Le vent glacial a envahi Londres. Il fait froid tout le temps. Il fait froid partout. Les lumières de Noël illuminent les rues, les boutiques, les maisons. C'est la période de l'année que Hazel préfère. L'ambiance chaleureuse aux odeurs de chocolats et de sapins lui redonne goût en la vie, lui redonne un élan d'espoir, une dose d'adrénaline dont elle manque cruellement le reste du temps. Elle enfonce ses mains dans les poches de son manteau et accélère le pas, tête baissée pour rejoindre le quartier où semble vivre Violet. Plus rien n'est comme avant. Hazel l'a remarqué. Depuis son retour d'Afrique, un an plus tôt, tout a changé. Seule sa solitude est restée la même. Brillante, vive, intouchable. Son cœur blessé pleure toujours un amour perdu. Elle essaie, pourtant, d'oublier Robbie, pour avancer, pour grandir. Mais une vie sans lui paraît si fade, si vide. Si moche. Elle porte un regard protecteur sur son ventre arrondi par la grossesse. Ce futur bébé réussit à chasser sa tristesse et elle sourit, timidement, tout en portant sa main sur son ventre pour le caresser. Le médecin lui avait conseillé de rester allonger, de se ménager. Pour elle, pour la santé du bébé. Le rythme effréné de sa vie ne s'alliant pas du tout avec sa grossesse. Mais elle a besoin de sortir, Hazel. Et c'est sans compter sur ce nouveau roman, ouvert sur l'écran de son ordinateur qui attend d'être terminé. Tout le monde lui dit de se reposer quand son imagination dégueule d'idées et qu'elle brûle d'envie de voir Violet. Plusieurs fois, elle s'est demandée si s'inspirer de sa vie était une bonne idée. Pire, est-ce correct. Mais Violet représente, depuis leur rencontre, l'héroïne idéale, une muse incroyable. Une femme indépendante, une espionne accumulant les secrets. Inutile de se voiler la face, Hazel était tombée sous son charme au point de cibler son histoire sur elle. Peut-être est-ce bizarre mais elle ne voit pas comment. Ni pourquoi. Une fois arrivée devant l'immeuble de Violet, elle arrange vaguement ses cheveux au-dessus de sa tête, agacée qu'ils s'emmêlent à cause du vent. Et si au début, elle venait voir Violet pour la questionner sur son travail, elle vient aujourd'hui, comme une amie. Avec une boîte pleine de petits gâteaux aux couleurs de Noël et à l'odeur qui réchauffe les cœurs. Elle veut faire plaisir à Violet, discuter avec elle, lui montrer qu'elle n'est pas seulement un requin dévoré par le syndrome de la page blanche. La porte s'ouvre, d'un coup, donnant une bouffée d'air à son cœur agonisant, seul et triste. Elle espère que Violet avait reçu son message dans la matinée, la prévenant de son arrivée en fin d'après-midi. Elle lui adresse un sourire avant de lui tendre la boîte à gâteau. « Bonjour bonjour. » Première fois qu'elle ne vient pas avec son calepin et son crayon pour la questionner, pour comprendre pourquoi il y a du matériel étrange dans son appartement et comment est-ce possible de gérer une vie d'espionne. « Pardon de débarquer comme ça mais, j'ai fait des biscuits et il y en avait trop. Donc je t'en ai préparé une boîte. » Son excuse n'est pas terrible et pourtant, c'est la vérité. Elle ne s'invite pas à entrer, jamais, préférant toujours que Violet le lui propose. Une main sur son ventre, l'autre qui retire son bonnet. « Si t'es occupée, je peux revenir une autre fois. »