Meredith Rose Sheen • Live fast, die young

Assise sur la double banquette d’une rame de métro, Mere observait les lumières de la ville qui défilaient à grande vitesse sous ses yeux. La soirée d’hiver était déjà bien entamée, et la plupart des gens avaient déjà quitté leurs bureaux ; l’étudiante en littérature évitait ainsi l’agitation inhérente à l’heure de pointe dans les transports en commun. Pouvoir voyager en toute sérénité dans le métro de Londres était un luxe que seuls les travailleurs de nuit, à l’instar de Mere, pouvaient s’offrir. Le cinéma dans lequel elle occupait un poste d’ouvreuse était situé quatre stations plus loin. Elle disposait donc d’une vingtaine de minutes avant d’arriver à destination, trente avant de prendre son service, qui se terminait à une heure du matin. Ce n’était pas un emploi qui exigeait de grandes qualifications, mais c’était plutôt agréable de travailler dans un cinéma et, en plus de lui permettre de couvrir ses frais de logement, Mere avait droit à deux séances gratuites par semaine. La plupart du temps, elle en faisait profiter Oscar, son colocataire. En effet, en plus d’apprécier sa compagnie, elle aimait se lancer dans de grands débats philosophiques enflammés avec son ami, à l’issue de la projection.

Cela faisait désormais plus d’un an qu’elle vivait dans la banlieue-est de Londres, et elle s’y sentait très bien malgré le manque de sa famille, qui se faisait davantage pesant en hiver, surtout à l’approche des fêtes de fin d’année. Si elle avait quitté son Ecosse natale, c’était avant tout pour poursuivre des études littéraires dans une université de prestige. Le rêve le plus fou de Mere ?  Devenir un écrivain à succès. Sa passion pour l’écriture remontait à de nombreuses années ; introvertie, elle éprouvait le besoin de coucher sur papier ce qui lui passait par la tête ou ce qu’elle ressentait, parce qu’elle était incapable de l’exprimer oralement. Bien que l’enfance de Mere fut très heureuse, certains évènements tragiques vinrent entacher le tableau : en particulier l’accident de voiture dont sa maman fut la victime, et qui eut pour conséquence de la paralyser. L’adolescente qu’elle était à cette époque s’était montrée forte face à cette situation, mais ce n’était évidemment qu’une façade. Depuis, les mots étaient devenus son refuge.
En outre, la lecture et l’écriture lui permettait également de s’évader de son quotidien.

Après avoir quitté la station de métro la plus proche du cinéma, Meredith fit les quelques pas qui la séparaient de son lieu de travail, situé à quelques encablures de là. De petits flocons de neige commençaient à tomber, et venaient se coincer dans sa longue et épaisse chevelure rousse. Malgré les caprices de la météo, le quartier était très animé : de nombreux jeunes de son âge s’étaient donné rendez-vous dans des pubs, et célébraient ce début de week-end autour d’une bière. Quelques uns, déjà bien enivrés, la sifflèrent sur son passage. La jeune fille leur répondit en esquissant un petit sourire, sans s’attarder. Mere avait l’habitude de se faire courtiser par les garçons, mais après une grosse déception amoureuse, elle n’était toujours pas prête à se lancer dans une nouvelle histoire sentimentale. En attendant de changer d’avis sur la question, elle profitait à fond de son célibat. Après tout, pas tout le monde n'a la chance de vivre et d'étudier à Londres et, comme le dit si bien le proverbe, on n'aura pas tous les jours vingt-ans !