Vous rendez la poulette ou sinon c'est tout nu dans les orties !

La première fois que j’ai entendu cette phrase, j’avais huit ans. Faut dire qu’à cette époque, j’avais pas trop compris le sens sur le coup, même si je savais pourquoi un docteur avait dit ça à mon père, j’étais quand même au courant de la situation.

Pour que vous compreniez un peu mieux, j’vais revenir en arrière. J’suis né à la campagne. Ouais, on n’a pas tous la chance ou je ne sais pas quoi de vivre dans un appartement géant dans le centre de Londres. Moi mon quotidien, c’était les champs et les vaches. Né à Bristol, c’est l’unique grande ville proche de chez moi, à une bonne centaine de kilomètres. Ma famille, il faut en parler. J’ai une très grande famille. Ma grande sœur, l’ainée, a deux ans de plus que moi. J’ai deux petites sœurs. Enfin… j’avais. Une qui a un an de moins que moi et l’autre… décédée quand elle était jeune. Vous l’avez compris, c’est ce jour-là où j’ai entendu cette fameuse phrase. C’était à l’hôpital, il y avait toute la famille de présente. Je me devais d’être fort à ce moment-là, car étant le seul homme entouré de sœurs, c’était mon rôle d’être là pour les deux qu’il me restait.

Cette épreuve a était plus qu’horrible pour nous tous. Y’avait comme une sorte de rage qui s’installait en moi petit à petit depuis les funérailles. Je ne voulais plus jamais revivre ça. Perdre sa petite sœur, je ne le souhaite à personne. J’avais comme l’impression que quelqu’un m’avais arraché le cœur. Mais je me devais de reprendre le dessus. Certes, ma petite sœur était maintenant partie au ciel, mais il m’en restait deux biens vivantes. Je me suis fait la promesse depuis ce jour d’être toujours présent pour mes sœurs.

Ma vie continua, j’commençais à travailler avec mon père dans les champs. Putain de merde, qu’est-ce que je détestais ça. C’était pas du tout fait pour moi. La campagne, je n’arrivais pas à supporter ça. Je rêvais déjà de m’évader, d’une nouvelle vie totalement différente de celle-ci. Et cette maison, elle ne me rappelait que des mauvais souvenirs. L’unique raison que j’avais de rester, c’était mes deux sœurs.

Puis arriva le moment ou, pour mes études, je devais m’éloigner de la ferme familiale. Une victoire en soit pour moi. J’devais me rendre à Bristol pour continuer, et croyez moi que je n’allais pas me taper dans les deux cents kilomètres en train tous les jours. Du coup, j’ai commencé par l’internat. En arrivant là-bas, finalement, c’était loin d’être la victoire que j’avais espéré. L’internat, c’était l’horreur. En plus de ça, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi, mais les gens avaient un problème avec moi, surtout à cause de l’endroit d’où je viens. J’dois dire que ça m’a valu plusieurs bagarres, dont la plupart que j’ai lancé moi-même et quelques jours d’exclusion. Mais je me devais de rester fort, car dans le cas contraire, mon père m’aurait directement réexpédié à la ferme pour me faire travailler dans la bouse de vache avec lui. J’peux vous dire que c’était loin d’être ce que j’avais envie.

Cette période fut longue et pourtant courte en même temps. Durant tout ce temps, j’ai beaucoup pensé à mes deux sœurs que je n’avais pas vues depuis un petit moment, mais surtout à celle que j’ai perdue. Elle aurait surement était fière de moi. Et c’est en pensant à elle que j’ai fait mon choix quand j’ai dû rentrer à l’université. Malgré que j’sois originaire de la campagne, certains auraient pu en penser le contraire, mais j’ai terminé dans les meilleurs de mon école, mon dossier était impeccable. Grace à ça, j’ai pu être accepté à Oxford, en médecine.

Enfin, un vrai nouveau départ. Enfin des gens un minimum intelligent pour ne pas se moquer des origines de quelqu’un. Je me sentais dans mon élément. C’était plus que parfait. J’ai commencé à me faire des amis, qui eux aussi étaient en médecine. Mes journées, c’était amphi la journée et bar le soir. Le Mike 2.0 avait vu le jour. J’ai choppé un petit boulot en plus de mes études pour avoir un peu d’argent de côté. Et j’ai continué comme ça, pendant des années, à suivre ce programme, pour un jour peut être devenir chirurgien, et ne plus jamais revivre cette douleur de perdre quelqu’un. En quelque sorte, je faisais honneur à ma défunte sœur. Le dernier hommage que je pouvais lui rendre.

La fin de mon cursus venait de sonner. J’suis quand même arrivé deuxième de ma promo, c’est pas rien, j’trouve ! C’est là que ma vraie vie commençait, après des années et des années d’études. Mes résultats ont fait que le Great Osmond Street Hospital de Londres m’accepta pour travailler. Je n’avais encore jamais foutu les pieds dans cette grande ville. Une première pour moi, j’dois dire que j’étais vraiment excité à l’idée de découvrir la capitale.