"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici shadows of a feeling /isaac 2979874845 shadows of a feeling /isaac 1973890357
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() message posté Mer 13 Jan 2016 - 19:51 par Invité


oh, we're running out into the wild, don't know
what we're trying to find but we need it.

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Difficilement, Neal fut extirpé de son sommeil par une mélodie stridente. Il grogna, ouvrit un œil et tâtonna avec son bras le côté de son matelas à la recherche de son portable pour arrêter la sonnerie. Quelle heure était-il? La lumière qui empêchait ses yeux d’entièrement s’ouvrir semblait le punir pour s’être encore endormi en plein milieu de l’après-midi. Il fallait avouer que même si son programme de réinsertion commençait progressivement à lui donner des habitudes calquées sur des heures décentes, son rythme n’était pas encore tout à fait mis au point. En arrêt maladie depuis bien trop longtemps, Neal avait acquis la sale manie d’avoir un cycle de sommeil complètement anarchique, comme s’il était en jet lag constant avec le reste de la ville. Lorsqu’il sortait à peine de chez lui, ce n’était pas dérangeant mais maintenant qu’il regagnait petit à petit la surface, garder cette cadence semblait plus compliqué à gérer. Un pop up s’afficha sur l’écran de son téléphone: useless therapy (3). Oui, si vous vous posiez la question, Neal avait effectivement pris le soin d’ajouter un glorieux adjectif aux différents évènements qui ponctuaient son quotidien depuis quelques mois. Le numéro était tout simplement pour lui indiquer quelle thérapie il s’agissait ; celle de la psychologue qu’il voyait 3 fois par semaine, celle qui concernait l’heure à laquelle il devait prendre ses médicaments et la troisième, celle au centre de réinsertion. Aujourd’hui, il fallait qu’il se rende au centre de réinsertion. L’homme détestait ce nom. Il avait l’impression d’entrer dans un asile pour fous, ou dans un établissement pour les pariah de la société. Ré-insertion. Est-ce que cela signifiait qu’il avait été exclu de la société et qu’on voulait le civiliser de nouveau? Dans ce cas, est-ce que cela voulait dire qu’il n’était pas civilisé? Etait-il un sauvage? Pas quelqu’un d’humain? Un monstre? Si au lycée, Neal n’avait jamais été passionné par la philosophie, il trouvait aujourd’hui avec ironie que finalement, s’il avait raisonné de la même façon il y a quelques années, peut-être aurait-il réussi à faire décoller ses notes. Passant rapidement dans la salle de bain pour se préparer, il attrapa un t-shirt et un gilet qui traînaient depuis au moins cinq jours sur le canapé, un jean qui pendait sur la poignée de la porte et les enfila en deux temps trois mouvements avant de quitter son appartement. Danny lui aurait encore crié dessus en voyant comment il se négligeait, mais l’homme ne s’en souciait guère. Il allait dans un centre de réinsertion où se trouvaient d’autres personnes 'dans le même cas' que lui, parait-il. Il n’allait pas défiler à la Fashion Week de Londres. Et puis, il avait perdu la seule femme avec qui il avait envie d’être, pourquoi se faire beau? Sa capuche recouvrant sa tête et les mains fourrées dans les poches de son jean foncé, il avança tête baissée, connaissant parfaitement le chemin vers le centre de réinsertion. Ses pas étaient fermes, d’une cadence similaire à une démarche de militaire qu’il avait conservée depuis qu’il était entré dans l’armée. Il avançait rapidement, regardait droit devant lui sans faire attention à ceux qui passaient à côté de lui, au cas où il croiserait quelqu’un qu’il connaissait. Arrivé devant le centre de réinsertion, Neal jeta un coup d’œil sur son téléphone pour checker l’heure. Sa séance commençait dans un quart d’heure. Un quart d’heure, il avait le temps de fumer une cigarette. Retirant sa capuche, il s’installa sur un banc, les pieds posés sur la planche initialement destinée à ce qu’on s’asseye dessus, et le postérieur posé sur le dossier du banc. Le vent froid venait entièrement le happer mais la chaleur de la cigarette suffisait pour le réchauffer. Distraitement, il tourna la tête et vit un homme, brun, d’à peu près son âge, assis sur un banc voisin. Neal déglutit difficilement. Isaac Von Ziegler. Ses pensées s’entremêlaient dans son esprit, il était tellement ailleurs qu’il ne se rendit pas compte qu’il le fixait intensément depuis quelques secondes et lorsque son regard croisa celui d’Isaac, il mit bien quelques secondes à détourner le sien. Tirant une nouvelle taffe de sa cigarette, le blond finit par briser le silence: « Alors, tu n’entres pas? » Ils se connaissaient à peine, et pourtant, sans même le savoir, Isaac était bien l’un des objets des tourments de Neal.
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() message posté Mar 26 Jan 2016 - 14:10 par Invité
“If you tell the truth, you don't have to remember anything.”  Je m'arrêtai tout à coup au milieu de la chaussée. Ma respiration sifflait au fond de ma gorge avant de s'évanouir entre les poils hirsutes de ma barbe négligée. Je répondais parfaitement au cliché du survivant. J'avais abordé mes premiers mois de liberté en laissant ma colère couler en amont, derrière mes silences mornes et mon attitude méprisante. Quelle que soit la direction vers laquelle je tournais mes regards j'avais l'impression constante d'être seul. Je ne découvrais plus aucune source de bonheur. La puanteur envahissait tout. Je sentais l'odeur putride des choses usées, des cadavres abandonnés entre les dunes du sable brûlant. Ils étaient tous morts. Un frisson de dégoût traversa mon échine alors que j'appuyais sur les pédales de ma moto. La circulation saturée de la ville limitait mes élans impulsifs. Je ne parvenais pas réellement à m'échapper. L'air qui fouettait mes cheveux n'était que le pâle reflet d'une caresse. Je crispai mes phalanges engourdies sur le guidon avant de m'élancer dangereusement entre les carcasses des voitures. Mon regard s'épandait sur le monde, il le recouvrait d'un voile opaque et transformait toutes les lumières en fantômes fugaces. Je revoyais les visages meurtris des anciens combattants, tous affligés par la même douleur. L'agonie. La désillusion. La peur. D'un geste brutal, je me cambrai afin de me faufiler dans une ruelle piétonne. Mes jambes vibraient contre les parois glacées du métal. Je voguais hors du temps. Je me rapprochais de l'esquisse d'un rêve lointain, prêt à l'accueillir dans mes bras, mais au dernier moment je finissais pas me rétracter. Je n'avais aucune force pour me battre contre la fatalité. Je me sentais toujours étranger à Londres. Même après onze mois de thérapies et de suivis psychologique, les tourments du cœur restaient impénétrables. Je peinais à toucher Olivia de la même manière. A l'écouter et à l'aimer correctement. Je frissonnai en stationnant à l'entrée du centre de réinsertion. Sur le rétroviseur, mon reflet était celui d'une chimère. Ses grands yeux vides s'apparentaient à mon expression, mais il n'existait en réalité aucun élément de ressemblance entre nous. Je crispai la mâchoire en descendant de ma bécane. A défaut de pouvoir reprendre mon identité de soldat américain, je devenais le prisonnier déchu, celui qui était asservi par la violence et les humiliations des talibans. Je ne les oubliais pas. L'écho de leurs injures dansait sans cesse autour de mon esprit. Je serrai les dents en m’éloignant du parking. Les silhouettes s’agitaient autour de moi. Nous étions tous des hommes de l'honneur entre ces murs mais je refusais de me joindre à l'accalmie générale. Je n'étais comme eux. J'avais vécu au cœur du conflit. Je connaissais tous les versants de l'histoire que la presse s'amusait à boudiner dans tous les sens. J'avais vu le sang couler au bout de mon fusil de précision et l'expression stupéfaite des enfants qui tombaient sur le sol ensanglanté des petits villages de Zabol. Je n'avais pas besoin de réparer mon passé. Je devais avancer en traînant toutes mes désillusions. Quel était ce traitement miracle qui me permettrait d'expier mes erreurs ? Quel comprimé fallait-il que j'ingurgite à présent ? A quelle dose ? A quelle fréquence ? Je haussai les épaules en me dirigeant vers un banc. Les vestiges de la guerre accompagnaient ma démarche lasse et fatiguée, celle qui avait remplacé l'allure fière et nonchalante de mon bel uniforme. Je calai une cigarette entre mes lèvres, et pendant une fraction de seconde, j'imaginais les mains rugueuses de Hakim l'enfoncer dans ma gorge. J’étais assailli par la confusion. Je voulais calmer mes ardeurs mais la maladie s'infiltrait inévitablement dans mes veines. Je me cambrai en plaquant mes mains squelettiques sur mes oreilles, puis je humai les vapeurs de la nicotine avec profondeur. Je me délectais de chaque volute épicée qui s'engouffrait dans mes poumons. Je m'abandonnais à une nouvelle forme d'addiction pour mieux me conformer au culte du vice. « Alors, tu n’entres pas? » Je tournai brusquement la tête, surpris d'être interrompu par une voix si réelle. Mes yeux se fixèrent sur la silhouette élancée du jeune homme. Un ancien pilote de drone. Un tueur par procuration. Je laissai mes bras retomber sur mes genoux en esquissant un faible sourire. « Je n'ai pas cessé de rentrer. Tu ne le vois pas ? Je suis déjà guéri. » Déclarai-je avec détachement. J'arquai un sourcil avant de désigner une place libre à mes côtés. Il pouvait s'installer s'il se sentait capable à prétendre pendant quelques heures que tout allait bien dans le meilleur des mondes possibles. Après tout, c'était plus agréable de mentir à l'air libre plutôt que dans un bâtiment confiné. « Laisse moi deviner, on t'a dis que tu reprendrais le service après quelques séances ? Juste le protocole ? » Je pressai mes doigts autour de mon filtre en allongeant les jambes. La vraie séance commence maintenant.
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() message posté Sam 30 Jan 2016 - 10:27 par Invité
Neal ne savait pas trop à quoi s’attendre en engageant la conversation avec Isaac. Il ne savait pas ce qui l’avait poussé à le faire, pour quelles raisons il l’avait fait et maintenant que ce dernier avait la tête tournée vers lui, il n’y avait plus vraiment de possibilités de marche arrière. Impassible, il regardait droit devant lui, n’osant pas jeter de coup d'oeil vers l'homme même si une curiosité presque malsaine venait lui titiller l'esprit. Il imaginait l'expression de son visage. Était-il triste? Heureux de pouvoir retrouver la terre londonnienne? Blasé? Sarcastique? Ou peut être qu'il était comme Neal et qu'il tentait de paraître le plus détaché possible. Peut être qu'il cachait ses sentiments, ses faiblesses. Le blond était persuadé que personne ne pouvait savoir ce qu'il ressentait, et de la même façon, il était incapable de se mettre à la place d'Isaac. Son histoire avait fait le tour dans l'armée. Le soldat retenu en captivité par des talibans. Le soldat qui avait survécu. Il se souvenait que lors de sa libération, il avait entendu des gens tenir des propos du genre 'ce doit être un grand soulagement pour lui' ou bien 'il peut enfin commencer une nouvelle vie' mais qui étaient-ils pour l'affirmer? Comment pouvaient-il oser imaginer ce qu'avait vécu Isaac? Neal, lui, refusait de même tenter de le faire. D'une certaine manière, il l'avait vécu, c'était suffisant. Du moins, il avait bel et bien vécu le déclenchement de son calvaire. N'osant toujours pas reporter son attention sur lui, il l'écouta attentivement avant de lâcher un petit rictus. « Moi aussi je suis guéri. » répondit-il à son tour d'un ton léger, presque peu convaincu. Isaac semblait être ironique. Enfin, il l'avait perçu comme cela. De toute façon, de quoi était-il guéri? Il utilisait ce mot comme s'il parlait d'un cancer ou d'une morsure de chien. Or, si les blessures physiques n'étaent sûrement plus d'actualité, les blessures mentales, elles, restaient. Aux yeux de Neal, elles pouvaient être pansées, oui. Oubliées pendant un certain temps. Soulagées. Mais elles ne pouvaient pas être guéries. Malgré la fumée de la cigarette qui chatouillait son nez, le froid lui mordait les lèvres et l'ancien militaire eut la sensation que cette discussion ne faisait qu'accentuer cette impression de vent glacial. L'ambiance n'était pas froide, mais il ne se sentait pas réellement à l'aise. Après tout, comment se sentir à l'aise face à un homme qui avait vécu autant d'horreurs? Et surtout, comment se sentir à l'aise face à un homme à qui on avait causé autant de tord? Et encore, le mot 'tord' n'était certainement pas approprié. La bonne phrase aurait été 'à qui on a brisé la vie', incontestablement. Et pourtant, malgré cette haine de soi-même et cette petite voix qui ne cessait de lui répéter de ne pas s'approcher de lui, de ne pas encore plus faire de dégâts, lentement, Neal finit par s'asseoir à côté d'Isaac, à l'autre bout du banc. Il n'avait pas envie d'entrer dans le bâtiment froid, qui lui foutait plus les jetons qu'autre chose. Il hocha la tête, tirant une dernière taffe de sa cigarette. « Ouais. » Son souffle se répandit au dessus de lui dans l'air, dans une fumée grise et parfaitement maîtrisée. « Mais je n'ai aucune envie de reprendre mon poste. Je ne veux plus faire ça. » Jamais. Neal savait qu'il appartenait à l'armée, quelque part. D'un certain point de vue, ça avait toujours été le cas finalement, avec son père qui avait été colonel. Il avait pris la décision de s'engager et aujourd'hui, il avait tout lâché. Il avait failli. Son esprit était tiraillé par deux contradictions: d'un côté, il s'en voulait d'avoir abandonné mais de l'autre, la voix en panique d'Isaac dans son oreillette au moment où il avait été capturé retentissait, toujours aussi fatalement claire. Ce souvenir le frappa de plein fouet quand il réalisa encore une fois qu'il était assis à côté de lui et un frisson lui parcourut l'échine. « Est-ce que tu penses que toutes ces histoires de thérapies, c'est censé marcher? Je veux dire, tu ne peux pas effacer tout ce que tu as vécu en parlant à des inconnus. Tu ne peux pas effacer tes erreurs, non plus. » Là, il parlait surtout à lui-même. Neal lâcha son mégot par terre et l'écrasa de son pied avant de se cambrer, les coudes fermement appuyés contre ses genoux. « Comment tu vis? » demanda-t-il dans la foulée, d'une voix rauque. Il ne lui demandait pas s'il allait bien, ce qu'il avait fait de nouveau, non. Il lui demandait comment il vivait. S'il vivait en fait, pouvait-on sous-entendre.
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() message posté Lun 1 Fév 2016 - 22:22 par Invité
“If you tell the truth, you don't have to remember anything.”  Je toisais Neal du regard sans prendre la peine de me lever pour le saluer de manière plus accueillante. Je savais qu'il n'avait pas besoin d'une représentation théâtrale sur les valeurs de la bienséance pour comprendre mon invitation. Il n'avait pas non plus besoin que je m'étende dans les expressions pompeuses que la société imposait afin de définir les limites. Ces dernières étaient déjà bien connues. Je haussai les épaules en me laissant bercer par les vibrations du vent tout autour du jardin. Tout à coup, le bâtiment réservé aux séances de réinsertion militaire me semblait bien loin. Ses façades grisonnantes disparaissaient derrière un nuage de fumée opaque, me laissant seul avec mes désillusions. Seul, avec la compagnie d'un homme dont la voix m'était étrangement familière. Je relevai lentement la tête vers son visage aigri. Comment tremper mon esprit dans ses pupilles constellées d'étoiles ? Comment nommer ce lien alambiqué qui resserrait ses étaux autour de ma conscience ? Mes doigts glissèrent sur le rebord de ma mâchoire, faisant rouler ma peau translucide entre le bout de mon ongle et le coin de mon os. La douleur était là. Elle prenait naissance à la racine du muscle avant de s'épandre sur mon corps tout entier. Je frémis sous les souffles du vent, puis d'un geste las et fatigué, je m'adossai au banc. Neal, le pilote de drone anglais. Le soldat déchu du ciel. Le héros qui vivait la mort à travers les calibres de son tableau de bord. Je pouvais lui coller un millier d'étiquettes. Je pouvais lui inventer toutes les histoires et leurs contraires afin de ponctuer les doutes qui germaient dans mon cerveau. Mais je n'en faisais rien. Par respect, ou simplement par manque d'intérêt. Nous étions identiques dans notre malheur, mais cela impliquait-il une réelle connexion? Je humai les parfums suaves de la nicotine qui se versaient sur ma poitrine. Après cinq années de captivité, j'avais réappris à apprécier à l'amertume du tabac. J'avais choisi de replonger dans une mauvaise habitude afin d'en oublier une autre. Celle de tuer sans merci. Celle de m'incliner face à l'autorité de mes commandants. « Moi aussi je suis guéri. » Sa remarque me fit sourie malgré le timbre sombre de sa voix. Il acceptait de se prêter au jeu des hypocrites avec moi. Je me tournai vers lui, subjugué par son allure ténébreuse. Je voyais en lui la prestance d'un diable qui n'avait jamais connu la mort, mais qui en avait adopté tous les gestes. C'était presque fascinant de le voir bouger au gré des volutes de fumée. Il maîtrisait le rythme de sa respiration, et je me demandais s'il s'agissait d'un ancien tic militaire ou d'une manière d'exister dans la modération. Je ressentais son émoi malgré toutes ses tentatives pour le cacher. Je pouvais presque l'effleurer car il m'était si facile de calquer ma propre peur sur son expression brisée. «  Ouais mais je n'ai aucune envie de reprendre mon poste. Je ne veux plus faire ça.  » Pensait-il réellement avoir ce pouvoir ? Celui d'objecter ? D'avoir une opinion au sujet de son avenir ? Le système s'était déjà fermé. Nous étions les parias, les laisser pour compte. Une fois la descente entamée, la chute était inévitable. Je savais que je ne pourrais plus jamais opérer sur le front. Mes jours de gloire étaient révolus à présent. Je fermai les yeux en m'abandonnant aux flux de ma pensée. Dans l'obscurité, le monde était encore mieux. Il n'y avait plus les lumières et les artifices. Le silence parfois oppressant, se transformait, il se décomposait et laissait place à l'accalmie totale. L'absence de douleur. Voilà, la finalité du bonheur. « Que veux-tu faire alors ? » M'enquis-je avec lenteur. De la poterie ? Tresser des perles sur la plage ? Je grinçai des dents en inspirant profondément. Cela me semblait impossible de construire une carrière après la guerre. Aucun domaine n'était comparable. Aucune notion ne pouvait être appliquée. « Est-ce que tu penses que toutes ces histoires de thérapies, c'est censé marcher? Je veux dire, tu ne peux pas effacer tout ce que tu as vécu en parlant à des inconnus. Tu ne peux pas effacer tes erreurs, non plus. » Son discours était si léger. Je comprenais ses mots sans interpréter son vécu. Je l'écoutais hausser le ton et dévoiler un nouveau versant de son complexe de survivant. Il doutait de la rédemption tandis que je niais son existence même. Bien sûr que toutes les thérapies étaient inutiles. Ce n'était qu'une manière de surveiller les rescapés. De garder le contact. « Des fois, je me force à y croire pour ma femme. Mais en vérité je ne penses pas qu'on puisse effacer nos erreurs. Elles sont trop nombreuses. Elles ont été commandité par les autres. » J'assumais toutes la responsabilité de mes actes mais je tenais à faire la part des choses. L'armée n'était pas une démocratie. Il s'agissait d'obéir aux supérieurs, de prouver sa valeur au sein d'une ambiance anarchique et bien rodée. L'oreillette crachait le feu et le fusil devenait son allier, l'outil qui embrasait les villages cibles. « Comment tu vis? » Neal écrasa son mégot sur le sol et je lui tendis mon paquet de cigarettes d'un geste sec. Je ne voulais pas qu'il arrête tout de suite. L'écran fumigène qui se dressait entre nos deux silhouettes agissait comme un rempart. Il m'empêchait de pousser la curiosité plus loin. Les limites, toujours les mêmes lignes qu'il ne fallait pas franchir. Je raclai la surface de mon jeans en marmonnant les versets d'une croyance populaire persane. J'invoquais la puissance de Mithra, le maître du libre espace. « Tu penses que je vis  parce que je suis assis sur un banc, que je fume une cigarette et que je te parle avec l'aisance minimum du vivant. Je suis mort Abernathy. Je suis mort sur mes papiers et la cour de justice refuse de me rendre ma liberté. Tout ce que l'armée fait pour moi c'est me restituer mes biens et mon nom. Alors que je veux retrouver une vie. » Je me détournai de lui afin de me perdre dans l'horizon brumeux de Londres. Je soufflai sur mon menton avant de ricaner d'un air mauvais. « Surpris ? Je fais des efforts. Peut-être que parler à un inconnu est une solution. Il faut simplement choisir le bon. » Je me mordis la lèvre inférieure. « Tu es bien un inconnu Neal Abernathy ? » M'enquis-je avec douceur, comme si je lui confiais un terrible secret.
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() message posté Mar 9 Fév 2016 - 18:12 par Invité
Sans détourner son regard de l’horizon, Neal recracha lentement, presque méthodiquement la fumée dont l’odeur de tabac embaumait l’air. Que souhaitait-il faire? C’était une bonne question. Il avait l’impression qu’à présent, aucune porte ne lui serait ouverte. Il n’était plus ce jeune militaire ambitieux et désireux de servir son pays. Il n’était plus non plus ce militaire qui exécutait sans rien demander les ordres. Il n’était plus personne. Le monde ne pouvait plus rien lui offrir, pas après l’enfer dans lequel il était tombé. Il suivait avec assiduité ce stage de réinsertion dans lequel on l’avait placé mais au fond, le blond savait dores et déjà que même lorsqu’il serait jugé apte de reprendre son poste, d’être ‘réinséré’ puisque c’était visiblement le bon terme, la douleur ne partirait pas. La culpabilité l’avait tellement rongé jusqu’aux os qu’elle serait toujours là, marquée au fer rouge dans toutes les actions de sa vie. « Je veux oublier. » lâcha-t-il, d’un ton morne. Oublier. Ne plus se souvenir de rien, faire comme si rien de tout cela ne s’était passé. Neal préférait oublier plutôt que de se racheter. Et pourtant, l’un comme l’autre était impossible, il le savait. Il pouvait se lancer avec applications dans toutes les thérapies existantes, prendre tous les médicaments possibles, rien ne permettrait d’oublier. Voir Isaac, entendre le son de sa voix lui rappelait avec vivacité chaque moment passé dans ce bunker. Chaque fois qu’il avait appuyé sur le joystick pour déclencher le missile. Il se souvenait encore de la première fois qu’il avait reçu l’ordre de tirer, l’explosion de la maison lui avait procuré des frissons sur l’avant-bras, son cœur battait à une vitesse fulgurante. L’adrénaline, l’impression d’avoir fait quelque chose de bien. Et puis, au fur et à mesure que les missions s’enchaînaient, c’était des frissons d’horreur, des hauts le cœur. Neal ne prit même pas la peine de retourner la question à Isaac. Il ne savait pas si c’était raisonnable ou même normal de lui demander et ne voulait pas prendre le risque de le froisser. Il ignorait si s’être engagé dans cette conversation était une bonne idée. Il était tiraillé; d’un côté, il aurait eu l’impression de se montrer impudent s’il ne l’avait pas abordé et de l’autre, lui parler sans lui avouer qui il était vraiment lui semblait être du foutage de gueule. Neal ne savait pas quoi faire, quoi dire. Il se battait avec sa conscience, sans obtenir de réponses. Il l’écouta attentivement et eut un pincement au cœur quant Isaac évoqua sa femme. Il avait détruit la vie de cet homme. Il l’avait arraché de sa femme, de sa famille, sûrement. Interdit, le blond ne montra rien de la torture intérieure qu’il s’infligeait, facilité par ses membres frigorifiés à cause du vent glacial. Il n’était pas tout à fait d’accord avec Isaac. Certes, ses actes étaient commandités par l’armée, mais il restait quand même maître de ses faits et gestes. C’était lui qui appuyait sur le joystick de la même façon qu’Isaac avait dû appuyer sur la gâchette. « Tu parles comme si tu devais te reprocher quelque chose. Tu t’es fait capturer, tu as subi. De quelles erreurs devrais-tu te faire pardonner? » demanda-t-il d’un ton léger, sans forcément mesurer ses propos. Son histoire avait fait le tour dans l’armée, tout le monde était au courant de son identité. Isaac le rescapé. Ca pouvait sonner bien dit comme cela, mais Neal aurait préféré ne jamais entendre parler d’Isaac. Du moins, pas de cette façon. Pas avec toutes ces images douloureuses qui apparaissaient dans son esprit comme des flashs, brefs mais bien trop nets. Un peu surpris quand il lui tendit son paquet de cigarettes, il ne fit cependant aucun commentaire et en prit une, la coinçant entre ses lèvres sans tout de suite l’allumer. Si Neal avait été fumeur depuis quelques années, sa consommation de tabac avait progressivement augmenté jusqu’à aujourd’hui atteindre un seuil qu’il n’aurait jamais pensé dépasser auparavant. Il était faible. Comme tous les autres, il se noyait dans l’alcool quand il voulait oublier, et comme tous les autres, il fumait quand il se sentait nerveux, ou simplement par réflexe, maintenant. « Tu penses que je vis  parce que je suis assis sur un banc, que je fume une cigarette et que je te parle avec l'aisance minimum du vivant. Je suis mort Abernathy. Je suis mort sur mes papiers et la cour de justice refuse de me rendre ma liberté. Tout ce que l'armée fait pour moi c'est me restituer mes biens et mon nom. Alors que je veux retrouver une vie. » Sa réponse lui fit froid dans le dos même si finalement, il ne s’était pas forcément attendu à quelque chose de plus joyeux. Après tout, comment pouvait-on se reconstruire après avoir vécu une chose pareille? D’un coup, Neal ne sentait très égoïste. Il s’en voulait de sous-estimer autant sa vie alors qu’Isaac avait justement subi les conséquences de ses actes. Il s’en voulait de devoir participer à ces thérapies alors qu’il n’avait pas vécu l’horreur même sur le terrain, mais uniquement à travers un écran. « Surpris ? Je fais des efforts. Peut-être que parler à un inconnu est une solution. Il faut simplement choisir le bon. Tu es bien un inconnu Neal Abernathy ? » Pour la première fois depuis de longues minutes, l’ancien militaire se tourna vers son interlocuteur, le dévisageant. Son visage avait des cicatrices plus ou moins voyantes, mais il était quasiment persuadé que sa barbe en cachait d’autres, ainsi que ses vêtements. C’était une chose à laquelle il n’avait jamais eu affaire, lui. La violence physique, la vraie. Les pilotes de drones tuaient à distance et tentaient de se convaincre que leurs actes étaient moins graves qu’appuyer sur une gâchette et voir s’écrouler un homme s’écrouler à quelques mètres, voir centimètres d’eux. « Si tu connais mon prénom, c’est que je ne le suis pas tant que cela. Mais je ne pense pas être le bon inconnu. » L’envie de lui rappeler leur mission commune lui brûlait les lèvres. Il alluma sa cigarette, inspirant de nouveau la fumée avant de la recracher en levant la tête. « Est-ce que tu te souviens de ce qui s’est passé? Juste avant qu’ils ne— qu’ils ne t’emmènent. » Trop tard. Ça s’était échappé par mégarde, il n’avait pu s’empêcher d’aborder le sujet. Neal avait besoin de savoir. Besoin de savoir si Isaac avait les mêmes souvenirs, besoin de savoir s’il lui pardonnerait un jour.
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() message posté Mer 10 Fév 2016 - 15:32 par Invité
“If you tell the truth, you don't have to remember anything.”  C'était curieux, la vie. Les événements s'enchaînaient comme ça. Tout se mélangeait et les instants de grâces succédaient aux doutes. Je ne savais plus faire le tri dans mes émotions. Je plissai les yeux en récitant les psaumes de mon identité déchue. Isaac Von Ziegler, seul héritier du fardeau familial. Isaac Von Ziegler, fils indigne, oiseau de feu tombé dans l'oubli avant d'atteindre le sommet des étoiles. Un frisson de dégoût traversa mon échine alors que je me dressai face aux bourrasques du vent. Mon sang s'était transformé en poussière. Il s'écoulait dans mes veines en filets avant de s'arrêter tout à coup. Et je me rendais compte que le sablier était vide. Je m'étais lassé de l’existence bien rangée de l'humanité. J'étais un étranger. Un outsider. Je le voyais tous les jours. Je le sentais s'infiltrer sous ma peau consumée par la culpabilité. Mon souffle se brisait au fond de ma gorge. Les mots s'enroulaient autour de mes cordes vocales avant de se fragmenter en notes musicales, en grognements bestiaux, que je lançais le soir du fond de ma baignoire. J'étouffais mes vérités, comme tant d’affabulations mensongères. Je dormais dans la salle de bain car l'humidité de la céramique me confortait dans ma solitude. Choc post traumatique. Complexe du survivant. Trouble comportemental obsessionnel. La guerre m'avait pris quelque chose. Elle avant pénétré à l'intérieur de ma chair et m'avait pourri à l'origine. Je me tenais face à la silhouette de Neal mais je n'étais plus qu'une chimère. Une carcasse abandonnée dans une cellule d'isolement, quelque part dans les déserts d'Afghanistan. J'avais senti les parois de ma prison se muer dans le silence et reprendre leur forme initiale. L'effroi. La violence. La douleur. «Je veux oublier. » Je haussai les épaules en tirant sur le filtre de ma cigarette. Oublier, en voilà un projet bien ambitieux pour un soldat. Il y avait des blessures qui ne guérissaient pas, et d'autres qui continuaient leur ascension vers le cœur. Et malgré, les belles journées ensoleillées comme celle-ci, je parvenais encore à dérouler mon décor tragique dans l'espace. Pas une âme, pas une nuance de compassion. Seulement le vide qui s'étendait dans toutes les directions. «Bonne chance.» Déclarai-je d'une voix rauque. Bonne chance, mon intonation ne débordait pas de sincérité. Je ne le pensais pas vraiment. J'avais reçu plusieurs coups dans la tête. J'étais tombé sur le sol maculé de sang et d'urines. Je m'étais effondré dans l'inconscience, mais je n'avais jamais réussi à oublier. Physiquement, il était possible d'effacer les souvenirs. Mais le malheur des militaires était plus grand. Il s'accrochait avec acharnement au temps. Il était ancré dans le regard effarouché de celui qui avait vu trop d'horreur. «Tu parles comme si tu devais te reprocher quelque chose. Tu t’es fait capturer, tu as subi. De quelles erreurs devrais-tu te faire pardonner?» Je fermai les yeux en allongeant les jambes. Il avait raison. Je m'étais fait capturé. J'avais subi. Mais avant cela qui était le vrai meurtrier ? Je frémis en imaginant la pointe de mon fusil briller dans l'horizon. J'avais choisi ma destinée. J'avais adoré la vie à l'armée et l'esprit fraternel qui régnait au sein des troupes américaines. Je m'étais lié d'amitié avec tous les hommes et je m'étais attaché aux idéaux que la formation m'avait imposé pendant de longues années. J'étais né pour servir la patrie. J'étais né pour mourir en héros. Mais j'étais revenu. J'étais là, et je n'étais pas un putain de héros. Je secouai les épaules avec lassitude. L'air était si lourd autour de moi. Il caressait les jointures de ma mâchoire squelettique avant de s'engouffrer entre les poils hirsutes de ma barbe négligée. Je n'aimais pas me dévoiler. Je ne voulais pas montrer les traces des mutilations et les cicatrices qui traçait des lignes infinies sur mon épiderme. C'était probablement la raison de mon allure dépravée. Mais au-delà de l'apparence, je ressentais ce besoin d'isolement. Une sorte de réflexe. Une habitude à force de ruminer ma colère dans le noir. Je relevai mon regard assombri vers Neal. Mes pupilles étaient ternes et sans éclats. Je n'osais pas énoncer les mots. Je n'osais pas les prononcer à haute voix. Notion lien était comme rompu à sa racine. Parce que j'ai tué des civiles, des enfants, des femmes enceintes. Je les ai tous tué. Je ne comptais plus les interventions secrètes ni les revirements stratégiques de l'armée. Durant mon mandat, le pouvoir politique avait changé deux fois. Et chaque nouveau président abordait la guerre avec une optique différente. Avec une hypocrisie mordante et éprouvante. On m'avait chargé des missions de commando. On m'avait sommé d’œuvrer pour la paix, mais j'étais un tueur d'élite. Je ne connaissais que la précision des tirs. Je ne voyais que les contours de la cible mouvante. Quelque soit sa forme, sa taille ou son ethnie. Je tirais lorsque l'oreillette l'ordonnait. Je jouais mon rôle à la perfection. Je fixais les nuances dorées du sable lorsqu'elles devenaient pourpres et je me levai d'un air victorieux, prêt à recevoir les acclamations de mes frères d'armes. J'arquai un sourcil. Je ne regrettais pas mon parcours, seulement la portée de mes actes. Je ne pouvais pas me faire pardonner. Je ne pouvais pas revenir en arrière et ressusciter tous les morts. J'avais perdu un enfant moi aussi. J'avais perdu un fils et j'en avais tué un millier d'autres. «L'homme qui m'a torturé s'appelait Hakim. Il a perdu sa famille dans une explosion. Un drone très probablement. Il avait une fille de trois ans et un nourrisson de quelques mois. C'était ma mission. Je l'ai dirigé. Je l'ai fais. » Les talibans m'avaient brisé. J'avais entendu leurs injures et leurs interrogations. J'avais subi les supplices du corps et de l'esprit. Et chaque nuit de solitude m'ouvrait les portes vers un nouvel horizon. Je ne pouvais pas fuir la fatalité. J'étais mitigé par un sentiment de haine et de culpabilité. Ma captivité me semblait si méritée par moments. Puis la douleur me faisait perdre la raison. Je n'étais plus lucide et je me transformais en bête sauvage. Je hurlais pour que les tortures s'arrêtent. Je m'époumonais pour que la lame s'enfonce en profondeur ou qu'elle se dégage complètement. J'en avais assez de vivre au milieu. Je ne voulais plus de l'agonie. Vivre ou mourir. J'avais fait mon choix mais on ne m'avait jamais accordé ce droit. Je me repliai sur mon siège, les doigts crispés sur mon paquet de cigarettes. Neal avait accepté mon invitation. Il s'était servit dans mon poison et je lui étais reconnaissant de partager un instant à mes côtés, dans le déni, dans une dimension intercalaire entre le chaos et la lumière. J'étais lâche. J'avais été lâche et aujourd'hui, lorsqu'on m'adressais un salut militaire ou un regard plein d'admiration, j'avais envie de vomir. Parce que je savais que l'opinion publique avait déformé toutes les réalités. Je savais que la presse mentait au sujet des interventions militaires au Moyen-Orient. « Si tu connais mon prénom, c’est que je ne le suis pas tant que cela. Mais je ne pense pas être le bon  inconnu. » J’acquiesçai en fixant la flamme dansante de mon briquet. Peut-être que le bon inconnu n'existait pas. Peut-être que le concept même de l'inconnu n'était qu'un ramassis de conneries. Je sentis un pincement dans ma poitrine. Je connaissais son prénom mais j'ignorais tout de son histoire. Cela faisait donc la différence. «Est-ce que tu te souviens de ce qui s’est passé? Juste avant qu’ils ne— qu’ils ne t’emmènent. » Sa question me prit de court. Les étincelles du soleil se refermèrent sur ses paroles, comme cristallisées par sa terreur. Je la reconnaissais. Je la ressentais moi aussi. Un gémissement traversa mes lèvres alors je plongeais dans les méandres de mon âme. Tout à coup, j'étais à Bala Buluk. Je n'arrivais pas à bouger. Le feu entourait ma silhouette flétrie par la douleur. J'avais perdu mes plaques d'immatriculation et mon alliance de mariage. J'étais sans identité au milieu des dunes. Je sentais l'odeur de la chair calcinée et des corps brûlés. Je sentais les secousses et les tremblements du sol sans parvenir à compter le nombre d'explosions qui avaient assailli le commando. Ma voix raisonnait en écho dans le vide sans articuler le moindre appel à l'aide. Je ne voulais pas qu'on me porte secours.  Je désirais uniquement succomber en harmonie avec l'ambiance chaotique qui régnait dans cet espace morne. Mon cœur s’étouffait dans ses propres poisons, déversant des larmes de sang et de poussière à travers mes plaies béantes. Je me vidais complètement. L'essence de ma puissance s'écoulait sur le tissu froissé de mon uniforme. Je relevai la main droite afin de me protéger des projectiles. Je songeais au visage angélique d'Olivia dans mes derniers instants alors que le vent entourait ma silhouette. Je mourrais en héros. Je tombais pour la nation, enfin arrivé à la concrétisation d'un ancien rêve de jeunesse et perpétuant les traditions militaires de la famille Von Ziegler. Mon père serait tellement fier de moi. Enfin, il pourra sourire en articulant mon nom. Je sentais mes muscles se contracter avec violence comme si mon corps pouvait encore galoper à toute vitesse, se ruer, se cabrer et rejoindre les étendues sauvages du désert. Mon souffle rythmait mes hallucinations. Mes visions se succédaient et tous les visages tourmentés de mes proches défilaient derrière mes paupières. Je suffoquais en crachant des boules de glaire et de fibres sur mon menton. Mes ongles sales s'enfonçaient dans les éléments qui m'entouraient. Je m'agitais dans tous les sens. Je m'abandonnais totalement à la mort et j'avais tellement peur. Je pensais m'être préparé au pire. Mais, la réalité me percutait de plein fouet. Toute mes quêtes étaient vouées à l’échec. J'allais laissé une veuve et des promesses inachevées. J'allais quitté le monde à la fleur de l'âge. J'allais cesser d'exister. Et derrière les belles prières de la religion, il n'y avait rien d'autre que le néant. Je me transformerais en souvenir puis je deviendrais un écho qui s'évanouir dans le silence. Je partais sans rien. Asservi et dévêtu. Sans fortune ni honneur. Ma vie éternelle était coincée dans l'immobilité glaciale d'une province paumée d'Afghanistan. Je me redressai avec difficulté. Je bataillais pour reprendre mon souffle mais la douleur embrasait ma poitrine avant de s'éteindre au creux de mes flancs. Je ne sentais plus mes bras. Je ne sentais plus mon bassin. Ni mon cerveau. Je ne pensais plus. Mes yeux plongeaient dans l'oubli, et cette voix hurlait dans mon crâne. Cette voix familière qui me sommait de m'accrocher. Qui marmonnait des excuses que je ne comprenais pas. « Louisiana, ici Jagger. Il y a assaut. Louisiana, je répète … Oh mon dieu … Je suis désolé ... » Marmonnai-je avec un accent grossier. Je ne me rendais pas compte de mon absence. C'était si douloureux. Mon cœur battait à toute rompe. J'avais l'impression de vivre en intermittence entre deux époques opposées. D'être à la fois victime des bombardements et rapatrié dans un pays étranger. Je me redressai en panique, le souffle saccadé, le visage suintant et l'expression grave. « Rien. » Claquai-je d'un ton glacial. « Ils m'ont juste emmené. Les autres sont tous morts. Ils nous ont vu par satellite. Les types comme toi. » Articulai-je en pressant mes mains tremblantes sur mes genoux. Je tentais de me calmer. De contrôler mes pulsions malsaines, mais la voix de Neal se mélangeait à mes souvenirs. Elle prononçait les mêmes mots que mon collaborateur anglais. Elle soulignait chaque instant, et rendait ma chute encore plus imminente. Je tressailli en entamant une nouvelle cigarette.
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