(✰) message posté Mer 13 Mai 2015 - 19:03 par Theodore A. Rottenford
“The fear of death follows from the fear of life. A man who lives fully is prepared to die at any time.” ✻ Jamie O’Connor était mort. Cette pensée vibrait dans mes cordes sensibles avant d’envahir ma poitrine douloureuse. Je fermais les yeux avec recueillement avant de m’agenouiller dans le silence religieux de l’église. A chaque fois que le prêtre s’adressait à l’assemblée, les visages s’abaissaient lentement avec une expression de gravité déconcertante mais aucun dépit aussi vindicatif soit-il, aucune foi aussi inébranlable soit-elle, ne pouvait être comparé à la culpabilité qui me rongeait. On ne pouvait certainement pas exiger de moi plus de loyauté envers la religion que j’en avais pour moi-même. Je me mordis la lèvre inférieure en m’accrochant à mes souvenirs d’enfance à Belfast ; la paroisse, l’orgue géant, le doux parfum d’été et les nuances boueuses du sang. Je vivais en harmonie entre les valeurs nobles de l’unité, et le vice de la criminalité. Je portais en moi la conviction qu’une existence véritablement digne d’être vécue était impossible à notre époque. Si je n’avais pas encore dépéri dans cette atmosphère de mensonges, de trahisons, de cupidités, de fanatismes et de folies, je le devais uniquement à l’héritage important de ma famille. Je marmonnai quelques mots en fronçant les sourcils, adressant ainsi mes louanges les plus sincères au Dieu tout puissant avant de me relever lentement. Amen. Ma prière muette raisonnait en écho dans mon esprit, créant une affinité avec la beauté spirituelle de Londres dont j’étais le gardien. La clarté du jour surplombait les hautes bâtisses d’Hammersmith avant d’éclairer mes traits fatigués. Je sentais le vent s’écraser contre ma nuque alors que je m’avançais dans la ville agonisante. Mes chaussures rasaient le sol dans un son mat que je n'entendais qu’à moitié, trop submergé par mes angoisses internes et mes terribles secrets. Je m’en voulais d’avoir failli à la mémoire de mon meilleur ami. Jamie O’Connor était mort. Je déglutis avec difficulté en songeant aux idéaux qu’il m’avait fait promettre de suivre. Il voulait que je prenne sa place au sein de la pègre de son père, mais l’apparition de ma fille m’avait complètement perturbé dans l’accomplissement de de cette quête. Je peinais à trouver un équilibre entre mes responsabilités de père, et les sommations de mon travail. Comment maintenir mes objectifs éternels et en même temps montrer l’exemple à petit être ? Je m’arrêtais brusquement au détour d’une ruelle. La nostalgie de la rue m’emportait au loin. Les promesses de dépravations de Jamie et ses gloussements disgracieux, s’élevaient dans ma conscience avant de se faufiler dans ma peau comme un poison. Il était destiné à diriger Belfast, putain ! Je serrais mes poings avec amertume avant de longer les commerces animés et la foule bruyante. Je n’avais pas la moindre envie de me mélanger, mais je m’aventurais presque machinalement parmi ces inconnus pour me noyer dans une forme de routine quelle conque. L’illusion me permettait de dépasser les limites du temps et d’effleurer l’intemporel. Je soupirai avant de me diriger vers une petite boutique de fleurs au coin de la rue. La petite cloche au-dessus de la porte vacilla afin d’annoncer mon intrusion dans cet espace floral et parfumé comme si je n’étais qu’un imposteur. Peut-être que je l’étais. Je pinçai les lèvres avant de me diriger vers ma cousine. « Salut, Sainte Salomea. » Lançai-je avec courtoisie. « J’ai commandé une composition funéraire au nom de Rottenford. Tu te doutais que j’allais te rendre une visite. » Fis-je remarquer en me penchant dangereusement vers son visage angélique. J’avais toujours eu une relation quelque peu tendue avec la jeune femme. Nos réunions familiales étaient froides et lisses, d’abord parce qu’elle faisait partie de la branche généalogique saine de mon paternel, et ensuite, parce que mon comportement imposait une certaine gêne nuancée de perversité, contre laquelle elle se retrouvait complétement désarmée. Devais-je le regretter ? J’étirai la bouche d’un air carnassier avant de dévoiler l’éclat scintillant de mes dents aiguisées.
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(✰) message posté Mer 27 Mai 2015 - 17:37 par Invité
i'm the abyss that looks back at you theodore rottenford & salomea cahill-peters. ∗ ∗ ∗ La voix du répondeur retentit dans tout l'appartement suite à la sonnerie du téléphone que Salomea avait laissé sonner. L’envie de répondre ou même de parler à quelqu’un ne lui tentait guère. Elle avait mal à la tête et pratiquement à tous les os de son corps. Puis, la voix féminine du répondeur retentit à son tour – Vous avez un nouveau message Finalement, la voix robotique fut remplacée par celle de sa grand-mère. Un soupir s’échappa de ses lèvres. Sa grand-mère savait pertinemment qu’un truc clochait avec Salomea puisqu’elle ne répondait pas à son téléphone portable ou même aux nombreux appels de sa grand-mère. « Salomea, ma chérie, c’est grand-maman. Avec ton grand-père, nous avons pensés qu’un séjour en Irlande te ferait du bien alors nous avons pris des arrangements. Rappelle-moi ma chérie. Nous t’aimons. » Elle ne comprenait pas les gens qui ressentaient le besoin de préciser qui étaient à l’appareil alors que c’était plutôt évident. Surtout qu’elle connaissait cette voix, par cœur. Cette voix qui l’avait bercée, endormie lorsqu’elle était plus jeune. Cette même voix que Salomea adorait depuis toujours et qui laisserait un vide immense lorsque sa grand-mère allait être emportée. Inspirant profondément, elle hésita à retourner l’appel de ses grands-parents et lorsque sa main fut sur le combinée, elle se ravisa. Pas maintenant. Demain. Ou un autre jour, mais pas aujourd’hui. La journée était grise. Tout comme son humeur. Elle préférait se terrer quelque part jusqu’à ce que son humeur s’améliore, mais c’était tout simplement impossible. Avec une grimace de douleur, la jeune femme se releva du canapé, attrapa ce qu’elle avait besoin et quitta son appartement. Même Ariel n’eut pas droit à son habituel au revoir alors qu’elle était, habituellement, celle qui remontait le moral de Salomea. Pas cette fois. Elle était trop de mauvaise humeur pour n’importe quelle dose d’amour. Il était temps de jouer la comédie et de prétendre que malgré cette douleur, cette journée, Salomea était contente. Heureuse. C’était facile. Elle n’avait qu’a à afficher un sourire sur ses lèvres et répondre de sa voix douce. Une constante. Tout le monde étaient adeptes de cette tactique et tout le monde se laissaient berner. Après les éternelles salutations avec sa collègue, Salomea s’affaira à ne rien faire. Tourner en rond. Parfois, elle sifflotait pour briser le silence de l’endroit et d’autres fois elle chantait un petit quelque chose. Une fois, ses doigts pianotaient sur le comptoir où elle recevait les commandes. Une autre fois, elle se rendit à l’extérieur, mais elle retourna rapidement à l’intérieur. Le temps passait au ralenti et elle s’emmerdait à bouger malgré la douleur. Elle était tellement naïve. Finalement, elle se dirigea vers l’arrière de la boutique où elle contemplait les fleurs, sentait celles-ci. Un doux parfum comme celui de sa grand-mère. Mentalement, elle se promit de rappeler celle-ci. Elle n’avait pas le choix. C’était une obligation. Ignorer les appels des deux personnes qui l’avaient élevée revenait pratiquement à les poignarder dans le dos. Lorsque la cloche retentit, Salomea retourna à l’avant de la boutique. Jouer la comédie. « Salut, Sainte Salomea. » Elle roula des yeux. Bien sûr. Ses lèvres s’étaient étirées en un sourire jusqu’à ce qu’elle aperçoive la personne et que la voix lui parvienne aux oreilles. Elle n’avait pas besoin de prétendre que tout allait bien. « Theodore. » Dit-elle tout simplement en arquant les sourcils, prête à lui demander ce qu’elle pouvait bien faire pour l’aider. Est-ce qu’il était perdu ? « J’ai commandé une composition funéraire au nom de Rottenford. Tu te doutais que j’allais te rendre une visite. » Non, elle ne se doutait pas. Même qu’elle aurait préféré que ce ne soit pas le cas. « Non, c'est une surprise et reste là. » Sa mauvaise humaine semblait s’être accentué avec l’arrivé de Theodore. Il l’a mettait mal à l’aise. Louche, il l’était. Et pervers. Deux trucs qu’elle n’aimait pas lorsque combiné en un seul être. Avec un soupir discret, elle se redirigea vers l’arrière de la boutique où, du regard, elle chercha la composition funèbre. Elle devait bien être déjà préparée. Elle l’espérait. Finalement, elle trouva cette composition et se rendit jusqu’au comptoir où elle déposa la commande Theodore. « Tout te convient monsieur Rottenford ? » Dis oui, paie et dégage. Elle demandait parce qu’elle trouvait que la composition n’était pas franchement superbe, mais ça ce n’était que son avis à elle.
(✰) message posté Mer 1 Juil 2015 - 19:55 par Theodore A. Rottenford
“The fear of death follows from the fear of life. A man who lives fully is prepared to die at any time.” ✻ « Non, c'est une surprise et reste là. » Siffla-t-elle froidement. Je rencontrais régulièrement Salomea. Je l'avais connu pendant des années, mais je ne parvenais pas à raviser mon jugement à son égard. Le petit air naïf qu'elle arborait en permanence avait le don de m'agacer. Elle pensait détenir le secret du romantisme féminin. Elle se cachait derrière les valeurs niaises et poétiques d'un univers qui n'existait pas. Elle représentait avec son innocence et ses fausses morales, les qualités que je trouvais les plus ennuyantes chez une personne. Je me penchai vers elle. J'observais ses yeux brillants et ses traits tendus. Contrairement à l'image qu'elle renvoyait, je doutais qu'elle puisse passer pour une sainte. Pour accéder aux cieux éclairés il fallait se frayer un chemin à travers tant de bassesses et d'absurdités. Il fallait s'orienter vers la nostalgie et l'abandon de soi avant de connaître l'absolution. Je me redressai en murmuant tout bas contre mon menton. "Ce qui est tordu ne peut être droit, ce qui manque ne peut se compter." J'esquissai une ébauche de sourire. Je suis tordu et tu es en manque. J'haussai les épaules en posant mes mains sur le comptoir. Je ne parlais pas à haute voix. Je gardais toutes mes réflexions muettes, comme s'il s'agissait de vérités inadmissibles et réservées. Un silence paisible régnait dans le magasin. Les compositions florales et les couleurs douces de l'été faisaient briller les murs crépis d'une couche de papier peint très fine. Mes yeux inquisiteurs épiaient les lieux. Je regardais la caisse, les sachets de pots- pourris, les rangements de graines et de matériel de jardinage. J'avais l'impression que c'était notre première rencontre dans son lieu de travail, pourtant j'étais déjà venu par le passé. J'avais presque toujours su qu'elle ne supportait ma présence à ses côtés. Nous avions des grands-parents en commun. Nous avions un patrimoine génétique identique et pourtant, elle évoluait de l'autre côté de la force. Elle valsait parmi les hautes lumières, bien loin du clan Rottenford et de sa malédiction. Mon père était né comme elle. C'était un jeune avocat ambitieux et peu conventionnel qui s'était amouraché d'une fille de mafieux. Il avait tout abandonné afin de sombrer dans la corruption et conquérir l'attention de la pègre. Il avait condamné des générations au sein de l'éternité pour suivre les voies du cœur. Quel idiot. Je soulevai légèrement les sourcils. « Je ne comptais pas bouger. Tu sais que j’attends toujours. » Susurrai-je mielleusement. Je n'avais aucune bonne intention. J'étais un grand pécheur, et même si le pécher pouvait parfois conduire à la sainteté. Je ne pensais pas que ce soit le cas pour moi. J'étais venu ici en arborant le visage du deuil et de la tristesse. Je voulais prendre ma composition funèbre et disparaître à nouveau dans les rues animées et mouvementées. Je ne désirais pas m'attarder pour une fois. Mon esprit trottait sans cesse derrière les cortèges d'un cimetière imaginaire à l'autre bout de la ville. Cependant, son comportement discourtois, me faisait tiquer. Il me retenait prisonnier de mes mauvaises habitudes. Il éveillait tous mes instincts brutaux, et pendant qu'elle se dirigeait vers l'arrière-boutique, je pris la décision de répondre à ses affronts. Je serrais mes poings contre mes cuisses avant d'enfoncer mes ongles dans le tissu de mon pantalon. Je songeais uniquement aux propos de Salomea. Non, c'est une surprise. Reste-là. Je n'appréciais pas la formulation. Je ne supportait pas d'être réduit à néant par les tonalités graves de quelques mots. Je tournai le visage, attendant patiemment qu'elle revienne vers moi. Au bout de quelques minutes, sa silhouette ombrageuse fini par se matérialiser sous mon regard sévère. Elle portait un énorme panier avec un mélange d’œillets, de lys et de roses blanches entre les bras. « Tout te convient monsieur Rottenford ? » Je la fixais sans répondre. Ma respiration ronflante s'élevait dans ma poitrine avant de se verser dans l'ambiance de défi et d'électricité qui nous entourait. Sa voix fluette raisonnait au creux de ma conscience. Elle s'ancrait dans ma peau et dans ma chair comme une invitation au vice et à la dépravation. Tu vois, c'est toi qui me provoque. J'étais spécialement triste aujourd'hui. Je perdais un ami proche tous les jours. Je soupirai en luttant contre ma détresse et la folle exubérance de mes pensées. Je détaillai les pétales des roses et notai les différentes couleurs qui brisaient l'harmonie de la composition. On n'avait pas respecté mes recommandations. Une vague de colère monta vers moi. « J'ai demandé un panier blanc. Ces œillets ne sont pas blancs. Je ne vois pas de chrysanthème non plus. » Je pinçai les lèvres d'un air contrarié. Son insubordination avait surgi pendant notre échange et me semblait si familière, si connue. Comme si elle avait puisé son insolence de ma propre mythologie. Je croisai les bras sur mon torse. Je voulais transmettre un message d'immortalité. Je voulais promettre à Jamie que ma douleur ne s'éteindrait jamais, mais le deuil existait dans un dimension intemporelle. Il avait prit forme dans un nuage de fumée et d'illusions. J'étirai la bouche avant de sourire. « Tu es peut-être trop tendue pour t'en souvenir. Le sexe calme les mœurs. Mlle Cahill. » Je prononçai son nom avec une gravité presque tragique, aspirant à lui rappeler que la seule identité qu'elle connaissait réellement était celle de ses grands-parents et non celle de ses parents. Je voulais la blesser et venger ces quelques gouttes de poisons qu'elle m'avait craché au visage.