I don't wann play this game no more- Tyler

Passer une grande partie de son samedi après-midi au lit avec son partenaire sexuel régulier était bien, mais sortir en boîte avec ses potes alors que cela faisait une éternité que l’on ne s’était pas organisé une soirée rien que tous les quatre était encore mieux ! Et si le sexe était indéniablement la priorité de tout homme peuplant cette fichue planète – à quelques rares exceptions près –, la gent masculine se devait tout de même de rester unie en respectant une seule et unique règle essentielle de ce code imaginaire établi implicitement entre tous les frères de cœur du monde : bros before whores – les potes avant les putes. Et puis, de toute façon, que ce dicton mondialement connu ait existé ou non, j’aurais malgré tout préféré sortir avec mes amis que je connaissais depuis quelques années déjà plutôt que de continuer ma soirée à coucher avec un mec que je voyais presque tous les jours depuis près d’un mois et demi à présent… Après tout, ce n’était pas comme si on ne pouvait profiter du corps de l’un et l’autre uniquement les weekends.

Une fois lavé et rhabillé, je sortis enfin de chez Nate dans le but de retrouver ma petite bande de potes en centre-ville où nous allions commencé notre soirée par boire une ou deux bières dans un de nos pubs fétiches. Si mes souvenirs étaient bons, je n’étais pas retourné dans l’appartement de Nate depuis la toute première fois où nous avions couché ensemble – ce qui faisait tout de même un bon bout de temps ! – et cela aurait toujours pu être le cas si ce denier ne m’avait pas tanné pour que je fasse le déplacement jusque chez lui une fois de temps en temps… Ce qui me faisait particulièrement chier car mon appartement était non seulement dix fois mieux que le sien (je n’étais pas du tout objectif, mais je m’en fichais royalement), mais aussi et surtout, je disposais de toutes mes affaires comme bon me semblait.

- Salut Tyler, entendis-je alors une voix féminine que j’aurais préféré ne jamais réentendre de ma vie me saluer. Je ne pensais pas retomber sur toi… au moins cette fois tu ne pourras m'en vouloir.

- J’ai dû être quelqu’un de vraiment horrible dans une vie antérieure, moi… me plains-je dans mon absence de barbe avant de me tourner vers elle sans même cacher mon ennui de la croiser sur le palier de mon amant. C’était tout de même la deuxième fois que je venais ici et la deuxième fois que je la croisais… Et Nate s’étonnait ensuite que je ne souhaitais pas venir chez lui…

- Alors vous… vous avez enfin décidé de vous mettre ensemble? osa-t-elle me demander timidement. C'est une bonne nouvelle même si ça veut dire que je vais te croiser plus souvent.

- Coucher avec quelqu’un ne veut pas forcément dire qu’on est ensemble… mis-je les choses au clair sur ce point. Et t’inquiètes pas, je pense que c’est la dernière fois que tu me vois dans les parages. Au moins, chez moi, on peut être tranquilles… Enfin, je dois déjà bien avouer que c’est déjà un miracle que tu n’es pas sonné à sept heures du mat’… énonçai-je un bon point au mauvais souvenir de notre première rencontre.

Des fois, je me demandais franchement à quoi cela me servait de faire des efforts si c’était pour être toujours aussi malchanceux… Parce que j’avais peut-être passé un très bon début de journée entre les bras, mais surtout les jambes de Nate, alors pourquoi fallait-il forcément que je tombe sur son emmerdeuse de voisine avec qui j’entretenais des relations quelque peu conflictuelles depuis le moment même où nous nous étions rencontrés ?... A croire que le destin ne trouvait réellement de plaisir que dans le fait de me rendre la vie totalement impossible… Parce qu’entre Adriel, Spencer et Tristan, Nate était franchement très mal entouré…

En tout cas, cette fille semblait avoir un rôle beaucoup plus important dans la vie du journaliste qu’une simple voisine. Et si j’avais quelque peu déjà pu le remarquer auparavant lors de la Garden Party organisée l’été dernier, ses questions et affirmations totalement indiscrètes concernant ma relation avec le jeune homme qui habitait l’appartement en face du sien me le prouvaient une fois de plus. Seulement, cela se remarquait clairement que la jeune femme était loin de me connaître puisqu’il était évident que je n’allais pas dévoiler l’intimité que je partageais avec Nate en dehors de nos coucheries habituelles – le reste ne regardait que nous… ou devrais-je plutôt dire, que moi…

- Pardon ? Mais… ça veut dire quoi ? continua-t-elle alors à me prendre la tête sur un ton que je trouvais quelque peu énervé – ce que je ne comprenais d’ailleurs même pas. Après tout, il ne me semblait pas avoir dit quelque chose qui aurait pu justifier un potentiel agacement de sa part… Sauf peut-être mon attitude détachée qui était pourtant parfaitement naturelle puisque j’agissais de la même façon avec tout le monde, sans exception (sauf Rafael, mon meilleur ami, mais notre relation était totalement différente). Vous êtes ensemble oui ou non ? Ce n'est pas compliqué quand même de répondre à ça, s’agaça-t-elle, et les raisons pour lesquelles elle l’était me consternèrent particulièrement. Au fond, en quoi cela la concernait cette histoire entre Nate et moi ? Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire que notre relation n’était pas vraiment définie ? Oui, nous couchions ensemble de manière régulière, mais nous n’avions absolument rien d’un couple. Et ce n’était pas parce que cette idée la dérangeait que j’avais à me justifier de quelques façons que ce soit. Et épargne-moi le « c'est compliqué». Je suis persuadée que ça pourrait être si simple. Quand on couche avec quelqu'un c'est qu'on l'aime non ?

Et cette remarque si naïve de petite fille qui croyait encore aux licornes me fit littéralement explosé de rire.

- Non, mais… T’as quel âge, sérieux ? lui demandai-je non pas par intérêt, mais pour savoir si c’était la connerie de la jeunesse qui lui faisait dire de telles inepties ou si elle était tout simplement idiote… Faut que t’arrêtes de vivre encore dans le monde des Bisounours… Parce que si je suis ta logique, cela voudrait dire que je tombe amoureux d’une personne avec qui je couche le soir même tout simplement parce que « je l’aime » et que le lendemain matin, j’oublie cette même personne et en tombe amoureux d’une autre ? Tu comprends maintenant la stupidité de ton raisonnement ? l’interrogeai-je de façon la plus sincère qui était puisque je voulais réellement savoir si elle avait compris à quel point elle avait été bête. Donc, bien que cela ne te concerne absolument pas, ma relation avec Nate est pourtant extrêmement simple : nous couchons ensemble, mais nous ne sortons pas ensemble. C’est plus clair, maintenant ? A présent, tu m’excuseras, mais j’ai d’autres choses à faire que de discuter de ma relation avec Nate avec sa voisine de palier…

Puis, je commençai à descendre les escaliers de leur immeuble qui menaient aux étages du dessous.

- C'est évident que nous n'avons pas la même vision des choses, conclut-elle simplement tout en me suivant dans les escaliers par lesquels j’étais en train de descendre. Et si cette constatation aurait pu être la fin de notre discussion étant donné qu’il était franchement inutile d’insister en sachant que nous avions un avis totalement différent sur la question – ce qui n’aurait pour seule conséquence que de faire tourner la conversation en rond –, son attitude extrêmement exagérée concernant ma réaction envers ses questions beaucoup trop personnelles à mon goût ne fit que m’agacer un peu plus… Surtout qu’elle ne semblait pas vouloir lâcher aussi facilement l’affaire qu’elle voulait bien l’admettre. Et merde j'aimerais que tu arrêtes de me rabaisser à chaque fois, commença-t-elle ensuite à se plaindre, se mettant à jouer les victimes comme elle savait très bien le faire… Tu peux m'expliquer ce que je t'ai fait au juste? Ou c'est simplement parce que tu ne peux pas me voir en peinture? Je ne t'ai rien fait à ce que je sache! J'ai le droit d'avoir des avis aussi, tu n'es pas seul au monde.

- Avoir un avis, c’est une chose. Me poser des questions indiscrètes sur ma vie privée alors qu’on ne s’apprécie même pas en est une autre. Je te l’ai dit : cette histoire ne te concerne pas. Ni de près, ni de loin, tentai-je une nouvelle fois de clarifier les choses, sans vraiment espérer de résultats concluants. Cette fille semblait clairement avoir du mal à discerner vie privée et vie publique et, si je n’arriverais très certainement pas à le lui faire comprendre aujourd’hui, il était hors de question que je réponde pour autant à ses questions. Je me demande comment elle réagirait si je lui faisais subir la même chose… Elle me dirait sûrement de m’occuper de mes affaires, ce qu’elle devrait également faire pour elle-même…

- Et si ça me concerne, c'est mon ami mais je suppose que toi tu ne sais pas vraiment à quoi ça ressemble des amis si tu es comme ça avec tout le monde, répliqua-t-elle, et je ne pus réagir que par un roulement d’yeux et un soupir franchement ennuyé à cette remarque complètement ignorante – et c’était là que l’on pouvait parfaitement remarquer qu’elle ne me connaissait absolument pas. Pas étonnant que tu n'as que des histoires d'un soir.

- Tu cherches à me faire pleurer ? me moquai-je clairement d’elle, après m’être arrêté dans ma descente afin de lui faire face. Faut que t’arrêtes de croire que tu sais déjà tout de moi en m’ayant parlé seulement dix minutes en même pas un an. Surtout que je vois pas trop le rapport entre mes nombreuses conquêtes et ma supposée absence d’amis… Nate a pas mal de conquêtes, il me semble, et ça ne l’empêche pas d’avoir des amis. Quoi que, vu les amis qu’il se tape, je préférerais ne pas en avoir à sa place, ajoutai-je rapidement – bien que c’était plus un commentaire personnelle qu’une réelle remarque qui lui était destinée. Ensuite, ce n’est pas parce que Nate est ton ami que tu as le droit d’interférer dans sa vie privée. Ce qui se passe entre lui et moi ne concerne que lui et moi, personne d’autre. Surtout qu’il est assez grand pour savoir ce qu’il fait.

Et sur ces derniers mots, je me retournai et continuai de descendre les nombreuses marches de l’immeuble où ils habitaient.

- T'es difficile alors… commença-t-elle sans que je ne sache réellement de quoi elle était en train de parler. Tu as du en voir plus que moi mais celui que j'ai vu était vraiment can... s’interrompit-elle ensuite avant même d’avoir fini sa phrase. Et si j’avais parfaitement compris le sens de ses propos, je ne voyais toujours pas où est-ce qu’elle voulait en venir… Cependant, il était tout à fait hors de question que je lui demande des explications quant à la signification de ses propos. Non seulement parce que je n’avais pas de temps à perdre avec ses commentaires incomplets, mais aussi et surtout parce que je n’en avais strictement rien à carrer de comprendre ou non ce que cette jeune fille tentait de me communiquer. Je continuai donc mon chemin vers la sortie, tentant d’ignorer tant bien que mal cette conversation des plus agaçantes, avant que cette dernière ne me rattrape dans les escaliers une seconde fois. Euh fait comme si je n'avais rien dit ok ? me demanda-t-elle alors, son humeur ayant tout à coup changé, passant d’une colère injustifiée à une sorte de malaise incompréhensible en l’espace d’à peine une minute – peut-être était-elle dans sa mauvaise période du mois dont j’avais seulement entendu parler des effets par mes amis hétérosexuels. Et tu as raison en fait… c'est ta vie, c'est la sienne et je n'ai pas à me mêler de ça. Je suis désolée, se mit-elle ensuite à s’excuser, me laissant alors totalement sans voix. Après tout, elle semblait si déterminée à me tirer les vers du nez depuis tout à l’heure – quitte à m’exaspérer au point qu’elle risquait franchement de s’en prendre une à force d’insister – que le fait qu’elle admette tout à coup que j’avais raison était on-ne-peut-plus surprenant. Je… C'est étrange d'avouer que tu as raison, continua-t-elle, et sa remarque provoqua chez moi une légère grimace car ce n’était pas parce qu’elle ne m’appréciait pas que j’avais de ce fait tout le temps tort, mais c'est le cas et je suis vraiment désolée pour tout ça. Je n'ai pas envie qu'on se dispute à chaque fois qu'on se croise et voilà...

Je mis quelques longues secondes à réagir à ses excuses totalement imprévisibles. Je devais bien avouer qu’elle m’avait cloué le bec pour une fois…

- T’es sûre que tu te sens bien ? me rassurai-je tout de même de son état physique et mental, parce que j’avais encore du mal à croire ce qu’il venait de se passer. En tout cas, je sais pas ce qui t’arrives, mais ça devrait t’arriver plus souvent ! T’es tout de suite plus sympathique quand t’avoues que j’ai raison, commentai-je, à moitié sérieux et à moitié amusé.

- Oui, je me sens très bien, répondit-elle à ma question que je pensais pourtant clairement rhétorique puisque je ne l’imaginais pas vraiment répondre autre chose que ce qu’elle venait de dire à l’instant – ou alors, cela aurait été de manière purement ironique. Et de toute manière on ne peut pas toujours avoir raison et je me rends bien compte que ça ne me regarde pas, avoua-t-elle ensuite, et j’aurais presque pu faire péter une bouteille de champagne pour fêter le fait qu’elle ait enfin déclarer de vive-voix que ma relation avec son voisin ne le regardait en rien – ce qu’elle refusait d’admettre jusqu’à présent. Même si je ne peux pas m'empêcher d'être aussi curieuse, c'est dans ma nature, rajouta-t-elle rapidement à la suite de son aveu, et je ne pus malheureusement pas m’empêcher de lever les yeux au ciel face à cette excuse – c’était dans ma nature, après tout. De toute façon, lorsque les femmes arrêteront d’être curieuses et de se mêler de ce qu’il ne les regardait pas, ce sera le début de la paix dans le monde et la fin des religions… Je suis certaine que tu peux comprendre ça et que toi aussi tu peux être plus sympa que tu n'y paraît.

- Mais je suis sympa, l’assurai-je on-ne-peut-plus sérieusement. Seulement, tu ne me connais pas… ajoutai-je ensuite avec raison. Après tout, ce n’était pas parce que je n’étais pas très sympathique lorsque je m’adressais à elle que je réagissais de cette manière avec tout le monde. Surtout qu’elle avait non seulement la malchance d’être une femme, mais en plus, elle ne semblait pas comprendre l’humour. Nos relations s’en trouvaient alors forcément compliquées…

- Je ne vais pas t'embêter plus longtemps, il faut que j'aille bosser un peu quand même, m’annonça-t-elle alors après cette conversation quelque peu étrange. Un coup elle me harcelait de questions toutes plus indiscrètes les unes que les autres, souhaitant connaître absolument tout de ma vie privée avec Nate, et la seconde d’après, elle se rétractait pour finalement s’excuser après s’être enfin rendu compte qu’elle était allée trop loin : on avait fait mieux comme discussion rapide sur le palier de l’immeuble avec son voisin (même si elle n’était techniquement pas ma voisine, et encore heureux…). A plus tard, finit-elle alors par me dire au revoir, tout en me saluant d’un petit signe de la main, comme si ses excuses en rapport avec son immixtion dans ma vie privée nous avaient tout à coup rapprochées au point de se permettre un peu plus de familiarités.

Elle sembla ensuite prendre la direction du métro et si j’avais également l’intention de prendre ce moyen de transport pour rejoindre ma petite bande de potes dans le centre-ville, je décidai finalement d’appeler un taxi. Je n’avais pas vraiment envie qu’elle m’accapare plus longtemps avec sa curiosité malsaine et ses inquiétudes concernant Nate…