Pour une fois, Alaunus ne traîna pas en route, et il était devant le club à l'heure dite, avec même quelques minutes d'avance. Sans perdre de temps à se dorer au soleil, qui d'ailleurs en cette saison se faisait rare, il entra pour saluer joyeusement la réceptionniste, signala qu'un monsieur se présenterait bientôt, et qu'il faudrait lui indiquer la salle de musculation. Puis il passa la porte des vestiaires en sifflotant.
C'était un rendez-vous plaisant, car il reposait entièrement sur un coup d’œil à une page web parfaitement séduisante. Il était alors - quelques soirées plus tôt - en quête d'un visage à louer pour son nouveau site, histoire de promouvoir ses petites créations personnelles dans de bonnes conditions. Il cherchait un visage suffisamment anglais pour que le spectateur moyen puisse s'y identifier, mais suffisamment distinctif pour retenir l'attention. Il fallait qu'on ait envie de s'imaginer à sa place - dans son environnement, et dans l'état d'esprit plaisant où ce dernier le mettait. C'était l'essence de l'image publicitaire que projetait Alaunus.
Pour cela, il avait sélectionné quelques jeunes gens à l'expression souriante et paisible, parmi des catalogues d'écoles de théâtre, et autres pages personnelles proposées en ligne. Pour finir, il avait sélectionné un site qui n'était pas exactement basé sur le théâtre, ou même l'animation d'enterrements de vie de jeune fille. C'était quelque chose d'un peu plus... concret. Mais c'était justement ce qui avait décidé Alaunus dans son choix. Il avait confiance en ce type de personne pour ne manifester aucune inhibition, et paraître parfaitement à l'aise, sans chercher à mettre trop de sous-entendus intellectuels dans son jeu. Il l'avait donc contacté, et invité à le rencontrer à la salle de sport pour discuter de leur petit projet.
A vrai dire, ce n'était pas une question d'avoir un planning chargé. Mais Alaunus espérait voir son associé d'un instant le rejoindre dans son activité, afin de pouvoir l'observer dans une tenue, disons, pas trop envahissante, et le regarder bouger. Il avait des observations à faire : lumière, mouvements, poses, proportions... sans le lui demander directement, bien sûr. Cela n'aurait pas été très courtois. Il s'installa confortablement sur le banc des rameurs, et attendit qu'on vienne lui signaler que son rendez-vous était là, en essayant d'ignorer la musique qui résonnait, les mêmes dix chansons toute la journée, parce que c'était la loi de la pop.