"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici it's easier for me to get closer to heaven than ever feel whole again (siobhan) 2979874845 it's easier for me to get closer to heaven than ever feel whole again (siobhan) 1973890357
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it's easier for me to get closer to heaven than ever feel whole again (siobhan)

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() message posté Ven 26 Juin 2015 - 15:02 par Invité
Mes yeux roulèrent sous mes paupières closes. J’eus du mal à les ouvrir. T’as dormi Tom t’as dormi attends. J’étais incapable de faire le moindre mouvement à part battre lentement des cils. Je ne pouvais pas parler. Je dus rester ainsi, fixant le plafond blanc, pendant de longues minutes. Tu sais où tu es ? Non, je ne savais pas où j’étais. Une minute. Deux minutes. Trois minutes et enfin je me décidai à tourner la tête pour observer ce qui se trouvait autour de moi, mais je ne reconnaissais rien. Ils t’ont filé de la morphine et tu t’es endormi comme une masse. Souviens-toi Tom. Je ne me souvenais de rien à part d’un sommeil sans rêve, sans couleur, sans goût. Tu sais où tu es, non ? Pas chez toi. Pas chez Lexie. Je papillonnai des yeux pour en chasser la brume et des bribes de souvenirs revinrent à mon esprit. Voilà. Tu sais. Chaque soir j’oubliais et chaque nuit je me rappelais. L’hôpital. Les longs couloirs de l’hôpital dont je ne voyais pas la fin lorsque l’infirmière ouvrait la porte et que je tentai de laisser glisser mon regard jusqu’à la lumière du soleil. Tout me semblait factice entre ces quatre murs. Mes doigts s’enfoncèrent lentement dans le blanc neigeux des draps. Propres, et pourtant si désagréables. Si étrangers. J’avais sué dedans et je sentis l’humidité frotter mon dos à travers le tissu. C’était trop propre. Ça n’avait qu’une seule odeur, celle de la drogue, partout, partout, partout. Et ils m’avaient fait dormir d’un sommeil synthétique, presque volé, à l’insu de mon plein gré. J’étais toujours fatigué. Je pouvais sentir les cernes couler de mes yeux noirs. Je levai les bras et les étendis au-dessus de moi, écartant mes doigts. Mes mains ressemblaient à des étoiles monstrueuses. Quelque chose me tira la peau et mon regard fut attiré par la soudaine douleur : un pansement maintenait une aiguille dans ma veine. Je laissai retomber mes bras avec lassitude, résigné, incapable de trouver la volonté de m’enfuir. De me rendormir. Mes mouvements me semblaient lents. Décalés par rapport aux ordres de mon esprit. Je tournai la tête. Dans un coin, je reconnus mes affaires, posées soigneusement sur une chaise. Au sommet de la pile de vêtements trônait mon portable et il luisait d’une faible lumière. On t’a envoyé un message mais tu es trop loin pour le voir. Je serrai les dents et mon visage se renferma, accueillant l’ombre dans chacun de ses traits. Je m’en voulais. Je m’en voulais d’avoir tant profité du sommeil. J’arrachai les pansements d’un coup sec et retirai les aiguilles de mes mains tremblantes avant de me redresser. J’eus un soudain vertige. Oh tu sais, tu vas sûrement t’effondrer sur le sol, là, maintenant. Mon regard glissa vers le linoleum et ma vue se brouilla un instant. Attention, trois, deux, un … Je plaquai mes mains sur le matelas et agrippai le tissu avec toute la force qu’il me restait. Je parvins à me maintenir immobile, quoique tanguant dangereusement. Je fermai les yeux et fis basculer mes jambes hors du lit. Mes orteils frôlèrent le sol froid et je restai assis sans bouger pendant encore quelques secondes. Mal de crâne. Ah oui, la morphine. Mais t’as bien aimé ça, non ? T’avais pas autant dormi depuis des années, Tom. Je secouai lentement la tête. Cette voix se faisait de plus en plus insistante. J’ignorais d’où elle venait et je la redoutais. Elle se moquait de moi. Elle me poussait dans mes retranchements les plus étranges et les plus noirs. Je posai mes pieds à terre. Vraiment Tom, attends, vraiment ? Tu te sens vraiment de faire ça ? Je me levai et vacillai. Je dus retrouver l’équilibre et perdis à nouveau plusieurs secondes, hésitant à me recoucher, à être raisonnable. Mais je m’avançai tout de même, mes pieds traînant lentement sur le sol pour atteindre la chaise. J’attrapai mon portable du bout des doigts et le déverrouillai. Je voulus lire mais n’y parvins pas. Je compris que c’était Siobhan. Je savais ce qu’elle voulait. Je posai ma main à plat contre le mur pour avoir un autre point d’appui. Je lui avais dit où j’étais. Je lui avais dit que je ne pouvais pas venir. Mais elle insistait probablement par une phrase simple et concise que je devinai en constatant que le message était court. Je relâchai mon portable et soupirai. Je regardai la fenêtre, indécis. Elle n’était pas si loin. Elle n’était pas si loin. Ma torpeur se dissiperait en marchant. Ce n’était pas la première fois que je me sentais ainsi et j’étais toujours parvenu à mes fins. Je laissai mes ongles racler le mur avant que mon bras ne retombe le long de mon corps. J’enlevai la tunique du patient, la faisant choir mollement sur le sol, avant de chercher à tâtons mes vêtements. Je poussai mon portable qui rejoignit le lino à son tour puis me saisis de mes affaires, m’habillant tant bien que mal à la lueur du ciel nocturne qui transperçait les rideaux fins de la chambre. Une fois que cela fut fait, je me dirigeai vers la vitre et l’ouvris. Je pouvais sauter. Tu crois ? Tu n’as pas le vertige ? Je fermai de nouveau les yeux pour m’empêcher de l’avoir. Mes doigts se refermèrent sur le rebord de la fenêtre et je me hissai dessus, non sans laisser échapper un râle de douleur. Ne pas trébucher. Ne pas regarder en bas. J’étais au premier étage. Il n’y avait que trois ou quatre mètres me séparant de la liberté. Je me tournai, m’accroupis et glissai le long du mur, tendant petit à petit mes bras faibles, pendant dangereusement au-dessus du vide. Lâche prise. Lâche prise. Et je lâchai prise.

Je tombai et crus un instant que mes chevilles s’étaient cassées en ressentant une douleur monstre traverser celles-ci. Je restai immobile, mon corps comme échoué sur la terre, derrière les buissons qui entouraient les murs de l’hôpital. Je ne voulais pas bouger. Je voulais m’endormir de nouveau, là, dans la douceur de la nuit, invisible et sombre. Je finis par me redresser, époussetant la saleté qui enrobait à présent mon pull par des gestes hasardeux. Je me relevai et gagnai le trottoir en titubant. Je boitai. J’avançai en tenant fermement les barrières qui bordaient la chaussée. T’as oublié de mettre des chaussures, Tom. Je baissai les yeux. En effet, j’aperçus la pâleur de ma peau glissant sur le sol et je sentis le béton froid frotter la plante de mes pieds. Je ne pouvais pas faire demi-tour. Tant pis. Je traversai la rue et ne rencontrai pas âme qui vive. J’ignorai l’heure qu’il était. J’avais laissé mon portable sur le sol de ma chambre. Etrangement, je me souvenais du chemin jusqu’au bar. Il n’était pas très loin. Encore quelques rues et j’allais pouvoir m’écraser sur une chaise, la tête enfouie dans mes bras croisés sur le comptoir. Je ne savais même pas si j’allais pouvoir tenir une conversation. Mais plus j’avançais et plus je retrouvais la maîtrise de mes membres, sans pour autant réussir à me débarrasser de la fatigue qui me paralysait l’esprit. Je dus m’arrêter plusieurs fois en chemin. Cigarettes, hein ? Mais tu les as oubliées aussi. Ou peut-être qu’ils les ont jetées, tu sais, c’est pas vraiment permis dans des endroits pareils. Je passai mes mains contre les poches de mon pantalon. Elles étaient vides et je grognai mon mécontentement, adossé au mur d’un immeuble. Je me décidai à reprendre la marche et ne cessai que lorsque je tombai sur l’entrée du fameux bar, comme si je l’avais trouvé par hasard, comme s’il était venu à moi de lui-même, prenant le pauvre vagabond que j’étais en pitié. Il y avait des gens à l’intérieur. Mes oiseaux de nuit. Je clignai des yeux et entrai finalement, frottant mes pieds nus contre le parquet usé. Je saignais peut-être. Je ne sentais pas ce genre de douleur. La morphine faisait toujours effet. Je cherchai du regard la chevelure blonde, presque platine, de Siobhan et l’aperçus dans un coin, au fond. Là-bas. Ne t’écroule pas maintenant, Tom. Ce serait vraiment con. Elle était seule. Elle semblait attendre tout le monde et personne à la fois. Comme d’hab, Tom. C’est son allure à elle. Toi tu ne l’as pas. Toi tu n’attends plus parce que tu as déjà tout vu et que tout t’a déjà quitté. Je m’approchai lentement et m’installai à côté d’elle, sans un mot, m’accoudant au comptoir sans la regarder. Je commandai d’abord un verre. J’oubliai immédiatement de quoi il s’agissait lorsque le barman hocha la tête pour me servir. Mon regard finit par glisser jusqu’à elle et se planter dans le sien. Mes orteils s’enroulèrent autour du tabouret. Je m’accrochai à ce qui me paraissait réel. « Toujours pas partie ? » J’avais du mal à garder la tête droite si bien que je me penchai lentement jusqu’à me coucher sur le comptoir, mon crâne  sur mes avant-bras, soupirant, sans la quitter des yeux. « Il est tard pourtant. Enfin, je crois. » Je ne cillai pas lorsque le barman posa mon verre devant moi. « Avoue que tu t’attendais pas à ce que je me pointe. » Mais j’étais un garçon plein de mystère. Un mince sourire malicieux et terne s’empara de mes lèvres et j’ajoutai : « Dis-moi que t’as une clope, pitié. » Mon ton était presque suppliant. J’en avais besoin. J’avais besoin de me détruire la santé à nouveau. J'avais besoin d’oublier la propreté de mes draps. J’avais besoin d’oublier que j’allais m’écrouler de fatigue. J’avais besoin d’oublier ce que mon corps me rappelait chaque jour, sans relâche. Sans pitié.
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() message posté Sam 27 Juin 2015 - 22:04 par Invité
« When I’m done and feeling blue,
There’s only one place that will do. »


Elle feint un énième sourire, présente son badge au lecteur et se faufile dans la pièce, à l’abris du reste du monde. Elle se laisse glisser contre le mur en soupirant longuement. Elle n’aurait jamais cru que cette vie la fatigue autant. Elle l’a juste acceptée pour le magnifique nombre qui tombe chaque mois sur son compte en banque et, surtout, pour éviter la case prison. Elle là-dedans ? Hors de question. Alors elle doit s’accommoder des misogynes de la direction et des gamins qui bossent pour elle — ou plutôt qui considèrent son bureau comme celui des pleurs et des réclamations. Elle s’en accommode jusqu’à… Jusqu’à ce qu’elle s’isole ici. Des serveurs, des murs blancs, le ronron des machines et l’air frais de la climatisation. Du calme, de la solitude. Son truc à elle.

La blonde jette un coup d’œil à son téléphone posé entre ses escarpins. Soupir. Retour à son écran. S’arrêter de taper. Se dire que son truc à elle, du moins ce dont elle a besoin tout de suite, ne se situe pas exactement ici. Il y a mieux, ailleurs. Il y a mieux avec quelqu’un d’autre. Sauf que les circonstances font que c’est compliqué et qu’il va manquer la moitié de ce qu’elle cherche. Il pourra pas, cherche pas. Elle tente, attend, jette un coup d’œil à sa montre.

Dans le taxi, nouveau message. Court, assez persuasif elle l’espère.
Là-dessus, Siobhan se mort la lèvre. Pourvu qu’ils ne l’aient pas assommé en réalité. On ne sait jamais avec ces personnes là après tout.
Ses doigts glissent sur les bords d’une bougie où une flamme danse quelque peu dangereusement, peut être bien qu’elle l’a déjà touchée. Aucune idée. Ça fait longtemps qu’elle a oublié ce genre de sensation. En public, elle grimace. Ici, elle continue. Chaque client est bien trop préoccupé par son propre verre pour porter attention à cette fausse pyromane, aussi attirante soit elle.

Son regard glisse sur son téléphone. Toujours pas de lumière. Toujours pas de message. Sa gorge se noue. Pas dit que l’absence de signe soit une bonne nouvelle cette fois. Elle porte son verre de whisky à ses lèvres. « Toujours pas partie ? » Elle tourne la tête, cligne des yeux. En plus d’être assez créatif pour s’extirper de l’hôpital,  la blonde constate que monsieur s’est arrangé pour ne pas débarquer dans une de ces blouses avec le cul à l’air. « Tenace et déterminée, pour changer. »

Ceci dit, passé une certaine heure vraiment tardive, elle n’aurait pas attendu de s’endormir sur le comptoir pour appeler un nouveau taxi. « Il est tard pourtant. Enfin, je crois. » Haussement d’épaule. Elle a perdu la notion du temps, ne faisant pas réellement attention lorsqu’elle consultait l’heure plus tôt. « C’est possible, mais tu me fais faux bon depuis trop longtemps maintenant. » Bien que ce ne soit pas sa faute, elle lui en veut. « Avoue que tu t’attendais pas à ce que je me pointe. » Oui, non. Elle n’en a aucune idée. Elle ne sait plus trop quoi attendre des autres, puisqu’elle ne sait plus quoi attendre de soi-même. Après tout, elle n’a jamais tenu à être aussi dépendante de la compagnie de qui que ce soit, aussi platonique soit elle. « Dis moi que t’as une clope, pitié. » Siobhan n’est pas vraiment une fumeuse à proprement parlé. C’est une façon de pouvoir aborder les hommes avant de passer un bout de nuit dans leur lit… ou de dépanner des amis, à l’occasion. « Une blonde, une cigarette, c’est presque ton jour de chance. » Elle lui glisse une cigarette entre les lèvres, délicatement, presque de façon attentionnée, puis allume le briquet. « Tu fais peur à voir, t’es au courant ? » Ce n’est pas parce que l’état de Thomas nécessite des soins médicaux qu’elle va lui épargner les sarcasmes.
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() message posté Mer 1 Juil 2015 - 17:22 par Invité
« Tenace et déterminée, pour changer. » Je laissai échapper un grincement du fond de ma gorge. Ton rire, Tom. Oui, mon rire. Je riais. Avec amertume, sans que l’on puisse reconnaître quoi que ce soit d’espiègle ou d’agréable, mais c’était ce qui me restait. Un rire noir et sale qui se mêlait à l’atmosphère durant une poignée de secondes puis qui disparaissait dans la chaleur de la nuit. Je serrai les dents puis soupirai. Rire m’avait fait mal. Depuis que j’étais à l’hôpital, tout me faisait beaucoup plus mal. Manger était une souffrance tant mon estomac n’était plus habitué à le faire. On refusait que je fume. Que je boive autre chose que de l’eau, soit trop fraîche, soit trop tiède, selon l’humeur. On refusait que je m’agite ou que je proteste. Je déteste ces murs blancs. Je déteste ces draps. Je déteste ces visages conciliants. Et les médecins étaient de vieux bouffons. Listant chacun de mes méfaits comme si c’était nouveau qu’être alcoolique et ne pas manger n’arrangeait pas la santé. Thomas, vous avez des carences en … Ferme-la, sérieusement. Je savais déjà tout. Je le vivais, je n’avais pas besoin qu’on me le rappelle. Et puis, un jour, il y eut la morphine et le sommeil sans rêve. Le sommeil qui n’arrangeait rien mais qui polissait l’allure. Qui nourrissait le mensonge. Qu’est-ce que t’en as à foutre, Tom ? Tu ne dors pas d’habitude, de toute façon. La plante de mes pieds me fit mal. Elle était probablement ouverte. Il faudrait que je dissimule ça aux infirmiers en rentrant. Parce que tu comptes rentrer maintenant que t’es ici ? Te fous pas de ma gueule. Mais c’était vrai. Lorsque Siobhan déciderait qu’elle n’était plus si tenace et déterminée, lorsqu’elle se lèverait et qu’elle me laisserait là pour repartir avec un autre, ou bien seule vers chez elle, seule à travers la nuit, seule à travers la vie. A cet instant j’allais me lever à mon tour et retrouver le chemin de l’hôpital. Retrouver ces horreurs pâles qui me hantaient tant. Tout était blanc et éclatant. Mon appartement me manquait terriblement. J’ignorais si Elsa avait décidé de partir, finalement. Elle ne me parlait pas, ces temps-ci. Elle avait arrêté d’insister. Mais même son visage à elle, même son sourire et ses gloussements que j’avais du mal à supporter seraient de meilleure compagnie que tout ce que j’avais pu rencontrer à l’hôpital. J’aurais au moins eu l’impression d’être chez moi. On m’aliénait et je redoutais la morphine comme une menace qui se faisait passer pour une sorte de blague. J’avais peur d’aimer ça. J’avais peur de n’être plus que l’allure.

« C’est possible, mais tu me fais faux bon depuis trop longtemps maintenant. » J’ouvris les yeux pour observer sa silhouette dissimulée dans l’ambiance tamisée du bar. Je haussai les épaules, sans relever la tête, sans en avoir la force. « J’ai été retenu. » Par qui, par quoi, aucune importance. Je t’avais dit que je ne pouvais pas venir, Siobhan. Pourtant je suis là. J’avais l’air d’un chat écrasé sur la chaussé et elle me reprochait presque d’être arrivé en retard. Quelle femme ingrate. De toute façon, je préférais ce genre d’atmosphère. Lorsqu’il était si tard que l’on oubliait l’heure, jusqu’à ce que le tard se transforme en tôt et que mes oiseaux de nuit et moi-même commencions à redouter le soleil. Tu m’en veux pas. Je ne manque à personne. J’ignorais pourquoi, mais je trouvais ce moment agréable. Il avait un air un peu fou, un peu décalé, un déjà-vu qui n’agaçait pas, qui confortait plutôt dans l’idée qu’il fallait être ici à cet instant. A deux, avant de s’envoler autre part, de se perdre à nouveau. Je n’imaginais pas Siobhan le jour. J’avais le cerveau trop embrumé pour me rappeler de si oui ou non je l’avais déjà vue autre part que dans un bar plongé dans la pénombre, éclairé aux bougies dont les flammes se reflétaient comme la malice mystérieuse au fond de son regard. Je fis rouler mes muscles sous ma peau dans l’espoir d’en défaire les nœuds, de retrouver une quelconque souplesse. En vain. « Une blonde, une cigarette, c’est presque ton jour de chance. » Je lui adressai un mince sourire, une once de reconnaissance cachée entre mes lèvres. Je la mérite cette clope, te fais pas désirer. Elle en glissa une au coin de ma bouche et alluma un briquet pour que j’en plonge l’extrémité dans la flamme vacillante, ce que je fis sans attendre. Une bouffée de tabac et je me sentis revivre. Elle avait raison et son ironie lui voilait la vérité. C’était mon jour de chance, un que j’avais attendu depuis longtemps. Je laissai le filtre entre mes lèvres pâles et marmonnai : « T’as pas idée. » Voix rauque, épuisée, incapable de construire plusieurs phrases à la fois. Je perdais une syllabe par jour, bientôt je n’allais plus répondre que par oui ou par non. Même plus. Juste des battements de cils. Même plus. Juste le dédain au fond de mes prunelles.

« Tu fais peur à voir, t’es au courant ? » Je fronçai les sourcils et secouai la tête comme un enfant mécontent. Je pris le temps de me redresser finalement, non sans pousser un râle de douleur lorsque chaque os de mon dos craqua. Je gémis, mes muscles engourdis ralentissant chacun de mes mouvements avec la plus grande précision. Je m’accoudai de nouveau au comptoir pour rester à peu près droit et me saisis de mon verre, l’air toujours renfermé, les traits creusés par la mauvaise humeur. Je portai le rebord du verre à mes lèvres après en avoir retiré ma cigarette et bus lentement ce qui s’y trouvait. Un truc infâme et sans goût mais qui semblait avoir la saveur d’une liberté que je ne méritais pas. Mes yeux fixaient le bar, vitreux. « Ils me droguent à l’hôpital. » Un sourire apparut sur mon visage. C’est ça, déresponsabilise-toi, pauvre con. C’était un résumé clair et simple. Ca expliquait tout. Ca excusait tout. « Peut-être que tu devras me ramener d’ailleurs. Pas sûr que je retrouve mon chemin. » J’avais déjà du mal à boire et à fumer. J’avais déjà du mal à parler et à me concentrer, à la regarder et à l’écouter. Alors marcher, c’était une autre histoire, une à laquelle je ne voulais même pas penser. « A moins que tu n’aies déjà décidé de partir avec quelqu’un d’autre. » Mes pupilles balayèrent la salle une seconde et je me penchai en arrière, plantant mes ongles sales et bien trop longs dans le bois pour ne pas tomber. Douleur dans la plante du pied, encore. Je parcourus le visage de chaque être ayant échoué ici, leur adressant un jugement hâtif et déplacé. Comme si j’avais ce droit-là. Comme si j’étais le mieux placé pour le faire. Oh, mais ils m’avaient tous jugé quand j’étais entré pieds nus dans cet endroit. Je pouvais bien leur rendre la pareille.
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