Tessa || Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises

31 octobre 1995. Pendant que de nombreux enfants étaient en train de sonner aux portes en questionnant les habitants : «  Un bonbon ou un sort ? », moi j’indiquais à ma mère, mon imminente venue au monde. Ayant déjà mis au monde quatre autres enfants, pour elle c’était devenue une routine. Mais chaque accouchement est différent et je fus celle qui fit souffrir le plus ma mère et celle dont la naissance fut la plus longue. Sur les sept années précédentes, la famille avait accueilli un Noah, un Ashton, une Victoria, un Nicolas et me voilà moi, la petite Theresa. Et dire que je ne vais pas être la petite dernière.

A peine un an après ma naissance, ma mère mit au monde un petit Jason. Et comme six enfants n’étaient pas encore assez pour elle, elle accoucha d’une petite Sharon. Sept enfants. Fallait avoir une bonne endurance pour gérer autant de monde. Pourtant lorsque la petite dernière fut âgée de trois ans, la famille adopta un dernier petit garçon. Ma mère avait toujours rêvé d’avoir une famille nombreuse de huit enfants. Cependant pour le dernier, elle ne pouvait pas l’avoir de manière naturelle. En effet, si elle mettait au monde un autre enfant, elle risquerait de le payer cher et de mourir. Beaucoup d’entre nous étaient encore trop jeune pour perdre leur mère et mon père ne pourrait pas nous gérer tout seul. Certes, en tant que médecin, il touchait assez d’argent pour subvenir aux besoins de toute la famille mais même ma maman avait dû engager une nounou pour l’aider. En tant que femme au foyer, elle avait beaucoup de temps à nous consacrer et autant d’enfants en bas âge n’était pas une mince affaire.

Les premières années de ma vie ne furent pas les plus intéressantes de mon existence. Elevée à la fois par ma mère et par la nounou, j’étais une enfant normal dont rien ne laissait penser que tout changerait. À l’âge de six ans, je décidai de commencer une activité et le volley-ball fut mon occupation pour deux voire trois jours par semaine. Tout enfant était obligé de faire un sport ou une autre activité quand il atteint l’âge de six ans et moi j’étais contente de cette règle. Pendant quelques heures durant la semaine, je me sentais heureuse de faire quelque chose d’autre que de voir ma famille tout le temps. Je ne sais pas pourquoi mais je me sentais pas trop à l’aise dans la maison familiale. Mes frères jouaient souvent ensemble et mes sœurs me laissaient de côté parce qu’elles faisaient toujours des jeux où être trois ne fonctionnaient pas. Mes frères n’aimaient pas jouer avec les filles. Pourtant j’eus toujours un air de garçon manqué. J’avais l’impression que ce rejet venait du fait que je suis la seule rousse de la famille. Même le petit dernier, adopté, ressemble plus aux membres de ma famille que moi. Tout cela me força à devenir plus vite mature et indépendante que les autres.

Vers l’âge de sept, j’avais compris que quelque chose n’allait pas chez moi. Quand je mettais ma condition physique à rude épreuve, que ce soit au volley ou quand je jouais à l’école avec les autres enfants, je souffrais souvent de léger malaise, comme si je manquais de sucre. Pourtant je mangeais bien avant chaque entrainement. Mon entraîneur, inquiet, en avertit mes parents qui décidèrent de me faire passer une visite médicale. Le verdict tomba rapidement : je suis diabétique. Ce fut un choc pour moi parce que je ne comprenais pas très bien et en plus j’avais peur de devoir arrêter le volley. Le médecin m’expliqua clairement ce que je devais faire. Il m’avait parlé dans un langage qu’un enfant de sept ans pouvait comprendre et cela me permit de pouvoir m’auto-gérer. Mes parents m’aidèrent durant les premières semaines qui suivirent le diagnostic. Mais après je dus me débrouiller toute seule. Leur excuse ? Un de mes frères tomba malade et on lui découvrit des problèmes cardiaques. Et pour mes parents c’était bien plus important que mon diabète. Encore une fois je dus gérer mon soucis en toute solitude.

A l’école j’essayais d’être la meilleure de ma classe. Je voulais que mes parents soient fiers de moi et me voit enfin comme un de leur nombreux enfants. Mais en vain, il y avait toujours un ou l’autre de mes frères et sœurs pour faire quelque chose de plus intéressant que moi et j’étais relégué au second plan et souvent même au troisième plan. Cela dura pendant quelques années et vers l’âge de quatorze-quinze ans mes parents décidèrent de déménager et de venir s’installer à Londres. Et qui dit déménagement, dit nouvelle école. Ce fut la plus mauvaise idée que mes parents aient eus. En changeant d’école je me fis de nouveaux amis. Fin de mauvaises fréquentations surtout. Comme je ne me sentais pas bien à la maison, je passai plus en plus de temps avec eux à découcher et dormir chez l’un ou chez l’autre. Les première fois mes parents ne s’en rendirent même pas compte. En même temps avec autant de personne dans la maison, difficile de remarquer les absences. A force de traîner avec les mauvaises personnes, je commençais à sécher les cours, à être grossière avec mes professeurs quand j’y étais et à me moquer de certains élèves, simplement parce qu’ils étaient trop propre sur eux. Un jour j’ai même été surprise à boire de l’alcool dans les toilettes des filles. C’est là que le principal appela mes parents qui ne voulurent pas le croire vu qu’ils croyaient que j’étais la petite sainte de la famille. Pourtant les preuves étaient là et ils finirent par accepter l’idée. Mais ils trouvèrent le moyen de tout faire couler à l’école, comme si de rien n’était.


Cela ne m’empêcha pas de continuer sur ma lancée. Je sortais quasi tous les jours et revenait aux petites heures. Comme le matin, ils me voyaient à la maison, mes parents ne me posaient aucune question. J’enchaînais les bêtises et j’ai même finis par commencer à voler. Et non pas pour avoir des objets que je ne pouvais pas avoir ou pour revendre et avoir de l’argent de poche. Non je volais pour embêter mon monde et surtout pour l’adrénaline que provoquait ce geste. La plupart du temps je volais des livres. J’aime beaucoup la littérature anglaise et je comblais cette petite passion en lisant les livres que « j’empruntais » dans les magasins ou les bibliothèques. Jamais je ne me suis faite attrapée. J’avais trouvé l’astuce et cela me comblait parfaitement. Les années se succédèrent et je ne changeais en rien ma façon d’être, je me convenais de cette façon. Seulement, je dus arrêter le volley-ball. A force de rater des entraînements ou quand je m’y rendais, j’étais un peu saoule, mon entraîneur m’a viré de l’équipe. J’étais tellement furieuse qu’en partant j’ai explosé une porte en frappant dedans. Je me suis autant faite mal mais je fis semblant de rien.

Une fois l’école terminée, j’obtins mon diplôme de justesse. Trop fainéante pour bosser je me suis satisfaite du minimum. Le but est de l’avoir. Seulement quand j’eus finis je n’avais pas encore dix-huit ans il me fallait attendre quelques mois. Et comme je perdais mon temps dans les rues ou dans les soirées un peu trop alcoolisées plutôt que de trouver des études supérieures, mes parents m’ont forcé à effectuer un stage à l’armée. L’idée ne venait pas d’eux mais de la police qui m’avait arrêté pour ivresse sur la voie publique. N’ayant pas le choix je partis pour les deux mois d’été dans un stage à l’armée. J’ai crus mourir au vu de ma condition physique pourrie et de mon diabète un peu instable mais je n’avais pas le choix, j’étais obligée de me surpasser. Ce stage me permit de canaliser ma rage, surtout celle envers mes parents. L’idée de continuer l’armée me traversa l’esprit mais je changeai rapidement d’avis, je n’étais pas faite pour ça. En revenant à la maison, je décidai de prendre une formation pour devenir soigneuse dans un zoo. J’adore les animaux et c’était la meilleure idée qui me soit venue pour finir encore dans les rues. Il était temps que je me reprenne en main. Pourtant j’ai toujours mon sale caractère. Au début j’eus même quelques problèmes au zoo car je parlais mal aux visiteurs. J’ai pris sur moi et essaye d’être quelqu’un de bien plus sympathique. Pourtant c’est difficile de laisser tomber cette partie de moi. Je continue à sortir et faire la fête. C’est un peu comme si j’étais schizophrène ! La journée, au zoo, je suis une fille bien. La nuit, la fille la moins fréquentable au monde. Surtout quand je vois mes parents ou ma famille, le vocabulaire gentil a quelques difficultés à sortir de ma bouche. Un jour peut-être qu’une partie de moi prendra le dessus sur l’autre… J’espère la positive.