what doesn't kill you makes you stronger. (edwin)

août 2000, maison familiale des Sweetlove •
La journée était finie depuis un peu plus de deux heures, lorsque mon ainé et moi étions allés nous coucher. Eleanor, ma petite sœur qui avait tout juste quatre ans, dormait déjà dans son petit lit. Comme nous dormions tous les trois dans la même chambre, nous avions dû faire attention à nos mouvements afin de ne pas faire trop de bruits. Et, une fois couché dans nos lits respectifs, nous nous étions souhaités une bonne nuit, espérant pouvoir en passer une tranquille. Malheureusement, pendant la nuit, des bruits m'avaient réveillé. Je m'étais relevé sur mon lit, m'étant assis pour bien écouter les bruits provenant hors de la chambre. N’ayant rien entendu pendant quelques minutes, j’allai me recoucher, persuader que j’avais rêvé. Mais je n’avais pas eu le temps de le faire. J’avais entendu à nouveau du bruit, suivi rapidement par un cri. Un cri féminin.. C’était ma mère. J'avais serré mon drap dans mes mains, sachant très bien ce qu’il se passait. Mon père était en train de frapper ma mère, une fois de plus et je n'y pouvais rien. Personne dans cette chambre ne pouvait faire quelque chose, à part se taire et rester là. D’ailleurs, mon aîné, qui n’avait prononcé le moindre mot, s'était levé pour aller verrouiller la porte. C’était la meilleure chose à faire pour s’assurer que notre père ne rentrerait pas dans notre chambre. « J’ai peur.. » La petite voix d’Eleanor avait interrompu le silence pesant qui régnait dans cette pièce et, automatiquement, nous avions tourné la tête vers la plus jeune de la fratrie. Le plus grand était allé vers le lit de la plus petite, s’asseyant à côté d’elle et prenant ses mains dans les siennes. « On est là avec Edwin. » Avait-il dit, souriant à la petite. Je m'étais levé à mon tour de mon lit pour aller m’asseoir à côté d’eux. Mon frère s'était déplacé afin de se retrouver assis du côté gauche de notre petite sœur et, moi, du côté droit. Il avait gardé l’une de ses mains dans la sienne et, de mon côté, j'avais pris son autre main dans les miennes. « On ira bien, hein. » Je ne savais pas si j'avais sorti ça comme une affirmation ou si c’était plus un questionnement qu’autre chose. Mon frère, lui, avait cru comprendre que moi aussi, j’avais besoin d’être rassuré. « Je serais là pour vous protéger. » Il n’avait que huit ans, il n’était encore qu’un gosse et, pourtant, du haut de mes six ans, je lui faisais beaucoup plus confiance à lui qu’à un adulte. Tout irait bien tant qu’on serait tous les trois, j’en étais persuadé.

juillet 2008, maison familiale des Sweetlove •
« EDWIN, VIENT ICI TOUT DE SUITE ! » J’étais en train de dessiner tranquillement dans ma chambre, lorsque la voix de mon père était venue à mes oreilles. Eh merde.. Son ton ne présageait rien de bon. Bien au contraire, il semblait très énervé. À quatorze ans, j’avais une peur inouïe de mon père, de ce qu’il pourrait me faire subir. Les années d’avant, il n’avait jamais rien fait, mais depuis quasiment deux mois, les coups pleuvaient. D’abord des gifles, puis des coups-de-poing. Parfois, des coups de ceinture. Ma hanche pouvait en témoigner. J’avais une vilaine entaille de son dernier moment de défoulement sur ma personne. Depuis deux mois, j’avais peur de l’énerver. Je n’avais pas envie de descendre, mais je savais que ça serait pire si je ne le faisais pas. Alors, j’étais descendu dans le salon, lentement. Bah ouais, qui serait presser de recevoir un coup ? Personne. « Te voilà enfin. C’est quoi ça ? » Il m'avait questionné tout en me balançant un bout de papier. Une facture, pour être plus précis. Je n’avais pas eu besoin de prendre le papier pour le savoir. En jouant au football avec des amis, j’avais réussi à briser l’une des vitres du salon. Mon père n’étant pas là à ce moment-là, j’avais fait venir un vitrier rapidement pour arranger ma bêtise. J’avais eu le temps de tout régler : le tarif, le déplacement. Et j’avais pu récupérer la facture. Ce que je n’avais pas envisagé, c’est que mon paternel allait la trouver, cette fameuse facture. « Tu ne me réponds pas, Edwin ? » Il m'avait fait revenir à la réalité et j'avais penché la tête vers ce bout de papier. « J’sais pas ce que c’est.. » Je savais que lui mentir, ça serait pire, mais je ne me voyais pas lui dire ce que c’était et pourquoi elle était là. « Espèce de petit con ! Tu vas voir ce que je fais des menteurs ! » Et vlam ! Je m’étais pris une baffe en plein dans la gueule. Je n’avais même pas eu le temps de dire ouf, que je m’en étais reprise une autre. Et cette correction avait duré pratiquement une demi-heure. « C’est lui qui t’a fait ça ? » Avais-je entendu près d’une heure après, lorsque je m'étais trouvé devant le miroir à observer l’entaille dans le bas de mon dos. La ceinture avait encore fait son effet. J'avais baissé rapidement mon tee-shirt devant le regard de mon frère. « C’est rien, ne t'en fais pas, j’ai l’habitude. » C’était malheureux, j’avais mal, mais j'avais préféré faire croire que ce n’était rien pour que mon frère n’aille pas voir notre paternel.

mai 2014, appartement de la fratrie •
« Edwin, il faut qu’on parle. » J'avais regardé ma petite-amie en fronçant légèrement les sourcils. Ça ne sentait généralement pas très bon lorsqu’une personne vous sortait ça. Encore moins lorsqu’il s’agissait de sa petite-amie. Soit, elle voulait rompre. Soit, elle allait m’annoncer une chose horrible. J'avais pris sa main et on était allé s’installer sur mon lit. « Je t’écoute bébé. » Je l'avais regardé pendant qu'elle était en train de jouer avec les plis de sa robe. Elle était nerveuse, ça se voyait tellement. « Je ne sais pas comment te dire ça.. » J'avais froncé légèrement les sourcils. Qu’est-ce que ça pouvait être ? Cela faisait presque quatre ans que nous étions ensemble et elle n’avait jamais eu d’hésitation lorsqu’elle devait m’annoncer quelque chose. C’était étrange. « Tu sais que tu peux tout me dire. » Je l’avais encouragé à me parler, serrant doucement sa main dans la mienne. Elle avait tourné la tête la tête vers moi, puis elle s'était levée, commençant à faire les cent pas dans ma chambre. Je l'avais laissé faire sans rien dire, sachant très bien que c’était une manière à elle pour se décontracter. Et puis la brusquer ne servirait à rien. Je l’avais observé pendant sa marche, une marche qui avait duré quelques longues minutes, jusqu’à ce qu’elle s’arrête en me faisant face. « Je suis enceinte. » L’annonce avait eu l’effet d’une bombe. Elle était enceinte.. Je n’avais pas rêvé.. J'étais resté stoïque, ne sachant pas quoi dire à ma petite-amie. J’avais d’ailleurs baissé la tête pour ne pas affronter son regard. De longues minutes étaient passées ainsi sans que l’un de nous deux ose prononcer le moindre mot. Intérieurement, j'avais souhaité que cette situation ne soit qu’un rêve, que j’allais me réveiller dans les secondes suivantes. Ça ne pouvait pas être vrai, ça ne pouvait pas arriver. Je n’avais que vingt ans, je ne pouvais pas devenir père, pas maintenant. « Dit quelque chose bébé, je t’en prie.. » La voix de ma petite-amie m'avait ramené à la réalité. Rapidement, j'avais relevé la tête vers elle et mon cœur s'était serré à la vision que j’avais eu devant moi. Ma petite-amie était en train de me regarder, les larmes dans les yeux, tout en jouant nerveusement avec ses doigts. Je m'étais levé automatiquement pour aller me placer face à elle. « On va trouver une solution. Tant qu’on est tous les deux, tout ira bien. » Ce furent les premières paroles que j’avais pu dire. Je n'avais pas su quoi lui dire d’autres, mais ces paroles avaient semblé l’apaiser. Et elle s'était collée contre moi, tandis que de mon côté, je me demandais ce qu’on allait bien pouvoir faire.

mai 2015, appartement de la fratrie •
Il était plus de six heures ce matin lorsque je me réveillais. Je m’étirais longuement avant de sortir de ma chambre pour me diriger vers la cuisine. J’ouvrais l’un des placards pour prendre une tasse et un bol, puis j’allumai la machine à café pour faire couler ce dernier. Pendant qu’il coulait, j’allai allumer le téléviseur dans le salon, mettant directement une chaîne de dessins animés. Une habitude qui ne changeait pas au fil des années. Je revenais dans la cuisine et récupérer un biberon sur le plan de travail. Puis, après avoir récupéré une boite de lait pour bébé, je préparais le biberon. Une fois chose faîtes, je mettais le biberon au micro-onde pour le réchauffer et, en attendant qu’il chauffe, je préparais du chocolat chaud et le versais dans le bol. Je prenais ensuite le récipient qui contenait le café et en versait dans la tasse. Je positionnais le bol de chocolat et la tasse de café dans un plateau, auquel je rajoutais le biberon de lait, avant d’amener le tout devant la télé. Je faisais de nouveau un petit détour vers la cuisine pour prendre deux verres, une brique de jus et la boite de céréale, avant d’aller tout déposer sur la table basse du salon. Une fois toute la préparation finie, je me dirigeais vers ma chambre et me rapprochais d’un berceau. Le berceau de ma fille, Emmy, l’enfant que j’avais eu avec mon ex petite-amie. Cette dernière avait pris la fuite après l’accouchement. Les premiers jours avaient été terribles, mais maintenant, tout allait pour le mieux. Comment ne pas succomber à ce petit ange blond qui vous regarde avec un magnifique sourire ? D’ailleurs, ce petit amour était réveillé et attendait bien sagement ma venue avec sa tétine dans la bouche. À peine l’avais-je dans le viseur que je souriais tendrement. Emmy avait les cheveux de sa mère, mais tout le reste était de moi : son sourire, son nez, la couleur de ses yeux. Même ses petites mimiques. « Mon bébé a bien dormi ? » Disais-je après l’avoir prise dans mes bras. Son petit sourire me faisait comprendre que oui. Je lui déposais plein de petits bisous sur la joue, tout en l’emmenant avec moi dans le salon. « Vous voilà ! J’ai cru que vous m’aviez posé un lapin. » Eleanor, ma sœur, était installée dans le canapé, le sourire aux lèvres, son bol dans les mains. « C’est moi qui ai tout fait ce matin, alors arrête de te plaindre. » Je lui faisais une petite moue, tout en m’installant avec Emmy dans le canapé. Je déposais la petite entre ma sœur et moi, puis je lui donnais son biberon. Je prenais ensuite mon café et on se taisait pour laisser le téléviseur nous captivait. C’était tellement bon ce genre de matin dans l’appartement familial. Actuellement, nous n’étions que trois dans cette demeure. Mais, dans quelques mois, nous allions être rejoints par l’aîné de la fratrie qui allait sortir de prison. Nous allions enfin être réunis, pour mon plus grand bonheur.