when the snows fall and the white winds blow, the lone wolf dies but the pack survives.
scarlet, emery and eugenia.
♔ ♔ ♔ ♔ ♔
Pourtant, au bout d’un an, j’avais fini par m’y faire. Pourtant, au bout d’un an, j’avais eu l’occasion de m’y habituer. D’apprendre à le maîtriser. D’apprendre à avancer. D’apprendre à avoir une certaine autonomie. J’avais eu des infirmières derrière moi lors du temps que j’avais bien pu passer à l’hôpital. J’avais essayé, encore et encore, je m’étais trompée, encore et encore. J’avais fini par assimiler les mouvements, la cadence que mes bras devaient trouver. J’avais fini par guérir de ces ampoules qui avaient doucement pris place sur mes paumes ; j’avais même investi dans des mitaines conçues pour les personnes en fauteuil roulant. J’avais même appris à relativiser, à ma manière, en me disant que Professeur X réussissait bien à être un handicapé moteur à plein temps. Que, lui aussi, même si c’était par accident, il avait réussi à s’y faire et vivre avec. Pourtant, il y avait des jours avec et des jours sans. Et, aujourd’hui, le goût amer qui avait pris possession de ma langue m’indiquait que cela était sans doute un jour sans. « Damn. » marmonnai-je, m’adressant autant à moi-même qu’aux murs. Je ne savais pas comment j’avais fait mon compte. Je ne réussissais qu’à accuser la lanière du sac que j’avais pu effleurer en passant l’encadrement de ma porte de chambre. Les roues s’étaient bloquées sous mes gestes, et je n’avais plus réussi à avancer. J’avais pris une profonde inspiration, avant de me baisser pour tenter de retirer le sac. Il demeura bloqué. Bloqué malgré les grands coups que je donnai pour tenter de le retirer. Je m’acharnai sur les roues de mon fauteuil, ne parvenant à rien d’autres qu’à me coincer encore plus. J’étais de travers. Une de mes roues était retenue par l’encadrement de la porte ; l’autre effleurait l’autre côté, coincé par la lanière du sac. Lanière que je ne réussissais pas à retirer. Et je restai là. Coincée tandis que j’avais simplement souhaité sortir de ma chambre. Je sentis la panique monter en moi. Je sentis mon cœur s’affoler. Je fermai simplement les paupières, exactement comme les psychiatres avaient bien pu m’apprendre. Je pris une profonde inspiration. Tout va bien, cela n’est pas la fin du monde. Puis une seconde. Ma jumelle allait bientôt rentrer. Puis une troisième. Je n’avais qu’à être patiente. Je pris mon téléphone portable, logé contre ma cuisse. Je pianotai dessus, le ton de mon message texte presque enjoué ; je l’envoyai, puis commençai à me ronger les ongles anxieusement. Les minutes me parurent longues. Bien trop longues. Puis la réponse arriva. Et je soupirai. Elle était en chemin. Pourtant, je n’avais déjà plus de patience. Pourtant, cette simple réponse ne semblait pas me suffire. J’aurais aimé me lever et partir. Me lever et me débrouiller toute seule. Mais je ne pouvais pas. Je n’y arrivais pas. J’étais coincée, coincée dans cette chaise. Je déglutis difficilement, avant de prendre une nouvelle profonde inspiration. Mon cœur battait encore beaucoup trop vite. Je tentai de trouver en mon portable une quelconque occupation ; je ne fis que trouver qu’un nouvel objet d’énervement. Je jonglais entre les tweets de notre colocataire – présente dans l’appartement et guère décidée à comprendre ma situation – et les messages de ma sœur. Mais aucune d’entre elles ne m’avaient encore aidé. Mais aucune d’entre elles ne m’avaient encore sorti de là. Puis, finalement, j’entendis Emery se lever du canapé pour se diriger vers moi. Et ma sœur à la porte d’entrée, en train de s’énerver après ses clefs portées disparues. Ce fût la gêne qui remplaça la panique : cependant, je gardai un faux sourire sur les lèvres, tout en observant Emery entrée dans mon champ de vision. « Avoue, mes menaces t’ont fait peur. » lui lâchai-je. Même dans mes propres oreilles mon ton enjoué paraissait faux. Mais mon sourire était toujours présent sur mes lèvres. Je m’acharnai dans mes faux-semblants. Je m’acharnai malgré la gêne qui me remplissait à chaque fois que j’avais besoin de l’aide de quelqu’un d’autre. Je m’acharnai malgré cette envie d’y arriver seule mais de ne pas être capable d’y parvenir. Parce que mon quotidien était comme cela, dorénavant. Je n’étais plus bonne qu’à vivre sur le dos des autres. Plus bonne qu’à n’être qu’une sorte de parasite. Il y avait des jours sans, oui. Tout se passerait mieux demain.
when the snows fall and the white winds blow, the lone wolf dies but the pack survives.
Les coudes appuyés sur le comptoir, Scarlet regarda les clients passer d’allée en allée, sans jamais se diriger vers sa caisse. Pourquoi avait-il fallut qu’on la mette en remplacement alors qu’elle s’occupait généralement des rayons? Soupirant, la brune essaya de relativiser. Elle aurait bientôt fini, plus que quelques minutes et elle pourrait rentrer chez elle. Elle ne put s’empêcher de grimacer tout de même à cette pensée. Si ce n’avait été que sa sœur et elle, les choses auraient pu lui paraître un peu plus agréables. Mais avec les frais médicaux déboursés pour la rééducation d’Eugenia et leur désir de rester à Londres, les jumelles avaient été dans l’obligation de prendre une colocataire, histoire que le loyer soit un peu moins lourd. Et pas n’importe quelle colocataire, non. Emery. La freak du lycée qui l’avait agressée à plusieurs reprises et dont elle s’était vengée en faisant de sa vie un enfer au niveau social. On ne pouvait pas dire que les deux jeunes femmes avaient été ravies à l’idée de cohabiter, elles s’étaient évitées aussi souvent que possible depuis leur emménagement et la moindre conversation qu’elles entamaient se terminait inévitablement en dispute. Leurs caractères n’étaient tout simplement pas compatibles et l’idée même de devoir la supporter en rentrant lui donnait mal au crâne. Perdue ses pensées, la brune ne remarqua que deux minutes plus tard que son service était fini. Sans perdre une seconde de plus, elle sauta de son tabouret et se dirigea vers une porte marquée d’un énorme « STAFF ONLY ». Jetant la veste affreuse qu’elle était obligée de porter au fond de son casier, son badge toujours accroché dessus, elle récupéra sa veste en cuir et son sac avant de claquer de nouveau la porte en métal. En ressortant, elle adressa un vague signe de la main à ses collègues, sans pour autant s’arrêter pour leur dire au revoir. Alors qu’elle sortait du magasin, sans vraiment regarder où elle allait pour se diriger vers la bouche de métro quelques mètres plus loin, Scarlet plongea la main dans son sac à main, fouillant de longues secondes avant d’en ressortir son iPhone et sa carte Oyster, qui par miracle se trouvait non loin. Déverrouillant son téléphone, elle put constater que sa sœur lui avait envoyé un sms plusieurs minutes plus tôt. La jeune femme pesta entre ses dents en constatant le problème, bousculant sans ménagement les gens sur son chemin pour valider son pass et se diriger vers son quai. Ce coup-ci, elle était beaucoup plus pressée de rentrer. Relevant enfin les yeux, elle tenta de se faufiler parmi la foule qui s’agglutinait sur le quai – quai qui, de son avis, était ridiculement étroit, comme le reste des quais du métro londonien à vrai dire. Pendant les minutes qui suivirent, Scarlet s’appliqua à répondre aux textos de sa sœur, donner autant de coups de coude que possible pour avancer lorsque le train fut là , ignorant allégrement les protestations et se faire aussi fine que possible pour parvenir à tenir au milieu du monde entassé dans le métro. Lorsqu’elle parvint à se caser dans un coin sans être certaine d’être éjectée avant la fermeture des portes, la brune poussa un long soupir avant de baisser les yeux de nouveau vers son téléphone. Elle n’avait déjà plus de réseau, Eugenia allait devoir patienter avant d’avoir des nouvelles. Ce n’était pas la première fois que sa sœur se coinçait dans un encadrement de porte, ou entre deux meubles. Mais généralement, Scarlet était dans les parages, toujours prête à l’aider, sans penser à toutes les fois où sa sœur avait refusé son assistance. Savoir qu’elle devait remettre son destin entre les mains d’un métro capricieux pour parcourir les quelques kilomètres la séparant de sa sœur faisait naître en elle un sentiment de panique. La jeune femme se contenta de souffler et de jeter des regards menaçants à quiconque s’approchait trop d’elle, comptant les stations une à une. De temps en temps, le réseau de son portable revenait et elle pouvait tenir au courant sa jumelle. Plus que quatre stations. Trois. Un bébé se mit à pleurer, déchirant les tympans de quiconque se trouvait dans un rayon de cinq mètres. Plus qu’une station. Lorsque la voix insupportable annonça enfin sa station – et, inutilement, toutes les possibilités de changements qui allaient avec – Scarlet se jeta littéralement contre la porte, attendant qu’elle s’ouvre en tapant nerveusement du pied. A cet instant, elle remercia le ciel d’habiter à quelques secondes seulement de sa sortie de métro, parcourant au pas de course les mètres qui la séparaient de son immeuble. Dans son empressement, elle se trompa trois fois de code, avant de finalement réussir à ouvrir la porte et faire les quelques derniers pas en direction de la porte de son appartement. Ouvrant violemment son sac au point d’en faire tomber la moitié du contenu à terre, la brune fouilla frénétiquement à la recherche de ses clefs, alors que son téléphone vibrait dans son autre main. Constatant qu’elle ne trouvait rien, elle regarda l’écran de son téléphone et répondit aussi vite qu’elle le pu, tapant lentement de son pouce alors que sa main libre continuait aveuglement ses recherches. « Putain de… Vous êtes où bande de connes ? » maugréa-t-elle à l’intention de son sac, espérant presque que ses clefs lui répondent. Ce fut presque le cas, puisqu’elle entendit un tintement et après avoir tapoté un peu plus, elle les sentit enfin sous ses doigts. A travers la doublire de son sac. Lâchant une autre flopée de jurons, elle se mit à la recherche du trou qui avait bien pu laisser passer son trousseau, alors que son portable vibrait une énième fois et qu’elle reportait son attention dessus. Le contenu du message de sa sœur l’énerva encore plus, puisqu’apparemment cette incapable d’Emery était dans les parages et ne l’avait pas aidée. Retirant ses doigts des tréfonds de son sac, Scarlet utilisa ses deux mains afin de répondre rapidement puis de se connecter à internet. Elle n’avait pas pris la peine d’enregistrer le numéro de sa colocataire et dû donc passer par Twitter pour lui dire le fond de sa pensée. Une fois sa rage déversée à l’écrit, autant qu’à l’oral, elle lâcha son portable dans son sac et plongea de nouveau sa main au fond de celui-ci, déchirant encore plus le fond pour atteindre l’autre côté de la doublure et par conséquent, son trousseau. Poussant un cri de victoire et le brandissant presque en l’air, elle finit par déverrouiller la porte et l’ouvrir à la volée, laissant son sac s’échouer au sol et ce qu’elle n’avait pas ramassé gisant sur le palier. Elle ne referma la porte puisqu’elle aperçu directement sa sœur et Emery, plantée devant elle, ne servant à rien. Elle se dirigea vers les autres jeunes femmes, sans parvenir à garder le ton de sa voix calme. « Bordel Emeric, tu sers vraiment à rien. T’as quoi dans le crâne pour rester plantée tout ce temps, à gober des mouches, hein ? Bouge de là, » ajouta-t-elle en la bousculant et en s’agenouillant près de sa sœur. Penchant la tête et essayant de reprendre son souffle, Scarlet examina la manière donc le fauteuil était bloqué et tira d’un coup sec sur la lanière du sac posant problème. Elle ne céda mais bougea d’un centimètre, si bien que la brune répéta la manœuvre, avec plus de violence. La lanière se dégagea brusquement et avec un sourire triomphant, Scarlet se redressa pour poser ses mains sur les accoudoirs de la chaise, la tournant afin qu’elle puisse circuler à travers l’encadrement de la porte. « Et voilà, Ginny, » dit-elle en souriant de plus belle, ne prêtant aucune attention à leur colocataire dans son dos.
Ou du moins, c’était supposé être une journée comme les autres.
N’ayant pas besoin d’aller à la fac ce matin, elle avait décidé qu’elle traînerait dans son nouvel appart, espérant que tweedledum et tweedledee aient autre chose à faire de leur journée, histoire de ne pas avoir à les avoir dans les pattes. Quand il s’agissait de Ginny (ou Wheels, comme Emmy l’avait surnommée) ça allait encore. Mais quand Scary était dans les parages, Emmy devenait simplement d’humeur massacrante, aucune d’entre elles étant capable de parler de façon normale à l’autre. Mais comment le pourrait-elle ? Scary avait fait de la vie d’Emmy un enfer pendant plusieurs années, à l’époque où elles vivaient encore à Cardiff et il était difficile pour cette dernière ne pas repenser à tout ce qu’elle lui avait fait subir. Scarlet. Elle avait même réussi à devenir un des sujets principaux lors de ses séances avec son psychiatre. Bitch. Et soudainement, elle pensait pouvoir devenir mère Theresa en jouant les infirmières avec sa jumelle. Mais c’est toi qui l’as foutu en chaise roulante, remember ? Gosh, rien que de penser à elle, suffisait à la mettre dans tous ses états. Et puis il y avait Ginny aussi. Elle n’était pas non plus toute rose. Et si à une époque, elle aurait même pu la qualifier d’amie, cela était révolu depuis longtemps. Depuis qu’elle avait fourré son nez là où elle n’aurait pas du. Depuis qu’elle avait découvert qu’Emmy était malade. Suite à cela, la blonde avait tout simplement refusé de lui parler à nouveau. Et voilà qu’elle partageait son appartement avec une persécutrice et une traîtresse. Well, karma’s a bitch. Après avoir déposé une souris morte dans l’aquarium de son serpent Nagini, Emery attrapa ses lunettes et quitta enfin sa chambre pour se rendre dans la cuisine. Manger. Mais pas forcément sain, il n’y a pas assez d’heures dans une journée pour se cuisiner un bon plat, non, Emery avait mieux à faire que de jouer les ménagères de 40 ans. Elle fit rapidement défiler ses sms sur son téléphone tout en croquant dans le toast qu’elle venait de faire avant d’aller prendre place sur le coin bureau du salon qu’elle s’était appropriée à juste titre. Bah oui, soyons honnêtes, ce n’est pas comme si les attentes de Scary en terme d’études étaient réalistes. Et Ginny. Ben…Elle pouvait en gros s’improviser un bureau un peu partout dans l’appart, elle avait déjà la chaise qui allait avec. Bitch please. Sans attendre, elle attrapa son carnet de notes où elle notait toutes ses recherches tout en scrollant sur ses sites scientifiques préférés. De temps en temps, elle ricanait toute seule en lisant quelque chose qui, pour quelqu’un étranger à ce milieu pouvait paraitre exceptionnellement intelligent, mais qui en réalité n’était qu’un ramassis de conneries à ses yeux.
We've been here too looong. Tryin' to get alooong Pretendin' that you're OH SO SHY ! I'm a natural ma'aaam Dooooin' all I can My temperature is runnin' hiiiigh
Elle se mit alors à chantonner plutôt fort la chanson qu’elle venait de mettre, se croyant tout simplement seule au monde quand elle entendit un bruit derrière elle. Oh tiens, Ginny était encore là ? Elle ne l’avait pas vue. Un sourire se dessina sur son visage alors qu’elle constatait que sa colocataire avait bloqué son fauteuil et sans réfléchir davantage à la question, elle attrapa son téléphone, commençant à lui envoyer des tweets. Des tweets qui pourraient paraitre profondément offensants, mais voilà, il s’agissait d’Emmy. Ce n’est pas qu’elle aime être méchante gratuitement, c’est juste qu’elle ne se rend pas compte de ce qu’elle dit la plupart du temps. Trait de caractère à mettre également sur le compte de sa maladie. Mais après un échange – qu’elle trouvait marrant – plutôt violent, elle finit par se lever afin de se diriger vers Ginny, alors qu’elle recevait déjà un autre tweet de la part de Scary. « Fuck you. » Balança-t-elle simplement après avoir terminé sa réponse qu’elle envoya au même moment où elle arrivait en face de Ginny. Quelqu’un s’agitait d’ailleurs derrière la porte, c’était très certainement sa majesté qui rentrait. « Menaces ? Moi qui croyais que tu voulais enfin me pécho. Me voilà déçue. » Dit-elle en souriant. La différence entre elles étant qu’Emmy, ne souriait pas faussement. Elle souriait sincèrement. Car elle ne s’était pas rendu compte qu’elle s’était montrée désagréable. Mais ce n’était pas sa faute. Ce n’était pas sa faute si elle n’avait pas réussi à rester concentrée assez longtemps.« C’est quoi le problème de ta connasse de soe… » Mais elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que la porte de l’appartement s’ouvrait déjà à la volée, laissant une Scary débouler telle une furie sous le regard interrogateur d’Emmy. « Euh.. J’allais l’aider. De rien quand même. » Dit-elle simplement en observant Scarlet qui tentait de libérer sa sœur. Oui, elle avait bien relevé le surnom qu’elle avait employé, mais elle allait attendre que cette dernière finisse avant de lui faire une remarque. « Toujours aussi salope, Scary. Grandis, on n’est plus au lycée. Ton heure de gloire est terminé. » Elle l’aurait surement attaquée, mais les calmants qu’elle avait pris un peu plus tôt suffirent à lui faire passer cette envie. Aussi, sur ces derniers mots, elle tourna les talons pour se rasseoir à son bureau, augmentant le son de sa chanson. Seule au monde, indeed.
Do you wanna touch ? Do you wanna touch ? Do you wanna touch me theeere, WHEEERE ? Do you wanna touch ? Do you wanna touch ? Do you wanna touch me theeere, WHEEERE ? THERE ! YEAAAH !
when the snows fall and the white winds blow, the lone wolf dies but the pack survives.
scarlet, emery and eugenia.
♔ ♔ ♔ ♔ ♔
L’humiliation de ne plus être indépendante. L’humiliation de ne plus pouvoir faire certaines choses toute seule. L’humiliation d’avoir sans cesse besoin des autres. Au-delà de ne plus pouvoir marcher, je demeurais intimement persuadée que cela était la chose qui me touchait le plus. La chose qui me faisait le plus de mal. La chose qui me blessait, si profondément que je ne savais plus comment réagir. L’humiliation, je ne réussissais pas à la combattre. Cela était comme tenter d’attraper de la fumée avec mes doigts. Je savais être forte pour aller au-delà de mon handicap. Je savais me relever à chaque fois que je chutais. Je savais garder la tête haute. Cependant, ma fierté personnelle peinait encore à admettre que je n’étais plus une personne indépendante. Une personne qui peut vivre seule. Une personne qui peut s’en sortir sans l’aide des autres. Je paniquais sans doute plus que nécessaire. Cela n’était pas une fin, en soi, de demeurée bloquée ; j’avais simplement à attendre. Attendre que ma sœur jumelle passe le seuil de l’entrée. Attendre qu’Emery se focalise pendant plus de dix secondes sur mon problème. Il suffisait de rester calme. Il suffisait de respirer. Mais je suffoquais. Je suffoquais, encore et encore, prise d’une panique illusoire. Prise d’une panique que je ne parvenais pas à vaincre. La seule chose qui parvint à me calmer fût l’arrivée d’Emery dans mon champ de vision. Ma respiration se fit plus calme, plus mesurée ; j’affichais sans doute un sourire forcé, uniquement causé par la panique qui m’avait envahi. Uniquement causé par toutes les pensées négatives qui s’étaient bousculées dans mon esprit. Je pris une profonde inspiration, avant de me racler la gorge et lui adresser la parole. « Menaces ? Moi qui croyais que tu voulais enfin me pécho. Me voilà déçue. » me répondit-elle avec un sourire sincère venu décorer ses lèvres. « C’est quoi le problème de ta connasse de soe… » Elle ne termina jamais sa phrase. J’entendis la porte d’entrée de notre appartement s’ouvrir à la volée, et il ne fallut guère plus d’une poignée de secondes à ma jumelle avant d’apparaitre dans mon champ de vision. Mon cœur sembla se relâcher dans ma poitrine ; je me sentais apaisée de la voir finalement là. De la sentir si proche de moi. Je faisais confiance à Emery ; cependant, je savais également qu’à cause de sa maladie il n’avait pas été exclu qu’elle détourne son attention de moi. Dieu seul savait pour combien de temps. Je me mordis l’intérieur de ma joue, constatant que ma sœur était littéralement hors d’elle. Déglutissant, également, ne sachant que faire, détestant le fait d’avoir autant d’attention porté sur moi. « Bordel Emeric, tu sers vraiment à rien. T’as quoi dans le crâne pour rester plantée tout ce temps, à gober des mouches, hein ? Bouge de là. » lâcha furieusement Scarlet. Elle s’avança vers nous, bousculant notre colocataire qui se trouvait sur son chemin. Elle s’accroupit à ma hauteur, tandis qu’Emery ne semblait pas plus démontée. « Euh... J’allais l’aider. De rien quand même. » Je ne dis rien, presque tétanisée face à leur échange. Mon souffle était court, comme si ma panique revenait ; je n’osais pas lever la voix de peur d’attirer de nouveau l’attention sur moi. J’aurais aimé disparaître. J’aurais aimée ne plus être vue, vivre seule. Mais je ne pouvais pas, de toute évidence. Je ne pourrais jamais. Ma sœur s’acharna sur mon fauteuil, tirant encore et encore sur le sac pour le décoincer. Si j’avais eu plus de force, peut-être aurais-je pu le faire par moi-même. Mais j’avais paniqué. J’avais paniqué à la simple idée de ne pas réussir, comme les fois précédentes alors, forcément, toutes mes forces m’avaient abandonné bien avant que je ne tente quoi que ce soit. Fatalité. Scarlet finit par redresser mon fauteuil, me positionnant correctement, et m’adressa un sourire. « Et voilà, Ginny. » lança-t-elle, fière de son petit triomphe. J’esquissai un sourire en coin, prenant une profonde inspiration. J’ouvris la bouche pour la remercier ; cependant, Emery fût bien plus rapide que moi pour ajouter un commentaire. « Toujours aussi salope, Scary. Grandis, on n’est plus au lycée. Ton heure de gloire est terminé. » Elle tourna simplement les talons pour retourner travailler. Et je demeurai là, à côté de ma sœur. J’eus un frisson, prenant possession de tout mon bras ; je déglutis avec difficulté, avant d’observer ma sœur jumelle. Cela n’était pas la première fois, non, qu’elles se lançaient des piques. J’aurais aimé dire à Scarlet qu’Emery avait ses raisons pour être comme cela ; j’aurais aimé dire à Emery que Scarlet avait eu les siennes pour agir de la sorte au lycée. Pourtant, tout restait coincé au fond de ma gorge, et je me noyais doucement. « Merci, Scar. » lui adressai-je, finalement. « Laisse-la, ce n’est pas grave. Elle était vraiment sur le point de m’aider, je pense qu’elle ne sait juste pas encore comment s’y prendre. Laisse. » Laisse-la, elle est malade. Laisse-la, ce n’est pas de ma faute. J’essayais de communiquer avec Scarlet d’un simple regard, mais cela n’était pas de cette manière que ça fonctionnait. Ca n’avait jamais marché de cette manière. Je me tournai vers notre colocataire, occupée à chanter. « Désolée de t’avoir donné de faux espoirs, alors. » lançai-je à Emery après m’être raclée la gorge pour attirer son attention. « Tu sais qu’on ne pourra jamais vivre notre amour, j’ai déjà donné mon cœur à mon fauteuil roulant. » Pour appuyer mes paroles, je tapotai une de mes roues, avant de finalement avancer avec le peu de fierté qu’il devait me rester. Fierté. Fierté. Je n’en avais même plus, pour être honnête. Tout avait eu le temps de partir en fumée.
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(✰) message posté Jeu 17 Avr 2014 - 0:27 par Invité
Eugenia ∞ Emery ∞ Scarlet
when the snows fall and the white winds blow, the lone wolf dies but the pack survives.
C’était dans ces moments-là que Scarlet s’en voulait d’avoir pris un travail aussi loin. De laisser sa sœur toute la journée seule, le plus souvent en compagnie de cette incapable d’Emery. Elle aurait mieux fait de prendre un boulot en freelance ou au bout de la rue, histoire de pouvoir rester dans les parages. Mais Eugenia avait refusé qu’elle se soucie autant d’elle, avait rejeté toutes ses tentatives pour lui rendre la vie plus facile. Alors la brune avait écouté sa jumelle et avait trouvé du travail là où elle avait pu, sans prendre en compte la distance. Même si l’idée même de la laisser avec l’autre tarée lui donnait des frissons. Et elle avait raison de s’inquiéter. Celle-ci n’était même pas capable d’aider Eugenia en cas de problème, puisqu’elle avait visiblement été là tout le temps où Eugenia lui avait envoyé des sms et elle n’avait rien fait. Scarlet ne pouvait tout simplement pas la supporter et si elle savait se montrer patiente et garder son sang-froid généralement, ces qualités s’évanouissaient face à son ancienne victime de lycée. Oh, victime était un mot un peu fort. Emery et elle avait eu leurs différends et la brune avait surement jeté de l’huile sur le feu en la ridiculisant à plusieurs reprises. Mais si le reste de ses camarades de lycée qu’elle pouvait bien taquiner n’étaient pas fondamentalement méchant, elle était persuadé qu’Emery la détestait au plus profond d’elle-même. Et cela ne faisait qu’ajouter à l’animosité qu’elle éprouvait à son égard. Au final, elle ne connaissait pas la jeune femme et n’avait pas envie de la connaître. Elle en savait suffisamment sur elle pour savoir que leurs caractères n’étaient pas compatibles et qu’Emery était réellement une surexcitée qui vouait son existence à rendre sa vie impossible. D’autant plus que le problème d’Eugenia n’était pas bien compliqué et que Scarlet le régla en un tour de main, ce qui l’énerva d’autant plus. Le fait qu’Emery ne l’ait même pas aidé prouvait bien à quel point celle-ci était vile ou tout simplement stupide, ce que la brune ne manqua pas de lui faire savoir. Ce que la blonde répondit manqua de la faire sortir de ses gonds. « Regarde qui parle, madame j’ai trois ans d’âge mental, » cracha Scarlet, à cours d’arguments. Mais Emery venait d’augmenter considérablement le volume de la chanson qu’elle écoutait et ne l’avait certainement pas entendue. Elle s’apprêtait à crier par-dessus lorsque sa jumelle la coupa dans son élan, essayant de lui faire regagner son sang-froid. Evidemment qu’elle ne savait pas comment s’y prendre, c’était une incapable. Mais Scarlet elle-même ne le savait pas non plus. Personne ne lui avait appris à vivre avec une handicapée, personne ne lui avait dit que sa patience allait être mise à l’épreuve et que jamais au grand jamais elle ne pourrait la perdre lorsqu’il s’agissait de sa sœur. Si bien qu’elle avait été obligée de savoir, tout simplement, d’inventer, de suivre ses instincts pour s’occuper d’elle. Mais au fond, elle ne savait pas ce qu’elle faisait. Elle ne l’avait jamais su. Et le pire dans tout cela était qu’elle ne savait pas non plus si c’était l’amour pour sa sœur qui la poussait à faire tout cela ou si la culpabilité avait été plus forte. La jeune femme baissa les yeux vers sa jumelle et soupira bruyamment. « Tu parles. Je suis sure qu’elle fait juste tout pour me faire rager. » Sauf qu’évidemment, tout ne tournait pas autour d’elle. Les gens ne cessaient de le lui rappeler mais elle le savait déjà. Elle regarda sa sœur s’avançait vers leur colocataire, sans parvenir à masquer son air agacé. Sa jumelle était bien trop gentille pour supporter cette dingo. A la voir s’égosiller sur sa chanson, il était clair qu’elle se payait leurs têtes. Scarlet s’avança à son tour, sa colère ne faisant qu’augmenter de minute en minute. Elle prit cependant le temps d’inspirer et d’expirer avant d’appuyer sur toutes les touches du clavier d’Emery et d’enfin trouver la bonne pour arrêter la musique. Un silence plombant s’en suivit, tandis que la brune organisait ses idées. « Ecoute, je sais pas si tu te rends bien compte du problème ici. Si je laisse Eugenia avec toi la journée, c’est pas parce que je te fais confiance mais parce que je sais qu’elle peut se prendre en mains, elle me l’a déjà prouvé plein de fois. » La jeune femme faisait tout son possible pour garder son sang-froid et tenter de pas sauter à la gorge de la blonde. « Sauf qu’on peut pas prétendre qu’elle n’a pas parfois besoin d’un peu d’aide. Et quand c’est le cas et que tu vois qu’elle en a besoin, j’apprécierais vraiment que tu lui donnes un coup de main, parce que je peux pas être tout le temps là pour le faire. Peu importe si tu sais pas comment t’y prendre, tu le fais, c’est tout. » Le ton de sa voix s’était tout de même un peu durci sur la fin mais elle espérait que le message soit passé. Et comme pour prouver que la discussion était terminée et qu’Emery n’avait pas le choix, Scarlet rappuya sur la touche du clavier, emplissant de nouveau l’appartement de la musique insupportable de sa colocataire.
code by Silver Lungs
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(✰) message posté Ven 18 Avr 2014 - 18:48 par Invité
The lone wolf dies but the pack survives
Eugenia ♦ Scarlet ♦ Emery
Emery était en effet sur le point d’aider Eugenia, elle avait peut-être mis plus de temps qu’une personne normale, elle avait peut-être eu du mal à rester focalisée sur le problème de sa colocataire, mais elle allait le faire, à quelques minutes près, elle aurait réussi à la sortir de là. La plupart du temps, elle ne se rendait pas entièrement compte de tout ce que son trouble pouvait provoquer dans sa vie de tous les jours car même si ses parents, petite, n’y avaient jamais prêté attention, certains de ses frère et sœur avaient toujours su l’aider. En réalité, c’était la première fois qu’elle avait à faire face à ses problèmes seule. Il n’y avait plus son psychiatre pour l’aider, il n’y avait plus Rachel pour la rassurer, il n’y avait plus son beau frère pour lui remonter le moral et il n’y avait plus Ash pour lui rappeler qu’elle pouvait être normale. Elle était entièrement seule, et face à des colocataires qui avaient déjà suffisamment à gérer avec une handicapée, il était évident que ce ne serait pas une des jumelles qui lui viendrait en aide. Et comment pouvait-elle simplement parvenir à s’occuper d’Eugenia quand elle seule ne savait pas encore totalement gérer ses propres troubles ? Elle avait essayé, vraiment, elle avait eu envie de l’aider mais Scarlet avait déboulé dans l’appartement un peu plus tôt, conséquence, elle n’avait pas eu le temps ni l’occasion de prouver qu’elle pouvait se rendre utile. Mais le pouvait-elle vraiment ? Les mots que son ancienne bourreau du lycée venait de lui balancer à la figure – par chance – ne parvinrent pas à l’énerver, ce qui était rare en soi mais ça arrivait, aussi, elle n’avait pas cherché plus loin, elle avait simplement décidé de regagner son bureau et de vivre sa vie de son côté, décidée à ne plus les déranger, à se rendre tout simplement invisible. A la remarque d’Eugenia d’ailleurs, Emery tourna simplement la tête pour lui lancer un petit sourire avant de se concentrer à nouveau sur son écran. Toi à ton fauteuil, moi à mes pilules, pensa-t-elle. Malheureusement, Scarlet ne semblait pas être du même avis et, comme elle s’était mise à chanter comme une casserole, elle ne l’avait pas entendue venir jusqu’à ce qu’elle se mette à taper comme une folle sur son clavier. « EHHHHHHH ! » Hurla-t-elle en attrapant la main de Scarlet pour qu’elle arrête ses conneries au moment où cette dernière parvint à baisser le volume de sa musique. Son ordinateur, c’était sacré. Elle la poussa afin de vérifier que tout était là, que cette idiote n’avait rien supprimé de ses recherches qui lui prenaient déjà tout son temps. Si elle avait le malheur de supprimer quoique ce soit, Emery la tuerait c’était certain. Mais en constatant qu’il n’y avait pas de dommages apparents, elle finit par tourner le visage vers la jumelle maléfique pour écouter ce qu’elle avait à dire. Mais si elle avait réussi à rester calme jusque là, ça n’allait pas duré plus longtemps, non, c’était comme ça avec Emery. Sa vie, c’était des montagnes russes sans fin, ponctuées par des ascenseurs émotionnels à longueur de journée. Sa jambe se mit à bouger frénétiquement de haut en bas et alors qu’elle écoutait ce que Scarlet avait à lui dire, elle se mit à gratter nerveusement son avant-bras qui était marqué, lui aussi, par ces troubles qui lui pourrissaient l’existence depuis toujours. Elle n’avait pas eu le temps de réagir que Scarlet avait déjà remis sa musique à fond, mais c’était sans compter sur les crises occasionnelles d’Emery. Cette dernière frappa violemment contre son clavier pour la ré-éteindre tout en se levant brusquement. « Je suis pas votre putain d’aide soignante ! » Cria-t-elle sans vraiment s’en rendre compte. Elle n’avait pas prévu de hurler, mais était-ce si étonnant ? Elle ne prévoyait rien, elle subissait. Et elle ne regrettait pas, elle subissait. Instinctivement, son regard vint se poser sur Eugenia. Elle aurait voulu pouvoir lui dire qu’elle ne le pensait pas, qu’elle était là si elle en avait besoin mais elle savait que ce n’était qu’un mensonge. Elle savait que Ginny ne pouvait se permettre de compter sur elle, personne ne pouvait compter sur elle. Et peut-être que pour la première fois de sa vie, elle était reconnaissante envers Eugenia, envers l’adolescente qui avait eu la curiosité, un jour, de fouiller dans son dossier scolaire et de se rendre compte qu’en effet, ça ne tourne pas rond. Parvenait-elle à lire dans son regard la détresse qui la prenait ? Réussissait-elle à voir à quel point elle était désolée ? Les yeux d’Emery s’étaient remplis de larmes au moment où elle finit enfin par détourner le regard avant de se rasseoir sur son bureau, plongée dans la contemplation de son petit carnet dans l’unique but de cacher à quel point elle se sentait mal. Elle avait besoin d’air, elle avait besoin qu’on la laisse tranquille sinon elle finirait par exploser, c’était trop dur à supporter. Elle ferma les yeux, et compta plusieurs fois jusqu’à dix dans son esprit jusqu’à sentir son rythme cardiaque redescendre petit à petit. « Ca vous dérangerait de me laisser bosser maintenant ? » Finit-elle par demander, sans les regarder et d’un ton plus agressif qu’elle ne l’aurait souhaité. Sa jambe bougeait toujours frénétiquement, et elle s’était remise à gratter nerveusement son avant-bras. Ca ne tournait définitivement pas rond chez elle.
Fiche par WILD HUNGER.
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(✰) message posté Ven 18 Avr 2014 - 19:20 par Invité
when the snows fall and the white winds blow, the lone wolf dies but the pack survives.
scarlet, emery and eugenia.
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Les gestes de ma sœur avait été simple. Les gestes de ma sœur ne lui avaient demandé que très peu d’effort. Elle avait simplement eu à tirer ; tirer sur la lanière du sac qui s’était coincée dans les roues de mon fauteuil. J’aurais très bien pu le faire. J’aurais très bien pu m’en charger. Tout le monde aurait pu réussir, à vrai dire, ce simple mouvement relevant d’un jeu d’enfant. Tout le monde sauf moi. J’étais devenue une incapable. Une incapable qui paniquait et qui réussissait de moins en moins. Une incapable qui se laissait faire par sa propre personne et qui sombrait, peu à peu, dans son pire cauchemar simplement parce qu’elle ne parvenait plus à se réveiller. Ma gorge nouée me faisait mal. Mon demi-sourire n’avait été que ce que j’avais pu offrir à ma sœur jumelle en guise de remerciement ; cette situation me gênait sans doute plus qu’elle ne pouvait s’en rendre compte. Après tout, elle était bien trop préoccupée à pester après Emery pour se rendre compte que le problème n’avait pas été son absence d’aide, mais le fait que je n’avais tout simplement pas réussi à m’en sortir seule. Qu’aurais-je fait, si Scarlet était morte dans l’accident ? Si j’avais été contrainte de me débrouiller par moi-même ? Combien de temps serais-je restée là, à paniquer, à trembler, simplement parce que je n’étais pas parvenu à me dégager toute seule ? Je secouai la tête, refusant de réfléchir à cette possibilité. Refusant de croire que cela puisse être possible. Si ma sœur était morte dans l’accident, je l’aurais été également. Je refusais de me dire que j’aurais pu être la seule survivante. Si elle était morte dans l’accident, que mon corps aurait survécu, mon esprit aurait tout simplement abandonné toute idée de se battre. « Tu parles. Je suis sure qu’elle fait juste tout pour me faire rager. » me lança-t-elle en parlant d’Emery. Je poussai simplement un soupir pour toute réplique, un vague sourire nostalgique sur les lèvres. Je me revis au lycée. Où tout était sans doute plus facile que maintenant, malgré tous les problèmes que j’avais bien pu y rencontrer. Où la hiérarchie avait été établie, où j’avais presque réussi à être heureuse, d’une certaine manière. Scarlet me tira presque de ma rêverie lorsqu’elle se dirigea vers Emery pour couper le son qui émanait de son ordinateur portable. J’entendis Emery protester ; je me tournai vers elle, fronçant les sourcils, me disant que cela n’allait pas nécessairement bien se terminer. Je déglutis avec difficulté en observant ma sœur jumelle se tourner vers notre colocataire. « Ecoute, je sais pas si tu te rends bien compte du problème ici. Si je laisse Eugenia avec toi la journée, c’est pas parce que je te fais confiance mais parce que je sais qu’elle peut se prendre en mains, elle me l’a déjà prouvé plein de fois. » commença-t-elle, tandis que je sentais ma gorge se serrer au fil de ses paroles. « Sauf qu’on peut pas prétendre qu’elle n’a pas parfois besoin d’un peu d’aide. Et quand c’est le cas et que tu vois qu’elle en a besoin, j’apprécierais vraiment que tu lui donnes un coup de main, parce que je peux pas être tout le temps là pour le faire. Peu importe si tu sais pas comment t’y prendre, tu le fais, c’est tout. » La voix de ma sœur avait été dure. Cassante. Je la vis remettre le son ; mais Emery ne la laissa pas avoir le dernier mot. Presque rageusement, elle enfonça son doigt sur une touche de son clavier pour couper de nouveau la musique. Mes doigts se crispèrent sur mon accoudoir ; mon cœur eut un dératé, tandis que je voyais la colère se déverser dans le regard d’Emery. Ma sœur était sans doute allée trop loin. Mais qu’aurais-je pu faire pour l’empêcher de franchir cette limite ? Rien, rien du tout. Je m’étais faite la promesse de ne pas parler de la maladie d’Emery. Je m’étais faite la promesse de ne plus jamais me mettre dans le chemin de Scarlet. Cela faisait deux bonnes raisons justifiant mon silence. Deux bonnes raisons justifiant ma panique qui revenait. « Je suis pas votre putain d’aide-soignante ! » cria-t-elle, avant de finalement se détourner, les yeux plein de larmes. « Ça vous dérangerait de me laisser bosser maintenant ? » Ses mots. Ses mots m’avaient transpercé la poitrine. Ses mots m’avait coupé le cœur comme la fine lame d’un rasoir, et je peinais pour contenir mes propres larmes. Je ne suis pas votre putain d’aide-soignante. Ses paroles tournaient dans mon esprit, encore et encore. Elle n’avait fait que crier cette vérité que Scarlet taisait. Elle n’avait fait que crier cette vérité que je peinais à oublier. J’avais besoin d’une aide-soignante. J’avais besoin d’aide. J’avais besoin de soins. Je n’étais qu’une poupée de porcelaine brisée qu’on se tuait à maintenir en vie. Le pire dans tout cela avait été son regard. J’avais vu que cela avait été sa maladie qui m’avait parlé. Que cela avait été sa maladie qui m’avait crié ces mots. Et la maladie ne mentait jamais. J’ouvris la bouche pour dire à ma sœur de la laisser. J’ouvris la bouche pour lui dire que cela ne valait pas la peine. Qu’elle avait touché un point sensible mais qu’elle ne méritait pas que l’on s’en prenne à elle. Qu’elle irait mieux plus tard, qu’il ne fallait pas continuer à la pousser à bout. Mais les mots demeurèrent au fond de ma gorge. Les mots se bousculèrent encore et encore sur ma langue sans que je ne parvienne à en articuler ne serait-ce qu’un seul. Et je finis par prendre une profonde inspiration. Je ne me tournai pas vers ma sœur. Mais vers Emery. « Tu as raison, tu n’es pas mon aide-soignante. » déclarai-je d’une voix serrée par les larmes. « Pas notre, d’ailleurs. Après tout, je suis la seule à en avoir besoin. » Ma voix s’était perdue dans un murmure, avant que je ne finisse par relever la tête, plus confiante. « Je n’ai pas le droit de t’imposer ma responsabilité. De t’imposer de m’aider. Je ne le fais pas. Je comprends que tu rêverais d’être coincée dans un autre appartement que le nôtre, que les poignées de porte à ma taille t’agacent profondément et que tu en as assez d’avoir dans ton espace vitale une foutue fille qui ne peut plus marcher. » poursuivis-je, la voix chevrotante. « Ce n’est pas grave, d’accord ? Laissez-tomber, toutes les deux. Je… Laissez-tomber. La prochaine fois je me débrouillerais toute seule. J’ai paniqué. » J’aurais aimé tourner les talons et m’en aller. Tourner les talons et m’enfermer dans ma chambre. Mais je ne pouvais pas. J’étais en fauteuil roulant. Je n’avais pas suffisamment d’espace pour faire une sortie théâtrale ; je n’en aurais plus jamais. Je n'avais même plus suffisamment d'espace pour ma fierté.
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(✰) message posté Sam 26 Avr 2014 - 21:09 par Invité
Eugenia ∞ Emery ∞ Scarlet
when the snows fall and the white winds blow, the lone wolf dies but the pack survives.
Scarlet était fatiguée de cette situation. Elle aurait préféré n’importe quel colocataire plutôt qu’Emery. La blonde la mettait constamment hors d’elle et elle ne parvenait pas à être patiente en sa présence. Peut-être parce qu’elle savait que cela ne servait à rien. Que ça ne valait pas la peine d’essayer d’apaiser les tensions. Les choses étaient déjà au plus bas entre elles et cela ne pouvait pas être pire de toute manière. Alors elle s’énervait presque instantanément lorsqu’il s’agissait d’Emery. Elle criait et tapait du pied et surtout, le traitait de tous les noms. Pas parce que cela lui faisait nécessairement se sentir mieux mais parce que le filtre qui empêchait toutes les pires insultes de sortir de sa bouche était cassé depuis des années maintenant. Surtout lorsqu’il s’agissait d’Emery. Et au final, c’était toujours comme cela. Elle faisait ressortir le pire en elle, quelque soit la situation. Elles n’avaient peut-être pas eu beaucoup d’occasion de se hurler dessus depuis qu’elles avaient emménagé ensemble mais chacune de leur interaction s’était inévitablement terminée en dispute. La plupart du temps, c’était sans importance : plus de lait, le serpent de la blonde qui se baladait librement dans l’appartement. N’importe quelle excuse pour lui crier dessus, à vrai dire. Mais là il s’agissait de sa sœur et cela rendait les choses pires que tout. Malgré qu’Eugenia ne veule pas d’aide, malgré qu’elle était désormais en train d’essayer de calmer les choses, Scarlet ne pouvait s’empêcher de vouloir la protéger, la défendre. Pas parce qu’elle ne la pensait pas capable de le faire toute seule mais parce qu’elle n’était pas prête à rester les bras croisés pendant que cette incapable d’Emery faisait n’importe quoi. Si bien que lorsqu’Emery essaya de terminer la conversation en rallumant sa musique, la brune ne la laissa pas faire et tenta tant bien que mal de couper de nouveau le son pour lui dire le fond de sa pensée. La réponse d’Emery fut tellement violente que la seule chose qui empêcha Scarlet de mettre son poing dans sa figure fut le fait qu’elle put voir distinctement ses yeux briller de larmes. Et sur le coup, cela la refroidit un peu. Elle ne comprenait pas pourquoi c’était elle qui pleurait. Pourquoi c’était elle qui était énervée. C’était elle qui était en tord, même si Scarlet s’était vraisemblablement énervée plus que nécessaire. Mais peu lui importait. Elle comptait bien faire comprendre à cette idiote comment les choses marcheraient tant qu’elles vivraient ensemble. Serrant les poings pour ne pas les balancer à son visage, la jeune femme fit un pas en avant, ouvrant la bouche mais Eugenia fut plus rapide. Elle s’écrasa, bien trop gentille, bien trop indulgent par rapport à ce que venait de lui dire Emery. La brune se pinça l’arrête du nez, écoutant sa sœur qui s’excusait presque, écoutant sa voix qui tremblait. Elle ne pouvait pas rester là sans rien faire. Lorsque le silence revint, Scarlet ne donna pas une chance à Emery de répondre. Elle contourna le fauteuil de sa sœur et vint s’accroupir de nouveau face à elle, se positionnant légèrement en contrebas. Lui donnant l’impression pour une fois qu’elle n’était pas en dessous de tout le monde. Qu’elle n’avait pas à l’être. Le nœud qui s’était formé dans la gorge de Scarlet en écoutant sa jumelle l’empêcha presque de parler mais elle réussit tout de même à déballer ce qu’elle pensait. « Si, Ginny. C’est grave. Et c’est loin d’être ta faute. Arrête de t’écraser comme ça. T’as le droit de demander de l’aide, t’as le droit de m’appeler quand… » Sa voix se brisa et s’éclaircit la gorge, battant des paupières rapidement. « L’écoute pas. T’as rien fait de mal, ok ? C’est pas toi la fautive. C’est pas de ta faute. » C’est de la mienne. Mais elle se retint de l’ajouter, se relevant pour ne pas se mettre à pleurer, chose qui risquait bien d’arriver si elle continuait de fixer sa sœur comme cela. Au lieu de quoi, elle se releva et se retourna une dernière fois. « Je suis pas aide-soignante non plus, connasse. Mais je l’aide quand même quand elle peut pas faire autrement. Ça s’appelle du bon sens. Et si t’arrives pas à comprendre ça, tu peux aller te faire foutre et te trouver autre part où pourrir. » Après avoir craché ces mots, Scarlet se détourna et se débarrassa de ses chaussures d’un geste rageur, les envoyant valser n’importe où. Elle se dirigea ensuite vers l’entrée, ramassa ses affaires en les arrachant presque du sol et enfin, claqua la porte restée ouverte, aussi violemment que possible.