J'ai raison, tu as tort | Karlie Coolidge

« Vous avez un problème. »
« Je n'ai pas de problème. » Je n'avais pas de problème, mais j'étais dans les problèmes, c'était indéniable, cependant je gardais mon sang froid.
« Si, vous avez un problème. J'ai eu vent de vos récentes frasques et je dois dire que j'étais assez surpris, vous êtes pourtant un bon élément.  »
« Combien de fois vais-je devoir le répéter ? Je n'ai aucun problème. »
« Vous avez mis en doute l'avis d'un de vos supérieurs ainsi que ses compétences sans fondement, je me vois dans l'obligation de vous rappeler à l'ordre. »
« Alors pour vous émettre un avis est un problème, dire ce que l'on pense est un problème. Wouaw, je rêve. Dans ce cas il faut que je fasse quoi ? Me taire et laisser mon supérieur blesser, voir laisser mourir un patient parce qu'une foutue interne ne peut pas avoir une meilleure vision ? Ne rien dire pour ne pas lui entacher la fierté et le blesser dans son égo ? Lui cirer les pompes jusqu'à ce qu'elles brillent dans la nuit en jouant l'hypocrite ? Désolée mais non. Si je suis en chirurgie c'est bien pour sauver des patients, pour les aider et les protéger, pas pour faire du social et me rabaisser devant quelqu'un qui n'est même pas capable de lire correctement un électrocardiogramme. Si faire médecine et être médecin c'est ça, alors je suis bien déçue. Vous êtes actuellement en train de me blâmer tout ça parce que j'ai légèrement haussé le ton pour éviter une erreur. Je suis douée monsieur, je suis même super douée, je ne dors quasiment jamais, je passe la plupart de mon temps à l'hôpital, je suis sur tous les fronts ! Je me coltine l'administration des autres, je cours dans tout l'hôpital pour me trouver des opérations, je dois me battre avec les autres pour essayer d'assister aux plus grandes opérations et pour quelques mots plus hauts que les autres vous m'envoyez dans votre bureau pour me faire la morale ! Sérieusement vous pensez réellement que j'ai du temps à perdre dans un bureau alors que les autres internes se ramassent les meilleurs blocs tandis que moi je suis coincée ici ? Devenir chirurgien a toujours été mon rêve, depuis que je suis gamine j'ai toujours voulu entrer dans le corps médical, j'ai toujours bien travaillé, j'ai toujours persévéré pour les concours. Vous devriez le savoir, vous êtes forcément passé par là, être interne c'est la dernière étape avant la consécration. Si on m'avait dit un jour que j'arriverais à aller aussi loin, je n'y aurais sûrement pas cru et pourtant j'y suis, je n'ai jamais été aussi proche ! Je ne peux pas vous promettre que cela ne se reproduira jamais, si c'était à refaire je referais la même chose, parce que quand je sais que c'est ce qu'il faut faire je fonce sans me poser de questions et on ne pourra jamais m'enlever ça. Je touche mon rêve du bout des doigts et jamais je ne le laisserais s'éloigner de moi, j'ai fourni bien trop d'effort pour faire machine arrière et quoiqu'il arrive je resterais moi, je ne me changerais pas pour faire plaisir aux autres, mon rêve est de devenir la plus grande chirurgienne en cardiologie, et si je dois prendre le chemin le plus compliqué, le plus long, le plus escarpé, le moins conseillé, je le ferais, parce que c'est ce que je veux. Vous nous dites de nous surpasser de nous donner à fond, de ne jamais renoncer parce que la médecine est le métier le plus complexe et c'est ce que je fais en ce moment.
Alors si vous me dîtes qu'avoir un problème c'est faire tout ce que je fais, alors oui j'ai un sacré problème monsieur, et j'en aurais sûrement un pour encore longtemps. »

Je me lève, essoufflée par cette longue tirade, mes deux mains sont posées sur le bureau du directeur, je le fixe dans les yeux. Ma respiration est haletante, mon cœur devait battre au moins à mille pulsations par minute. Je maintenais mon regard et je plongeais mes yeux dans les siens. J'étais vraiment impulsive, j'étais prête à exploser comme toujours. Je ne me démontais pas devant le directeur, je restais impassible alors qu'une part de crainte en moi grandissait. Lui aussi resta de marbre et griffonna quelques mots sur un papier. Il se mit à ricaner.
« On dirait moi quand j'avais votre âge. J'étais un vrai borné, une vraie tête à claque persuadée qu'elle avait toujours raison. Vous aviez raison Karlie, vous avez fait ce qu'il fallait faire, mais vous auriez pu le faire de façon plus diplomatique. Vous n'êtes qu'une interne, vous n'avez pas encore toutes les compétences. Votre effronterie m'impressionne et me terrifie à la fois. J'ai peur que vos émotions ne prennent trop souvent le dessus. Vous serez un bon chirurgien seulement si vous arrivez à contrôler votre colère. Vous n'avez pas froid aux yeux mademoiselle Coolidge, mais faites attention à votre comportement, c'est la première et dernière fois que je passe outre. Vous avez du talent mais n'en abusez pas. Sortez maintenant. »