you drive me crazy. (emery)

you drive me crazy.

Son gobelet en plastique marqué par le logo de Starbucks en main, Charlie remonta l’escalier en petites foulées, comme pour se donner bonne conscience. Il était loin de se trouver gros, bien au contraire, mais son manque d’investissement dans la salle de sport qu’il payait chaque mois le faisait culpabiliser de temps à autre, l’obligeant à se montrer un peu physique parfois pour réajuster les choses. Dans le fond, c’était totalement ridicule et il le savait. Quand il arriva finalement devant sa porte, la fatigue s’était déjà rapidement emparée de lui, n’étant pas habitué à sautiller comme un idiot, et tant bien que mal, il tenta de reprendre sa respiration. Un coup d’œil à gauche et à droite afin de vérifier qu’aucun de ses voisins n’avait été témoin de cette scène affreusement gênante pour lui, Charlie pénétra finalement dans son appartement, soulagé de pouvoir se reposer un peu. En nage, il fit virevolter son tee-shirt à travers la pièce, sans se soucier de l’endroit où il pouvait bien atterrir. Vêtu désormais d’un unique short, il s’approcha de bureau, ne quittant pas sa chère boisson et se jeta tel un déchet dans sa chaise de patron. C’était ainsi qu’il l’appelait tout simplement parce que c’était le genre de chaise de bureau que les grands PDG avaient dans les films, le genre de chaise qui inspirait le respect. Il s’était fait un petit plaisir en l’achetant, sachant pertinemment qu’elle n’allait impressionner personne à part lui.

Quand l’écran de son ordinateur s’alluma, plus rien ne semblait compter autour de l’informaticien. Plus aucun bruit n’atteignait son oreille, tout comme aucun mouvement aux alentours n’était capable d’attirer son attention. Quelqu’un pouvait bien entrer chez lui et lui voler ses meubles qu’il ne s’en rendrait probablement pas compte. Et c’était toujours comme ça dès qu’il était devant le grand amour de sa vie, oui son ordinateur. La paille de son frappuccino en bouche, il se mit machinalement à pianoter sur son clavier, totalement possédé par les codes qui défilaient sous ses yeux. Pour le commun des mortels, les suites de lettres et de chiffres qui se succédaient devant lui étaient bien plus compliquées encore que le chinois. Pour Charlie, c’était la langue la plus magnifique au monde. Les yeux pétillants, le jeune homme se laissa emporté par le rythme effréné que lui demandait son travail. Travail qu’il considérait d’ailleurs plus comme un loisir que comme une corvée, ce qui expliquait pourquoi il était actuellement en train de finir un projet chez lui alors qu’il était en week-end. La passion ne connaissait aucune limite pour lui.

Charlie aurait bien pu rester encore longtemps ainsi, s’il n’avait pas été dérangé par une envie pressente de se rendre aux toilettes. Chose naturelle et inévitable quand dans son cas, il consommait une dose affolante de frapuccino à la journée. Plié en deux à cause de la douleur, puisqu’évidemment, il s’était retenu jusqu’à la dernière minute, le jeune homme se prit les pieds dans des fils trainant par terre et manqua de se casser la figure. Sauvé de justesse d’une chute ridicule, il couru jusqu’aux toilettes et revint en quelques secondes, déjà en manque de la sensation du clavier sous ses doigts. Cependant, un drame arriva. Alors qu’il s’installa de nouveau dans son fauteuil, l’écran lui faisant face devint soudainement noir. Du genre, tout noir. Les paupières du jeune homme se mirent à battre à une vitesse déconcertante, puis après quelques secondes de vide total dans son cerveau, une réaction se manifesta. Paniqué, il secoua sa souris dans tous les sens – au cas où l’écran n’était qu’en veille – mais rien n’arriva. Un peu plus perturbé par cet arrêt soudain, il tapa de nombreux codes censés trouver des problèmes, mais rien. Toujours rien. Le néant lui faisait face. Il ne lui fallut pas beaucoup plus de temps pour qu’il ne fasse un rapprochement avec son ennemie jurée. Ou l’ennemie de son ordinateur, au choix. La folle de l’immeuble. La mâchoire crispée, Charlie se leva et quitta son appartement, sans prendre la peine de mettre des chaussures, ou bien même un tee-shirt. Il dévala l’escalier à toute vitesse et s’arrêta finalement devant la porte de la jeune femme en question. Sans aucune gêne, il frappa bruyamment à la porte. « Hey la blonde je sais que t’es là, ouvre moi. » Tandis qu’il cria à son attention, Charlie continua de frapper de façon plutôt brutale. « Je sais pas ce que t’as fait  mais le courant a encore pété. » continua-t-il de hurler, sans se préoccuper des voisins. « Ouvre cette porte ! »

CREDIT TO KAIJI

L’ennui. Sentiment étrange et plaisant à la fois. Emmy ne savait pas quoi faire, mais ça c’était bel et bien parce qu’elle n’avait plus rien à faire. Ses devoirs étaient terminés avec une avance tout à fait remarquable, elle avait enfin bouclé cet article qu’elle écrivait pour une revue scientifique depuis des mois, ses futurs exposés étaient terminés, et son disque dur était même parfaitement clean. Que faire que faire ? Difficile de choisir, et pire encore pour une hyperactive comme Emmy qui dans ces moments là ne trouvait rien d’autre à faire que de tourner en rond dans l’appartement, rangeant tout ce qu’elle pouvait trouver, récurant des recoins dont personne n’aurait soupçonné l’existence, s’amusant dans sa chambre avec son serpent ou bien tout simplement rester scotchée le nez devant son écran. Seul problème avec cette dernière solution : il fallait pour ça qu’elle réussisse à rester assise mais elle avait définitivement épuisée tout le calme qui lui restait et même après avoir pris ses cachets censés la détendre, elle était aussi surexcitée qu’une pile surchargée. Et en traversant une énième fois le couloir pour se rendre dans sa chambre, Emery marcha accidentellement sur un bout de métal qui avait surement dû échapper à sa pulsion de nettoyage un peu plus tôt, ce qui lui donna d’ailleurs une idée. Un robot ! Elle avait commencé à travailler dessus il y a plusieurs mois déjà mais avait du se résoudre à arrêter momentanément après avoir causé multiples coupures d’électricité dans l’immeuble sauf que si elle y allait plus doucement, peut-être que cette fois-ci serait plus efficace ? Sans réfléchir davantage, Emery ressortit tout son attirail du placard qu’elle étala en plein milieu du salon, ce qui prenait d’ailleurs pratiquement toute la place, avant de s’asseoir en tailleur en plein milieu et de commencer à voir où elle pourrait continuer.
Elle était lancée depuis une bonne demi-heure maintenant quand soudainement, quelqu’un se mit à tambouriner sauvagement contre la porte d’entrée, faisant sursauter Emery. Comme à son habitude, elle aurait été tentée d’ignorer les coups, continuant ce qu’elle faisait comme si de rien n’était mais c’était sans compter sur la personne dehors qui se mit à crier pour attirer son attention. Hum. La blonde. Oui ça ne pouvait être qu’elle. Qu’avait-elle fait cette fois ? Emery se mit à réfléchir, cherchant la réponse à sa propre question mais ne trouva pas. Elle n’avait pas oublié de fermer la porte des ordures en jetant la poubelle, elle n’avait pas laissé trainé la publicité qu’il y avait dans sa boîte aux lettres, et elle avait même pris la peine d’arranger quelques paillassons qui étaient mal alignés contre les portes du palier avant de rentrer chez elle, donc vraiment, rien ne lui venait. Elle leva les yeux au ciel, n’ayant absolument rien à se reprocher avant de reporter son attention sur son fer à souder mais à nouveau, on frappa à la porte et cette fois-ci était celle de trop. Comment ça le courant avait pété ? Impossible, elle n’avait rien fait. Preuve, la lampe qu’elle utilisait pour éclairer son travail fonctionnait parfaitement bien. Emmy, soudainement irritée, posa le fer par terre avant de se diriger vers la porte qu’elle ouvrit aussi violemment que les coups de son voisin qu’elle ne connaissait que trop bien maintenant.
« QUOI ? » Hurla-t-elle sans la moindre trace de politesse. Pourquoi le serait-elle ? Elle détestait qu’on la dérange pendant qu’elle était occupée et là n’était vraiment pas le meilleur moment pour la saouler. Mais en tombant nez à nez sur lui, elle put constater que ce dernier n’avait même pas pris la peine d’enfiler un tee-shirt avant de venir la voir et machinalement, elle plaça une main devant elle comme pour ne pas avoir à assister à ce spectacle. Vraiment, elle avait des choses plus sérieuses à faire que ça.
« SERIEUSEMENT ? Enfile un tee-shirt quand même espèce de nudiste ! » Puis, elle le poussa pour sortir sur le palier, se posant juste devant la sonnerie de son appartement sur laquelle elle posa un index.
« Maintenant écoute petit génie, si j’avais pété l’électricité, est-ce que ça, ça marcherait ? » Elle appuya, et automatiquement la sonnette retentit dans son appartement, nop, elle n’avait rien fait de mal cette fois-ci.
« Je sais pas ce que t’as fait pour merder mais désolée, cette fois-ci je ne pourrais pas te servir d’excuse pour ton talent médiocre en informatique. » Pique. Toujours des piques. Normal pour Emery, en surdouée qu’elle était, elle avait tout simplement du mal à concevoir que quelqu’un puisse être plus doué qu’elle et encore moins ce playboy sorti de nulle part. Non mais ça va pas ?