la ruse. (remy)

Grand sourire, sur le pas de la porte d’un certain appartement dans Hammersmith, avec deux cocktails multivitaminés fruités de couleur on ne peut plus rose (changement radical de ses habitudes alimentaires, en dehors du sujet de la viande). Aujourd’hui, ce n’est pas à Robin qu’elle rend visite, mais bien à Remy. Après réflexion, Ivana aurait pu convier son frère à les joindre, il aurait certainement refait sa journée. « Tu m’accompagnes toujours au yoga, n’est-ce pas ? » Sans même prendre le temps de s’assurer que Remy ait les yeux bien en face des trous, elle lui colle un des gobelets entre les mains. Il y a quelques jours, Ivana a réussi à lui vendre cette mode comme un moyen de devenir plus souple et d’améliorer ces… performances au lit, au fil des entraînements. Évidemment, la jeune femme a comme oublié une précision : le cours du jours concernerait le yoga pré-natal, soit apprendre à respirer, gérer les petites douleurs et autres tracas du quotidien, se détendre. Concrètement, elle aurait quelques difficultés à réaliser les positions du yoga traditionnel. Dommage pour Remy qui, si elle accepte sa mission d’accompagnatrice, risque de passer sa matinée en compagnie de femmes enceintes et éventuellement des pères. Dans l’attente de sa réponse, la rouquine sort ses grands yeux. Vous savez les grands yeux devant lesquels on ne peut pas dire non… « Oh, j’en oublie les bonnes manières. Comment vas-tu ? Je te réveille pas au moins, hein ? » Pour se rattraper, et tant qu’elle en est encore physiquement capable, elle prend son amie dans ses bras. « Encore des douleurs ? » Pour cette question en particulier, Ivana choisit de lui faire face, le regard quelque peu inquiet en même temps. C’est plus fort qu’elle, mais la blonde n’aurait aucun scrupule pour lui mentir et lui dire qu’elle va bien, que ça ne fait plus mal. Ou alors si tel est le cas, la plus jeune des deux aurait des difficultés à la croire : elle s’est pris une balle après tout ! « Oh, tu connais pas la dernière… » Ou plutôt les dernières… La rouquine n’est pas certaine que Remy soit au courant au sujet de la récente découverte concernant son colocataire, Robbie. Mais là n’est pas la priorité derrière ses paroles, elle baisse son regard sur son ventre qui continue de prendre forme et laisse ses doigts jouer dessus. « Avec un peu de retard, je te l’accorde, on a enfin fait une échographie. Je te laisse deviner ce qu’il en est. » Elle sourit. Pour une raison qu’elle ignore, et qui l’effraie un peu en même temps, Ivana imagine déjà la blonde en train de jouer à la poupée avec la petite, choisir au plus vite sa garde robe et compagnie. « Bon, j’attends que tu te prépares et tout. C’est pas très loin d’ici, on ira à pieds. » C’est fou ce qu’Ivana est devenue bavarde ces dernières semaines.

« Tu m’accompagnes toujours au yoga, n’est-ce pas ? » Elle affiche une moue boudeuse, un peu hésitante, comme une gamine qui ne voudrait pas aller à l'école. Puis finit par hocher la tête, pas certaine que cette idée de cours de yoga soit vraiment nécessaire. Pour entretenir sa silhouette, ça peut se montrer utile et son amie lui a expliqué par A+B que ça permet de devenir plus souple. Pourtant, elle imagine assez mal Ivana, avec son ventre de femme enceinte, s'amuser à faire toutes ces positions étranges de zen-attitude. Alors la souplesse, ça se discute. « Oh, j’en oublie les bonnes manières. Comment vas-tu ? Je te réveille pas au moins, hein ? » Elle se saisit du gobelet qu'Ivana lui offre et regarde la couleur d'un œil inquiet. La couleur – un rose bonbon très fluo – est loin de lui donner envie de goûter à cette mixture. Ça serait même plutôt le contraire. En détaillant son amie, elle la trouve étrangement de bonne humeur alors que l'australienne est encore perdue entre le rêve et la réalité. « Remy va bien. Robbie était déjà parti quand j'me suis réveillée, je pouvais pas imaginer un réveil plus parfait. » Elle hausse les épaules d'un air faussement innocent. Sans doute qu'elle exagère un peu la situation ou la relation qu'elle peut entretenir avec son colocataire. Après tout, emmerder Robbie, ça lui plait. Ce qui lui plait un peu moins, c'est qu'il soit aussi chiant qu'elle et lui tienne tête. Et accessoirement, le fait qu'il n'aime pas les blondes. Il n'est pas comme les autres, à docilement se laisser faire et ça l'énerve. Tout l'énerve chez le pompier en vérité. Elle resserre doucement ses bras autour du corps de Ivana quand celle-ci vient l'étreindre, peu habituée à cette forme de salutation si douce. « Encore des douleurs ? » Pendant une minute, les deux femmes se fixent dans un silence étrange et soudainement dérangeant. L'australienne ose se demander si Ivana fait référence à sa jambe blessée ou à son état de santé et l'évolution de sa maladie. Avant de se souvenir qu'elle ne sait rien de celle-ci. Rares sont les personnes à le savoir à vrai dire et Remy préfère que ça reste ainsi. « Zéro douleur, regarde. » Elle ose remuer la jambe devant son amie pour lui prouver que tout va bien. Ce n'est pas vrai mais elle réussit à ne pas grimacer pour éviter de se trahir. Alors qu'elle s'apprête à lui retourner la question pour prendre de ses nouvelles, savoir comment elle se sent et si la grossesse se déroule sans problème, Ivana l'interrompt. La dernière fois qu'elle avait une nouvelle à annoncer, elle lui avait avoué être enceinte. Alors Remy reste désormais assez méfiante lorsque son amie veut confier des choses. Dans la précipitation et parce qu'elle s'imagine tout un tas de choses, elle voudrait demander si son amie compte se marier. Encore une fois la petite rousse trouve le moyen de lui couper la parole. « Avec un peu de retard, je te l’accorde, on a enfin fait une échographie. Je te laisse deviner ce qu’il en est. » Le sexe du bébé. Sous les conseils d'Ivana, l'australienne regagne sa chambre pour s'emparer de ses affaires. Elles sont déjà préparées depuis quelques minutes, Remy avait veillé à s'organiser avant que son amie n'arrive. Elle fait glisser son sac de sport jusqu'à son épaule, le tapis de yoga dépassant légèrement. En revenant jusqu'au salon pour y retrouver la petite rousse, l'australienne lève le gobelet contenant le liquide rose pour le porter à ses lèvres. « Ça va toi ? Dis-moi que c'est une fille. Tu sais que j'ai encore toutes mes robes de défilés. Celles que je portais quand j'étais gamine. » Sous-entendu : ta fillette n'échappera pas à une garde-robe de princesse. « C'est quoi ce truc au fait ? Ça manque d'alcool. » Elle approche le gobelet pour sentir l'odeur et se trouve surprise en constatant que ça n'a pas l'odeur d'un produit ménager mais d'un mélange assez agréable de fruits. « On y va ? La salle de sport est loin ou on peut y aller à pieds ? » C'est vraiment pas son genre, le yoga, la détente et toutes ces conneries de bien-être et paix intérieur. Elle aurait aimé négocier pour un sport plus épuisant mais en voyant le ventre tout rond de Ivana, elle comprend que celle-ci refuserait toutes ses propositions. Avec un peu de chance, leur coach sera canon et beau à regarder.

Loin de se douter que des choses lui sont cachées, ce silence qui vient de s’installer entre elles veut tout dire selon la plus jeune des deux. Désormais, Remy pourra essayer de lui mentir, de dire qu’elle va bien et qu’elle ne ressent plus de douleur, la rouquine ne la croira pas. Parce qu’elle n’est pas Wonder Woman, elle doute qu’on puisse se remettre d’une blessure par balle aussi vite. « Zéro douleur, regarde. » Les bras croisées sur sa poitrine, plus volumineuse, Ivana n’est pas convaincue. Son visage affiche un gros « mouais ». Instinctivement, elle hausse un sourcil. Elle ne dit rien pour autant. Ce n’est pas un mal d’avouer que l’on a encore mal. En tout cas, ce n’est pas la rouquine qui la blâmerait pour cela. « Ça va toi ? Dis-moi que c’est une fille. Tu sais que j’ai encore toutes mes robes de défilés. Celles que je portais quand j’étais gamine. » Elle la regarde ahurie, surprise. Les yeux écarquillés. La bouche bée. Ce n’est pas vraiment l’enfance qu’elle avait imaginé pour sa fille. Jusqu’à maintenant, elle allait parfaitement bien. Concentrée sur la séance de yoga et au bien être intérieur promis, la jeune femme était parvenue à mettre ses angoisses de femme enceinte entre parenthèses. Elle hausse un peu la voix alors que son amie est allée à la recherche de ses affaires. « Dis moi, tu vas pas oser faire de ma fille une sorte de poupée-princesse, si ? » Les mini miss, les jolies robes… Tout cela est un univers qu’elle n’a jamais côtoyé, ni même compris depuis qu’elle s’est mise à fréquenter Remy. Et dire qu’elle est à mille lieux de penser que Remy puisse trop gâter cet enfant une fois sorti de son ventre. « Regarde et écoute, en attendant. » C’est plus fort qu’elle, Ivana a enregistré la petite vidéo de l’échographie sur son téléphone. Depuis le jour où ils ont fait cette échographie, elle la regarde parfois quand elle a besoin de se rassurer, de se dire que toute cette aventure est bien vraie. Elle glisse l’écran sous les yeux de Remy. Mais l’instant est momentanément coupé après qu’elle ait reniflé la boisson qu’elle lui a donné juste avant. « C’est quoi ce truc au fait ? Ça manque d’alcool. » Regard circonspect. Alcool, de bon matin ? Remy l’inquiète sur le coup. « N’est-il pas un peu trop tôt pour de l’alcool ? De toute façon, c’est banni en ma présence pour le moment. Des fruits pour faire le plein de vitamines. » Des fruits et uniquement des fruits. La jeune femme évite les mélanges suspects comprenant, par exemple, du kale. Aussi surprenant que cela puisse être, le sujet l’attriste un peu. Bien qu’elle ne soit pas une grande fêtarde, et de loin, elle n'a plus le droit de boire la moindre goutte de bière... Vous savez celle prise dans un de ces pubs folklorique où la bonne ambiance est de rigueur. « On y va ? La salle de sport est loin ou on peut y aller à pieds ? » Elle sourit. L’adresse où se situe la salle de sport n’est pas anodin : le quartier est connu pour être fréquenté par de bonnes famille, idéal pour ce genre d’activités. « C’est dans le coin. Marcher un peu ne devrait pas te poser de problème, n’est-ce pas ? » Ivana la regarde suspicieuse. Sa question est un brin provocatrice et c’est volontaire. Là-dessus, elle tourne les talons et prend le chemin de la salle de sport. Vu le rythme qu’elle est contrainte d’adopter maintenant, la blonde n’a pas de mal à la rattraper. « Au fait… Est-ce que ton colocataire t’aurait dit quelque chose récemment ? » Elle n’a pas la moindre idée si Robbie oserait aborder le sujet de la découverte d’une petite sœur avec sa chère colocataire adorée. Dix minutes de marche leur suffisent pour atteindre la salle de sport. Et quelques secondes sur les lieux suffisent à comprendre qu’elle l’a faite marcher : pas de mâle sexy à l’horizon, uniquement des femmes enceintes pas toujours accompagnées. Elle croise les doigts pour que Remy ne décide pas de rebrousser chemin et de la planter comme une idiote.

Son tapis et sac de yoga sous le bras, elle se trouve un certain courage pour suivre son amie et sortir de l'appartement. Elle ne cesse de se répéter qu'elle deviendra plus souple, plus gracieuse après quelques séances à faire des positions étranges. Sa seule motivation réside dans leur futur coach qu'elle espère canon et totalement disponible pour la distraire. « C’est dans le coin. Marcher un peu ne devrait pas te poser de problème, n’est-ce pas ? » Face au regard méfiant d'Ivana, l'australienne hausse les épaules, affichant un air désinvolte. La vérité, c'est que depuis quelques temps, le moindre effort réussit à la vider de son énergie assez rapidement. Elle craint un peu d'arriver essoufflée à la salle de sport sans avoir une excuse toute préparer pour justifier son épuisement. Elle devrait lui avouer pour son état, pour sa maladie, elle sait que son amie la soutiendrait plus que n'importe qui d'autre mais elle n'a aucune idée de la manière dont ce genre de nouvelle s'annonce. Après tout, elle a toujours pris le soin de ne dire à personne qu'elle était malade. Heureusement pour elle, une Ivana enceinte marche assez lentement et les deux femmes sont naturellement obligées d'adopter un rythme calme et détendu. « Au fait… Est-ce que ton colocataire t’aurait dit quelque chose récemment ? » Alors qu'elle termine de boire son cocktail de fruits, elle manque de s'étouffer. Elle cherche une poubelle du regard pour jeter son gobelet. Elle n'a aucune idée de ce qui pousse Ivana à lui parler de Robbie, surtout qu'elle n'a pas souvenir les avoir présenté l'un à l'autre. « Il devait me dire quelque chose ? Il va pas nous rejoindre j'espère ? » Affolée, elle lance des coups d'œil à droite et à gauche, cherchant son colocataire dans la rue. Aucune présence du pompier, encore heureux. Et elle prie pour qu'il ne soit pas leur coach pour leur après-midi. « Vous vous connaissez ? Il est bizarre, tu devrais pas t'en approcher. T'as pas le béguin pour lui ou un truc du genre ? » Flippant. Totalement flippant. Et totalement déplacé. Alors qu'elle frotte ses paumes l'une contre l'autre après s'être débarrassée du gobelet, l'australienne pose son regard sur les femmes qui les entourent. Comme si, enfin, elle prenait conscience qu'elles étaient arrivées à l'endroit convenu. Sans la moindre discrétion, elle observe, détaille, jauge la vingtaine de femmes enceintes qui sont venues seules, entre amies, ou accompagnées de leurs compagnons. Son regard se fait sévère lorsqu'elle croise les yeux innocents d'Ivana. Un air boudeur tire ses traits alors qu'elle abandonne son amie pour rentrer dans l'immense salle de sport. Elle s'en va poser son sac sur un meuble installé pour l'occasion. « Je suis pas enceinte. » Elle juge bon de prévenir Ivana lorsque celle-ci vient la rejoindre. Comme si la jeune femme n'était pas au courant de ça. Serrant son tapis entre ses bras, l'australienne se déplace sur le côté quand une femme enceinte demande à passer. Malgré son air ronchon, elle tient à accompagner Ivana jusqu'au bout. Après tout, il y a toujours un espoir que le coach soit sexy. Elle passe son bras sous celui-ci de la petite rousse pour l'entrainer au centre de la pièce. Les conversations sur les bébés fusent dans tous les coins et les futures mamans s'échangent des conseils. Son ventre ne lui a jamais semblé aussi plat, mal à l'aise, Remy s'accroche doucement à Ivana, comme si elle ne voulait pas se retrouver perdue au milieu de ces conversations effrayantes. « T'auras pas le choix de me laisser faire la garde robe de mini-Ivana. Tu me dois bien ça après m'avoir entrainé ici. » Alors qu'elle met son tapis en place, son visage se décompose en voyant une femme enceinte se présenter comme étant leur coach. La fille encourage les futures mamans à ne pas hésiter à l'interrompre si elles ont des questions. Puis, affirme que ces cours ont pour but de les aider pour l'aventure incroyable qui les attend en devenant mamans. Remy roule des yeux. Heureusement qu'elle adore Ivana, sinon elle serait déjà partie. Mais pas question de lui avouer. Si elle avait su, elle aurait entrainé Milan dans ce plan foireux. Un énorme silence s'installe dans la salle alors que l'australienne croise les bras. « Remy se sent trahie. »

Outre son humeur qui joue de plus en plus les girouettes, Ivana ne s’est toujours pas faite à sa nouvelle condition. Maintenant, elle dort plus fréquemment et n’est pas capable de lutter contre et, le pire à ses yeux, elle doit vivre au ralentit, prendre son temps pour tout et rien. Il ne lui manque plus que les douleurs dans le dos à cause du poids de son ventre pour couronner le tout. « Il devait me dire quelque chose ? Il va pas nous rejoindre j’espère ? » Étrangement, l’imagination de a jeune femme a comme des difficultés pour associer Robbie et yoga. Après, tout est possible et elle ne lui a pas posé la question, sous prétexte qu’ils doivent tout d’abord apprendre à se connaître. De toute façon, elle ne lui a pas encore touché un mot sur sa future nièce. « Vous vous connaissez ? Il est bizarre, tu devrais pas t’en approcher. T’as pas le béguin pour lui ou un truc du genre ? » Stupéfaite par la réponse de Remy, elle s’est arrêtée en plein milieu du trottoir. Le regard vague, elle cherche dans sa mémoire des indices, ou tout autre détail, indiquant une bizarrerie au sujet du pompier. Rien. « Bizarre ? » Elle murmure cette question, peut-être plus à elle-même qu’à Remy. Bizarre ? Ivana n’a pas eu cette impression pourtant. Ni un pervers, ni un psychopathe… Après tout dépend de la façon dont l’Australienne l’entend. Il n’est pas très bavard, mais de là à en faire un mec bizarre ? Ne sachant pas si elle va obtenir une réponse, la jeune femme met ça sur le compte de l’extravagance de son amie et le fait que Robbie n’est pas le type le plus bavard. « Oh madame, on se calme. Si c’est chasse gardé, c’est pas un problème. Et puis je te rappelle que je ne suis pas célibataire. » Une fois arrivée, Ivana est ravie. Elle va enfin pouvoir admirer la tronche dépitée de Remy. Son moi intérieur sautille dans tous les sens et tape dans ses mains. « Je suis pas enceinte. » Si c’était le cas, elle le saurait : Remy aussi devrait radicalement revoir son mode de vie si elle était enceinte. Et mine de rien, la jeune femme est rassurée de ne pas être abandonnée au milieu de ces femmes. Elle est certainement la plus jeune du groupe et se sent comme la moins expérimentée, comme celle qui prendrait n’importe quel sujet de conversation autre que la grossesse ou l’accouchement. Elle ne veut pas savoir que ça va faire mal, malgré la douleur. Elle ne veut pas savoir que les nuits vont être très courtes au début. Elle ne veut pas savoir que l’allaitement n’est pas toujours très agréable. « T’auras pas le choix de me laisser faire la garde robe de mini-Ivana. Tu me dois bien ça après m’avoir entrainé ici. » Ivana s’étale sur son tapis. Il est très fort probable qu’elle n’ait pas fini de prendre du ventre, pourtant tout est déjà devenu compliqué, comme poser ses fesses au niveau du sol… « J’y réfléchirai, mais si ça se fait il y aura une condition… » Elle marque une pause, songeuse. « Enfin deux après réflexion : pas de froufrous et tu restes soft aussi. » La jeune femme ne tient pas à ce que mini-elle ressemble à une sorte de princess Disney ou une poupée portant des robes abat-jour couleur meringue. « Remy se sent trahie. » Ivana se sent énorme. Ivana se sent bien seule depuis qu’elle ne peut plus faire grand chose de ses journées. Non, sérieusement. Ça lui fait une belle jambe de savoir que Remy se sente trahie. Tant qu’elle ne lui fait pas la gueule pour si peu (et c’est dans son intérêt de ne pas essayer), ça lui passe complètement dessus pour le coup. « Pauvre petite Remy. » Malgré sa tête de chien faussement battu et une petite tape pseudo amicale sur l’épaule de l’Australienne, Ivana ne compatit même pas à la torture pour Remy d’être ici. Elle n'est pas devenue cruelle, juste enceinte et cruellement en plein ennuie depuis la fin des examens. « Alors ? Ton colocataire, bizarre ? » Tout en reproduisant les exercices, la rouquine s’est mise à chuchoter pour ne pas perturber les autres futures mamans. En temps normal, le silence semble être du rigueur dans ce genre de cours, mais c’est plus fort qu’elle. Remy ne peut pas balancer le mot bizarre sans la moindre explication. « Et va falloir que tu me fasses un point sur tes dernières histoires. »

« Laisse-moi t'aider, attends. » Elle lâche son gilet sur le sol pour se précipiter vers Ivana et l'aider à s'installer sur son tapis tout en plaçant délicatement une main autour de sa taille. Elle ne prendrait aucun risque et ne laisserait pas son amie en difficulté si un problème survenait tout à coup. Après tout, elle n'a pas accepté de venir uniquement pour faire office de plante verte, qui n'est bonne qu'à sourire et raconter des potins. Alors même pour aider Ivana à s'assoir par terre, elle se porte volontaire. Un geste qui semble facile pour tout le monde mais qui devient rapidement compliqué pour une femme enceinte. « Pauvre petite Remy. » Elle fait mine de ne pas entendre le ton sarcastique qu'utilise Ivana pour lui parler. A la place, elle s'installe à son tour sur son tapis de yoga avant de jeter quelques regards aux autres femmes. Parce qu'elle sent bien qu'elles vont devoir commencer les exercices. « Alors ? Ton colocataire, bizarre ? » Aussitôt, elle lève les yeux au ciel lorsque son amie se permet de reparler de Robbie. Robbie Callaghan, ce type immense qui n'aime pas les blondes et qui a décidé d'imposer des tas de règles dans leur colocation. Remy restait persuadée que l'univers voulait la punir en lui envoyant un colocataire aussi désagréable. Alors, c'est instantané, comme de la magie ou appuyer sur un bouton pour qu'une lumière apparaisse, la simple évocation de cet homme la fait soupirer et râler. « Et va falloir que tu me fasses un point sur tes dernières histoires. » En reposant ses yeux bleus sur Ivana pour voir si elle est sérieuse, l'australienne ne peut que constater que celle-ci s'implique dans les exercices. Elle a déjà commencé à reproduire chaque petit geste que la coach leur montre. A vrai dire, toutes les femmes enceintes répètent à l'unisson les positions montrées. Des positions qui semblent les détendre alors que Remy fixe leurs ventres. Ça lui rappelle cette conversation gênante avec ses grands-parents qui lui ont demandé quand est-ce qu'elle aurait des enfants. Elle finit par s'allonger totalement sur son tapis, lui donnant l'impression de se prélasser sur une plage. Elle n'a aucune envie de faire des efforts pour le moment. Encore moins quand on lui demande de parler de Robbie, elle préfère bouder. Si Milan avait été là, elle lui aurait demandé de faire les exercices à sa place avant de se plaindre que c'est épuisant. « Il aime pas les blondes et on dirait que ça lui donne tous les droits. C'est pas ma faute si je suis née belle et blonde. » Elle chuchote et ponctue sa phrase d'un soupir, puis lève les yeux au ciel pour la quinzième fois. Certes ne pas aimer une couleur de cheveux ne fait pas de lui une personne bizarre, mais Remy n'avait aucun autre terme pour le décrire. Surtout qu'elle sent qu'Ivana lui cache vraiment quelque chose. Peut-être qu'elle apprécie Robbie, qu'ils sont amis ou un truc comme ça. Après tout, ça fait deux fois qu'elle insiste pour discuter du jeune homme. Elle a toujours eu du mal à imaginer Robbie être gentil ou ami avec quelqu'un mais Ivana est tellement douce qu'il est, par nature, impossible de lui vouloir du mal. Tout en discutant, Remy se met volontairement à reproduire les gestes de la coach. Ivana réussit assez à la distraire pour qu'elle n'ait pas conscience d'être à son tour, impliquée dans l'exercice. « Et j'ai mangé l'un de ses plats l'autre jour. Monsieur était furieux, alors monsieur refuse qu'on partage les repas ensemble. Il est égoïste. J'ai voulu me faire pardonner et cuisiner la même recette. Sauf que la moitié du dîner a brûlé et le reste était immangeable. » Cette fois-ci, elle rigole au souvenir de son essai en cuisine, là, complètement paumée avec son tablier. L'ironie veut que pour la première fois qu'elle tente de cuisiner, ça soit pour un homme qu'elle déteste et à qui elle veut pourrir sa petite vie tranquille. Il ne mérite pas qu'elle soit gentille. « Bon, si tu veux que je te raconte mes secrets, va falloir m'expliquer pourquoi tu tiens tant à parler de Robbie. » Surtout qu'elle en a marre de parler de lui. Elle arrête à nouveau les exercices, préférant regarder son amie se donner du mal à les faire. A Ivana, elle serait capable de se confier. Peut-être parce que ça a toujours été réciproque. Peut-être parce qu'elle aussi, elle a toujours semblé tout lui dire. Ce n'est probablement pas le cas, mais Remy aime penser que si, qu'elles sont assez proches pour se confier l'une à l'autre.

Bien qu’elles continuent leur discussion toute en discrétion, il y a quelques regards qui s’adressent à elle. Parler sans cesse ne semble pas compatible avec la pratique du yoga. Pourtant, c’est exactement ce dont Ivana a besoin. Surtout avec Remy en particulier. La rouquine se moque bien que cette dernière soit belle et blonde. Non, c’est vraiment le cadet de ses soucis. Elle est juste parfaitement hilarante avec toutes ses convictions. Une véritable bouffée d’oxygène dans ces circonstances, ce nouveau quotidien d’apprentie baleine. « Il aime pas les blondes et on dirait que ça lui donne tous les droits. C’est pas ma faute si je suis née belle et blonde. » Elle se retient de rire et lève les yeux au ciel avant de retourner doucement à son exercice. Heureusement que la jeune femme peut prétendre connaître un peu l’australienne, sinon elle aurait juré que ses chevilles ne tarderaient pas à exploser avec tant de prétention. Son assurance d’ancienne miss certainement. « Et j’ai mangé l’un de ses plats l’autre jour. Monsieur était furieux, alors monsieur refuse qu’on partage les repas ensemble. Il est égoïste. J’ai voulu me faire pardonner et cuisiner la même recette. Sauf que la moitié du dîner a brûlé et le reste était immangeable. » Si elle continue de la sorte, elle va pleurer de rire à force. Au-delà de ses convictions, cette fille est définitivement hilarante. Étrangement, elle n’est pas étonnée par les talents de Remy, ou plutôt de son cruel manque de compétence, en cuisine. Elle n’a pas besoin de se perdre dans une description de la catastrophe pour qu’Ivana imagine la scène ou le résultat. Mauvaise langue, elle aurait juré que les pompiers (enfin le camion, la totale, pas juste son colocataire qui exerce le métier par coïncidence) seraient nécessaires le jour où elle se décide de passer derrière les fourneaux. « Bon, si tu veux que je te raconte mes secrets, va falloir m’expliquer pourquoi tu tiens tant à parler de Robbie. » Inspirer profondément, puis expirer. Une fois. Deux fois. Cinq fois. Exercice bouclé jusqu’au prochain. Chacune allant à son propre rythme selon l’avancement de sa grossesse, Ivana profite du moment de répit pour confier sa dernière histoire. « Ne fais pas un scandale, hein. » Ne hurle pas. Ne décampe pas comme une voleuse. Ne claque pas la porte de la salle. S’il te plait. Ne hurle pas, surtout. Après tout, sa découverte pourrait ne pas être vraiment du goût de Remy. « Robbie est mon frère, genre le fils ainé dont mon père vient d’apprendre l’existence, l’oncle de la petite. » Ça lui fait encore tout drôle de le dire à voix haute. Elle, la fille unique. Robbie est mon frère. Robbie est mon super grand frère. Il ne l’a pas mise à la porte en encaissant la nouvelle. Du moins, il ne ferait pas une croix sur leur lien tant que ce père débarque comme une fleur voulant recoller les morceaux au bout de trente ans. « En tout cas, avec moi, il est bien plus sympathique et gentil. » Elle affiche son grand sourire. Toute fière. Et toc. Tout enfantin. En plus d’avoir partagé son super tiramisu, recette familiale en plus, la première fois avec la parfaite inconnue qu’elle était, monsieur lui a même préparé des brownies quand ils se sont revus il y a quelques jours de ça. « J’espère que vous serez capables de ne pas vous entretuer dans une même pièce. » Ivana n’a rien contre un peu de compétition entre les deux colocataires – d’ailleurs, cette histoire du « meilleur » cadeau promet d’être amusante – ni contre un peu de chamailleries puériles, mais elle ne supporterait qu’ils plombent l’ambiance. Et puis elle refuse d’aller jusqu’à faire un planning incluant ses parents (du moins son père), Robbie et Remy pour organiser les allées et venues de chacun. « Bref, voilà mon secret. Ça va être à ton tour maintenant de distraire la pauvre petite femme enceinte que je suis. » C’est tout. Aussi loin que ses souvenirs remontent, elle n’a pas grand chose à dire Quoique si, peut être bien qu’elle a encore quelque chose à rajouter. Mais cela attendra. Attendra que Remy parle enfin de ses secrets. Et que les histoires de la rouquine ne soient pas une autre raison pour rester aussi fermée qu’une huître.