Clin d’œil complice en direction de Brent, le mec avec qui je me tenais depuis le début de l’année. On ne peut pas dire que mes parents étaient d’avis qu’il soit la meilleure influence du monde mais je l’aime bien. Pour une fois, je me sentais apprécié à l’école. Je sentais qu’on s’intéressait à moi et qu’on savait qui j’étais. Ça faisait du bien, pour une fois, de ne pas être au bas de la chaine alimentaire. Mais je n’étais pas arrivé ici sans faire d’efforts, ça non. J’ai dû faire certaines choses que je n’aurais probablement pas faites autrefois comme m’acharner sur ce pauvre Louis qu’on attendait encore à l’entrée de l’école. Mais les tapes dans le dos et les rigolades qu’on avait ensuite, ça faisait du bien.
« il arrive. » J’hochai lentement de la tête tout en attendant que Brent fasse ce qu’il avait à faire. Lorsque Louis arriva à sa hauteur, Brent sortit de derrière le mur avec le sourire fendu jusqu’aux oreilles.
« Salut Louis, comment vas-tu ? » Intimidé, Louis s’arrêta net et baissa son regard en direction de ses pieds avant de reculer pour se protéger de Brent. Sauf que moi, je me faufilai discrètement à ses côtés jusqu’à placer ma jambe derrière lui pour qu’il trébuche comme si de rien était. Louis s’écrasa sur le sol d’un coup. Presque instantanément, tout le monde se mit à rire moi y compris. Le pauvre Louis rougit en un claquement de doigts alors que tout le monde le pointait du doigt en se murmurant des commentaires.
« Viens que je t’aide. » dis-je en lui tendant une main pour l’aider à se relever. Naïf, Louis tendit le bras vers moi mais je retirai ma main avant qu’il puisse l’attraper, me remettant à rire aussitôt. En tout cas, je n’avais jamais cru possible de le voir se lever et déguerpir aussi rapidement !
« Bien joué, on l’a bien eu ce gros balèze. » me dit Brent en me prenant par les épaules. Louis me sortit des pensées pour le restant de la journée. À vrai dire, ce n’était pas tellement moi de me moquer des autres comme ça. Tout ce que je voulais, c’était de me sentir accepté parmi les populaires du lycée. Sans doute que Louis voulait la même chose, au fond, mais j’étais peut-être prêt à faire plus de choses que lui. Aux dépends du bonheur de d’autres personnes comme lui, justement. Je n’en étais pas fier mais je me disais toujours qu’on passait tous par une certaine passe du genre où on se faisait taper sur la tête à l’école. C’était une passe qui passait avec le temps. Ça venait avec le lycée. Du moins, c’est ce que je me disais. Sans doute pour oublier que ce que je faisais, ce n’était pas correct. Mais Louis avait décidé que j’allais m’en vouloir pour le restant de ma vie. Parce qu’en arrivant au lycée le lendemain matin, Louis n’était pas présent. Il s’était suicidé.
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Suivre les mêmes chemins en espérant obtenir, miraculeusement, un résultat différent. Ouais, c’était bien moi en ce moment ça. Mon compte en banque approchait dangereusement la barre du zéro au point où j’avais du mal à payer mon loyer. Je tentais de ne pas sortir quand je savais que le propriétaire du bloc était aux alentours mais je ne pourrais pas l’ignorer encore bien longtemps. De toute façon, il avait beau m’appeler, on m’avait coupé le téléphone faute de fonds. Je comptais sans doute trop sur des revenus incertains pour arriver à la fon du mois. J’espérais que j’aurais enfin une nuit chanceuse, au casino, et que je remporterais suffisamment pour payer tous mes comptes impayés. J’avais donc décidé d’ignorer, encore, l’enveloppe que le proprio m’avait envoyée pour prendre le peu qu’il me restait d’économies pour aller jouer au casino. La majorité de mon argent passa pour les jeux alors que l’autre moitié passa dans les multiples bières que je me commandai afin d’oublier que je n’avais littéralement plus aucun sous. Je tentais d’être positif en me disant que demain allait être une meilleure journée. Mais au plus profond de moi, je me disais que c’était mon karma qui me revenait en pleine gueule. Fallait bien qu’on me punisse pour ce que j’avais fait à Louis, il y a 15 ans. Parce que oui, à 32 ans, j’avais encore sa mort sur la conscience. Il me suivrait pour le restant de mes jours, en fait. Probablement que ça me ferait du bien d’en parler mais je préférais me mettre la tête dans le sable et faire comme si ce n’était jamais arrivé. Je n’avais même pas osé en parler à Thomas, mon ami d’enfance, parce que j’avais peur qu’il ne me voit plus de la même façon s’il découvrait ce que j’étais vraiment. Et pour tout avouer, je n’avais pas vraiment envie de perdre l’une des rares personnes de qui j’étais vraiment proche.
« M. Hallett ? M. Hallett ? Nous sommes rendus. » J’ouvris à peine mon oeil afin de réaliser que le taxi était stationné en face de mon appartement. Je sortis quelques sous de la poche de mon pantalon pour le payer. Ne me demandez pas d’où l’argent vient, cependant, j’étais convaincu de ne plus en avoir. Je le regardai partir pour ensuite monter, à un rythme de tortue, les escaliers qui menaient à la porte d’entrée de mon appartement. Je tentai d’insérer mes clefs dans la serrure mais je ne réussis pas à débarrer celle-ci. M’étais-je trompé de bâtiment ? Je n’étais pas tellement en mesure de le voir, en ce moment. Je me laissai tomber contre la porte de l’appartement et je m’endormis. Le lendemain matin, lorsque je me réveillai, je me rendis compte que j’étais bel et bien devant mon appartement sauf que, encore une fois, ma clef ne fonctionna pas. Pris de panic, je plaquai mes mains contre la vitre de la porte pour regarder à l’intérieur. C’est à ce moment que je vis, collé dans la porte, l’avis d’expulsion.
« Oh non c’est une blague ?! » Pris de panique, je m’acharnai sur la porte jusqu’à ce qu’un son, en-dessous de moi, me fit arrêter.
« M. Hallett, partez ou j’appelle la police. » Je me mis à l’insulter alors qu’il se dépêcha d’entrer dans son appartement, téléphone à la main. Je voulant pas avoir plus de problèmes que j’en avais, je partis avant qu’il appelle vraiment la police. Pour aller où ? Je n’en avais aucune idée. Plus d’argent, plus de travail et plus de toit. Mais surtout, plus de fierté. J’avais vraiment touché le fond et j’étais bien trop entêté pour m’abaisser à aller demander de l’aide à Thomas ou à mes parents. J’imaginais déjà très bien leurs regards désapprobateurs. Je préférais dormir quelques soirs dans la rue et me débrouiller tout seul.