julian ▽ so live a life you will remember

01."Tu ne vas vraiment rien me dire, pas vrai ?" L'étudiante lâcha un soupir. "Sérieux Jul, tu devrais t'ouvrir un peu plus, je sais pas moi." Ses yeux verts émeraude fixaient l'homme avec insistance. Ceux de son frère étaient de la même couleur. Ils scrutaient les lieux, les voyageurs courant à droite à gauche au sein de l'aéroport. "C'est un divorce. Si je l'ai fait, c'est que ça n'allait plus. Tu n'as besoin d'en savoir plus." Elle faisait la moue. Ôtant son sac à dos pour le poser à terre, elle ajouta. "De toute façon, je crois que je l'ai jamais aimé, cette poufiasse." "Un peu de respect, s'il te plaît" répliqua-t-il aussitôt. "Désolée" chuchota-t-elle, se sentant coupable. Julian mit les mains dans les poches de son pantalon, regardant sa soeur cadette qui vérifiait si elle n'avait rien oublié. C'était le jour J. Elle allait poursuivre ses études à l'université de Boston. Elle s'appelait Emma. Une jeune femme charmante quoique trop franche. Paradoxalement, c'était ce que son frère préférait chez elle. Elle n'y allait jamais par quatre chemins. L'étudiante était très sportive, douée en natation. C'était ce qui lui avait permis d'obtenir une bourse conséquente pour la suite de ses études. "C'est cool de m'avoir emmenée. J'aurai pas voulu que ce soit Maman qui vienne. Déjà qu'elle était à la limite de m'inscrire dans un club étudiant catholique l'autre jour. Punaise." La conservateur esquissa un sourire au coin de ses lèvres. "Arrête c'est pas drôle. Elle était trop sérieuse en plus, c'était flippant."
L'heure du départ approchait. Emma sourit à son frère et l'enlaça. "Si t'as pas le moral, tu me skypes, ok ?" L'affection qu'elle avait pour Julian semblait totalement démesuré pour ce dernier. Ils étaient toujours sur la même longueur d'onde, qu'importe le sujet de conversation. Elle allait beaucoup lui manquer, c'était certain. "On verra ça une fois que tu te seras remise du jet lag" plaisanta-t-il. "Nan mais sans déconner Julian." Emma regardait l'horloge de l'aéroport craignant de manquer le départ. "T'es un chic type." Julian laissa échapper un rire. "Nan mais c'est vrai, arrête. T'es beau, t'es cool, t'as la classe, tu vas te trouver quelqu'un, c'est sûr." "Tu veux déjà appeler une agence matrimoniale, c'est ça ?" "Tu sais très bien que je suis en surkiffe avec les mariages" ajouta-t-elle avec ironie. L'aîné aida à porter quelques bagages pour aller aux guichets d'enregistrement. L'au revoir était particulièrement difficilement, mais Julian savait que c'était l'opportunité d'une vie, il était heureux pour elle.



02.Le téléphone collé à l'oreille, Julian discutait avec Emma. Cela faisait plus de trois ans qu'elle avait posé le pied sur le sol américain. Il marchait dans les rues londoniennes, s'apprêtant à rejoindre des collègues à un bar. Elle était un vrai moulin à paroles, racontant tout ce qu'elle faisait. Il décrocha après deux heures de conversation, il n'en avait pas l'habitude. L'homme entrait dans le bar en question. Le lieu était majoritairement décoré de bois et de cuir. Il était le premier à arriver. Julian décida de prendre un verre de vin blanc pour les attendre. Les coudes posés sur le bar, il rangeait son portable dans la poche. Une dizaine de minutes plus tard, alors qu'il s'apprêtait à boire une nouvelle gorgée, une voix inconnue vint interrompre sa dégustation. "Il est un peu tôt pour commencer à boire comme ça." Une voix masculine, assez douce mais directe. Julian ne le regarda pas en premier lieu et se contenta de lâcher un soupir. "Il est un peu tôt pour venir aborder des inconnus." Son interloctueur laissa échapper un rire. "Jamais trop tôt pour ça.". Ca devait se lire sur son visage. Depuis son divorce, Julian avait eu quelques rares aventures, c'était très souvent lui qui partait le premier d'ailleurs. Il ne se sentait tout simplement pas d'attaque pour démarrer une relation sérieuse. La dernière fois qu'il a essayé, ça n'avait pas vraiment fonctionné. Aussi la confiance qu'il pouvait avoir était bien éreintée. C'était aussi peut-être une crise de la trentaine. Julian s'était surpris à être intéressé par le sexe masculin à quelques reprises, ça le perturbait assez. Seule sa soeur était au courant (elle l'aurait deviné s'il n'avait rien dit de toute façon). Le regard de Julian se figea enfin sur l'inconnu. "Pas très loquace. Laisse-moi deviner, tu viens noyer un chagrin, ou un divorce peut-être. T'as certainement pas la tête de quelqu'un qui est ou était célibataire." C'était certainement marqué sur son front. Julian n'aimait pas se faire cerner si facilement. Son côté réservé lui servait de protection en quelque sorte. "Et toi, tu dois sûrement chercher quelques âmes perdues." Son ton restait calme, quoiqu'un peu moqueur. "Touché" répondit-il amusé, en français, toujours ce sourire charmeur pendu aux lèvres. Julian entendit soudainement qu'on l'appelait. Ses collègues étaient arrivés entre temps, installés à une table. Il leur fit un signe de la tête avec un sourire. Avant de les rejoindre, il croisa une dernière fois le regard de son interlocuteur. Haussant les sourcils, il dit "Désolé, mais ce ne sera pas moi ce soir."


03. Depuis son divorce, Julian n'a que très peu de contacts avec sa mère.  Elle qui adorait son ex-femme. Mais il voyait plus régulièrement le paternel, qui aurait bien aussi divorcé d'ailleurs, depuis le temps. Il leur arrivait souvent de déjeuner ensemble dans un restaurant de quartier. Son père était travaillait aussi dans un musée, mais lui rénovait les oeuvres. Julian appréciait beaucoup lui parler des dernières acquisitions. Il était fasciné par son père, il se montrait très admiratif et reconnaissant. C'était un homme bien. Pas aussi croyant que sa femme, pour sûr. Un bon vivant qui était ouvert d'esprit, mais Julian n'avait jamais osé lui parler de ses dernières incertitudes. Son père était toujours optimiste et très rieur, qui trouvait toujours un moyen de relativiser. Un bol d'air frais qui faisait le plus grand bien à son fils.

Il savait que le seul moyen de voir Julian était de manger avec lui à midi puisqu'il travaillait au musée parfois très tard le soir. Une fois qu'il était plongé dedans, il lui était très difficile de s'arrêter avant que ce ne soit terminé. De ce côté, personne ne pouvait critiquer son travail. La semaine suivante, Julian et son père allaient partir deux semaines aux Etats-Unis, pour passer un peu de temps avec Emma. Elle avait aussi une compétition assez importante. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas pris de congés et ça lui avait fait le plus grand bien. Comme bien d'autres choses, Julian ne parlait pas trop de lui, et bien peu savait à quel point il pouvait être proche de sa famille. Il ne se voyait pas en construire une pour le moment. Il profitait de sa vie, comme il l'entendait, ayant l'impression d'avoir manqué beaucoup de choses quand il était encore en couple. C'était une vie qui lui convenait, mais ce n'était pas pour autant qu'il craignait de gros changements.