cela me rassurait plus qu’autre chose. Nous étions là pour la même chose, dans le fond.
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() message posté Sam 31 Oct 2015 - 9:59 par Invité
Elle aurait aimé avoir la force de quitter l'hôpital avant qu'on ne l'oblige à venir jusqu'ici. Dans cette chambre vide et froide. Lit numéro 1, chambre 312, troisième étage. Elle allait passer la nuit ici. Une seule nuit, une nuit longue dont elle voudrait s'échapper. Manger des biscuits avec une inconnue semble une maigre consolation. A vrai dire, ça ne la console même pas. Ça l'ennuie. Parce que Lexie refuse les biscuits, elle devra manger seule. Elle en grignote un tout en consultant son téléphone. Elsa n'a pas encore répondu à ses messages. C'est sans doute mieux, elle n'aura pas à lui mentir quand elle lui demandera où elle se trouve. Sauf qu'elle aurait aimé lui avouer avoir rencontré une fille qui s'appelle Lexie. Peut-être un sosie de la fille sur laquelle Elsa passe son temps à se plaindre. Elle n'en sait rien. Mais c'est drôle et ça suffirait à enflammer Elsa pour qu'elle se lance dans une énième tirade sur Lexie et Thomas. « Je veux un burger mais je ne suis même pas sûre de réussir à l’apprécier. Et puis, ils le rateraient ici aussi, de toute façon. » Le temps d'une minute, elle s'imagine se glisser dans les cuisines de l'hôpital avec Lexie pour préparer un burger. Sauf qu'elles seraient rattrapées avant même qu'elles n'aient vu le panneau indiquant le chemin des cuisines. Sauf que, même un burger, elle ne saurait pas le cuisiner. Et Lexie ne l'apprécierait même pas, apparemment. Elle continue d'observer ses traits, sa maigreur maladive et ses yeux fatigués. Malgré l'image qu'elles essaient de renvoyer, Remy sait qu'elles sont toutes les deux dans un sale état. « Tu es là pour quoi ? » Si tu dis, je dis aussi. Je mange ça, si tu manges aussi. Tu veux aller là, je te suis. Elle ressemblent à deux enfants dans une court de récré. Elle ricane tout en secouant doucement la tête. D'habitude, c'est elle qui annonce aux autres qu'elle est malade. D'habitude, personne ne lui demande, parce que personne ne sait. Cet endroit la trahi. Cet endroit prouve qu'il y a un truc qui cloche chez elle. Un truc silencieux mais terriblement présent. Cette chambre lui donne la sensation d'être vulnérable, presque faible. Elle se ressaisit vite, si vite, un peu trop. Elle a encore le pouvoir d'atténuer la gravité de sa situation. Mais la dégaine de Lexie la fait sourire, aussi. Son air qui se veut nonchalant, comme le sien. « Bientôt tu vas me demander si on peut être copines. » Alors, il faudrait qu'Alexandra sache qu'elle s'en fout de tout, de tout le monde. Sauf de ses amis. Elle se penche un peu vers l'autre lit, avec un air de conspiratrice collé au visage, comme si elle allait lui révéler un secret ultra important. Elle chuchote. « Je suis là pour rien du tout. On m'a kidnappé. » Histoire de cloner mon ADN parce que je suis la meilleure et possède des particularités hors du commun. Mais elle se retient de le dire, posant ses petits pieds sur le sol froid de la chambre. Debout, elle remet son t-shirt correctement, replace une mèche derrière son oreille comme si elle s'attendait à ce qu'un photographe arrive, tapis dans l'ombre. Il lui faut alors être parfaite, tout le temps. Et puis, ce n'est pas si faut, après tout, elle voudrait être dehors, elle voudrait retrouver Milan. Elle n'a aucune envie d'être ici. Elle avance à petits pas, jette son mouchoir dans une corbeille et s'en va observer la vue derrière les fenêtres du troisième étage. Londres s'endort. Et la télé fonctionne toujours. Elle fixe la fenêtre à la recherche d'un endroit où manger un burger. Trop de lumières éclairent la ville, empêchant de repérer les endroits où dîner. « J'ai un lymphome pulmonaire. » C'est une expression plus jolie que le terme cancer. Elle se souvient que les médecins avaient préparé le terrain de cette façon. Avec des termes un peu plus beaux, avec des termes qui font moins peur, moins effrayants, avec des termes qui n'annoncent pas la mort direct du patient. Ils avaient préparer le terrain pour lui parler de la maladie qui glisse silencieusement partout dans son corps. Mais à la fin, un cancer reste un cancer. La beauté d'un mot ne change pas le résultat d'une maladie. « Et toi ? » En vérité, elle pourrait deviner sans que Lexie n'ait à le lui dire. Il lui suffirait d'observer les symptômes, de poser quelques questions pour établir un premier diagnostic. Sauf que ce soir, elle n'est pas infirmière. Pas celle de Lexie, ni de personne. Ce soir, elle est la patiente de la chambre 312 au troisième étage. Ses yeux parcourent la vue à la recherche de cet endroit. Ce petit fast-food dans lequel elle a l'habitude de trainer Milan. Peut-être qu'il se trouve de l'autre côté de l'hôpital. Peut-être qu'elle lui tourne le dos, à cet instant. Son sens de l'orientation ne l'aide pas. Alors, elle cherche. Elle fouille l'horizon. Jusqu'à ce qu'elle repère ce néon. Cette petite lumière qui clignote dan la nuit. Cette lumière en forme de hamburger. « Viens voir. Là-bas, on peut manger des burgers. » Son doigt se pose sur la fenêtre pour pointer le fast-food qui semble briser le décor. Maintenant qu'elle le voit, elle ne voit que lui. Elle ressemble à une enfant devant la vitrine d'une boulangerie derrière laquelle s'étaleraient une centaine de pâtisseries délicieuses. Elle a faim. Et l'idée de manger des biscuits ou une soupe et une tisane sans saveur ne l'attire pas. « On y va ? » Son visage se tourne vers Lexie, un sourire joueur sur les lèvres. Avec ou sans cette fille, elle ira. Elle sortira. Elles ne sont peut-être pas à l'hôtel, mais pas non plus en prison. « Profite pour m'expliquer ce que tu reproches à la saison 4 de The Walking Dead. »
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() message posté Dim 15 Nov 2015 - 23:00 par Invité
Sa main fébrile sembla s’être figée, hésitante, avant qu’elle ne se reprenne en saisissant le paquet que je lui tendais. Elle n’était pas obligée de répondre, après tout. Personne n’était jamais obligé, surtout pas nous, en venais-je à penser. Cela ne servait à rien, on pouvait le deviner simplement en se regardant. C’était sur nous. La maladie, les maux et l’épuisement, impossible de les manquer, de ne pas les apercevoir. Ils éclataient, tous, dans chacun de nos regards, ils débordaient dans chacun de nos gestes ce soir, dans la lenteur de nos mouvements, dans la névralgie de notre démarche à chacune alors que nous avions rejoint nos lits de fortune pour cette nuit. Et si je pouvais les voir en elle, elle pouvait les voir en moi également. Cela m’embêtait mais c’était ainsi. Cet endroit ne nous permettait pas de nous préserver, cet endroit ne nous suivait pas dans nos tentatives de tout dissimuler. Tout semblait démesuré, nous n’étions pas là pour rien. Personne n’était là pour rien. « Bientôt tu vas me demander si on peut être copines. » railla-t-elle après avoir laisser échapper un rire moqueur. Je ne laissai pas paraître mon amusement, me contentant d’hausser les épaules, comme pour lui assurer qu’elle ne risquait rien. « Tu serais chanceuse. » répondis-je cependant avec ironie. Elle ne répondait pas à ma question et je me faisais déjà à l’idée qu’elle ne le ferait sans doute pas. Je pouvais le comprendre, je l’avais posée sans grande conviction, après tout. Je cachais les blessures dont mon corps souffrait, persuadée que, révélées, elles aideraient sans doute trop les autres à me percer à jour. J’aimais pourtant croire le contraire, croire qu’elles ne me définissaient pas, mais cela devenait de plus en plus compliqué. Et ce devait être le cas pour tout le monde. Chacune d’entre elles finissait par étendre leur champ d’action pour atteindre enfin l’esprit, entailler l’âme jusqu’à la modeler enfin, jusqu’à lui donner une forme propre, une forme différente, une forme que l’on n’aurait pu imaginer. Il suffisait alors aux autres d’effleurer ces cicatrices pour saisir une partie de notre personne, pas tout, mais déjà bien trop. Je l’observai se pencher vers moi, un air méfiant sur le visage, comme si quelqu’un pouvait la surprendre à tout moment. « Je suis là pour rien du tout. On m'a kidnappé. »  Je fronçai les sourcils, gardant un air tout aussi sérieux sur le visage, comme si sa révélation réussissait à trouver une résonance particulière en moi. « Toi aussi ? » Je dégageai mes cheveux avec un soupir tout en retrouvant ma position initiale dans le lit, face à la télévision.
Elle ne me répondrait pas. Je reconnaissais en elle un détachement et un air moqueur qui me rappelaient étrangement les miens. Comme si rien de tout cela n’était réellement grave. Les traits d’esprit comme les siens, comme le mien lorsque je lui répondais, nous avaient sans doute sauvées toutes les deux de quelques situations compromises. Il était normal de s’y rattacher. Même s’ils ne leurraient qu’un instant le reste. Je l’entendais s’agiter à côté de moi juste avant d’apercevoir ses pieds se poser au sol alors qu’elle se mettait debout. Elle était sans doute tout aussi inconsciente que moi mais semblait également plus légère, ou plus appliquée à le paraître que je ne l’étais, tout du moins. Je m’en étais aperçue tout à l’heure alors qu’elle s’était redressée sur son lit pour me faire face, droite et digne, dégageant ses mèches blondes avec application et humeur, ses yeux bleus attentifs comme si elle se disposait à révéler certains de ses secrets à tout moment. Elle s’approcha de la fenêtre dont je venais d’étirer les rideaux. Je ne la regardais pas, devinant cependant qu’elle ne tenait déjà plus en place. Je n’étais pas la seule. « J'ai un lymphome pulmonaire. » Je fronçai légèrement les sourcils mais elle ne me voyait pas. J’aurais pu le deviner finalement, à sa toux et à ses râles silencieux. Mais je ne l’avais pas fait. Je n’en aurais retiré aucun mérite, aucune satisfaction. Elle l’annonçait froidement, comme j’aurais pu le faire et je savais qu’elle n’attendait du coup aucune remarque compatissante de ma part. Elles ne lui avaient sans doute jamais servi. « Et toi ? » Je repoussai le plateau une nouvelle fois sur lequel je venais de me pencher. Elle ne m’avait pas donné particulièrement faim en me proposant ses gâteaux, non. Elle m’avait simplement rappelé que j’étais sans doute supposée manger quelque chose. Je ne me souvenais plus de mon dernier repas, j’avais perdu la notion du temps depuis mon arrivée aux urgences plus tôt. Mais je sentais la faiblesse de mes jambes et ma vision qui se troublait. Cela me suffisait.
Je relevai mon regard vers la jeune femme, inspirant légèrement pour lui répondre mais me résignai en l’apercevant poser soudainement son doigt sur la vitre embuée. « Viens voir. Là-bas, on peut manger des burgers. » Je m’appuyai sur mes paumes pour me redresser et me dégageai du lit pour la rejoindre. Je plissai les yeux à la recherche de l’enseigne qu’elle me désignait, je connaissais forcément. Je connaissais sûrement toutes les enseignes aux environs de cet hôpital, j’avais eu quatre années pour les découvrir. Je me détournai de nouveau avant de me rassoir sur le lit. « On y va ? » Je relevai les yeux vers elle pour apercevoir son sourire et l’éclair de malice qui éclaira son regard, comme si elle me défiait d’accepter. Je me redressai en ajustant mes chaussures que je venais de remettre. « Je suis déjà prête, je suis en train de t’attendre. » répondis-je avec amusement. Je me mis debout avant de la regarder de nouveau. J’apercevais la pâleur de son teint, ses yeux agrandis par la fatigue et ses difficultés respiratoires qu’elle n’arrivait pas à cacher. Ce n’était certainement pas une bonne idée, mais elle devait se dire la même chose de moi. « Profite pour m'expliquer ce que tu reproches à la saison 4 de The Walking Dead. » Je m’approchai de la porte, la laissant se préparer, réfléchissant à l’intérêt de lui souligner les incohérences et les problèmes de rythme dont cette saison souffrait selon moi mais je finis par hausser les épaules en lui tournant le dos, et en répliquant : « Si j’ai besoin de t’expliquer, c’est qu’on risque vraiment pas de devenir copines. » J’ouvris la porte et m’appuyai sur son côté pour appréhender l’extérieur. Le couloir était sombre, seulement éclairé tristement par les générateurs de nuit, les tubes de néon, qui barraient le plafond, éteints. J’entendais pourtant le personnel au fond de l’étage et je refermai la porte juste à temps en apercevant deux infirmières tourner dans notre direction. « On tombe en plein dans le dernier tour des infirmières. » lui indiquai-je en passant une main dans mes cheveux. « Si on pouvait éviter d’avoir à négocier avec elles, ça m’arrangerait. Je gagne rarement. » Je me retournai vers elle et haussai les épaules en lui avouant finalement, pour justifier ces échecs : « Insuffisance rénale terminale pour moi. » Je défroissai mon haut distraitement. « Je connais pas cet étage, tu sais où sont les escaliers ? » demandai-je sérieusement malgré la lueur d’espièglerie qui devait éclairer mes prunelles. Si nous pouvions éviter de nous retrouver coincées dans l’ascenseur avec tout le personnel soignant. Nous n’étions pas en prison, mais ça en avait tout l’air. Nous n’étions pas en prison mais c’était entre ces murs que je m’étais sentie piégée et enfermée depuis des années.
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() message posté Sam 21 Nov 2015 - 9:43 par Invité
Pendant une minute, elle hésite à faire demi-tour pour se remettre dans le lit. Ce serait plus simple de finir son paquet de gâteaux devant des émissions débiles qui n'ont leur place qu'après minuit. Se recouvrir du drap et s'endormir, puis attendre que demain arrive et s'en aller à la première heure du jour. Mais le néon du fast-food, là, au milieu de la rue, sous ses pieds, lui donne une poussée d'adrénaline, comme si elle était prête à tout, absolument tout, peut-être n'importe quoi, pour rejoindre ce point lumineux. Plus pour s'amuser que pour réellement manger. Elle ne sait pas encore vraiment. Et elle espère secrètement qu'Alexandra voudra la suivre. Même si elle compte l'embêter jusqu'à ce qu'elle la suive, elle n'a pas la force nécessaire pour s'engager dans un combat pour la pousser à bout. D'habitude, elle prend un malin plaisir à faire ça, encore plus lorsqu'elle peut lire l'agacement sur le visage de l'autre personne. Ça l'amuse toujours et elle est douée pour emmerder son monde. C'est indéniable. Mais clairement, Lexie semble sur la même longueur d'onde. Elles ont été admises à l'hôpital, chacune pour une raison différente mais tout aussi importante et grave, elles devraient attendre que les infirmières viennent les voir, elles devraient manger leur soupe et respecter le silence de l'une ou de l'autre, ou simplement parler de choses qui ne les intéressent pas. Et malgré tout ça, elles prévoient des plans pour s'évader, pour s'enfuir ensemble alors qu'elles ne se connaissent même pas. Elle n'a pas besoin de la convaincre, ni besoin de lui expliquer par A + B qu'elles peuvent le faire parce que ça risque d'être amusant. « Je suis déjà prête, je suis en train de t’attendre. » Ses mains s'enfoncent dans les poches de son short alors qu'elle ait tiré de sa contemplation de la rue pour regarder Lexie réajuster ses chaussures. Elle est encore pieds nus mais pas vraiment décidée à faire vite. Elle aime prendre son temps, se faire désirer ou tout simplement agacer la personne qui l'attend. « Si j’ai besoin de t’expliquer, c’est qu’on risque vraiment pas de devenir copines. » Elle hausse les épaules comme si Lexie ne lui apprenait absolument rien. « Dommage pour toi. Remy est belle, drôle et merveilleuse. » Elle énumère ses qualités sur le bout de ses doigts. « Tu loupes la chance de ta vie. Je nous voyais déjà best friends forever. On aurait même pu se faire des tatouages identiques. » Elle croise les bras contre sa poitrine, soupire tout en secouant la tête et mime un air boudeur, presque vexée d'être potentiellement privée de son amitié. Mais il n'en est rien. Rien parce qu'elle ne connait Lexie que depuis quelques minutes. Rien parce que même si elles aiment une série, ça ne fait pas d'elles des amies. Elle aurait pu revoir son jugement si elles avaient parlé de Game of Thrones. Elle garde le silence laissant ses pas la mener jusqu'à son lit devant lequel se trouve ses chaussures. « On tombe en plein dans le dernier tour des infirmières. » Aussitôt, elle relève le visage vers Alexandra qui observait le couloir et a refermé la porte. Alors elles devront faire vite. Elle attrape rapidement une petite veste, retirant ses cheveux blonds, bloqués dans le vêtement, qui retombent dans son dos. Sa paume droite se pose délicatement sur le bras de Lexie pour lui prévenir de sa présence soudaine à ses côtés. « Si on pouvait éviter d’avoir à négocier avec elles, ça m’arrangerait. Je gagne rarement. » A l'entendre, Alexandra a connu plusieurs escapades ratées. Automatiquement elles se jettent un regard, l'une ne comprenant pas ce que lui raconte l'autre. Remy ne connait pas son histoire mais sa peau pâle et ses traits creux témoignent de sa maladie. Une maladie que Lexie semble trainer depuis des mois, peut-être des années. Assez longtemps pour être venue ici plusieurs fois, assez longtemps pour connaître les infirmières, pour essayer de s'enfuir. Elle ne la connait pas et pourtant, Lexie semble honnête, partageant le même humour plein de sarcasme. « Insuffisance rénale terminale pour moi. » Son regard se durcit mais Lexie ne la regarde plus, préférant s'occuper de son haut. Elle enfonce les mains dans les poches de sa veste. Il y a tellement de choses qu'elles pourraient se confier, mille trucs plus beaux pour apprendre à connaître l'autre. Comme continuer à parler de séries dont elles semblent partager un intérêt commun pour l'une d'entre elles. « Je connais pas cet étage, tu sais où sont les escaliers ? » Elle relève les yeux, ouvre un peu la porte à nouveau pour détailler le couloir plongé dans le noir. Il est vide. Le bureau des infirmières est ouvert mais il n'est pas assez proche pour que ses collègues les entendent préparer leur coup foireux. Les escaliers se trouvent de l'autre côté et elle pose son regard sur Lexie qui attend sa réponse. Sa pâleur l'encourage à abandonner ce projet fou, ce projet sans queue ni tête où l'une finira probablement par s'écrouler sous l'effet de la fatigue. Malgré son envie dévorante de sortir d'ici, elle ne peut s'empêcher de penser à l'état d'Alexandra, ruinant presque à néant sa manie insatiable d'embêter le monde. Mettre sa santé en jeu, elle n'hésiterait jamais, mais ruiner celle de Lexie, elle n'oserait pas. Elle avisera au moment venu, si elles arrivent à atteindre la cage d'escalier. « Ils sont de l'autre côté. Tu vois la lumière verte au bout du couloir ? C'est là. » De son doigt, elle lui indique la lumière verte qui représente un bonhomme devant des escaliers. Rejoindre la cage d'escalier que jamais personne n'emprunte, c'est la partie facile de leur plan. Sortir de l'hôpital, c'est la phase qui l'amuse mais dont elle redoute forcément. Elle repousse un peu la porte sans la refermer. Adosser contre le mur, elle détaille Lexie qui lui fait face. « Tu fais tout de travers, tu sais. Une amitié ne repose pas sur la saison qu'on préfère dans une série mais sur les personnages. Qui est ton favori dans The Walking Dead ? » Elle chuchote alors que son regard va et vient de ses pieds à sa tête. Comme si elle la jugeait tout en étant amusée de la situation. « Ensuite on pourra se plaindre que la saison 4 était un peu longue. Et on pourra être copines. » Elle est obligée de ricaner, oubliant pendant une minute qu'elles sont malades et devraient se reposer avant le tour des infirmières. Celles-ci ne tarderaient pas à arriver et signaleraient leur disparition à travers tout l'hôpital. Peu à peu elle oublie tout ça, posant son index sur ses lèvres tout en regardant Lexie pour lui intimer le silence. Elle sent un râle mourir dans sa gorge, parce qu'elle sait que tousser trahirait leur présence. « Parce que Remy a toujours des idées de génie, on a deux options. Plan numéro un, on part maintenant jusqu'aux escaliers. Elles sont sûrement rentrées dans une chambre maintenant à s'occuper d'un patient. » Un sourire en coin vient se glisser sur ses lèvres rosées, envahie par une nouvelle poussée d'adrénaline tandis qu'elle croise le regard de sa nouvelle alliée. Mais son alliée a une insuffisance rénale et son côté infirmière fourmille au fond d'elle, l'alertant sur ce que pourrait causer cette sortie à Lexie. Elle sent son esprit se battre avec un autre, avec l'infirmière qui sommeille en elle. Celle qui s'occupe des autres, celle qui se plonge dans cette passion dévorante de soigner les gens, pour les aider, pour qu'ils aient une vie plus belle, plus juste, meilleure, un peu moins douloureuse et un peu moins triste. « Plan numéro deux, je suis infirmière, ma blouse est dans mon sac et si j'arrive à prendre un fauteuil roulant pour toi, on pourrait prendre l'ascenseur. Et ça sera plus facile pour négocier si on les croise dans le couloir. »
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() message posté Sam 5 Déc 2015 - 1:11 par Invité
Je savais que les choses changeaient. Et avec, ma manière de les appréhender, de les faire miennes. Je savais que je ne les gérais pas toujours de la bonne manière. Mais pourtant, je me redressais déjà, habillée et prête à sortir quand mon corps tout entier criait pour me faire entendre raison. On aurait pu croire que je continuais de me laisser guider par mon inconscience. On aurait pu croire que les années passées dans cet hôpital à suivre les ordres et les recommandations m'avaient rendue ainsi. Mais ce n'était même pas le cas. Je ne me voyais pas regagner les draps blancs et stériles du lit froissé derrière moi, acceptant d'apercevoir cette lumière, au loin, en bordure du boulevard illuminé, acceptant d'imaginer cette devanture de restaurant allumée tard dans la nuit, d'imaginer qu'elle scintillait sûrement avec bienveillance, dans une promesse muette d'être toujours là demain, d'être toujours là plus tard. Je ne me voyais pas contempler cette lueur au loin et accepter qu'elle soit supposée m'apaiser, supposée m'infuser un sentiment d'espoir. Ce n'était pas le cas aujourd'hui. Mais ça ne l'était pas des années auparavant non plus. Ça l'était même encore moins. Il y a quatre ans, je n'aurais pas pensé aux conséquences. Il y a quatre ans, je me soulevais déjà contre les interdictions sans me soucier de ce que cela allait provoquer. Aujourd'hui, je savais. Mais j'acceptais de faire avec. « Dommage pour toi. Remy est belle, drôle et merveilleuse. » J'entendis sa voix teintée de malice et d'impertinence derrière moi alors que j'ouvrais déjà la porte de la chambre avec précaution. Je ne répondis pas tout de suite, forcée au silence pour ne pas me faire remarquer inutilement, mais un sourire amusé se dessinait déjà sur mes lèvres. Remy était sûrement toutes ces choses, je ne demandais qu'à la croire. Elle n'était ni modeste ni mesurée par ailleurs, mais cela aurait été sûrement moins amusant. « Est-ce que Remy sait être silencieuse ? » murmurai-je avec ironie en tournant la tête vers elle, à l'intérieur de la chambre. Cela me paraissait être une qualité indispensable à toute bonne évasion après tout. Je ne l'intimais pas au silence, elle ne m'aurait sûrement pas écoutée de toute façon. Je ne la connaissais pas mais il me paraissait pourtant déjà évident qu'il suffisait de lui demander quelque chose pour qu'elle désire aussitôt faire le contraire. « Tu loupes la chance de ta vie. Je nous voyais déjà best friends forever. On aurait même pu se faire des tatouages identiques. » Je levai les yeux au ciel en refermant la porte, nous enfermant de nouveau dans notre cellule de fortune. Je croisai alors l'air boudeur arboré sur son visage tiré mais malicieux, pâle mais animé de cet esprit qui ne l'avait pas quitté depuis nos premiers mots échangés. Elle transpirait l’espièglerie et l'insubordination, le sarcasme et l'imprudence. Elle m'amusait et je lui en étais reconnaissante, déjà et seulement pour cela. Seulement car elle parvenait à faire ce qu'il était rare d'emmener dans les murs de cet établissement : la vie et l'envie, l'envie de la rendre moins terne, moins éteinte. Ce n'était pas chose aisée ici, où tout n'était plus que destiné à devenir aseptique.
« Ils sont de l'autre côté. Tu vois la lumière verte au bout du couloir ? C'est là. » Elle m'indiqua d'un signe de main notre objectif, à plusieurs mètres de notre chambre avant de repousser la porte avec lenteur. Je savais ce que nos silences dissimulaient. Celui qui avait suivi lorsqu'elle m'avait annoncé son cancer. Celui que j'avais aussitôt interrompu après ma confession. Celui que nous laissions toutes deux reposer quelques secondes à présent. Je savais que nous évaluions nos chances, que nous mesurions nos risques. Seules, nous n'aurions sans doute pas hésité, seules, nous serions sans doute déjà dehors. Mais nous n'étions pas seules et il nous suffisait de nous observer pour lire notre propre reflet dans le visage l'une de l'autre. Derrière notre envie de fuite et de mouvement, il y avait un trouble commun, une seule et même crainte : celle de mettre l'autre en difficultés. Je me mordis l'intérieur de la joue. Je ne l'aurais pas écoutée si elle l'avait énoncée, et elle ne le ferait pas non plus. « Tu fais tout de travers, tu sais. Une amitié ne repose pas sur la saison qu'on préfère dans une série mais sur les personnages. Qui est ton favori dans The Walking Dead ? » Je fronçai légèrement les sourcils en glissant mes bras dans les manches de ma veste distraitement. Ou pas tant que cela. Peut-être également pour lui montrer que je n'avais pas changé d'avis, que je ne restais pas ici mais que je ne la forçais à rien. « Si je te le dis, on annule tout et on passe la soirée à choisir les dessins pour nos tatouages ? » demandai-je avec malice et en passant une main dans mes cheveux. « Ensuite on pourra se plaindre que la saison 4 était un peu longue. Et on pourra être copines. » J'haussai un sourcil en écartant mes mains, soulignant le fait qu'elle avait compris d'elle même mes impressions sur cette saison, qu'il s'agissait d'une évidence. Je pris ensuite un air songeur, comme si j'avais réellement le besoin d'y réfléchir. « J'aimais Shane. Je crois que ça lui a porté préjudice, tous mes préférés finissent par mourir. » répondis-je finalement en haussant les épaules. « Mais Daryl m'a tellement bien aidée à faire mon deuil que je le mets en haut de ma liste … Mais encore, est-ce que quelqu'un a quelque chose à reprocher à Daryl vraiment ? » Je plissai les yeux avec amusement comme s'il n'y avait rien de plus commun à aimer ce personnage, rien de moins original à le désigner comme son favori, mais peut-être n'était-ce que dans ma tête. Je répondais comme si j'y accordais une importance non négligeable. Et peut-être que cela devait être le cas. Peut-être que nous aurions pu simplement décidé d'en rester là, de rejoindre nos lits et débattre toute la nuit sur cette série ou d'autres, puisque nous ne dormirions de toute évidence pas. Puisque personne ne dormait jamais réellement ici. Cela ferait une belle histoire à raconter, une belle rencontre. Cela sûrement plaisant et prudent, mais cela ne m'aurait pas suffi. La prudence m'effrayait.
« Parce que Remy a toujours des idées de génie, on a deux options. Plan numéro un, on part maintenant jusqu'aux escaliers. Elles sont sûrement rentrées dans une chambre maintenant à s'occuper d'un patient. » J'appuyai mon épaule gauche sur le chambranle de la porte pour entendre ses propositions. « Plan numéro deux, je suis infirmière, ma blouse est dans mon sac et si j'arrive à prendre un fauteuil roulant pour toi, on pourrait prendre l'ascenseur. Et ça sera plus facile pour négocier si on les croise dans le couloir. » Je fronçai les sourcils en me redressant. J'aurais sûrement voulu faire une plaisanterie sur son statut d'infirmière, sous-entendre que je me retrouvais ainsi en présence de l'ennemi, mais cela n'était pas le cas. Cela n'était plus le cas depuis longtemps, j'étais la pire des patientes et elles n'avaient fait que m'aider et rassurer ma soeur d'une manière qu'aucun médecin n'était jamais parvenu à le faire. Je fronçai les sourcils car je ne pouvais m'empêcher de penser qu'elle tentait de nous préserver, de me préserver soudainement et il n'y avait rien de pire dans mon esprit. « Le fauteuil roulant sera pas crédible. Je suis en bien trop bonne santé et ça se voit. » ironisai-je sur mon état en me désignant d'un geste ample du bras, un sourire aux lèvres pour faire bonne impression. « Sérieusement, je devrais enfiler cette blouse et ça ne me dit rien non plus. » continuai-je en laissant mon regard glisser sur la blouse que nous étions supposées enfiler lorsque nous étions changées de service.
J'inspirai finalement et ouvris la porte de nouveau pour me glisser à l'extérieur sans plus d'hésitation. J'avançai lentement dans le couloir sombre, mesurant mes pas et ma respiration. J'avais laissé le soin à Remy de me suivre et je l'entendis bien assez vite derrière moi, reconnaissant son souffle saccadé et douloureux. Le néon vert au bout du long couloir se rapprochait, et une porte devant nous s'ouvrit laissant un rayon de lumière illuminer soudain le couloir. Je m'arrêtai lentement en apercevant le chariot des derniers repas précéder l'aide soignante et fis demi-tour avec assurance, attrapant doucement l'avant-bras de Remy avant de pousser la porte des sanitaires, repérés avant de sortir. Ja la refermai derrière nous et m'adossai contre elle avec un soupir. « Je ne regrette rien. » la prévins-je à voix basse, anticipant ses reproches ironiques. Je ne regrettais pas de ne pas avoir suivi son deuxième plan. Nous n'aurions pas été obligées de nous cacher ici si j'avais accepté le fauteuil roulant. Mais je ne voulais pas jouer la malade, même un peu, même quelques minutes le temps de s'échapper. Je laissais les derniers lambeaux de l'estime que je me portais quelque part entre les draps des lits, à chacune de mes hospitalisations. Je n'attendais pas de Remy qu'elle le comprenne dans mes sarcasmes. Mais peut-être le ferait-elle tout de même, peut-être le ressentait-elle également.
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() message posté Sam 19 Déc 2015 - 8:13 par Invité
« Leçon numéro une : Remy sait tout faire. » Elle sourit, fière, avec son allure de petite reine prétentieuse qui s'aime et s'imagine merveilleuse et incroyable. Elle ne fait pas ça pour être remarquée, n'exagérant jamais ni ses réactions, ni ses paroles. C'est naturel, brûlant de vérité et d'égocentrisme. Ses poumons l'abandonneraient peut-être ce soir, pendant leur évasion, en dévalant les escaliers mais elle en a rien à foutre, Remy. Personne ne pourrait jamais l'empêcher de se croire au-dessus de tout, de tout le monde. Personne ne lui interdirait de vivre ou de se sentir libre. Personne ne lui refuserait son burger ou ce tatouage qui lui apparaît, soudainement, là, comme une idée fantastique. Sa maladie ne contrôlerait jamais son univers de miss comme elle avait pu contrôler son avenir chez les pompiers. « Leçon numéro deux : Remy ne rompt jamais une promesse. On ira manger un burger. Et on décidera des dessins pour nos tatouages. » Elle ricane, amusée de voir que Lexie l'écoute et la suit volontiers dans ses idées. Elle ne connait pas Alexandra. Elle ne connait d'elle que sa maladie, son envie de burger et son personnage favori dans une série de zombies. Ça ne fait pas d'elles des amies et pourtant, leur façon de se comporter donne la sensation qu'elles sont deux vieilles copines de longues datent. Comme si elles partageaient une étrange connexion, comme si elle pouvait lui faire confiance, lui proposer mille idées sans s'inquiéter, convaincue que Lexie la suivrait partout. Peut-être que cette sensation est le résultat de leurs caractères étrangement similaires, de leur manie à tout prendre de manière nonchalante, à être au-dessus de tout, de leur maladie. Elle n'a pas d'explication à donner et n'en cherchera probablement jamais. Elle apprécie la compagnie de Lexie, c'est tout. Mais ne l'avouera pas. Ni maintenant, ni dans deux, trois, quatre jours. Jamais. « Daryl fait l'unanimité. Mais on ne devrait pas s'excuser de le choisir comme personnage favori. » Son regard scrute l'horizon pour observer ce petit néon vert qui indique la cage d'escaliers. Leurs moues sérieuses trahissent l'importance qu'elles donnent à ce débat, à ces choix qu'elles font d'aimer certains personnages et pas les autres. Elle hausse les épaules lorsque Alexandra évoque Shane. Ni heureuse, ni déçue. « Mes favoris finissent toujours par mourir aussi. » C'est sans une once d'amusement qu'elle annonce ce fait, envahi d'une tristesse alors que le souvenir de son dernier personnage favori lui revient en mémoire. « La preuve, je suis encore en deuil à cause de Game of Thrones. » Elle pourrait débattre pendant des heures sur cette série, simplement parler des décors, des costumes ou des musiques, avant de s'arrêter sur les personnages et toutes les intrigues. Mais elle se stoppe, persuadée qu'elles pourront parler de tout ça après s'être évadées. Elle éclate de rire en écoutant Lexie, approuvant silencieusement ses commentaires sur son bon état de santé. Elle est en bonne santé, comparée à d'autres. Leurs regards se posent sur cette blouse affreuse que seuls des habitués peuvent reconnaître et comprendre. Une blouse qui prouve le changement de service d'un patient pour un autre. Ce n'est jamais bon signe mais aucune ne le fait savoir à voix haute. Par respect. Un respect presque intime, complice, l'une partageant les sentiments de l'autre dans cette lutte contre la maladie. Remy se met à tousser, plaquant une main contre sa bouche. Elle ne recrache plus de sang, c'est le seul point positif. « Sérieusement, je devrais t'interdire de sortir de cette chambre. Je suis infirmière, je passe pour quoi à te demander de me suivre ? » Bras croisés, la moue amusée, complètement moqueuse alors que ses lèvres s'étirent dans un sourire insolent. Elle reprend les mots de Lexie mais aucune ne respecte ses paroles. Elle lève les yeux au ciel, pas certaine de comprendre l'intérêt de tout ça. Tenter de se convaincre de rester, elle s'en fout. Elle n'a pas envie. Alors, sans un mot, sans un bruit, la porte s'ouvre, Remy suivant Alexandra comme son ombre, comme son double, comme une complice. Une partenaire, une amie. Elle se fait violence pour ne pas tousser et sa toux hachée, son souffle brisé meurt dans sa bouche. C'est à peine si elle respire. Si Lexie peut le faire, alors elle aussi. Elle se sent seulement partir, ailleurs, laissant le soin à sa partenaire de lui attraper le bras pour l'entrainer dans les sanitaires. Affalée contre les robinets en face de Lexie, elle lui adresse un sourire, appréciant cette vague d'oxygène qui glisse avec difficulté jusqu'à ses poumons. Elle éclate de rire. Sans raison. « Leçon numéro trois : Remy ne regrette jamais rien non plus. » Mais la leçon numéro quatre meurt sur ses lèvres, mélangée à son souffle pourri et saccadé. Remy a toujours raison. Prendre un fauteuil roulant aurait été une meilleure idée. Elle le sait. Elle accepte seulement le choix de Lexie, pire elle le comprend parce qu'elle aurait fait le même si les rôles avaient été inversées. Être malade est déjà pénible, faire semblant l'aurait été encore plus. Elle prend appuie sur ses mains pour se hisser à côté du lavabo et s'y assoir. « Tu fais ce que tu veux. Et moi aussi. » Nouveau sourire insolent, lui prouvant que cette phrase n'est pas simplement balancée pour faire jolie. Ni pour lui faire croire qu'elles sont amies. Cette phrase pue la vérité, Lexie fait ce qu'elle veut, Remy accepte ses choix et est tout aussi libre de ses décisions. « Tu veux quoi comme dessin pour notre tatouage ? » Elle ne compte pas oublier. C'est aussi important que de choisir un personnage favori dans une série. Discuter dans les sanitaires alors qu'elles tentent de s'enfuir, ça devrait être bizarre. Mais ça lui semble normal. Amusant aussi. « Interdiction de proposer un papillon, c'est vraiment ringard. » A vrai dire, il y a toute une liste de motif qu'elle trouve déplacé pour un tatouage. « Tu entends encore du bruit dans le couloir ? On va pas pouvoir rester ici très longtemps. »
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() message posté Mer 30 Déc 2015 - 1:50 par Invité
Je ne pouvais m’empêcher de remarquer les contrastes qui composaient son être tout entier. Je les notais lorsque je me permettais d’observer, avec davantage d’attention, la pâleur extrême de ses yeux bleus. Je tentais d’oublier et d’ignorer lorsque j’en venais à la finesse diaphane de ses traits fatigués. J’aurais aimé qu’on en fasse de même pour moi, qu’on regarde ailleurs, qu’on ne constate pas. Elle le faisait sûrement d’ailleurs, au même instant que moi. Mais elle n’avait pas à s’en faire, selon moi. Ses contrastes lui rendaient hommage, ses contrastes se chargeaient de nous plaquer devant les yeux la personne qu’elle était, au delà de ses symptômes. Elle étouffait ses souffles rauques mais redressait le menton dans un sourire défiant. Elle sifflait à la fin de ses mots mais se redressait au lieu de s’affaisser. Il émanait d’elle une énergie étonnante. Elle n’était que lumière aux premiers abords mais les ombres qui l’habitaient, les ombres qui la harassaient, les ombres dont elle ne pouvait se débarrasser restaient présentes au fond de son regard. Elles se chargeaient d’habiller ses prunelles d’un éclat étrange et enviable. « Leçon numéro une : Remy sait tout faire. » J’appuyai mon dos sur la porte et ne cachai pas mon sourire amusé en croisant sa posture altière et digne. Je ne m’empêchais même pas de l’interroger sur cette manie qu’elle semblait avoir de s’exprimer à la troisième personne comme si elle décrivait les aventures d’une héroïne imaginaire. Elle l’avait fait naturellement, elle devait l’avoir toujours fait. Je ne reprenais pas avec mon ironie habituelle car je trouvais cela étrangement évident. « Leçon numéro deux : Remy ne rompt jamais une promesse. On ira manger un burger. Et on décidera des dessins pour nos tatouages. » Elle plaisantait, elle s’amusait, elle énonçait nos projets futiles avec légèreté. Mais je savais que nous le ferions. Je savais que nous n’allions pas faire marche arrière à moins d’y être forcées par autre chose que les ordres du corps médical. Je tenais à peine sur mes jambes, mes pieds se crispaient à l’intérieur de mes chaussures, tiraillés par les crampes musculaires et les douleurs osseuses. Les toxines semblaient s’être accumulées dans le bas de mon corps. Les fins de ses phrases s’évanouissaient dans un filet de voix et elle portait régulièrement la main à ses lèvres que je devinais tachées de son sang peu de temps auparavant. Et pourtant, je savais. Je savais que nous comptions en minutes le temps qui nous éloignait encore de cette enseigne verte, à l’extérieur. « Daryl fait l'unanimité. Mais on ne devrait pas s'excuser de le choisir comme personnage favori. » Sûrement, mais j’étais ainsi. Je m’excusais de choisir les favoris, je m’excusais de me complaire dans le commun, je m’excusais de me retrouver encore et toujours dans la normalité. Elle aussi, sans doute. Ou nous ne serions pas debout, prêtes à sortir quand tout nous dictait le contraire. Même si le sujet ne s’y prêtait pas, même si le détachement ponctuait chacune de nos phrases, je n’avais pas pu m’empêcher de le remarquer, encore une fois. « Mes favoris finissent toujours par mourir aussi. » reprit-elle d’un air étonnamment triste, sincère. « La preuve, je suis encore en deuil à cause de Game of Thrones. » Je m’étais penchée pour appréhender une nouvelle fois la distance que nous étions supposées parcourir. Je lui lançai un regard entendu comme si nous abordions une nouvelle fois un sujet bien trop sérieux pour être abordé sur le moment. « Sérieusement, je devrais t'interdire de sortir de cette chambre. Je suis infirmière, je passe pour quoi à te demander de me suivre ? » Je laissai échapper un rire silencieux, atténué par le soucis qu’elle pouvait sans doute lire dans le fond de mes pupilles après la toux qu’elle venait de ravaler. « Si j’ai un problème, tu sauras quoi faire. » argumentai-je en haussant les épaules. Elle ne semblait pas en état de faire quoique ce soit, mais si cela pouvait couper court à l’étalage des trop nombreuses raisons qui étaient supposées nous retenir ici.
Ce n’était pas si loin. Ce n’était pas si loin et nous étions pourtant déjà à bout de forces, à bout de souffle. Je l’entendais derrière moi. Je pouvais voir le soulagement dans ses yeux lorsque je me retournais pour l’entraîner en arrière. Comme si nous nous offrions ici un sursis supplémentaire, une pause nécessaire. Je poussai la porte des sanitaires et la refermai derrière nous dans un soupir. Remy se précipitait déjà au dessus des lavabos. Vite, trop vite. Je plissai les yeux en l’observant, soucieuse mais impassible. « Leçon numéro trois : Remy ne regrette jamais rien non plus. » Ses yeux luisaient encore lorsqu’elle les reporta sur moi. Ses poumons s’obstinaient à chercher l’air dont ils avaient besoin et cela semblait l’épuiser plus que le fait même d’avoir la gorge encombrée. « On prendra un milkshake après le burger. » affirmai-je en levant les yeux au ciel. Comme si cela rattrapait tout. Comme si je rajoutais quelque chose à la liste de suffisamment estimable pour nous motiver à continuer. Comme si nous le méritions déjà, après quelques mètres parcourus seulement. « Tu fais ce que tu veux. Et moi aussi. » Je soutins son regard quelques secondes, toujours plus étonnée. Nous ne nous connaissions pas. Nous nous exprimions différemment. Mais nos pensées et nos regards semblaient s’accorder sans même s’interroger. « Ça nous réussit tellement bien. » conclus-je avec ironie en parcourant les toilettes d’un regard amusé. « Cette soirée était à deux doigts de devenir démoralisante. » A deux doigts seulement. Parce qu’elle ne l’était pas encore, il nous en fallait plus. Nous partions pour cela, pour ne pas leur laisser l’occasion d’en venir à ce point. « Tu veux quoi comme dessin pour notre tatouage ? » Un sourire vint se dessiner sur mes lèvres et j’inspirai lentement, pour chasser le trouble qui venait s’emparer de ma vision, pour faire semblant de réfléchir à sa question. « Interdiction de proposer un papillon, c'est vraiment ringard. » reprit-elle alors que je m’apprêtais à répondre. Je fronçai les sourcils. « T’as pas besoin de le préciser. » répliquai-je d’un air sérieux et entendu. « Non, je pensais plutôt à un tribal pour notre courage et notre esprit aventurier. » Je marquai une pause. « Ou un signe chinois en bas du dos, je ne suis pas sûre duquel encore, mais ce serait profond, évidemment. » Je relevai mon regard dans le sien, comme si j’étais véritablement fière de l’originalité de mes choix. « Qui a parlé de ringard ? » Je passai une main dans mes cheveux avant de relever mon menton dans sa direction. « Tes idées ? » Un éclat malicieux passa dans mon regard, attendant de voir si elle pouvait faire mieux. Mais ma jambe tressaillit la seconde suivante, dans un spasme incontrôlé et je me mordis l’intérieur de la joue. « Tu entends encore du bruit dans le couloir ? On va pas pouvoir rester ici très longtemps. » Je fis un pas en arrière avant de retrouver le soutien de la porte dans mon dos. La crampe ne s’atténuait pas et j’eus du mal à m’appuyer sur ma jambe droite. Ces sensations me heurtaient avec violence, simplement parce qu’elles échappaient à mon contrôle. « Je sais. » répondis-je cependant avec assurance. « Je pense … » La douleur remontait de ma cheville au milieu de ma cuisse et j’inspirai avec agacement pour chasser la vague de nausée qui me remontait à la gorge. Je n’étais pas capable de me redresser pour l’instant. « Une minute encore. Quand la lumière s’éteint. » finis-je en croisant son regard. Une minute, c’était tout ce qu’il me fallait. A elle aussi, elle avait manqué de s’étouffer, simplement pour ne pas nous faire repérer. « Tu passes devant. » Et j’autorisai un éclat malicieux à habiller mon regard une nouvelle fois, pour répondre à son air insolent. Nous souffrions de maux différents, mais nous nous en accommodions de la même façon. Si je nous avais trouvé un échappatoire en nous enfermant ici, c’était à son tour de mener la marche pour me forcer à la suivre, me forcer à ignorer la faiblesse de mon corps.[/color]
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