Cher journal,
Ah~ je me sens stupide de m’adresser ainsi à un paquet de feuilles de papier inanimé. Mais il paraît qu’écrire libère, fais du bien, etc….et là, je m’apprête à prendre la plus grande décision de ma vie. J’avais besoin de le dire, de mettre sur papier ce projet fou qui a germé en moi il y a quelques années déjà. Et je suis tombée sur toi. Je peux te tutoyer ? Ah….bien sûr, tu ne vas pas t’en offusquer n’est-ce pas ? C’est pas comme si tu pouvais parler ou m’aspirer comme le journal de Jedusor dans Harry Potter….
Bref, vaut mieux commencer par le début n’est-ce pas ?
Je m’appelle Sky Mary Andreïev et je suis née dans la ville de Newcastle au nord de l’Angleterre un certain 21 juin, le jour le plus long de l’année, le plus lumineux aussi (généralement). J’ai toujours aimé fêter mon anniversaire de jour-là. Dans le jardin avec mes amis et ma famille. Petite parenthèse sur mes prénoms. Sky…..tu parles d’un nom ! L’histoire raconte que ma mère n’a pas eu le temps d’arriver à la maternité le jour de ma naissance, qu’elle a dû accoucher, aidée par les pompiers, dans le jardin, le regard fixé sur le ciel durant tout le travail. Et quand elle m’a pris dans ses bras, elle a décrété que mes yeux avaient la couleur du ciel….d’où le prénom. Quant à Mary, prénom d’au moins deux reines, ça donne un certain prestige. Alors oui, je suis née en Angleterre mais mon nom de famille n’a rien d’anglais. Normal, mon père est russe, Nikolas Andreïev. Héritier d’une vieille famille russe, il avait rejoint l’Angleterre pour fuir les pressions de sa famille. C’est à Cardiff qu’il a rencontré ma mère, c’est là qu’ils sont tombés amoureux et c’est là encore qu’ils se sont mariés avant de s’installer à Newcastle. Où je suis née. Quand j’ai atteint l’âge de 5 ans, mes grands-parents paternels sont morts et mon père a pris la tête de l’entreprise familiale. Pour faciliter cette transition et parce que ma mère a toujours adoré ce pays, nous sommes partis nous installer en Russie, à Saint-Petersburg. Je n’ai que peu de souvenirs de ma vie en Angleterre.
Mon enfance en Russie fut des plus paisibles. Ne manquant de rien, j’ai fréquenté les écoles les plus réputés, assistés à de nombreux bals et soirées de la haute société russe. J’ai même passé deux ans en Californie durant mes années lycées. Mon père a toujours insistés sur l’apprentissage des langues, me répétant sans cesse que c’est cela qui m’ouvrirait le plus de portes. Et comme j’ai toujours aimé étudier, je me suis lancée dans les langues étrangères avec plaisir. Aujourd’hui, je parle couramment Anglais (normal), Russe (normal également), Français (ça fait toujours très classe) et j’ai de sérieuses notions en Allemand et Chinois. J’ai suivi des études de marketing et ai obtenu mon diplôme haut la main.
Voilà, je ne suis donc pas une fille malheureuse avec un lourd passé, bien au contraire. J’aime mes parents tout comme ils m’aiment. Mon seul regret était d’être fille unique. ET voilà qui nous amène au cœur du « problème ». Il y a quelques années, j’étais monté au grenier pour ranger quelques affaires et, en farfouillant à la recherche d’une boîte où ranger mon barda, je suis tombée sur une jolie boîte, bien à l’abri dans un tiroir d’une vieille commode. Cela ressemblait à une boîte à bijoux ce qui m’intrigua tout de suite. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Poussée par la curiosité, je l’ai ouverte et là, ma vie a changé. A l’intérieur, tout d’abord, une photo d’un bébé blond âgé de trois mois et demi si je croyais ce qui était inscrit. Puis un nom, Elliana. Précieusement enveloppé dans un tissu de soie rose, un bracelet en argent, bracelet qui devait appartenir à ce bébé, une mèche de cheveux blonds également. Et puis, sous ce petit trésor, de nombreuses lettres écrites par ma mère mais jamais envoyées. Dès lettres dont la première remontait à près de 23 ans et la dernière en date d’il y a quelques semaines. Toutes étaient adressées à cette Elliana. « Mon bébé », « ma fille chérie »….plus j’avançais dans ma lecture, plus mon monde s’effondrait. Ma fille ? MA FILLE ? Ma mère avait eu une autre fille ? J’avais une sœur ? Sous le choc, je suis restée assise dans la poussière pendant plusieurs minutes, hésitant entre m’effondrer en larme ou hurler de colère. J’optais pour une troisième solution. Prenant délicatement la boîte avec moi, je dévalais les escaliers pour entrer en coup de vente dans le bureau de ma mère. Cette dernière, discutant tranquillement avec mon père leva les yeux vers moi, étonnée par cette apparition soudaine. Je me souviens encore de son visage devenu blanc quand elle posa les yeux sur la boîte. J’ai eu mes explications. La discussion fut longue, douloureuse, houleuse parfois. Nous avons toutes les deux pleurés à plusieurs reprises. Oui j’avais une sœur, qu’elle avait dû laisser à son père alors qu’elle n’était qu’un bébé. Elle ne me dit pas pourquoi et je respectais ce secret (je finirais par savoir un jour où l’autre.) Elle n’avait jamais repris contact avec elle et pensait qu’Elliana la croyait morte. Ce qui était mieux pour tout le monde, me disait-elle. Cela faisait 23 ans, mais aujourd’hui encore, son cœur était brisé, elle pleurait régulièrement sur cette fille perdue et n’avait trouvé la paix qu’en écrivant ces lettres qui ne lui arriveraient jamais.
Ce soir-là, je ne réussis pas à m’endormir. ET c’est à ce moment que l’idée de la retrouver fit son chemin. Je la gardais pour moi pendant des années, peaufinant mon plan. Ce n’est qu’une fois mon diplôme obtenu que j’en parlais enfin à mes parents. « Papa, maman, je veux aller à Londres, je veux retrouver Elliana. » Ou quelque chose comme ça. Passé le choc, ils cherchèrent à me dissuader. Elliana n’était pas au courant de mon existence, elle pensait ma (notre…) mère morte. J’allais la bouleverser, chambouler sa vie ! Mais je tins bon. Et à force, ils finirent par craquer.
Il y a deux heures encore, ma mère me serrait dans ses bras avant que je n’embarque, destination Londres. Je dû promettre de les appeler souvent, de donner des nouvelles de ma quête et qu’au moindre souci, je rapplique illico en Russie. J’ai réussis à retenir mes larmes. Mais maintenant que je t’écris, à des kilomètres de la terre ferme, les larmes coulent et mon voisin commence à me regarder bizarrement.
Donc voilà où j’en suis. Dans quelques heures j’atterrirais dans une ville totalement inconnue, à la recherche d’une fille qui ne me connais pas et dont je ne sais pas du tout à quoi elle ressemble. Et si j’arrive à la rencontrer ? Est-ce que je serais réellement capable de tout lui dire ? De chambouler 23 ans de sa vie ? Ah~ je commence à me dire que je ferais mieux de faire demi-tour, rentrer dans ma Russie que je connais si bien plutôt que d’affronter ce pays où je suis née mais dont je ne connais rien. Papa et maman ont fait en sorte que rien ne me manque dans ma nouvelle vie. Appartement dans un quartier plutôt chic, relations de papa déjà prévenus de mon arrivée, je vais pouvoir me poser, réfléchir et prendre une décision. Je fonce ou je rentre ?
Sky M. Andreïev, paniquée, en route pour un pays inconnu