"Fermeture" de London Calling
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() message posté Lun 12 Oct 2015 - 16:38 par Invité
Walt émit un rire, amusé par ma remarque. Il devait en connaître des choses, sur les odeurs animales. Au fond, j’espérais qu’on s’habituait vite à la nouvelle vie qui nous accompagnait. J’ignorais si je faisais ça pour embêter Hazel ou pour faire plaisir à Jacob. Les deux, probablement. Mais elle ne m’en voudrait pas bien longtemps. Elle n’en voulait pas bien longtemps à ceux à qui elle tenait. Je notai dans un coin de ma tête qu’il fallait que je m’informe sur sa relation avec son ex-compagnon. Il était revenu dans sa vie mais nous ne nous étions pas arrêtées sur le sujet car j’avais été malheureusement très prise, ces derniers temps, avec la recherche d’un travail plus stable et l’organisation des vacances. « On sait jamais, c’est comme les humains, y’en a des plus ou moins odorants. » Je secouai la tête, atterrée par ses remarques. Essayait-il encore de me draguer ou avait-il simplement fini par vraiment vouloir parler d’animaux ? Je haussai les épaules : après tout, il n’avait pas tort. Si on s’en occupait bien, il ne devait pas y avoir de problème. Et rien qu’à regarder les yeux aux pupilles dilatées des chatons dans les cages – regard sur lequel je m’extasiai immédiatement car, avouons-le, il n’y a rien de plus adorable qu’un chaton qui vous observe avec des yeux larmoyants – j’étais certaine qu’on allait tout faire pour bien s’en occuper. Je m’imaginais déjà, rentrant exténuée du travail et me roulant en boule sur le canapé avec, comme soutien chaleureux, le pelage soyeux et réconfortant d’un chat venu se frotter contre moi – mon idée du paradis. Plus qu’une tisane, et au lit.

Walt se saisit du chat et caressa entre les oreilles de celui-ci. Il paraissait beaucoup moins viril, beaucoup plus attendri : si l’on venait à faire du mal à ce chaton, il en deviendrait rouge de colère et tuerait probablement quelqu’un. J’entendis l’animal ronronner bruyamment alors que je sortis mon portable. Walt prit la pose puis finalement, proposa : « Fowler, ça lui irait bien comme nom, Jacob l’adore. » Je suspendis mon geste et fronçai les sourcils. Je ne l’avais jamais entendu prononcer ce nom mais malgré tout, celui-ci provoqua en moi une impression étrange de déjà-vu. J’affichais une moue approbatrice en haussant les épaules : il devait probablement exister un joueur avec un nom pareil. Si Hazel tentait vainement de s’intéresser à la passion sportive de son fils, j’avais vite abandonné mes tentatives. Il m’arrivait parfois de les rejoindre lorsqu’ils décidaient de jouer un « match de foot », mère contre fils, et Jacob s’amusait à avoir le rôle de chaque joueur en braillant le discours des commentateurs. Pas mal de noms revenaient mais je finissais toujours par les oublier parce que le plus drôle, soyons francs, était le moment où Hazel enlaçait fermement Jacob, malgré ses protestations – on n’enlaçait personne au foot, c’était interdit ! – et qu’il gigotait pour tenter enfin de se libérer de l’emprise maternelle. « Bon, ce sera un nom provisoire. » répondis-je finalement. Je ne voulais pas dire une bêtise à Jacob, briser toute la joie d’avoir un chat juste parce qu’un inconnu m’avait sorti un nom au hasard pour me faire plaisir. Si ça se trouve, il essayait encore de me draguer. Au milieu d’une animalerie, des odeurs de litière, de croquettes et de plantes synthétiques. C’est qu’il avait de l’espoir, le Walt.

Il reprit finalement la pose initiale, tenant délicatement la petite bête entre ses doigts, contre son torse. Je me préparai à prendre la photo, certaine que la bouille adorable du chat persuaderait immédiatement Hazel que c’était une bonne idée que d’en avoir un. Mais je n’eus pas le temps de prendre le moindre cliché car Walt fronça les sourcils. Je suspendis immédiatement mon geste, prête à lui demander de ne pas faire une grimace sur la photo – je tentais tout de même d’amadouer ma meilleure amie avec un chat et un bel homme, alors si le bel homme faisait la gueule, ça n’allait pas le faire. Mais, avec une colère soudaine, il s’exclama : « Ce con m’a pissé dessus ! Putain d’enfoiré ! Vas-y tiens reprends-le ! » Il me lança presque le chat, son regard brûlant rivé vers la tache humide et malodorante de sa chemise. J’eus un réflexe immédiat, baissant mon portable et réceptionnant le chaton avec dextérité, même si celui-ci planta ses minuscules griffes dans la peau de ma main, apeuré par ce soudain rejet. Affolé, il se hérissa et je le tins entre mes doigts à mon tour – je n’allais tout de même pas me faire avoir aussi et le laisser uriner sur mon haut. Walt grogna de nouveau et cela m’arracha, malgré moi, un sourire un peu moqueur. « Je retire ce que j’ai dit, je veux pas que le diable sur pattes porte mon nom, vaut mieux laisser le petit choisir lui-même. » Je haussai les sourcils avec surprise. Voilà d’où venait le déjà-vu. J’avais lu son nom de famille sur le constat et, dans sa grande fierté masculine, il m’avait dit de nommer l’animal d’après lui. La blague. Ce chaton paraissait plus viril que lui à présent. Je pouffai de rire et l’observai d’un air navré, attrapant le chat par la peau du cou pour le reposer dans sa cage avec ses compagnons. « Il me venge parce que tu t’es moqué de moi,  il veut pas de ton nom, il a de la dignité. » m’enquis-je sur un ton rieur. « C’est bien, au moins comme ça je sais à quoi m’attendre ! » Je haussai les épaules. « Peut-être que ce chat n’aime pas le foot. » Je m’approchai de Walt qui ruminait encore son exaspération. « T’aurais pas des mouchoirs par hasard ? J’aimerais pas que mon chat se sente obligé de faire pareil quand je rentrerai chez moi… » J’émis un rire amusé, secouant la tête, puis lui désignai les toilettes de l’autre côté du magasin.  « Non mais viens, tu trouveras ton bonheur là-bas. C’est vrai, faudrait pas que tu deviennes un humain odorant. » conclus-je avec ironie, m’amusant en reprenant ses paroles malicieuses. Première leçon d’humanité : ne soyez pas trop fier de vous, un chat peut vous pisser dessus ensuite et ça gâche toute votre allure.
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