Y’a les films où les gens savent ce qu’ils veulent faire de leur vie depuis leur naissance et puis y’a la réalité dans laquelle je suis: .étudier inutilement à l’université sans voir de lumière au bout du tunnel. Mes parents avaient voulu me convaincre de continuer mes études parce que c’était mieux que de ne rien avoir en bout de ligne. Ils marquent un point sauf que d’étudier dans un domaine que je n’aime pas, ça ne m’apportera certainement rien dans la vie en dehors d’une profonde frustration de me savoir dans le mauvais chemin. C’est pour que j’ai pris rendez-vous, cet après-midi, avec l’orienteur de l’école. Je n’en peux plus que d’étudier en biologie, je déteste ça.
« Comme ça c’est vrai ? Tu penses vraiment quitter le programme ? » Je lève la tête vers Kathleen, une copine avec qui j’étudie.
« Ouais ... je dois bien me rendre à l’évidence, ce n’est pas pour moi. J’en ai marre de perdre mon temps et l’argent de mes parents dans quelque chose qui ne me servira à rien en bout de ligne. » Sauf que cette décision m’angoissait quand même ... qu’est-ce que j’allais faire, à la place ? Mes parents n’allaient sans doute pas apprécier l’idée que je ne fasse rien de ma peau, à la maison, ou que je travaille dans un casse-croûte le temps de me décider.
« T’as trouvé quelque chose d’intéressant ? » dit-elle en pointant les différents livres de programmes que je tiens dans mes mains.
« Non ... » dis-je découragée en me passant la main dans les cheveux, soupirant profondément. Pourquoi décider de son avenir était si compliqué ? Qu’on me mette le métier sous le nez et j’allais faire le nécessaire pour me rendre au bout du chemin, ce n’était pas si compliqué il me semble ?
« Tu sais quoi ? J’ai une idée pour te changer les idées ... Ce soir, y’a une soirée organisée au bar du coin par l’université. Et j’ai entendu dire que Jamie y serait ! » Je tente de camoufler le petit sourire qui nait aux coins de mes lèves alors que Kath me donne quelques coups de coude pour me motiver.
« Je ne sais pas ... Ce n’est sans doute pas une fille sans ambition qui va lui flasher dans l’oeil! » Je m’imagine mal aller le voir et apprendre à le connaitre en lui disant que je quitte l’université et que je ne sais pas ce que je ferai à la place.
« Oh allez, ça te fera du bien ! Je suis certaine que tu vas lui plaire ! Et puis tu veux vraiment partir d’ici en te disant que t’aurais dû au moins lui parler ? » Là, elle marquait un point. Si je quittais l’université sans avoir au moins tenté d’attirer un peu son attention, j’allais le regretter pour un bon bout de temps.
« Oh puis merde. Au pire des cas, je ne le reverrai probablement jamais de ma vie si je me plante. C’est bon, je vais venir! » Et pas question de me dégonfler cette fois-ci, comme la bonne douzaine de fois que j’ai voulu l’approcher et que je me suis enfuie en courant à la dernière seconde. Ce soir, c’est ma dernière occasion. Et s’il fallait que je prenne quelques bouteilles de courage liquide, j’allais le faire. On n’a qu’une vie après tout, non ?
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Craquelins, pâté et boissons, il ne manque que l’argent à collecter pour le cadeau de groupe. Ça fait déjà quelques années que mes copines commencent à avoir des enfants mais depuis quelques mois, ça commence de plus en plus à m’affecter. Lorsque j’étais plus jeune et que ça ne m’intéressait pas tout de suite d’avoir des enfants, ça ne me dérangeait pas du tout d’aller à des shower de bébés. Mais quand votre horloge biologique sonne mais que le bébé ne vient pas, ça commence à peser de plus en plus. J’ai maintenant trente ans et je ne vais pas rajeunir avec le temps. Je veux fonder une famille mais, malheureusement, ça ne peut pas se faire toute seule. Et à la vitesse à laquelle Jamie semble aller, je risque ratatiner avant que nous ayons enfin notre petit bout de chou à nous.
« Oh, c’est trop mignon ce que tu as pris, Briony ! Je suis certaine que Gwen va adorer notre cadeau! » Je lui souris faiblement alors que je ferme la boîte pour me préparer à emballer celle-ci dans un papier d’emballage rose poudrée. J’appréhende d’avance la façon dont la soirée se déroulera. Je sais que je ne saurai pas en profiter complètement, trop préoccupée par l’absence d’un enfant dans ma vie. Les yeux baissés sur le cadeau, je caresse doucement mon ventre vide, envieuse.
« À quand votre tour ? J’ai tellement hâte de pouvoir magasiner un cadeau pour ce beau bébé là ! » Cette question délicate que les gens posent sans se poser de questions, sans se dire que l’absence d’une grossesse, ce n’est pas toujours voulu.
« Je ne sais pas ... Jamie est très occupé, tu sais ... » dis-je en haussant faiblement une épaule, peu enthousiaste.
« Il va bien falloir qu’il se calme si vous voulez une famille un jour ! Vous n’avez qu’une vie! » Et je suis bien d’accord avec elle mais qu’est-ce que je suis supposée faire ? Attachez Jamie à un lit pour l’empêcher d’enfiler le condom ? Percer ceux-ci avec une aiguille avant de les lui donner ? Je n’allais certainement pas lui faire un enfant dans le dos, ça n’allait pas du tout arranger les choses ! Et j’allais encore moins faire un enfant avec le facteur pour assouvir mon besoin d’être mère !
« Je sais mais ce n’est pas le bon moment ... » Sauf que ma réponse ne semble pas suffisante à son goût, elle repart sur un nouveau monologue en parlant contre Jamie et son égoïsme. De mon côté, je suis à veille de craquer. Tout ce que je veux, c’est qu’on change de sujet.
« Tasha, s’il-te-plait ... » dis-je d’une voix faible avec une boule dans le fond de la gorge. Ma voix tremblante l’arrête finalement, à mon grand bonheur. Tasha me regarde d’un air désolé avant de m’attirer contre elle et de serrer ses bras autour de mes épaules.
« Oh, ma belle, je suis désolée. Je ne t’en parle plus, c’est promis! » Je me laisse aller un instant avant de me sécher le visage et de faire quelques retouches à mon maquillage. Je n’avais certainement pas envie qu’on ramène ce sujet sur le plancher parce que mon visage en gardait des traces. Ce soir, je devais enfiler mon masque de comédienne et faire comme si tout allait bien comme je savais si bien le faire.
{ ... }
J’ai fait tant de conneries dans ma vie pour que le karma me revienne en pleine face comme ça ? Sérieusement, journée de merde ! Je me suis renversée mon café dessus ce matin, j’ai manqué un appel important et j’ai cassé le talon de ma chaussure. Et pour finir, j’ai eu l’engueulade du siècle avec Kerry, comme si j’avais vraiment besoin de ça ! J’ai assez de problèmes comme ça pour qu’elle m’en rajoute en plus ! Moi, égoïste, vraiment ?! J’ai beau être d’accord avec certaines choses qu’elle m’a dites, que j’aurais dû être plus présente, par exemple, mais tout n’est quand même pas de ma faute ! J’ai un boulot, une maison et un mari à gérer, je n’ai pas décidé de pas être présente pour elle et les parents, pendant leur divorce, parce que j’en avais la flemme. Pas du tout ! Qu’elle me tombe dessus comme ça, ça me fait chier ! C’est pour me punir que le bon Dieu - auquel je ne crois pas du tout - ne me donne pas l’enfant que je veux depuis des années ? Dites-moi que Jamie et lui sont de mèche parce que j’en étripe un et je vous donne un indice sur lequel il va s’agir : celui qui risque d’être le plus accessible !
« Non mais avancez, bordel! » dis-je en fusillant du regard la voiture derrière moi qui ralentit comme une tortue pour décider de tourner à la dernière seconde.
« Non mais bordel de merde, ton clignotant c’est pas une option sur ta voiture ! » criais-je presque malgré le fait que la personne n’entendrait rien du tout. J’avais besoin d’évacuer ma rage sur quelqu’un et je me dis que c’est une bonne chose que je sois en voiture toute seule. Une fois la voiture garée dans l’entrée, j’attrape tous mes sacs et je claque la porte de ma bagnole. En entrant dans la maison, j’aperçois à peine Jamie qui me sourit, pour une fois, à quelques pas de moi. Je pratiquement tomber mes sacs sur le sol et je lance mes souliers du bout des pieds dans la garde-robe. Lorsque Jamie me demande si ça s’est bien passé, je soupire, les sourcils haussés. Je passe ma main dans ma nuque, tendue, alors que je cherche les bons mots pour lui expliquer tout ce qui s’était passé aujourd’hui. Sauf qu’au moment où j’ouvre enfin la bouche pour répondre à sa question, apparemment rhétorique, celui-ci m’annonce qu’il S’en va se doucher. Alors qu’il part vers la salle de bain, je lève les bras en l’air, bouche bée, la bouche entrouverte.
« Non mais c’est bon, tu pourrais faire au moins un peu semblant de t’intéresser vraiment à ma journée. » murmurai-je pour moi-même alors qu’il était déjà rendu à destination. Ce n’est certainement pas ce soir qu’on allait rattraper le temps perdu ...