just gonna stand there and hear me cry ▲ (maya)

Après plusieurs tentatives vaines, Maya accepta enfin de nous suivre au poste de police. Je lâchais un soupire à peine perceptible de soulagement. Je m’étais attachée à cette brunette et à son histoire et je ne souhaitais pas devoir la poursuivre à travers le parc si elle s’échappait. Et surtout, je savais que mon collègue n’allait pas être aussi indulgent que moi et qu’il n’allait pas tarder à débarquer si on prenait trop de temps. Et lui, il n’aurait aucun remord pour la boucler pour refus d’obtempérer. Ce dernier apporta mon sac de sport contenant mes vêtements de civils comme je lui avais demandé. J’attrapais le sac qu’il me lança pour le tendre à Maya. Celle-ci le prit et alla se changer dans un coin à l’abri des regards. « Elle va encore nous faire attendre longtemps celle-là » Je lance un regard noir à mon collègue. Mais quel abruti celui-là. « Ferme là ! » Lui lançais-je sans ménagement. Tu ne peux pas lui en vouloir d’être professionnel lui … Je giflais ma conscience pour la faire taire. Elle n’avait pas tort mais bon … C’était plus fort que moi. Je ne pouvais pas rester insensible face à une histoire semblable à la mienne.

Une fois Maya revenue avec mes vêtements sur le dos – qui d’ailleurs étaient à sa taille comme je l’avais prédit – nous l’escortons jusqu’à la voiture en silence. Je lui ouvre la porte arrière et me décale pour la laisser prendre place sur la banquette. Voilà, maintenant qu’elle était dans la voiture, elle ne pouvait plus s’échapper. En m’installant sur le siège passager, je sens tous mes muscles se détendre. La tension pourtant, elle, reste palpable et pesante à l’intérieure de l’habitacle. Le chemin vers le commissariat se fait en silence. Aucun de mes compagnons de route ne daigne laisser échapper le moindre mot. Heureusement que le parc ne se trouve pas à un vingtaine de kilomètres du poste … Une fois arrivée, je descends la première et ouvre la porte arrière pour laisser sortir Maya. « Tu sais...Je ne comprends pas vraiment...Enfin...Pourquoi vouloir m'aider ? J'imagine que c'est effectivement une option de ton travail mais... J'ai l'impression que tu en fais plus que tu ne devrais. Non ? Je me fais peut-être des idées, mais la plupart des gens ne sont pas naturellement enclin à s'intéresser aux autres. Surtout si ça ne le rapporte rien. Je parle trop... » Je sens mes muscles se tendre une nouvelle fois, lançant un regard inquiet à la jeune femme sans pour autant prendre la peine de répondre.

« Tu veux porter plainte pour ton agression ? » Dis-je une fois que nous avons pénétré dans l’enceinte du poste de police. Son regard inquiet me répond avant elle. « Je ne veux pas faire de déposition sur... euh non...pas de plainte. Je...C'est inutile. » Je soupire sans vraiment comprendre sa réaction. Elle avait toute les raisons du monde de déposer une plainte pour agression. Surtout que si quelqu’un apprenait qu’elle se trouvait au poste ce soir et souhaitait s’en servir contre elle pour la remettre dans cette clinique, elle aurait une preuve que ce n’était pas pour une arrestation qu’elle était ici. Nous arrivons dans mon bureau, désert. « Installe toi. » Dis-je en désignant le siège de l’autre côté de mon bureau. Je vérifie que la caméra soit éteinte avant de m’installer à mon tour dans mon siège. « Tu voulais savoir pourquoi je veux t’aider ? » Questionnais-je la jeune femme qui hocha la tête en silence pour me répondre. Inspirant profondément, je tentais de gagner en courage pour tout lui avouer. Après tout, ça permettrait peut-être de la mettre en confiance. « Avant que je devienne officier de police, j’avais une vie pour le moins différente de celle que j’ai maintenant. » Je haussais les épaules. « J’étais fiancée à un homme. Un dealer, proxénète, trafiquant d’arme et tout ce que tu veux. Moi, j’étais devenue son objet. Je me prostituais pour lui, il me battait quand il en avait envie. Et pour supporter tout cela, j’étais devenue alcoolique et accroc à la cocaïne. »

Mes muscles se mirent à trembler sous le passage de ces souvenirs douloureux. Je ne parlais de mon histoire quasiment jamais. Je gardais ça pour moi par peur qu’on me juge, qu’on me dise que c’était de ma faute si j’avais enduré tout cela. Parfois, je ressentais encore ses coups sur moi dans mes cauchemars. Parfois même, la peur qu’il sorte un jour de prison et me retrouve était autant insoutenable qu’improbable. Je remarque que mon silence s’était éternisé et que la jeune femme me toisait d’un regard étrange. « J’ai subi cela pendant six longues années et ça m’a détruit. Je sais ce que c’est de n’avoir que l’alcool ou la drogue pour vous soutenir et je ne veux pas que tu en arrives là. Quand je t’ai vu tout à l’heure, les vêtements arrachés, j’ai eu une vision de moi quelques années plus tôt semblable à ton image et je ne voudrais pas que tu tombes aussi bas que je suis tombées. » Je hausse les épaules une nouvelle fois en espérant qu’elle comprenne ce que j’essayais de lui dire. « Regarde-moi, je m’en suis sortie. Tu peux faire la même chose. Et je pourrais t’aider si tu veux. »

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Après notre arrivée au commissariat à Westminster, j’eus comme impression que j’étais dans l’obligation de donner des explications à la brunette que j’avais arrêté ce soir. Ses questions, en face de mon collègue, m’avaient quelque peu déstabilisée sans que je ne le laisse paraitre. Aucune personne ici, ou presque, ne connaissait mon passé. Après tout, ce n’était pas le genre de chose qu’on racontait avec fierté. Surtout que ça ne m’aurait apporté qu’une perte de crédibilité auprès de mes supérieurs. Nous nous installons dans mon bureau avant que je ne me lance dans le récit de ma vie. La jeune femme en face de moi m’écoute attentivement, sans laisser paraitre la moindre réaction. « Je n'ai encore jamais touchée à la drogue me semble-t-il. Il y a encore peu, je pensais qu'une seule personne ne peux pas cumuler autant de catastrophes ou de problèmes...Cela dit, à bien y réfléchir, je crois que la réalité dépasse souvent la fiction. Alors sait-on jamais... » Finit-elle par dire tout en riant sur la fin de sa phrase. « Désolée...Ce n'est pas contre toi, je suis à côté de la plaque ce soir. » Reprit-elle après s’être calmée.

Arquant un sourcil, j’essayais désespérément de déceler quelque chose me permettant d’affirmer qu’elle allait vouloir se laisser aider. Mais rien n’apparut. Je soupire légèrement avant de me lever de ma chaise, faisant les cents pas dans mon bureau. « Tu sais, les gens se laissent embarquer dans ce genre d’histoire sans s’en rendre compte. Jamais je n’aurais pensé que j’aurais finis de la sorte en commençant ma relation avec lui et pourtant … » Dis-je, simplement, tout en continuant de marcher en gardant le regard posé sur le jeune femme. Celle-ci observait ses pieds sans relâche, comme s’il menaçait de se détacher de son corps si elle les quittait des yeux. « Je n'ai pas de souci particulier avec l'alcool, certes ce soir n'est pas un bon exemple...Mais...Je voulais juste oublier un peu... C'est idiot, je sais qu'il y a des choses plus grave mais, disons que j'ai de la difficulté à reprendre pieds pour le moment. » Décidemment, elle ne comprenait vraiment pas. Elle était tellement bornée que, même si je lui expliquais en long, en large et en travers le fait que c’était justement en ayant du mal à reprendre pied qu’on tombait de plus en plus bas chaque jour, sans réellement le remarquer.

« Maya, tu ne comprends pas. C’est pour cette raison que je veux t’aider. J’étais comme toi. Juste une jeune femme ayant du mal à reprendre pied. J’étais une proie facile pour un homme comme lui et c’est parce que j’avais du mal à reprendre pied que je suis tombée aussi bas. » Je me mordis la lèvre inférieure pour ne pas me mettre à crier. Ça lui ferait peut être un électrochoc. Rétorqua ma conscience. Peut-être. Mais je ne voulais pas attirer tout le commissariat dans mon bureau alors, je tentais de garder une voix calme. « Laisse-moi t’aider. Ou au moins, explique-moi ce qui ne va pas dans ta vie et ce qui fait que tu as du mal à reprendre pied. Je pourrais essayer de te conseiller. » Ce fut ma dernière tentative. Si elle refusait, je la laisserai tranquille. Je la garderai dans mon bureau uniquement pour qu’elle ne soit pas en cellule et je la ramènerai chez elle le lendemain, comme cela avait été convenu.

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