+ no angel

« Nate ! T’as vu l’état de tes vêtements ?! » Une, deux, trois, puis quatre tenues crasseuses ! Jenna se contenta de secouer la tête et de mettre les vêtements dans un sac à part. Le lendemain, ils rentraient à Dublin après avoir passé deux mois à Londres, chez les grands parents maternels de Nate et d’Owen. Depuis deux heures maintenant, Jenna faisait ou plutôt tentait de faire les valises des deux garçons. Elle se redressa en poussant un soupire, désespéré. « Tu aurais vraiment pu me remettre tes vêtements hier. J’ai pourtant fait plusieurs machines » ajouta-t-elle en contemplant la valise à moitié faite. Puis elle se retourna soudainement un peu surprise par le silence de Nate. Jenna fronça légèrement les sourcils et s’approcha de son fils. Il était assis sur son lit, les genoux repliés. Elle s’installa à ses côtés et l’observa un long moment. « Il y a quelque chose qui ne va pas ? » Nate leva les yeux vers elle et lui adressa un petit sourire qu’il voulait sincère. « Non, tout va bien. Je suis juste un peu fatigué » Jenna consulta sa montre avant de lever un sourcil. En effet, il était bientôt 22h et ils devaient partir tôt le lendemain. « Je crois que je vais dormir. Bonne nuit m’man. » Sa mère se contenta de le suivre du regard même si elle était pertinemment certaine que quelque chose n’allait pas. Nate agissait bizarrement or, ce n’était pas dans ses habitudes. « Nate, attend … Parle-moi. Qu’est qui te tracasse ? » Elle s’adossa à ses côtés contre la tête de lit et passa un bras autour de lui tout en lui déposant un baiser sur le front. Nate voulait lui parler, mais en même temps il ne voulait pas l’inquiéter. « Je … J’ai pas envie de rentrer demain » Jenna sourit à défaut de pouvoir rire, car elle en avait vraiment envie à cet instant. C’était donc ça la source de son humeur massacrante. Elle s’était fait plein de films en quelques minutes mais était quand même soulagée. « Mais Nate il faut quand même bien qu’on rentre chez nous. On ne va pas rester éternellement à Londres. Je sais que tu aimes bien venir ici mais toutes les bonnes choses ont une fin mon chéri. Et puis tu oublies que dans une semaine tu vas fêter tes huit ans avec tes amis. » Le jeune garçon se contenta de la regarder sans rien dire. Clairement, elle ne comprenait pas vraiment. Ça n’était pas parce qu’il préférait être à Londres plutôt qu’à Dublin qu’il voulait rentrer. Ça n’était pas une question d’ambiance ou autre … C’était plus compliqué que cela. Il aimait sa famille comme elle était actuellement et comme elle a été pendant ces deux derniers mois. Mais il savait que de retour à Dublin, tout allait changer.
Nate a eu une enfance que l’on pourrait quasiment qualifier de parfaite. Pas de parents mafieux, ou qui travaillent tellement qu’ils n’ont pas de temps à lui accorder … Loin de là. Il est né avec une cuillère en or dans la bouche. Son père est un riche diplomate et sa mère est née d’une bonne famille anglaise. Ils ont toujours été présents pour lui étant donné que c’était leur premier enfant. Cela n’a d’ailleurs pas beaucoup changé avec l’arrivée d’Owen, trois années après Nate. Les deux garçons ont grandi entre Londres et Dublin, car Jenna a toujours voulu gardé le contact avec sa famille vivant en Angleterre.
Cette image de la famille idéale, Nate s’en est toujours ventée auprès de ses petits camarades à l’école. Mais son point de vue a depuis quelques temps, beaucoup changé. Plus précisément depuis ce jour où il a surpris son père en train d’embrasser leur gouvernante. Du haut de ses six ans, cette image avait d’abord eu du mal à s’imposer dans son esprit. Il s’était dit que peut être il avait mal vu ou que les adultes pouvaient faire ça aussi avec d’autres personnes que leurs conjoints. Mais lorsqu’il les surprit une deuxième fois, il ne savait plus quoi penser. Qu’est-ce qu’un enfant de six ans peut penser de son père qui embrasse une autre femme que sa mère ? Ce dont Nate était sûr, c’est que c’était mal. Ça n’était pas bien.
Il n’avait pas envie de rentrer à Dublin pour voir à nouveau son père dans les bras de la gouvernante. Ça n’était pas des histoires d’enfants, il le savait. Mais il n’avait pas choisi d’y être mêlé. «  Maman il faut que je te dise quelque chose … Tu ne dois le dire à personne d’autre » Jenna acquiesça en l’écoutant attentivement. « Il faut que tu saches que … » Au même moment, son père apparut sur le pas de la porte avec Owen dans ses bras. Jenna quitta le lit du jeune garçon pour aller prendre Owen dans ses bras et jouer avec lui. En quelques secondes, elle semblait avoir oublié que Nate voulait lui dire quelque chose d’important. Peut-être que c’était mieux ainsi.


« Bonjour ! Je suis rentrée » Nate ferma la porte derrière lui et commença déjà à monter les marches lorsqu’il entendit son père l’appeler. « Nate, tu devrais venir voir dans la cuisine. Il y a quelque chose pour toi » Pour lui ? Il ne se fit pas prier et dévala les quelques marches qu’il avait monté pour se rendre en vitesse dans la cuisine. Arrivé là, il n’y avait rien de particulier à part ses parents qui le regardaient avec des sourires amusés. Il leva un sourcil interrogateur avant de reporter son attention sur sa mère. « Tu n’es pas allée travailler aujourd’hui ? » Jenna sembla d’abord surprise par cette question avant de sourire. « Non. Maddie est revenue aujourd’hui et je suis restée pour l’accueillir. » Nate n’en croyait pas ses oreilles. Maddie … encore elle. C’était l’ancienne gouvernante, celle qu’il avait surprise à deux reprises avec son père. Elle avait cependant arrêté de travailler chez eux depuis deux ans pour des raisons que Nate ne connaissait pas. Mais il se portait mieux depuis qu’elle n’était plus là. Savoir qu’elle était de retour lui avait fait l’effet d’une bombe. « Bref, quoiqu’il en soit ça n’est pas pour cela que l’on t’a appelé » Jenna glissa un regard complice à son mari. «  Tu sais, on t’avait promis d’aller à Londres pour ton 10ème anniversaire mais malheureusement nous n’avons pas eu le temps » lui dit son père en poussant un soupire quelque peu désolé. « Finalement on a voulu se rattraper et on a obtenu quelques billets pour aller voir les Lakers jouer samedi … à L.A. » Nate regarda tour à tour son père et sa mère comme s’ils étaient soudainement devenus fous. Tout ça pour lui ? Il n’y croyait pas vraiment. « Mon chéri, ça n’est pas une blague. On va à L.A. samedi » ajouta Jenna. Et ce fut le déclencheur. Il poussa un cri étouffé avant de sauter partout dans la cuisine devant ses parents hilares.
« C’est vraiment le meilleur cadeau du monde. Merci » dit-il enfin après s’être calmé. Il pensait déjà à ses affaires qu’il allait préparer. « Maman, il faudrait d’ailleurs qu’on te trouve un maillot des Lakers. Tu ne crois pas ? … Maman ? » Elle était dos à lui, devant l’évier en train de laver il ne savait trop quoi. Nate s’approcha d’elle et posa sa main sur son bras. Jenna tourna la tête vers lui et il poussa un cri. Il y avait du sang qui coulait de son nez et elle ne semblait pas pouvoir l’arrêter. « Je … ça n’arrête pas de couler » Son père s’approcha et essaya de l’aider à nettoyer ça même si personne ne comprenait vraiment comment c’était arrivé aussi rapidement. Ils ne comprirent la gravité de la chose que lorsque Jenna s’effondra 5 minutes plus tard dans les bras de son mari. C’est là que tous les malheurs des Sturridge commencèrent.


« Elle souffre d’un cancer du cavum … »  C’est ce que les médecins avaient dit. Ils avaient également dit qu’il n’y avait pas vraiment de traitement définitif contre la maladie mais que celle-ci se développait lentement. Ces diagnostiques s’avérèrent être faux. Jenna était chaque jour un peu plus malade. Depuis cette première manifestation de la maladie, son état ne cessait d’empirer. Ça faisait pratiquement quatre ans qu’elle ne travaillait plus et restait alitée chez elle avec tout l’attirail médical qu’il lui fallait et aussi une infirmière qui surveillait son état. Nate passait quasiment la plupart de son temps avec elle. Il lui arrivait même de ne pas aller en cours juste pour rester avec sa mère. Ils avaient toujours été proches. Il restait assis près de son lit et lui parlait pendant des heures. Jenna ne répondait que de très rares fois car elle était faible, beaucoup trop faible.
Contre toute attente, l’état de Jenna s’était amélioré au fur et à mesure. Elle arrivait à marcher seule dans la maison et à regagner un peu de son autonomie. C’était un soulagement à la fois pour Nate, Owen et son père. Les médecins étaient pourtant certains qu’il y avait peut d’espoir. Et ils avaient raison … Car cette période n’a pas duré très longtemps et elle est vite retombée dans sa léthargie et pire, elle semblait avoir perdu un peu de sa lucidité. Parfois, elle disait des choses incompréhensibles. Au beau milieu de la nuit, on pouvait l’entendre crier. C’était des cris à vous glacer le sang. Owen pleurait beaucoup, c’était trop pour son jeune âge. A 15 ans, Nate lui arrivait mieux à supporter tout ça. L’état mental de Jenna finit par atteindre un stade où les médecins n’eurent pas d’autre option que de la mettre dans un hôpital psychiatrique. Nate en voulait énormément à son père pour avoir accepté cela. Leur relation devint pire qu’elle ne l’était avant. Ils ne se parlaient plus, ne se voyaient même quasiment pas. La maison des Sturridge ne vivaient pratiquement plus. Nate passait beaucoup de ses journées dehors et parfois il ne rentrait pas le soir. Il ne supportait plus d’être dans cette maison, tout lui faisait penser à sa mère. D’ailleurs, il n’avait même pas le droit d’aller la voir. Son père s’en était assuré… C’est pour cela, lorsqu’on lui annonça qu’elle était décédée, il n’eut pas de réaction. Il se contenta de regarder simplement son père avant de lui dire calmement : « c’est-ce que tu attendais depuis longtemps, n’est-ce pas ? » Cette période a beaucoup changé Nate, il n’était plus le même depuis. Il était devenu renfermé, secret et avait coupé le contact avec la plupart de ses amis. Du moins jusqu’à ce qu’il rencontre Naya.


Assis par terre, adossé contre le lit, Nate affichait un sourire à ce que venait de dire Naya. Il la regardait dans les yeux pendant quelques secondes. « Pourquoi tu me regardes comme ça ?» Elle dit ça, fronçant légèrement les sourcils. Une minute plus tôt, elle avait la tête posée sur les jambes du jeune homme. À présent, elle s'était redressée en position assise et le fixait des yeux à son tour. « Rien. J'aime te regarder, c'est tout. » Affichant un sourire à son tour, Naya déposa ses lèvres sur celles de Nate. Ça faisait presque un an qu'ils étaient ensemble ; une première pour Nate. Il l'avait rencontré dans un bar par pur hasard. La mort de sa mère avait énormément affecté le jeune homme. Il était tombé dans l’alcool et n’avait pratiquement plus eu de vie sociale pendant quelques mois. Sa rencontre avec Naya a été en quelque sorte la bouffée d’air frais dont il avait eu besoin depuis tout ce temps. Il n'avait jamais vu une fille comme elle auparavant ; il y avait quelque chose qui la rendait unique à ses yeux. Elle semblait comprendre tout ce qu’il disait, tout ce qu’il ressentait. Elle restait des heures à l’écouter sans même se plaindre une seule fois. « Je ne vois pas ce qui pourrait gâcher cette journée. » Nate la regardait toujours avec le même sourire. Toutefois, le sourire de Naya, lui s'était évanoui au moment où il avait prononcé cette phrase. Elle ferma les yeux un long moment avant de soupirer. « Justement, il faut que je te dise quelque chose. » Elle avala difficilement sa salive. « ça fait déjà un moment que je veux t’en parler mais je n’osais pas. Je … j’en ai marre de jouer Nate. »
C'est à partir de cet instant là qu'il l'a détestée. Pas qu’elle d’ailleurs, elle et la gente féminine dans son ensemble. Il ne voulait plus la voir, et encore moins l'entendre. Nate n'a plus jamais voulu parlé de Naya car il ne s'était jamais senti aussi humilié qu'avec elle. « C’est ton père qui m’a demandé de … Je te jure que je ne voulais pas te faire du mal. Il pensait juste que ça allait t’aider à aller mieux … » Son père avait toujours tout voulu contrôler, jusqu’à la vie privée de son propre fils. Nate ne pouvait pas croire qu’il avait payé une fille juste pour qu’elle lui fasse croire un tas de mensonge pendant quasiment une année entière. C’était incroyable … incroyable mais vrai malheureusement. C’était comme si on lui avait payé une pute. Il n’y avait pas de différence. Il ne faisait plus confiance aux femmes.

«  Papa mais merde, je n'ai plus 20 ans ! Je sais me débrouiller seul. Comment t’as pu faire une chose pareille ? » Il s’était senti obligé de rentrer chez lui pour s’expliquer avec son père même s’il ne vivait plus dans la maison familiale depuis deux ans. « Clairement tu allais mal depuis la mort de ta mère et je voulais simplement t’aider à tourner la page » Nate le regardait mais ne savait pas quoi dire. Son père avait complètement perdu la tête. « Tu veux m’aider ? Reste loin de moi ! C’est la seule chose que … » Au même instant une jeune blonde fit son apparition dans le salon. Elle avait ses écouteurs dans les oreilles et n’avait pas remarqué que Nate et son père étaient en grande discussion. Au moment où elle remarqua leur présence, elle les regarda tour à tour avant que son regard ne s’arrêta sur Nate. « Hey Nate. Ça fait longtemps » Nate la regarda de haut en bas. Serena avait grandi depuis la dernière fois qu’il l’avait vue. Elle devait avoir quoi maintenant … 14 ans ? Hormis la mort de sa mère, la jeune blonde était aussi une des raisons pour lesquelles Nate ne vivait plus dans la maison familiale. Apprendre qu’il avait une demi-sœur qui n’était autre que la fille de la gouvernante l’avait profondément dégoûté. Il considérait ça comme une trahison envers sa mère. Lorsqu’il était plus jeune il n’avait pas vraiment compris mais la raison pour laquelle leur gouvernante avait arrêté de travailler chez eux pendant quelques années, c’était à cause de l’enfant qu’elle portait… Une Sturridge. Serena regardait Nate comme si elle attendait une réponse venant de lui. Elle ne le connaissait pas vraiment car elle ne le voyait pas souvent. Nate reporta son attention sur son père, l’air dégoûté. « Comment t’as pu faire ça à maman ? » A cet instant, il ressentait de la haine envers son géniteur et avait envie de lui cracher à la figure toute sorte de monstruosité. Il se contenta de se retourner vers Serena. « Je ne suis pas ton frère et tu n’es pas ma sœur. Pour moi tu n’es que la fille de la gouvernante. Tache de rester à ta place »

Debout face à la fenêtre depuis quelques minutes, Nate se retourna doucement lorsqu'il entendit un bruit. Sur le lit, se trouvait une jeune femme qui émergeait doucement d'un profond sommeil. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, ceux-ci croisèrent ceux du jeune homme qui lui adressa un regard froid et sans expression particulière. C'était sa façon à lui de poser ses limites. Il ne la connaissait pas et ne voulait d'ailleurs pas la connaître. Il avait juste eu besoin de se distraire et maintenant que c'était fait, il préférait qu'elle s'en aille. Nate ramassa patiemment les affaires de la jeune femme puis les lui tendit. Elle le regarda, surprise. « Il serait peut-être temps que tu partes. » Il essaya de lui adresser un petit sourire encourageant qui toutefois n'atteint pas ses yeux. Elle poussa un soupira et se redressa sans même prendre les affaires qu'il lui tendait. Elle ne comprenait pas l'attitude du jeune homme, mais malheureusement pour elle, il n'y avait rien à comprendre du tout. « C'est tout ? On a passé un bon moment hier et maintenant tu agis comme ça. À quoi tu joues ? » Nate fronça légèrement les sourcils et pencha doucement la tête sur le côté, faisant mine de réfléchir. Il ne savait pas quoi répondre à cette fille. Il n'avait pas envie de s'expliquer ; il n'avait de compte à rendre à personne. « Je ne joue pas. Je ne suis pas le genre de garçon qui rappelle le lendemain. Fais-moi confiance Anna, ça t'évitera de te faire du mal pour rien. » Les hommes n'étaient pas si compliqués que ça. On passait des heures à décortiquer leurs paroles, alors qu'ils se contentaient de dire ce qu'ils pensaient. La jeune fille le regarda, avec la même expression d'incompréhension. « Mon prénom à moi c'est Kate, pas Anna. » Alors qu'il était en train de quitter la chambre, Nate s'arrêta sur le pas de la porte avant de se retourner vers elle. « On s'en fout. »