Il est dix-sept heures, je viens tout juste de sortir du Starbucks où je travaille, après avoir raccroché l’ignoble tablier vert au mur et dis au revoir aux autres qui bossent ici. Quand je dis ignoble, j’exagère. A force je l’aime bien, du moins je m’y suis faite, c’est l’essentiel.
Mon sac de sport en bandoulière sur mon épaule, je marche rapidement en direction de mon vélo pour monter sur celui-ci une fois la sécurité de l’antivol détachée. Je suis déjà allée à la salle de sport hier soir, mais c’était pour initier ma sœur, MJ, à la boxe, alors… On ne peut pas vraiment dire que je me sois réellement entrainée, ou pas autant que je l’aurais voulu. C’était sympa de passer un moment avec elle, mais j’ai réellement besoin de cogner dans quelque chose au moins une fois par semaine si je veux pouvoir garder mon calme. C’est surtout psychologique, mais ça marche ; la preuve ça fait des années que je ne me suis pas battue.
J’ai plutôt l’habitude de me rendre là-bas en métro, c’est plus rapide et beaucoup moins crevant quand je dois rentrer après une bonne heure d’entrainement, mais je dois avouer que là j’ai quelque peu la flemme d’aller chez moi poser mon vélo pour repartir ensuite. Je n’en ai ni le temps, ni l’envie.
Je pédale donc pendant une bonne dizaine de minutes, un peu plus peut être, et traverse les rues animées de Londres sans vraiment profiter des alentours. Je les déjà connais par cœur de toute façon. Je finis par arriver à la salle et m’arrête devant le bâtiment pour descendre de mon vélo avant de l’attacher. Je vérifie rapidement que tout est bon puis entre à l’intérieur. Immédiatement, un très léger sourire se forme sur le coin de mes lèvres, accompagné d’un sentiment de bien-être. J’adore être ici, c’est un peu comme une deuxième maison. Maintenant que j’y pense, je dis ça de pas mal d’endroits… Chez ma grand-mère, chez ma sœur, mon cousin…
Sans plus attendre je me dirige vers les vestiaires des filles, dans lesquels se trouvent quelques-unes de mes connaissances, des personnes que je croise de temps en temps, que je suis habituée à voir et avec lesquelles il m’arrive de discuter quelques fois. Je troque mon jean et mon t shirt pour un débardeur un peu ample et un short de sport, noir, puis quitte les vestiaires après m’être relevé les cheveux en une queue de cheval.
Je me rends jusqu’aux différents punching ball dont dispose la salle, mes gants que je tiens dans une main et que je m’apprête à enfiler lorsque je vois une silhouette familière pas très loin. Simon. Sims, plutôt. Je sais qu’il déteste lorsqu’on l’appelle par son prénom. Je crois que je le connais depuis des années, depuis le moment où j’ai commencé la boxe… Ça fait bien dix ans, donc. On avait douze ans, il pratiquait déjà ce sport depuis longtemps, et je ne me souviens pas vraiment comment on s’est trouvé à se rapprocher… Toujours est-il que maintenant, on s’entend bien. Très bien. Assez pour que je remarque tout de suite que quelque chose ne va pas aujourd’hui. Je fronce très légèrement les sourcils en le voyant s’acharner de cette manière sur le sac et ne mets pas plus de temps que ça avant de me décider à marcher dans sa direction, pas vraiment par curiosité mais plutôt par… Inquiétude ? Je ne sais pas si on peut appeler ça ainsi, mais presque, oui.
J’arrive à sa hauteur, derrière le punching ball sur lequel ses poings cognent sans cesse, et pose mes mains dessus afin de le stopper comme je peux. Je penche alors mon visage sur le côté pour qu’il puisse me voir un peu mieux.
« Hey Sims. Qu’est-ce que cette pauvre chose t’as faite pour que tu t’acharnes dessus comme ça ? » Je lui adresse un petit sourire, un sourcil haussé en signe d’interrogation.
« Tout va bien ? » Ne pas tourner autour du pot cent sept ans, je déteste ça, autant lui poser la question directement.
Emi Burton