"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici maybe I'm too busy being yours (cayden) 2979874845 maybe I'm too busy being yours (cayden) 1973890357
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maybe I'm too busy being yours (cayden)

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() message posté Jeu 23 Avr 2015 - 13:39 par Invité
You don’t get to get me back
luna & cayden

Ses doigts longs et fins s'enroulaient et se déroulait dans sa masse de cheveux, cherchant à apaiser ce feu, à apaiser cette peine, à chasser cette atrocité de son regard. Elle-même trouvait ce geste idiot, presque maladroit et inutile face à l'ampleur du désastre. Mais que faire d'autre ? Elle ne parlait pas, parler de servirait à rien. Il avait besoin de silence, il avait besoin de vider ce trop-plein de douleur. Elle, elle était là pour qu'il ne se sente pas seul dans cette traversée, aussi solitaire soit-elle. Elle le savait muré dans sa souffrance, aveugle à ce qui se passait à l'extérieur, elle savait qu'il était prisonnier de lui-même, dans ce coffre sombre et étouffant que représentait sa douleur. Mais elle savait aussi qu'il sentirait sa présence, qu'il noterait cette main dans ses cheveux, ce bras qui entourait son corps comme s'il n'était qu'un petit enfant en plein chagrin, qu'il aurait conscience de cette poitrine qui se soulevait et s'abaissait au rythme de la respiration de Luna, juste sous sa joue. Elle le serrait contre elle, comme si elle cherchait à le protéger, telle une lionne ou une louve, de toute agression capable de survenir dans ce cimetière. Il était vulnérable, tellement vulnérable, il avait besoin d'une carapace... Alors elle serait sa carapace, et plus rien ne pourrait lui arriver... Du moins, pas aujourd'hui. Elle resta un long moment ainsi. Toutefois, elle n'aurait pu dire exactement combien de temps. Était-ce quelques minutes ou plutôt des heures ? Achille avait des réserves de larmes insoupçonnables. Elle ne l'avait jamais vu pleurer, et peut être était-ce là le problème, peut-être avait-il gardé tout ça pendant trop longtemps ? Il demeurait immobile entre ses bras, silencieux, uniquement ballotté par ses larmes muettes. Puis doucement sa main remonta le long du bras de Luna, et ses doigts s'accrochèrent à sa peau. Alors elle sut qu'il était temps. C'était le signe, il fallait qu'ils décampent d'ici...
« Viens... Viens on rentre à la maison... » Glissa-t-elle doucement à son oreille, tout en tentant de se relever, et lui par la même occasion.
"Maison", est-ce que le terme était bien approprié en de pareilles circonstances ? Peut-être ressentirait-il le besoin d'être avec les siens maintenant, d'être dans sa vraie maison ? Elle ne savait pas, elle ne savait plus, elle n'avait jamais été confronté à une telle situation. Elle agissait intuitivement depuis le début, elle n'avait écouté personne d'autre que ses propres pulsions, avait-elle seulement réfléchi à ce qu'elle faisait et pourquoi elle le faisait ? Non, elle sentait ce qu'elle devait faire, et elle n'aurait su expliquer pourquoi. Et là, elle savait qu'elle devait le ramener à l'appartement. Il avait besoin d'un cocon, et si ce lieu l’était pour elle, il pouvait l’être pour lui aussi. Il se laissa faire, mais comme un automate, comme si toute vie avait quitté son corps, comme s'il n'était plus qu'une coquille vide, qu'un corps privé de son âme. Elle le traina jusqu'à la voiture, l'installa sur le siège passager, et alla même jusqu'à lui boucler sa ceinture à sa place. Il était stoïque, les yeux dans le vague, comme aveugle, comme noyé par ses larmes. Elle sentait cette détresse la gagner, prendre possession de son propre corps, se répercuter en elle et comprimer avec violence son cœur, mais elle ne se laissa pas submerger. Pour l'instant elle ne se focalisait que sur lui, et pas sur ce que le fait de le voir ainsi produisait en elle. Évidemment qu'elle aurait eu besoin de soutien, que le spectacle dont elle avait été le témoin ne laissait jamais personne indemne, mais ce serait pour plus tard, quand lui serait tiré d'affaire ou, plus simplement, endormi...

La voiture démarra en trombe, rugissant de mécontentement d'être si rudement malmenée, mais Luna n'y prêtait pas attention. Elle conduisait d'une main, lâchait le volant pour changer les vitesses de cette même main, car l'autre restait inexorablement cramponnée à celle d’Achille. C'était le seul contact qu'elle avait avec lui, le seul lien qui semblait le maintenir à la surface. Elle avait peur qu'en brisant ce contact il ne sombre, et se fasse engloutir par ses démons intérieurs. C'était peut-être stupide, mais elle avait l'impression de le maintenir en vie, de la sorte, comme si elle avait comprimé de sa main une plaie béante pour tenter de stopper une hémorragie. C'était le sentiment qu'elle avait. Et si quelqu'un venait à lui dire que c'était inutile ou stupide, et qu'il tentait de la décrocher de lui, alors elle hurlerait, elle se débattrait, et probablement sombrerait-elle dans la folie à son tour. Mais pour l'instant personne ne chercherait à les séparer, n'est-ce pas ? Il lui fallait conduire rapidement, et pourtant elle ne se pressait pas, ne souhaitant pas frôler l'accident alors qu'elle n'était pas vraiment très concentrée sur la route. Toutefois, en cette heure plus que matinale, les rues de Londres étaient désertes, et Luna ne mit guère longtemps pour rejoindre la maison à Camden.
Quand le véhicule s'immobilisa dans l’allée, les larmes ruisselaient toujours sur le visage ravagé de tristesse d’Achille. Une fois de plus elle dut l'aider à sortir, car probablement de longues heures se seraient écoulées avant qu'il ne le fasse de lui-même. Il n'avait plus conscience de rien, et surtout pas de ce qui l'entourait. Elle passa un bras autour de sa taille, et le laissa se reposer sur elle. Comme un blessé, mais un blessé de l'intérieur. Ce ne fut qu'une fois dans l’entrée, quand elle referma la porte sur eux, qu'elle pensa à Cayden, Roxane, Milo... Milo allait-il s’en sortir pour rentrer seul ? Et Roxane ? Elle ne l'avait pas encore revue depuis qu’elle avait atterri deux jours plus tôt. Allait-elle bien ? Et Cayden ? Elle avait senti son regard sur elle pendant toute la cérémonie et la descente du cercueil. Oui, elle devait se rassurer, ils allaient bien... Luna avait perdu la notion du temps... Elle était épuisée... Seule l'aube apparaissant lui donnait une petite indication : Un nouveau jour commençait. Et quelque chose lui disait qu'il s'annonçait très difficile.  

Lorsqu'elle eut claquée la porte derrière elle, et que la pièce si connue et habituellement si chaleureuse apparut sous ses yeux, elle ne ressentit pas le soulagement si espéré. Tout lui semblait différent, comme si l'atmosphère en avait été modifiée, comme si l'absence de vie lui sautait soudainement au visage. Il n'y avait plus l'excitation d'y retrouver Milo, ni la trouille tellement futile de devoir partager ces lieux avec lui, ni la frustration de se sentir s'endormir dans ses bras, alors que l'épisode diffusé sur l'écran du salon n'était pas terminé, et qu'elle devrait l'empêcher de tout lui raconter le lendemain matin, avant qu'elle n'ait eu le temps de revoir l'épisode en streaming. Toutes ces émotions, bonnes ou mauvaises qu'elle ressentait habituellement entre ces murs, tout cela avait foutu le camp. Il ne restait plus que cette monstrueuse douleur viscérale sur leurs visages, qui se reflétait dans chacun des meubles, et jusque dans les lames du parquet qui craquait sous leurs pas. Lentement elle l'entraina jusqu'à la salle de bain. Elle savait ce qu'elle devait faire sans réellement le savoir. Elle ne réfléchissait pas plus que tout à l'heure, elle agissait par instinct, comme si elle avait été préparée à ça, comme si une autre qu'elle agissait à sa place. Elle était tellement fatiguée, exténuée même, qu'elle n'avait plus conscience de son propre corps. Elle tenait sur les nerfs et sur cet instinct de survie... Mais pas sa propre survie, non, celle d’Achille. Elle le laissa s'asseoir sur la panière à linge, tandis qu'elle allait ouvrir l'eau de la douche. Elle ne pouvait pas le laisser ainsi. Elle savait que d'effacer les traces visibles de ce drame sur lui n'effacerait pas le drame en lui-même, mais cela serait toujours un rappel en moins. Comme avec un enfant, elle s'accroupit à ses pieds afin de le débarrasser de ses chaussures, alors que lui, de son côté, ne quittait plus son état léthargique. Espérant que l'eau le réveillerait quelque peu, et le libérerait de la prison de ses pensées, elle l'entraina sous la douche. Ce ne fut que sous le jet d'eau tiède qu'elle entreprit de le dévêtir complètement.

Un à un, elle défit les boutons restants de sa chemise, sans un mot, sans un bruit, à part celui de l'eau ruisselant sur sa peau. Elle ne souhaitait pas le forcer à parler, et elle-même n'en aurait probablement pas la force, alors c'était mieux ainsi, c'était dans ses gestes qu'elle lui exprimait son soutien. L'eau collait sa robe de créateur contre sa peau, tandis que les vêtements d’Achille tombaient au sol. Lentement elle lui fit incliner le visage en arrière, mouillant ses cheveux, son visage, noyant ses larmes dans le jet tiède. Ses mains, ses doigts, tels des milliers de caresses ne cessaient d'aller et venir sur son visage, sur ses épaules, dans ses cheveux, sur son torse, aidant l'eau à effacer les dernières traces. La peine, les larmes, tout était lavé... En apparence seulement, car elle savait qu'il était inutile de frotter, rien ne lui permettrait d'oublier. Doucement ses lèvres se posèrent sur sa joue, y déposant un léger baiser, alors qu'en elle grandissait cette envie de remplacer ses larmes par les siennes. Elle avait beau lutter, la douleur et l'épuisement l'étreignaient. Tout le courage du monde ne lui permettrait pas de supporter cette horreur de le voir ainsi, cette souffrance qui se répercutait en elle, qui venait gronder dans ses entrailles, et qui pourtant, ironiquement, la portait et la poussait à poursuivre, ses mains ne cessant jamais leur travail salvateur...
Un jour il lui avait dit qu'elle était le meilleur des antidouleurs... Aujourd'hui elle en doutait... Personne ne pourrait le soulager de sa douleur... personne... pas même elle... surtout pas elle...

****

« … et c’est à ce moment-là que… » Blablablablablaa… Elle n’écoutait pas. Non pas que la conversation soit inintéressante ou que son interlocutrice soit soporifique, non, Luna avait juste l’esprit ailleurs, l’esprit focalisé sur le téléphone qu’elle tenait entre ses mains et qu’elle planquait sous la table de ce bar branché dans lequel elle se trouvait. Téléphone qui vibrait comme si sa vie en dépendait. De temps en temps, il cessait de vibrer, offrant à Luna quelques secondes de répit, avant de reprendre sa danse endiablée entre ses doigts. « … mais ce n’était pas ce que j’attendais de lui, tu comprends ? » Si elle comprenait ? Elle ne savait même pas de quoi sa cousine lui parlait, mais dans la mesure où cette question ne semblait pas vraiment en être une, Luna hocha la tête, tout en étendant une main pour récupérer sa pinte et s’octroyer une petite gorgée de bière, ça lui fournissait une excuse pour ne pas parler. « C’est dingue, non ? » Nouveau hochement de tête. Luna avait appris qu’il suffisait d’hocher la tête pour créer l’illusion de participer à une conversation. En temps normal, les gens ont juste envie de parler d’eux, même lorsqu’ils prétendent avoir besoin de conseils, ce n’est qu’une excuse pour une introspection solitaire partagée dans leur petite vie centrée autour de leur petit nombril qu’ils trouvent si fascinant. Non, ce n’était pas juste pour sa compagne du jour, Roxane était tout sauf nombriliste et centrée sur elle-même, il n’empêche que Luna parvenait à mettre en application, avec elle aussi, son expérience de non-conversation. « Tu en penses quoi, toi ? » Et merde ! Visiblement ça ne marchait pas si bien que ça. Elle souhaitait vraiment son avis. Attention, manœuvre n°2 : Main qui s’approche du petit bol, doigts qui se resserrent sur une poignée de cacahuètes, et paume qui se plaque contre les lèvres pendant que les susdites cacahuètes descendent dans le gosier. Puis, dodelinement de la tête accompagné de moulinet de bras signifiant qu’on aurait bien un avis à donner sur la question, mais que, malheureusement, la bouche pleine, on est dans l’incapacité de le faire. « Hum… Je vois… Toi aussi tu penses que je devrais accepter ? » Hoche de la tête, Luna ! Hoche de la tête ! Elle te fournit la réponse elle-même ! Donc, hochement de tête de la part de Luna, mais attention, hochement vigoureux, histoire de montrer à quel point on s’implique dans cette réponse. « Bordel, Luna ! » Oula, c’est quoi cette exclamation soudaine, et ce regard désapprobateur qu’elle lui lance ? « Où t’es là ? »
« Heu… » Petit regard circulaire sur l’ensemble de ce bar typique à la population jeune et aware, comme dirait l’autre, puis retour sur la blonde qui lui fait face. « Au Caffe' Vergnano, pourquoi ? » Demanda-t-elle en s’interrogeant sur la santé mentale de sa cousine. Quoi, elle avait déjà oublié où elles se trouvaient ?
« Je sais ! » Soupira l’autre avec lassitude. « Je veux savoir où t’es dans ta tête ! Puisque clairement, t’es pas avec moi, là. »
« Mais pas du tout ! Je suis à 2000% avec toi ! » Tenta la brune avec un aplomb frôlant l’affront.
« Tu viens de me conseiller d’épouser un éléphant turquoise de Croatie, Luna. » Souffla l’autre, blasée. Ah oui, forcément, vu comme ça…
« Tu m’as piégée ?! » S’indigna la brune, bouche ouverte et air… d’autoroute.
« Ça fait dix minutes que tu fixes tes cuisses avec l’air de celle qui s’apprête à abandonner un sac Vuitton à une pouffe manucurée. »
« J’aime pas Vuitton. » S’il y avait bien une différence entre les deux jeunes femmes –en dehors de la couleur de leurs cheveux, des talons aiguilles de l’une et des converses trouées de l’autre, du maquillage outrancier de la talonnée, et des paupières nues de la fille ne dépassant pas le mètre soixante – c’était évidemment leur approche de la « fashion attitude ». Roxane, secrétaire médicale vouait un culte à tout ce qui était vêtements, sacs, chaussures, alors que Luna semblait toujours avoir pioché ses fringues dans l’armoire de son frère et/ou mec.
« Un bébé phoque, alors ! »
« Un bébé phoque ? Pourquoi j’irais abandonner un bébé phoque à une connasse manucurée ? »
« C’est pas la question, bordel ! C’est juste une image ! On dirait que tu viens de revivre la mort de la maman de Bambi ! »
« Ah non, Rox ! » L’implora l’autre en braquant un doigt impérieux sur son amie. « Pas ça ! Pas la mort de la maman de Bambi ! Tu sais bien que… » Luna ne parvint à finir sa phrase tant elle luttait contre le souvenir bouleversant de cette scène Ô combien tragique du cinéma enfantin. Combien de mômes avaient été traumatisés par ce dessin animé ? Combien encore devraient l’être avant qu’on se décide à supprimer purement et simplement cette scène ? C’était un débat que Luna avait souvent avec Cayden, Achille et autre, un débat qu’elle avait souvent eu avec Roxane et Milo aussi, et un sujet de plaisanterie et de foutage de gueule pour tous. De foutage de SA gueule, évidemment.
« Qu’est-ce qu’elles ont, tes cuisses ? »
« C’est pas mes cuisses. » Répondit Luna en dévoilant son portable vibrant, avant de le poser sur la table.
« Tu réponds pas ? »
« Non. »
« C’est qui ? »
« Cayden. » Le portable au milieu de la table, les deux jeunes femmes l’observaient avec révérence, mains jointes, attitude repentante, comme si elles se recueillaient sur un objet de culte. Cayden, en l’occurrence.
« Pourquoi tu réponds pas ? »
« Parce que… » Parce que si elle décrochait, elle allait le supplier de la rejoindre sur le champ, et de ne plus la laisser s’aventurer seule où que ce soit, parce qu’elle allait lui dire à quel point elle avait besoin de lui, à quel point il était plus important que n’importe qui d’autre, à quel point elle avait le sentiment de ne pas être complète tant qu’il n’était pas là, de parvenir à rien faire de bien sans l’autre moitié de son cerveau, celle qui prenait place dans le crâne de son frangin. Et tout ça, jamais elle ne consentirait à le lui dire, jamais elle ne lui imposerait cette vision d’elle. Elle avait toujours été la plus forte des deux, la petite sœur, si elle perdait pied, Cayden ne lui pardonnerait jamais. Elle se devait de lui faire croire que tout allait pour le mieux, qu’elle maîtrisait, pour qu’il se donne la peine de se battre lui aussi, ou au moins de donner le change. Elle soupira, avant de renvoyer l’appel vers son répondeur. « Parce que… je me concentre sur toi et ton futur mariage avec un pachyderme. Alors, vous avez fixé une date ? »

****

Contrôler, toujours tout contrôler, garder le contrôle, reprendre le contrôle. C’était pour cette raison qu’elle avait pris la fuite, parce qu’à un moment, elle avait perdu le contrôle, et la faute, selon elle, en revenait à la ville de Londres. Depuis qu’elle était en âge de raisonner seule -c'est-à-dire très tôt vu la chieuse qu’elle avait pu être enfant- elle avait toujours cherché le contrôle absolu d’elle-même, de ses émotions, de ses sentiments et même de son corps. C’était plus fort qu’elle, elle se devait de tenir fermement les rênes de sa vie, sinon elle prenait le risque de tout voir partir dans un sens qu’elle n’appréciait pas forcément. Même avec les hommes elle avait toujours gardé le contrôle. C’était elle qui décidait du moment, du lieu, du partenaire et de la durée de l’échange. Elle contrôlait son image, toujours froide et détachée ne laissant jamais rien paraître de ses blessures secrètes. Sa mère était absente des principaux moments de sa vie ? Personne ne pouvait lire le mal que cela lui causait sur les traits de son visage. Son frère lui demandait de larguer ses copines à sa place ? Elle ne laissait rien transparaître de sa peine. Elle calculait tout, et son image était composée au millimètre près. Jamais personne n’aurait pu prétendre l’avoir surprise en larme ou triste, en colère surement, mais jamais faible, surtout pas faible… Et pourtant, quelque chose avait fait se fissurer le masque, la belle illusion. La magie n’opérait plus, elle avait montré ses failles à la face du monde. Tout était parfait, des années d’entrainement et de mise en pratique, et puis brusquement, un boulon dans l’engrenage, et elle avait perdu le contrôle… Elle était restée en roues libres pendant bien trop longtemps, elle se devait de se ressaisir, de reprendre les choses en main, et d’imposer, à nouveau, son visage impassible de sale héritière capricieuse et mal élevée. Plus jamais elle ne serait la pauvre petite Luna qu’on plaignait et qu’on contemplait avec pitié… Alors, elle avait taillé la route, accumulé les kilomètres afin de mettre le plus de distance possible entre elle et Londres. Ça avait été comme un camp d’entrainement ou un centre de désintoxication. Elle avait dû se désintoxiquer de lui et s’entrainer à redevenir elle-même… Et à la voir danser collé-serré contre le blondinet qu’elle avait repéré en tout début de soirée, on aurait pu croire que son entraînement avait payé. Oui mais voilà, Luna a oublié un détail, un détail important. Et du coup, il y a un prédateur bien plus dangereux qu’elle dans la salle, un prédateur qu’elle n’a pas aperçu parce qu’elle se croit au-dessus de tout danger. Sauf que lui l’a vue, et il se rapprochait à présent, bien consciencieux de ne pas entrer dans le champ de vision de la belle. Voilà, il était derrière elle, les mains sur sa taille, il l’arrachait à son pâle prétendant, qui devant son regard assassin, préféra tourner les talons sans demander son reste. Luna ne se retourna pas encore, au contraire, inconsciente de la menace, elle posa ses mains sur celles de son chasseur et l’entraîne dans sa danse de séduction. Et puis elle la sentit, la cicatrice sur le dos de la main gauche. Elle l’aurait reconnue entre mille, ce témoignage d’un accident bête qui avait eu lieu entre eux deux. Une fourchette plantée dans la main de Cayden, qui avait laissé quatre petits points en relief sur sa peau. Sentant que sa proie avait compris qui il était, il resserra son emprise sur elle et l’entraîna à l’écart de la foule dansante. Luna voulait s’échapper, mais la prise de son frère sur elle était trop forte, et puis, après tout, avait-elle vraiment envie de s’enfuir ?
Ils se retrouvèrent dans un couloir vide, et là, il la plaqua pratiquement sans ménagement contre le mur, chacune de ses mains aux côtés de sa tête. L’Italienne releva les yeux vers ceux de Cayden, effrayée de ce qu’elle allait y lire. Elle ne savait pas quoi lui dire, et encore moins comment réagir. Cela faisait plus d’un mois qu’elle était revenue, pour aider Achille, mais elle n’avait jamais eu l’intention de croiser Cayden, surtout après leur dernier échange. Il lui avait fait mal à un point qu’elle n’avait jamais cru pouvoir soupçonner, et la peur qu’il recommence lui tailladait le cœur. Alors quand il rapprocha son visage du sien, elle ferma les yeux. Elle ferma les yeux comme un enfant apeuré qui cache sa tête sous les couvertures la nuit pour ne pas voir le monstre du placard. Mais en l’occurrence, le prédateur y trouva peut-être un consentement muet à ce qu’il s’apprêtait à faire. Elle sentit son souffle contre ses lèvres, et avant qu’elle n’ait pu l’en empêcher, il l’embrassait. Luna perdit la faible connexion avec ses neurones. Leurs bouches, chaudes, avides, se cherchèrent, se trouvèrent, ne se lâchèrent que pour mieux se reprendre. Et puis, il y eut l’après, lorsque leurs sens furent enfin apaisés et que les battements désordonnés de leurs cœurs se furent calmés, ils restèrent un moment silencieux à se regarder. Et l’univers se déchira. Elle le repoussa loin d’elle, enfin aussi loin que le mètre de largeur du couloir le permettait, et lui asséna certainement ce qui serait la gifle de sa vie.
« Putain mais qu’est-ce qu’il te prend ? Qu’est-ce que tu fous Cayden ? »
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() message posté Lun 27 Avr 2015 - 1:44 par Invité
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   Luna & Cayden
Je me déteste. T’imagines pas à quel point. Je me hais comme jamais, je me hais à chaque seconde, à chaque respiration, chaque putain battement de cœur. J’ai envie de vomir à cause des erreurs que j’ai faites. Envie de gerber mes tripes, envie de me planter un poignard dans le bide ou même dans le cœur, envie de foncer dans un arbre avec la bagnole ou de me lester avant de me laisser sombrer au fond de l’eau. Je me supporte plus. Je ne me reconnais même plus dans le miroir. Littéralement. J’ai peur. J’ai peur de ce que je deviens. J’ai peur que ça s’en aille jamais, l’obscurité, le silence, la douleur, les larmes, l’angoisse. Je deviens fou. Je deviens fou.


« Tout ce qui se passe au niveau de mon ventre m’écœure, tout ce qui se passe au niveau de mon cœur m’éventre. »


Tyler Ledger.




J’ai plus de mots. J’ai plus rien du tout. Plus de souffle, plus de sourire, plus d’envie, plus de vie. Plus de toi. Plus rien.

Je serais bien parti, moi aussi. Si seulement j’avais pu comprendre plus tôt. On serait parti tous les deux. On aurait peut-être pu se construire quelque chose de joli. Si tu m’avais attendu. Si tu étais restée.

Je dors pas. Je pense à toi. J’suis imprégné de toi. Comme si en disparaissant, t’avais pris possession de mon corps et de mon esprit. Comme si ta nouvelle maison c’était mon cœur et que tu t’amusais à le réduire en lambeaux. Un coup de poignard par seconde. Y a combien de secondes dans un an… ?

Je dors pas. Je pense à toi. Dans un rêve éveillé, mon portable sonne et ta photo apparait sur l’écran. Dans un rêve éveillé, tu apparais tout court, et tu te blottis contre moi. Ou je me blottis contre toi. C’est un peu confus.

Ah si, il me reste les souvenirs. Les photos. Tes affaires dans ta chambre. Les cahiers où on a écrit notre histoire, comme on a pu, avec les moyens du bord. Les dessins que je te faisais. Les mots qu’on écrivait. Les paroles des chansons que tu chantais. Les billets de concerts. Les tickets de cinéma. Les bateaux en papier. Les fleurs séchées. Les taches d’encre. Les traces de larmes. Les pages déchirées.

Les souvenirs dans des boites à chaussures.

Personne au monde n’aurait pu me faire plus de mal.
Et le pire, c’est que c’est moi qui ai commencé.
Si j’avais su… si j’avais su que ça ferait si mal, si j’avais su putain, si j’avais su à quel point j’allais morfler, si j’avais su qu’un être humain était capable de ressentir ça, de se haïr autant, de t’aimer autant.

T O R T U R E
.

R E V I E N S.

Tu me manques. J’ai pas d’autres mots.

***

Ça m’a paru être l’éternité.
Et puis le miracle.

Le miracle au cœur du désespoir.
La merveille au beau milieu de l’horreur.


« Penser à toi, c’est comme jeter des flocons dans un feu. Il est une forme de bonheur qui me fait peur à peu près pour toujours. »


Mathias Malzieu



Je ne me souviens pas très bien de cette journée-là. Comme si j’avais touché le fond pour de bon. La mort d’un proche, ça aide pas tellement à aller mieux. Mais tu vois, comme si j’avais senti le truc venir, mon cœur ne cessait de battre à tout rompre. Il parait que ça fait ça, les âmes sœurs. Le cœur agit comme un aimant alors même qu’on ignore la présence de l’autre.

J’ai voulu détourner un instant les yeux du cercueil pour ne pas m’effondrer. Et t’étais là. Droit dans mon champ de vision. Je cherchais un moyen de ne pas m’écrouler et mon regard s’est posé sur toi. Je me suis demandé si j’allais pas vraiment finir par claquer sous le coup de toutes ces putains d’émotions.


***

Bon ok, je n’étais pas sur cette piste de dance par hasard. Je savais qu’elle était là. Je savais qu’elle était là et je ne comptais pas la laisser s’en tirer comme ça. Je l’avais perdue de vue juste un instant, et le temps de la repérer de nouveau, un sale blond moche et bête comme ses pieds (il devait forcément l’être) était en train de l’aguicher furieusement. Mon esprit ne pouvant admettre l’hypothèse selon laquelle se serait en fait Luna qui draguerait ce vieux troll. Mon cerveau était quant à lui définitivement en mode-off depuis l’apparition de la jeune femme à la cérémonie d’enterrement et poursuivit sa cessation d’activité totale. Un geste, un regard. Adieu vile créature blonde et puante. Trop facile.

Et puis la tornade, l’ouragan, l’apocalypse. Rêve, réalité ? Mega trip de ouf ? L’instinct. Aucune réflexion, aucune préméditation. La sensation de suffoquer, de mourir sous les coups de tambours de l’organe, encore mieux que n’importe quelle dope sur terre. Et je tenais simplement Luna par la taille en dansant contre elle.

Souvenir flou. Le couloir. Le mur. Sa peau. Son corps. Ses yeux. Ses putains d’yeux. Qu’est-ce que je l’aime. Je l’aime. Je l’aime. Je l’aime.

J E  T’A I M E.

Ses lèvres. Son souffle. L’excitation. L’emportement. La folie. La folie totale.

La gifle. Violente.

Retour à la réalité.




J’ai plus de mots.




Silence.



La voix de Luna retentit de nouveau. Elle insiste. Qu’est-ce qui te prend, hein ? BEN OUAIS, QU’EST-CE QUI TE PREND PAUVRE CON ?! T’embrasses ta sœur là, je te signale !! Misérable.

« Et toi… » parvins-je finalement à murmurer. « Et toi ? » reprenais-je un peu plus assurément. « Qu’est-ce qui t’as pris à toi, hein, de te faire la malle comme ça, d’un coup, du jour au lendemain ?! Qu’est-ce qui t’as pris de disparaitre pendant une année entière, Luna ? » Ma voix se voulait calme, mais malgré tous les efforts du monde, je ne parvins pas à en masquer les tremblements. Je me faisais violence pour ne pas laisser exploser la bombe à l’intérieur de moi.

Plus de force. Immobile contre le mur en face d’elle, je ne quittais pas ses yeux verts. Comme si rompre le contact visuel allait la faire disparaitre elle, pour de vrai, encore. Et c’était bien la dernière chose que je désirais..
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() message posté Lun 27 Avr 2015 - 13:10 par Invité
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luna & cayden

« Non mais je rêve ?! » Hurla-t-elle pour couvrir les bruits de la sono de sa voix. « Parce que tu crois que j’ai des comptes à te rendre ? » Elle voulut avancer vers lui pour le frapper une nouvelle fois, parce que ça aurait été un tel soulagement de pouvoir déverser sa douleur sur lui, qu’il souffre à son tour, et même physiquement, mais sa cheville gauche en décida autrement. Perchée sur des échasses dont elle avait perdu l’habitude, l’entorse qu’elle venait de se faire commençait déjà à gonfler, alors elle retira l’escarpin et fusilla le jeune homme du regard. « Regarde-moi bien, Cayden ! Est-ce que tu crois vraiment que je suis en train de prendre plaisir à ton petit jeu sadique ? Le seul effet que tu me fais c’est l’envie de te coller un talon de 12 entre les deux yeux. Et si je me retiens, c’est certainement pas par attachement ou sympathie, c’est juste parce que les accusations de meurtre, je kiffe pas des masses, et que j’ai carrément pas envie d’aller pointer au commissariat. Alors tu vas être mignon, tu vas retourner jouer avec ta ‘’fiancée’’ et m’oublier pour ton tableau de chasse. Y a aucune, mais alors là, vraiment aucune chance que j’y figure. Peut-être que les autres filles ne demandent que ça, un tour de manège, et qu’il suffit que tu te pointes avec ton sourire de triso pour qu’elles se jettent sur ton jean à 500 boules, mais je ne suis pas les autres filles, j’ai jamais été les autres filles, je ne serai jamais les autres filles. Tomber amoureuse de toi a été la plus grosse erreur de ma vie alors maintenant c’est fini, et pour te citer « je suis une handicapée des sentiments ». Donc maintenant, tu vas faire ce que tu sais faire avec tant de classe : Oublier que j’existe ! » Elle aurait eu tellement à dire, mais les mots se bousculaient dans sa tête et dans sa gorge. Elle aurait voulu lui faire comprendre le mal qu’il lui avait fait à défaut de pouvoir le lui faire ressentir, mais son regard semblait palier à son manque de vocabulaire. Elle aurait voulu, mais se sentait comme impuissante face à ce tsunami d’émotions violentes qui finalement ne l’avaient jamais déserté, et n’avaient fait qu’attendre sagement dans un coin le moment de se déverser en flot sur le véritable coupable… et puis…

…et puis elle réalisa. Elle réalisa ce qu’elle venait de faire, et les armes qu’elle lui avait offert sur un plateau d’argent, des armes contre elle, simplement parce qu’elle avait laissé entrevoir la faille. En se montrant si vindicative et intraitable, c’était comme porter sa faiblesse en écharpe. Le rembarrer gentiment aurait été plus intelligent, il aurait pu se méprendre et s’imaginer que s’il n’avait plus aucune chance avec elle c’était parce qu’elle s’était lassée de lui, qu’elle était passée à autre chose, alors que là, avec la fureur qui se dégageait de ses traits et de ses mots, elle avait non seulement mis à nu ces mois passés à tenter vainement de le chasser de sa tête, mais aussi la rancœur débile qu’elle nourrissait envers les propos qu’il lui avait tenus. Elle aurait dû s’en foutre, ou au moins s’y attendre, mais non, elle avait souffert à cause de cette phrase malheureuse, presqu’autant qu’elle souffrait en le voyant s’imaginer pouvoir reprendre le jeu. Parce que si jusqu’ici elle avait pu encore s’accrocher au fol espoir qu’il ne lui avait pas totalement menti, qu’il l’avait peut-être un peu aimé, à présent c’était bel et bien terminé, le rideau était tombé, les illusions aussi. Elle n’avait été qu’un jeu pour lui, une erreur. L’erreur n’étant pas de l’embrasser, mais de lui faire croire qu’elle pouvait encore avoir sa chance. Finalement, quitte à être une erreur, autant qu’elle lui simplifie la tâche. Il n’avait plus lieu d’exister dans sa vie, ni elle dans la sienne, elle se portait tellement mieux lorsqu’elle ne l’avait pas sous le nez. L’air était certes aseptisé, mais au moins il était respirable, alors que là… Là, fallait qu’elle parte ! Plaquant une main sur ses lèvres comme pour empêcher tout nouveau mot-maux de jaillir, elle recula en marche arrière, le regard vissé au jeune londonien, ses pieds nus foulant le vinyle bon marché de l’établissement. Brusquement elle fit demi-tour, elle se mit à courir comme une dératée en direction de la sortie, de l’autre côté de la piste de danse. La jeune femme s’engouffra dedans, sans un mot, sans un geste pour son soi-disant frère. Pas le temps pour la politesse, ils avaient dépassé ça depuis longtemps.

Prétendre qu’elle ne souffrait pas, ou ne ressentait pas la douleur serait un mensonge éhonté. Au contraire, tout en elle n’était plus que douleur atteignant la répulsion. Pas seulement sa cheville qui lui faisait un mal de chien, mais également cette sensation de vulnérabilité qui lui meurtrissait les chairs. Elle aurait aimé pouvoir faire preuve d’indifférence et de stoïcisme, mais il semblait que sa maîtrise d’elle-même n’atteignait pas son point culminant aujourd’hui. Et dire qu’on lui reprochait en permanence d’être indifférente à tout et d’être victime d’une atrophie émotionnelle. S’ils la surprenaient maintenant, ses détracteurs pourraient mesurer leur erreur. Elle tentait de faire bonne figure, mais la colère qui grondait en elle se trahissait par des traits tirés, des sourcils froncés, un regard plus sombre que d’habitude et une démarche quasi militaire. Évidemment, ce dernier point avait été rendu difficile par la putain d’entorse - au moins, parce qu’à vue de nez c’était gangréné et faudrait lui couper la cheville dans les plus brefs délais vu la douleur que chaque pas répercutait dans toute sa jambe - qu’elle venait de se faire sur ces satanés chaussures dont le seul but était de lui pourrir la vie en saccageant sa sortie théâtrale ! Il y a des jours, comme ça, où on gagnerait à rester couché, à ne surtout pas sortir de chez soi, et à attendre que les aiguilles fassent un tour complet de cadran avant de prendre le risque de foutre un pied dehors. Elle ne souhaitait rien de tout ça, ça ne l’amusait pas, elle n’avait jamais eu dans l’intention de le croiser, mais plutôt de l’éviter, et cette scène grotesque ne faisait que l’énerver davantage. Elle voulait juste retrouver sa vie tranquille, sa vie sans prise de risque, sa vie sans surprise. Elle voulait qu’il arrête de la suivre, de la poursuivre, qu’il soit chassé de sa vie à défaut de parvenir à le chasser de sa tête. Il la provoquait, cherchait la confrontation, peu importe les projets qu’il nourrissait et le pourquoi du comment de ce plan débile, elle voyait dans ses yeux qu’il prenait plaisir à la chasser, à la pourchasser. Alors c’était ça ? C’était ça son idée lumineuse ? Reprendre là où ils en étaient restés avant qu’elle ne s’enfuie pour sauver le peu d’émotions qui lui restait ? C’était ça son intention ? La laisser revenir et… oh, tiens, Luna, une proie tellement facile que ce serait dommage de s’en priver ? Quitte à l’égratigner un peu plus au passage. Sauf que son égratignure, elle ressemblait plutôt à un coup de hache en pleine poitrine, et qu’il lui avait suffi de le croiser trente secondes dans un couloir pour qu’elle se remette à suinter.

Est-ce qu’elle l’avait oublié ? Est-ce qu’elle s’était relevée ? Est-ce qu’elle était parvenue à refaire sa vie ? Non. On se remet rarement aussi rapidement d’une telle blessure, surtout quand on s’appelle Luna, et que le briseur de cœur se nomme Cayden. Elle s’était ressaisie, elle avait tourné la page, était passée à autre chose, mais elle n’avait rien oublié, surtout pas la souffrance insupportable de cette dispute incompréhensible. Lorsqu’il avait eu besoin d’elle, elle avait été là, lorsqu’il avait fallu faire un choix, c’est lui qu’elle avait choisi, lui qu’elle avait préféré au reste du Monde. Elle avait accepté les rumeurs mensongères des ex de Cayden la critiquant, la taxant de mante religieuse avide et cupide. Elle avait manqué plusieurs fois de se jeter du haut d’un pont juste pour ne plus avoir mal, une douleur pas croyable, juste l’envie de s’arracher le cœur et de le jeter loin, très loin d’elle. Elle avait tenu bon malgré ses crises d’angoisses qui la laissaient tétanisée de peur, elle s’était montrée tellement forte, et néanmoins tellement… soumise ! Ce qui ne l’avait pas empêché, lui, de la quitter, l’abandonnant là avec le souvenir de ses belles promesses et de la confiance aveugle qu’elle lui avait voué. Quelle conne ! Elle était restée enfermée chez Milo durant un mois entier, volets fermés, rideaux tirés, avec pour seule substance dans le corps, la fumée inhalée des cigarettes qu’elle s’enfilait. Elle avait cru sombrer dans la folie, attendant la délivrance par la démence qui ne manquerait pas de lui faire oublier la douleur, elle avait subi mille et une petite mort, chaque lever de soleil était une nouvelle épreuve, un nouveau jour à combattre et abattre. Et lui ? Qu’avait-il fait de tous ces jours perdus, de toutes ses heures d’errance ? Il ne l’avait pas aimé, il ne l’avait jamais aimé, sinon comment pourrait-il se permettre un tel comportement ? Comment pourrait-il s’imaginer qu’elle puisse se laisser chasser docilement ? N’avait-il absolument pas conscience de l’état dans lequel il l’avait laissé ? Elle n’avait plus ni l’intention, ni l’envie de se laisser attraper, au contraire, elle voulait fuir, le fuir, et ce le plus vite possible avant que tout ne remonte définitivement à la surface. Elle avait été naïve en se croyant suffisamment forte pour effacer ces dix ans de vie, les oublier et vivre dans le déni. Elle avait espéré que cette expérience l’aurait rendu plus forte, insensible et froide, mais ça n’avait fait que la rendre plus méfiante et peureuse. Elle devait fuir, comme une lâche. Alors qu’elle rangeait ses chaussures dans son sac, elle jouait des coudes pour se glisser au milieu de cette foule compacte de corps. Elle n’était plus la Luna d’avant, naïve et conciliante, et la fureur formait à présent un nœud compact dans son estomac, un nœud qu’elle ne cherchait même plus à camoufler, il fallait que ça sorte.

Tout en poussant la porte, elle s’empara de son téléphone portable et pressa la touche d’un des numéros présélectionnés. « Dis-moi qu’on a de la pommade pour les entorses. » S’empressa-t-elle de demander à son interlocuteur, sans lui laisser le temps de placer un « allô ? ». « Ou alors des pains de glace, juste quelque chose qui pourra me soulager une fois que je serai rentr… » Elle ne finit pas sa phrase. Elle ne la finirait probablement jamais. « Je te rappelle plus tard. » Soupira-t-elle dans son portable, alors que l’interlocuteur n’avait toujours pas eu le temps d’en placer une, puis elle s’avança courageusement en direction de sa voiture. Arrivée à proximité, elle marqua une pause, non pas du fait de sa cheville, mais bel et bien du fait de ce petit changement significatif qu’elle venait de noter sur sa voiture, à 500 mètres de là. Immobile, les yeux plissés afin de mieux discerner si elle rêvait ou pas, elle lâcha un exaspéré : « C’est quoi ce truc ? » Visiblement, la Camaro de Luna venait de faire la connaissance de son premier sabot.
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() message posté Lun 18 Mai 2015 - 22:55 par Invité
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   Luna & Cayden
Tell me what your worst fears are. I bet they look a lot like mine. Tell me what you think about when you can’t fall asleep at night. Tell me that you’re struggling. Tell me that you’re scared. No, tell me that you’re terrified of life. Tell me that it’s difficult to not think of death sometimes. Tell me how you lost. Tell me how he left. Tell me how she left. Tell me how you lost everything that you had. Tell me that it ain’t ever coming back. Tell me about God. Tell me about love. Tell me that it’s all of the above. Say you think of everything in fear. I bet you’re not the only one who does.



Je m’étais promis de plus jamais te laisser partir. Mais pour cela il fallait déjà que tu reviennes. Et maintenant que tu te tiens là devant moi, je ne suis plus capable de rien. J’entends tes mots mais leur sens m’échappe. Je vois tes yeux mais je ne retrouve pas ton regard. Tu es revenue et tu t’en vas déjà. Je te laisse partir. Encore. Et ça hurle dans ma tête, ça hurle. « Bouge. La laisse pas. Attrape-la. Attache-la s’il le faut mais la laisse pas. Pas cette fois. PAS CETTE FOIS. » Je suis encore sonné par la gifle, par tes mots, par ton regard assassin. J’ai du mal à marcher droit, mais mes jambes me guident malgré tout vers toi. Je te suis à l’aveugle, je me fraie un chemin parmi le commun des mortels pour ne pas perdre ta trace, j’ai l’impression de me noyer, d’être complètement bourré, drogué, anesthésié. J’sais plus où j’suis. J’sais juste que t’es là, quelque part devant moi, alors je m’arrête pas.

On dit de l’abandonnique qu’il provoque lui-même l’abandon. La peur d’être laissé derrière est plus forte que l’abandon en lui-même. Ouais, ça fait mal ouais. Mais c’est la peur la véritable douleur. Et si tout ça se terminait un jour ? Et si elle se trouvait un mec, un vrai, un autre que moi ? Et si elle me haïssait ? Et si elle regrettait que je fasse partie de sa vie ? Que se passera-t-il lorsqu’elle sera partie ? Qu’est-ce que je deviendrais, qu’est-ce qu’il resterait ? Et c’est cette peur-là, cette angoisse qui vous rend dingue et qui vous donne envie de gerber le matin en vous réveillant. Vous avez tellement peur de crever de douleur si jamais elle partait que vous élaborez dès maintenant une stratégie, un refuge, une sécurité. Vous sortez avec d’autres filles. Des tas d’autres filles. Et puis vous en choisissez une. Vous la demandez en mariage. Comme ça, même si celle que vous aimez s’en va, vous n’êtes pas seul, vous n’êtes pas rien. Et puis un matin, vous vous réveillez, et vous réalisez qu’elle est vraiment partie. Votre terreur à l’idée qu’elle disparaisse l’a fait partir pour toujours.

Et si elle ne revenait pas ?

La terreur. L’angoisse.

Je me souviens avoir hurlé. Tu ne répondais pas au téléphone. Tu ne répondais pas et personne ne voulait me dire où tu étais. Je t’ai cherchée toute la nuit. Je t’ai appelé des centaines de fois, et tu ne répondais pas. Ça a été la pire nuit de ma vie. J’ai hurlé, littéralement, j’ai hurlé de toutes mes forces et je me suis effondré. Je n’ai jamais autant pleuré de ma vie, même quand ma mère s’est fait la malle. J’ai hurlé et j’ai voulu m’arracher les tripes pour arrêter d’avoir mal au cœur. J’ai hurlé jusqu’à m’en défoncer la gorge, pleuré jusqu’à ce que tout devienne noir. Je pensais pas que ça puisse faire si mal un jour. Je croyais avoir déjà tout vécu de l’abandon. Ma mère est partie quand j’avais cinq ans, ma mère ne fait absolument pas partie de ma vie, ma mère se fiche complètement de savoir si son propre fils est en bonne santé. Je croyais savoir ce que ça faisait, je croyais être immunisé, j’étais persuadé de pouvoir survivre à tout.
Je pouvais pas survivre à ça.

O miracle. Luna s’était arrêtée. M’attendait-elle ? Essoufflé, j’arrivai à sa hauteur et découvris quelques instants seulement après elle le magnifique sabot qui ornait la roue de sa voiture. Je supposai que c’était la sienne en tout cas, vu la tête qu’elle tirait. Je ne pouvais pas être le seul responsable de ce regard dévastateur. Ah… si, vous dites ? Quoi qu’il en soit, ce fut à peu près à ce moment-là que mon cerveau retrouva l’intégralité de ses fonctions. Sans attendre davantage, je lui attrapai le bras d’un geste sec et ferme et la forçai à se retourner vers moi. Je plongeai aussitôt mes yeux dans les siens, et cette fois-ci, je captai enfin son regard.

« T’as jamais été les autres filles, » confirmai-je d’une voix basse tout en l’attirant plus près de moi par le bras. « T’as jamais été les autres filles, tu le seras jamais. J’ai plus de fiancée. J’ai plus de fiancée depuis que tu t’es fait la malle. J’ai capté, Luna. Ça a pris du temps mais j’ai capté. T’étais pas obligé de me faire ça. Je savais pas. Je savais pas. »

Je restai silencieux encore un instant, sans la quitter des yeux, avant de reprendre très fermement :

« Ne pars plus. Plus jamais. Je t’en supplie. »

Le temps s’arrête. Juste toi et moi et l’infini.

Si seulement.
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() message posté Dim 24 Mai 2015 - 22:45 par Invité
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luna & cayden

C’était comme dans un rêve qu’elle faisait assez souvent : elle se rappelait cette nuit relativement froide du mois de juin où elle avait pris la fuite, comme aveuglée par la douleur de ses sentiments, sans savoir où elle allait. Sauf qu’elle ne finissait pas par errer, perdue, dans les rues de Londres. Non. Une main la saisissait par le bras pour la ramener au chaud, à sa place contre son torse, à sa place dans son cœur, et elle n’avait plus peur, elle n’avait plus mal. Mais à chaque fois elle se réveillait en larmes, alors Luna avait décidé de ne plus croire à ses rêves, de ne plus rien attendre de son imagination ou de la réalité. Ça faisait trop mal. Cayden ne pouvait pas lui courir après, il n’en avait pas le droit. Il avait perdu ce droit à la seconde même où il l’avait anéantie. Mais là, ce n’était plus un rêve, c’était réel. Cette main qui se resserrait sur son poignet, qui la ramenait de force dans une réalité qu’elle ne souhaitait pas vivre. Son sac en était tombé par terre devant la fermeté d’un geste qu’elle ne pouvait contrer, et elle ne pouvait se libérer de cette emprise. Son autre bras, mû par un désir propre, avait commencé de lui-même à tambouriner contre le corps trop grand et trop musclé dans l’espoir fou d’obtenir la liberté de son jumeau, tandis que les insultes jaillissaient de la bouche de la jeune femme. « Vaffanculo cazzo ! Lasciami in pace ! Fottuto coglione ! Bastardo ! Idiota ! » Et son poing continuait à marteler la poitrine de Cayden alors qu’il la rapprochait encore un peu plus de lui, peut-être dans une tentative vaine de calmer la tornade qu’il avait prise au piège de sa poigne. Mais cette fureur ne pouvait pas durer, l’Italienne était trop épuisée – mentalement et physiquement – pour arriver à lutter sans relâche contre un adversaire qui, non content de mesurer plus de deux têtes de plus qu’elle, ne souffrait pas, contrairement à elle, d’une sévère malnutrition, alors elle se calma et écouta Cayden.

Au début, elle ne comprit pas le sens de ses paroles. C’était comme si elle entendait les mots, mais qu’il s’était agi d’une langue étrangère qu’elle ne connaissait pas, elle n’en saisissait pas le sens. Il ne la quittait pas des yeux, et elle soutenait son regard. Orage contre tempête, vert contre bleu, obscurité contre lumière. Et puis la connexion se fit, les mots prirent enfin un sens qu’elle comprenait. Et sa colère redoubla d’intensité. Elle tira avec force sur son bras pour se libérer, mais si c’était vain, comme si Cayden avait trop peur de la lâcher et la voir s’enfuir encore. Elle avait mal, il lui faisait mal, mais elle devait s’éloigner de lui. « Tu savais pas ? Tu. Savais. Pas ?! » Des larmes de rage et de douleur mélangées coulaient le long de ses joues, mais elle n’en avait pas conscience, tout ce dont elle avait conscience sur le moment, c’était la colère qu’il lui inspirait, cette espèce de rancœur sourde qui grondait et grondait sans relâche, comme une bête tapie dans l’ombre qui attendait simplement son heure pour bondir sur sa proie. Et la proie, en l’occurrence, c’était Cayden. Certes, il y avait des choses qu’il ignorait. Les crises d’angoisses, les envies de suicide, ça, Luna avait à tout prix voulu le lui cacher. Il n’avait pas besoin de comprendre l’étendue des dégâts qu’il avait lui-même causés. « Combien de fois tu crois que je t’ai surpris à me regarder, à hésiter à parler parce que tu savais qu’il se passait quelque chose, mais t’étais trop lâche pour faire ce pas vers moi ? Combien Cayden, combien ? » Elle lui crachait les mots au visage avec une hargne qu’elle n’avait jusque-là jamais montré à son égard, elle espérait le blesser autant qu’il l’avait blessée elle. « Je t’ai rien fait en partant, la seule chose que j’ai faite, c’est essayer de survivre à ce que TOI tu m’as envoyé en pleine gueule. Comme si tu savais pas à quel point ça allait faire mal, ces mots-là…. »

Elle avait arrêté de le frapper de son poing libre, mais elle pleurait toujours, et s’étranglait à moitié sur ses sanglots. Son front vint se poser contre le torse de Cayden, alors que ses épaules tremblaient suite à ses pleurs incontrôlés. Peut-être aussi parce qu’elle commençait à avoir froid, pieds nus dans la rue avec juste une petite robe. Et puis c’était surtout la fatigue qui se faisait enfin ressentir, entre les cauchemars et l’absence de sommeil, entre les angoisses et les idées noires. Elle était trop fatiguée pour prétendre qu’elle pouvait gérer la crise, trop fatiguée pour prétendre qu’elle allait bien et qu’il ne lui faisait plus aucun effet. Et même là, alors qu’elle avait envie de le frapper encore et encore, elle avait aussi cette envie de ne pas le lâcher, de ne pas s’éloigner de lui. Cette envie de lui, tout simplement. Mais ça, jamais elle ne l’avouerait, et encore moins à Cayden. Il se passa encore quelques minutes dans ce silence pesant. Puis enfin, Luna releva la tête et détourna le regard, refusant d’affronter les yeux de son frère par alliance.

« Lâche-moi. Je suis pas là pour toi. Je suis revenue seulement parce qu’Achille avait besoin de moi, et dès qu’il ira mieux, je repartirai. J’ai rien qui me retienne ici, j’ai pas de vie ici. Et je te dois absolument rien. »
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() message posté Lun 6 Juil 2015 - 21:32 par Invité
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  Luna & Cayden
I built a home for you, for me... Until it disappear frome me, from you... And now it's time to leave and turn to dust.

Mais elle continuait de hurler, de m'écorcher avec ses mots, de s'épuiser, d'essayer de fuir. Elle continuait à m'en vouloir et il en serait ainsi même si je me mettais à genoux pour lui demander pardon. Je décidais alors d'adopter une autre stratégie que les mots à peine audibles et les yeux larmoyants, je décidais de redevenir le Cayden qui, depuis que la demoiselle et lui faisaient partie de la même famille, s'était promis de veiller sur elle et de péter la gueule au premier qui toucherait le moindre de ses cheveux. Pendant une seconde, cette pensée fit apparaitre dans ma tête la scène de Fight Club où les personnages de Brad Pitt et Edward Norton s'affrontent pour la dernière fois. Un sourire songeur sembla apparaitre sur mon visage, tandis que la voix de Luna résonnait encore quelque part sur Terre.

Je fis semblant. Je ne masquais pas mon sourire et fis semblant de ne pas avoir mal, je fis semblant d'éviter les mots pointus. Je lâchai enfin son bras comme elle me l'avait demandé - même si ce n'était pas la vraie raison de mon geste - et me baissai afin de pouvoir entourer ses jambes de mes bras. Luna mit certainement quelques instants avant de comprendre ce qui lui arrivait, mais elle était déjà à cheval sur mon épaule et je m'étais remis en marche, mon Sac à Patates sur l'épaule. Ignorant ses nouveaux cris et coups de poing, je marchais l'air satisfait en direction de chez moi. Arrivé à l'entrée du métro, je fus cependant contraint de larguer mon chargement, après m'être assuré que celui-ci n'était plus dangereux pour mon intégrité physique. Mais étant donné l'état de sa cheville, je ne pouvais toujours pas la faire marcher, ainsi, je la soulevais de nouveau, mais dans mes bras cette fois-ci, comme les princes charmants qui emmènent leurs princesses au Royaume de Tout Est Parfait. Nous descendîmes ensuite les marches conduisant au quai du métro.

"Faisons semblant d'être un couple heureux !" lui dis-je en plaisantant, même si j'avais déjà pleinement conscience que la probabilité pour qu'elle esquisse ne serait-ce que l'ombre d'un sourire amusé était proche du néant.

De toute façon, elle pouvait difficilement contre-attaquer dans cette position. Et je savais, oh oui je savais combien elle me haïssait à cet instant précis. Mais un sentiment que j'avais encore du mal à identifier me donna l'impression que Luna appréciait, même si elle ne l'avouerait jamais même sous la torture, que je la porte ainsi.

Une vingtaine de minutes plus tard, nous passions la porte de mon appartement. Il était assez spacieux malgré mon statut d'étudiant car mon père m'aidait beaucoup financièrement. Nous arrivâmes directement sur une grande pièce large et lumineuse grâce à ses grandes fenêtres face à l'entrée, l'espace salon à gauche et la cuisine américaine à droite. Tenant toujours ma belle dans les bras, je traversai le salon et passai la porte menant à ma chambre. Je déposai délicatement Luna sur le lit fait (je ne faisais jamais mon lit, mais ce matin-là, je m'étais pris d'une motivation inconnue pour le faire, à croire que j'avais des dons de voyance). Comme je m'y attendais, elle commença à baragouiner quelque chose du style "je te remercierais bien mais je suis trop énervée pour ça alors je vais juste continuer à t'engueuler !" et je l'interrompis net en prétextant aller lui chercher de la glace pour sa cheville. Je la laissai donc seule quelques instants et sortis de la pièce, traversai de nouveau le salon pour atteindre le coin cuisine. Là, je m'appuyais sur le plan de travail et pus enfin tout relâcher.

Pour la première fois depuis une demi-heure, je permis au presque faux sourire sur mon visage de s’éclipser. Mes mains tremblaient à cause de l'effort d'avoir porté Luna sur le chemin (ces connards du métro ne semblaient pas croire que porter une jeune demoiselle blessée dans mes bras pouvait constituer une raison suffisante pour nous laisser une place assise) et mon cœur menaçait de percer ma poitrine à tout moment. Je pris une profonde respiration et laissai la faiblesse me gagner : de nouvelles larmes firent leur apparition au bord de mes yeux. Mais refusant toujours d'offrir ce spectacle à Luna, j'inspirai longuement une nouvelle fois, essuya mes yeux avec la manche, et ouvris le congélateur afin de sortir des glaçons.

Quelques instants plus tard, je fus de retour dans ma chambre et posai le torchon plein de glace sur la cheville rouge et enflée de Luna. Je pris le risque de la regarder dans les yeux.

"ça va mieux ?"

Le ton était bienveillant. Ni froid ni humoristique. Juste Cayden parlant à une Luna blessée. Juste Cayden qui ne savait plus quoi faire face à l'ouragan qu'elle était.

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() message posté Ven 17 Juil 2015 - 22:43 par Invité
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luna & cayden

Tu te souviens ? Tu te souviens de ce jour ? C’est le jour où j’ai compris que je tombais amoureuse de toi. Dis Cayden, tu te souviens de cette fois, la première fois où tu m’as portée ainsi ? Je m’étais sentie princesse et tu étais mon prince, j’avais l’impression que rien d’autre ne comptait que toi et moi, tous les deux dans une bulle, tous les deux à l’abri du reste du monde. On avait douze ans pour toi, dix pour moi. On était que des gosses, mais déjà à ce moment-là, j’ai su. J’ai su que tu me briserais le cœur, qu’on se ferait du mal. Et pourtant, je n’ai pas hésité une seule seconde à m’engager dans cette voie.
Elle était restée silencieuse pendant tout le trajet en métro. Elle le détestait. Mais elle l’aimait aussi, oh oui elle l’aimait. Et elle ne comprenait pas son comportement, elle ne comprenait pas pourquoi il avait subitement décidé de prendre soin d’elle. Elle oscillait entre la colère, l’incompréhension, et l’envie que ce moment dure pour toujours. Et puis ils étaient arrivés à l’arrêt de Cayden, et contrairement à ce qu’elle croyait, il avait continué à la porter dans ses bras plutôt que par-dessus son épaule. Il avait continué de la tenir fermement dans ses bras jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’appartement de Cayden, jusqu’à ce qu’il la pose doucement sur le lit. Et puis il s’était éclipsé, et Luna avait senti l’angoisse s’insinuer tout doucement en elle. Elle n’avait rien à faire là. Qu’allait-il faire ? Il l’avait tout de même embrassée de force une heure auparavant, et maintenant il l’amenait dans sa chambre. Mais non, il était revenu juste avec de la glace pour sa cheville foulée. Le vrai gentleman anglais. Et puis il lui avait demandé si elle allait mieux. « J’veux pas parler. J’veux plus parler. » Qu’elle lui avait répondu, émettant une règle pour laquelle elle ne tolèrerait pas qu’elle soit enfreinte ce soir-là. Et il le savait, il devait le sentir. Sans un mot, il lui avait donné un t-shirt pour qu’elle se change, puis il était sorti de la pièce, lui laissant son intimité.

Elle n’arrivait pas à dormir. C’était comme si son cerveau avait décidé de la maintenir éveillée à tout prix. Elle ne cessait de penser. Penser à Cayden dont elle n’était séparée que par une porte, penser à cet appartement dans lequel il avait vécu un temps avec son ex-fiancée, à ce lit où d’autres femmes étaient passées avant elle. Toutes ces idées, cette jalousie, cette envie de lui ne cessaient de tourner et tourner dans son esprit sans relâche. D’un geste agacé, Luna avait retiré les draps de son corps et s’était levée silencieusement. Heureusement, sa cheville la faisait beaucoup moins souffrir grâce à la glace qu’il avait appliquée sur le membre douloureux. Toujours aussi silencieusement, elle était sortie de la chambre. Cayden semblait dormir profondément sur le canapé. Elle l’avait approché, s’était agenouillée sur le sol, à ses côtés. Elle avait hésité pendant de longues secondes avant d’enfin oser caresser ses cheveux du bout des doigts. Puis sa joue, ses lèvres. Il avait toujours les yeux fermés, elle avait toujours trouvé qu’il avait un sommeil de plomb. Alors elle avait osé l’impensable. Elle s’était lentement penchée sur son visage, et avait posé ses lèvres sur celle de Cayden. Un baiser chaste et enfantin, qui ne dura pas plus d’une seconde. Et en relevant la tête, c’est là qu’elle vit qu’il avait ouvert les yeux. Avait-il feint le sommeil, elle l’ignorait. Sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, il grimaça de douleur, sûrement le fait de bouger trop rapidement, puis ce fut à son tour de plaquer sa bouche contre la sienne. D’abord surprise, elle n’avait pas fait le moindre mouvement, se contentant de subir ses lèvres contre les siennes, cette bouche qui ne bougeait pas plus que la sienne. Il s’était contenté de les poser là, grimaçant, gémissant de douleur, mais ne changeant rien à ce bouton de rose qu’il formait de ses lèvres. Puis il les avait entrouvertes légèrement, laissant passer un souffle chaud qui l’engloba totalement, la plongeant dans un tremblement qui s’empara de tout son corps, électrisant chaque parcelle de son corps, remuant absolument la totalité de ce qui constituait son être. Elle avait soupiré à son tour, juste une expiration, peut-être un simple réflexe respiratoire, mais qui avait dû produire le même effet en lui, puisqu’elle sentit ses mains remonter contre sa nuque et la parasiter en une caresse, chauffant instantanément la peau en contact avec ses paumes, la brûlant en douceur, dégageant un flot de bien-être. Alors, sans vraiment comprendre pourquoi, sans vraiment chercher à comprendre non plus, elle remua doucement, très lentement ses lèvres qui jusque-là étaient restées immobiles. En avait-elle besoin ? Oui, c’était vital et surtout inévitable. Fondamentalement il ne lui avait pas arraché ce baiser, fondamentalement il n’avait fait que coller ses lèvres aux siennes. Il avait franchi certaines limites, mais pas l’irréparable. C’était elle qui avait commencé à se mouvoir contre lui. D’abord ses lèvres qui avaient esquissé un timide baiser, comme on caresse de ses lèvres le bobo d’un enfant en lui assurant que c’est magique, que ça calmera le mal, puis le reste de son corps qui s’était indéniablement rapprocher encore du sien. Elle avait frissonné sous son propre baiser, elle avait soupiré en subissant son propre geste, puis elle avait été incapable d’abandonner, incapable de s’arrêter ou de s’immobiliser. Elle avait continué à frôler cette bouche sauvagement arrimée à la sienne, timidement elle l’avait caressé de son souffle, l’avait butiné jusqu’à ce qu’il la rejoigne dans sa danse solitaire. Combien de temps avait-elle joué ainsi ? Certainement pas plus d’un quart de seconde qui lui avait semblé à la fois trop et pas assez. En le sentant réagir, en le sentant desceller les lèvres, les espacer un peu plus, permettant à sa langue de venir découvrir la sienne, la caresser, la chercher, la perdre, la retrouver, la perdre à nouveau, fouillant, savourant, s’emportant aussi, jouant avec ses lèvres, se laissant aller à une hardiesse dont elle ne se savait pas capable. C’est lorsqu’elle mordilla légèrement sa lèvre inférieure provoquant un gémissement plus sonore que les autres qu’elle nota que leur nature avait changé. Ce n’était plus des gémissements de douleur qu’il expirait contre sa bouche, dans sa bouche, c’était des gémissements de… plaisir ?! Leurs souffles mêlés lui faisaient perdre la tête. Elle avait depuis longtemps perdu tout contrôle d’elle-même, mais elle avait encore conscience qu’elle devait s’arrêter maintenant. Il avait beau maintenir sa nuque, elle savait qu’elle n’aurait aucun mal, si elle le souhaitait, à se soustraire à cette étreinte. Mais elle ne le souhaitait pas. Certainement qu’une part d’elle-même le souhaitait, mais pour l’instant elle était bâillonnée par l’autre partie, celle qui voulait ne jamais mettre fin à cette caresse, à cet échange qui semblait relier tous les points entre eux, qui semblait créer une constellation d’émotions, de sensations, cet échange qui tissait la toile de leur lien étrange. Elle avait soupiré, elle avait gémi, elle avait senti son corps s’irradier lentement, cette chaleur née au creux de ses reins se propager dans l’entièreté de son corps. L’apaisement avait rapidement cédé sa place à une nouvelle sensation, à quelque chose de plus grand encore, de plus déroutant. Au milieu de ce torrent de passion, entre deux eaux, légère mais lancinante, il était là, cet espoir, ce sentiment d’avoir ce qu’elle avait toujours attendu. Pas une émotion, pas une excitation, pas un frisson, juste un être. Elle n’avait jamais rien désiré comme elle le désirait lui. Sa main avait glissé dans son cou, sentant sa carotide taper contre sa paume brûlante, puis elle n’avait cessé de choir le long de son corps, s’agrippant au tissu du t-shirt, déformant le coton léger en plantant ses doigts juste là, au-dessus de son cœur qui venait heurter les lignes de sa main à chaque battement frénétique. Il ne mentait pas, il ne pouvait lui mentir, pas alors qu’elle sentait ça, pas alors que son cœur en était témoin. Aurait-elle dû s’arrêter ? Oui, encore une fois, elle aurait dû. Elle lui faisait du mal en voulant lui faire du bien. Mais c’était encore plus égoïste que ça, puisque c’était à elle-même qu’elle cherchait à procurer du plaisir. Là, contre lui, haletante, ses lèvres dévorant les siennes, ses doigts cavalant, s’agrippant à sa peau, elle ne pensait à rien d’autre qu’à elle-même. Oubliée sa foutue réputation, oublié l’avis des autres, oubliée la haine qu’elle aurait dû lui vouer tant il lui avait fait mal, oubliée sa vie. Elle seule comptait, elle et son besoin de lui. Non pas son besoin : sa nécessité. Car dans son esprit embrouillé, si elle s’arrêtait, si elle se stoppait ne serait-ce que quelques secondes un gouffre s’ouvrirait sous ses pieds et l’engloutirait toute entière. Dieu seul sait quelle était l’étape suivante. Incapable de se contrôler, et encore moins de s’arrêter, leur baiser devenait plus dévorant de seconde en seconde, leurs langues plus avides, leurs mains plus entreprenantes… Si un fait extérieur n’était pas venu les extirper de ce délicieux laisser-aller, jamais elle ne serait parvenue à reprendre suffisamment ses esprits pour accepter de se détacher de ses lèvres sans éclater en sanglots. Oui, elle en était rendue à ce point. Un point de non-retour. Quand, alors qu’il l’attirait sur lui, ils avaient malencontreusement appuyé sur la télécommande de la télévision, l’écran se rallumant dans un brouhaha de fusillades sur un vieux western, les surprenant tous les deux, elle s’était détachée de lui, le regardant avec un ébahissement sans commune mesure. Ce n’était pas le baiser en lui-même qui posait problème, même si déjà en soi, c’était absolument impardonnable. Non, le vrai problème c’est ce qu’elle avait ressenti, et ce qu’elle ressentait encore.

Le nez tourné vers la lumière, elle fut tirée de sa transe par une main dont le bout des doigts se promenait timidement contre sa joue, cherchant à attirer son attention. Elle tourna la tête dans sa direction, lui offrant un regard encore fasciné par tout ce qu’il s’était passé. Il sembla hésiter, se mordit la lèvre, loucha sur une mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux, avant de souffler dessus pour l’obliger à rejoindre ses copines, et finalement se racla discrètement la gorge. Il allait parler. Voilà pourquoi il hésitait tellement, parce qu’il allait parler et qu’elle lui avait dit il y a plusieurs heures qu’elle ne voulait pas parler. Depuis il n’avait absolument rien dit, ou pas suffisamment pour que cela soit notable. Et là, il allait bafouer sa seule et unique règle. Elle aurait voulu l’en empêcher, mais c’était trop tard, il avait déjà ouvert les lèvres. « Il faudrait vraiment que tu dormes un peu... » Oui, ça, elle n’avait pas besoin de lui pour en avoir déjà connaissance. «... Je te ramène au lit, et... et après je reviens là...» Hein ?! Où voulait-il en venir, là ? Il voulait qu’elle dorme seule dans une chambre et lui ici ? Elle l’observa comme s’il venait de lui annoncer une nouvelle fois qu’elle n’avait droit à aucun espoir parce qu’il allait se marier, et se mit à secouer la tête, d’abord lentement, puis de plus en plus rapidement. Finalement sa phrase était logique, d’accord elle l’avait rejeté tellement violemment depuis le moment où ils s’étaient retrouvés… non, même avant, depuis cette nuit fatidique où il lui avait fait la remarque qui avait tout changé entre eux. Elle n’avait cessé de lui faire comprendre qu’ils ne seraient pas un couple, qu’ils ne se devaient rien, et avait même mis un soin tout particulier à l’éviter à tout prix depuis qu’elle avait posé le pied sur le sol britannique, alors oui, il était légitime de penser qu’elle puisse ne pas vouloir passer la nuit dans la même pièce – et le même lit – que lui. Sauf qu’elle ne l’entendait pas de cette oreille, et qu’après sa déclaration dans la boîte de nuit, ça sonnait comme un recul qu’il prendrait vis-à-vis d’elle, une distance qu’il instaurerait entre eux, et dont tout ce cirque serait le moyen de le lui faire accepter progressivement. C’était possible qu’il lui fasse ça ? Qu’il se donne tout ce mal pour, finalement, la blesser encore ? Lui annoncer qu’il préférait le célibat qu’il avait vécu ces deux dernières années plutôt que d’essayer de réparer chacun les torts qu’ils s’étaient fait ? Il pouvait lui faire ça ? En tous cas, contre toute attente, au lieu de la repousser comme elle s’imaginait qu’il allait faire, il l’attira contre lui, et murmura un chapelet de « d’accord, d’accord, d’accord. » visant à l’apaiser. Dans la foulée, la couverture qui le recouvrait avait échoué sur le sol, mais il ne se baissa pas pour la ramasser, c’est elle qu’il ramassa et accrocha à ses hanches, comme une enfant épuisée. Et épuisée elle l’était, à un point tel, qu’elle faillit s’endormir avant même qu’il atteigne la chambre. « Je peux ? » c’est ce que lui avaient demandé ses yeux alors qu’il amorçait un mouvement de bras hésitant, très hésitant dans sa direction. Elle n’avait répondu qu’en lui présentant son dos, mais sans renforcer l’espace entre leurs deux corps, en restant suffisamment proche pour que son bras, hésitant toujours à quelques centimètres d’elle, puisse se poser délicatement sur sa peau. Elle ne l’avait invité, ni encouragé à rien, mais elle ne s’était opposée à rien non plus. Si bien que lorsqu’elle l’avait senti passer un bras autour d’elle, elle n’avait accusé aucun sursaut, ni ne s’était éloignée. Elle était restée stoïque, refusant même de respirer de peur que l’équilibre précaire dans lequel ils se trouvaient ne se brise. Doucement bercée par la respiration qu’elle avait sentie dans sa nuque, elle attrapa un des bras de Cayden et le ramena tout contre elle, le serrant contre sa poitrine façon doudou pour enfant de 4 ans. Le corps masculin accusa une légère crispation de surprise, avant de se détendre contre le sien, ramenant son torse contre son dos, passant son deuxième bras autour d’elle. Elle ferma les yeux, abandonnant son crâne contre cette courbe qui devait être une clavicule, ou un pectoral. Un bras, fort, puissant, protecteur, et néanmoins d’une douceur extrême, remonta au-dessus de sa poitrine, encerclant ses épaules. Elle y posa son menton, puis ses lèvres, puis de nouveau son menton. Elle était bien là, consciente de faire une connerie, de dépasser les limites, mais ses bras la retenant captive, enserrant sa taille et ses épaules, étaient comme autant de branches la rattachant à la terre ferme, lui empêchant tout envol. De toute manière, sans ses ailes, comment aurait-elle pu voler ?

La panique la gagna dès qu’elle ouvrit les yeux sur une pièce inconnue, dans un lit inconnu, sans personne autour d’elle. Il lui fallut quelques secondes pour se souvenir du trajet en métro, et du baiser qu’ils avaient partagé. Elle avisa son sac au sol, et sa robe pliée proprement sur une chaise. Mais pas Cayden. La panique la gagna à nouveau, ainsi que la nausée, forte, violente. Il était parti. Elle en était certaine, elle ne voyait pas d’autre explication, n’en cherchait même pas, il était parti, tout simplement, en la laissant là. Le poing s’enfonçant dans l’estomac, la respiration lourde, pénible, douloureuse, elle se leva et s’avança vers le salon. Le jour avait décliné, il allait bientôt faire nuit, elle avait dormi toute la journée en plus de la nuit. Pliée en deux, une main suivant le mur, elle progressa jusqu’à se retrouver assise sur le canapé, les lumières éteintes. Une fois immobile, elle eut conscience de sa vue brouillée et des larmes qui ruisselaient contre ses joues, mais elle s’en foutait, elle se foutait de tout tant son ventre était en train de s’ouvrir en deux, écartelant ses côtes au passage, et tailladant ses entrailles. Elle se retrouvait dans une obscurité totale, mais elle s’en foutait. C’était là qu’était sa place de toute manière, toujours plus profondément plongée dans les ténèbres. A bout de force, rompue par la douleur, elle se laissa glisser jusqu’au sol, et repliée sur elle-même, sa tête cognant le parquet massif, elle se laissa submerger totalement par la souffrance, incapable de lutter contre elle. Combien de temps était-elle restée ainsi, immobile, recroquevillée, apathique, plongée dans le noir ? Elle n’en avait aucune idée, elle n’avait plus conscience du temps qui s’écoulait. Peut-être cinq minutes, ou bien plusieurs heures, peut-être même des jours. Mais ça ne devait pas être des jours, l’appartement était trop petit pour ça, et à l'inquiétude qui perçait dans la voix masculine qui criait son prénom, il n’aurait pas laissé passer plusieurs jours avant de partir à sa recherche. Mais même ça, elle n’en n’avait qu’à peine conscience, la voix lui parvenant amoindrie derrière le sang qui battait ses tempes à l’en rendre folle. Mais folle, n’était-ce pas ce qu’elle était déjà ? Elle n’émergea de son monde tourmenté que lorsqu’elle le sentit tout proche, accroupi à son niveau, dégageant ses cheveux d’une main, tandis que l’autre maintenait sa tête dans sa direction, cherchant à y capter son regard. Et lorsque ce fut chose faite, qu’elle prit conscience qu’il était là, devant elle, et non pas dieu sait où après l’avoir abandonnée, enfermée dans une prison pour l’empêcher de s’enfuir à nouveau, elle prit une profonde inspiration, comme si elle était restée en apnée pendant de longues, très longues minutes. Son cœur se remit à cogner fort dans sa poitrine et les tremblements de ses membres furent sans précédents. Elle s’accrocha à son tee-shirt, à son cou, à sa peau, puis à sa bouche, à ses lèvres, dévorant plus qu’elle n’embrassait, suffocant entre ses baisers et ses larmes qui avaient repris. Et lorsqu’elle n’eut plus suffisamment d’air, elle s’agrippa à lui, serrant son cou à s’en faire mal au bras, enfonçant son visage dans son torse nu, mouillant peau fraîchement douchée de larmes incontrôlables, n’ayant plus conscience de rien d’autre que son corps contre le sien, et cette peur de le perdre, tenace, indomptable, déraisonnable. Il lui parlait, elle percevait sa voix mais pas les mots, elle notait les vibrations inquiètes, tourmentées, mais ne parvenait à faire le point sur les mots qui mis bout à bout devaient former des phrases, ou plus certainement des questions. « Ne me laisse plus jamais ! » sanglota-t-elle contre son cou. « Plus jamais ! Je peux pas, j’y arrive pas sans toi. Et je m’en fous de ce que tu penses ou de ce que je dis, je veux plus avoir aussi mal, je peux pas supporter cette douleur, c’est trop, ça me tue, je voudrais mourir et j’y arrive pas, c’est juste une torture sans fin, ma tête qu’on compresse jusqu’à une explosion qui n’arrive jamais ! Je sais pas pourquoi t’es là, je sais pas pourquoi tu m’aides, je sais pas ce que tu veux, mais si ton but c’est de m’emmener plus haut pour que la chute soit plus longue, alors tue-moi tout de suite, parce que je suis plus en état de supporter quoi que ce soit... Je suis plus en état de rien... Je voudrais juste me reposer un peu et plus avoir peur. Je deviens folle, et j’en ai conscience, c’est peut être ça le pire, je perds la tête, je fais des conneries, je refuse les mains qu’on me tend, parce qu’il n’y a qu’une seule main qui compte et elle a cessé de tenir la mienne il y a longtemps. Je crois qu’elle est morte, cette main, c’est ce que ma tête me dit, mais parfois mon cœur me dit autre chose, et j’ai l’impression qu’elle est encore là. Et je me débats, entre ma tête et mon cœur, et j’en peux plus... J’en peux plus... Je veux juste que ça cesse... Il faut que ça cesse. » Sa voix n’était plus qu’un faible souffle, amplifié par le silence de la pièce, mais un souffle tout de même. Et lorsque sa voix se tut, c’était comme la suite logique, inextricable, comme le dernier soubresaut d’un mourant. Sauf qu’elle se fit entendre une nouvelle fois, faible mais distincte. « Parle-moi... Empêche-moi de dormir, je ne suis pas sûre de pouvoir me réveiller... Parle-moi... Parle-moi ou tue-moi. » Et dans un dernier souffle presque irréel, un souffle inaudible du commun des mortels, elle avoua ce qu’elle taisait depuis des mois, presque deux ans. « Je t’aime Cayden... Je t’aime. »
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