"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici hyde in your shell - julian 2979874845 hyde in your shell - julian 1973890357
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hyde in your shell - julian

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() message posté Sam 6 Déc 2014 - 2:19 par Invité
hyde in your shell - julian Hyde-park
hyde in your shell
https://www.youtube.com/watch?v=cSoEQFzLitw


      and my thoughts are turning backwards
      and i’m picking at the pieces
      of a world that keeps turning the screws
      into my mind
      and i can see a wide world
      for me to tame



Je ne travaillais pas aujourd’hui. Et pourtant, je m’étais réveillé avant les premières lueurs du matin. Mes yeux avaient encore du mal à s’ouvrir, même après la douche, le café, les clopes et les coups de vent qui réveillent. Mes poignets me faisaient mal. Le froid devait me rouiller les os, c’était la seule explication. Sept heures du matin, pas grand monde dans les rues. Accoudé à la fenêtre de mon séjour, un léger pull sur les épaules, j’avais les yeux rivés sur un gamin qui mangeait des shortbreads dans une cuisine de l’immeuble d’en face. On était samedi. Un samedi de décembre parfaitement blanc, et ce à l’infini. Ce genre de samedi où je me demandais parfois ce qui m’avait fait sortir du lit après une nuit d’insomnies. Oh, tu nous seras plus utile debout et actif, me disait mon père. Un homme très pragmatique, mon père. Vieux bougre de paysan.

Et c’est ainsi que je me suis retrouvé dans les rues de Londres, après une heure et demi à traîner des pieds dans mon appartement, pour marcher au rythme du soleil, observant le peuple renaître après la nuit. Shoreditch s’éveille, on aurait presque pu commencer une chanson comme ça. Les clubs étaient tous fermés jusqu’au soir suivant, on pouvait sentir l’odeur acide d’une agitation passée dans les bas-fonds urbains dégradés. C’était là quelque chose de purement sauvage qui me faisait passablement oublier la blancheur de ce samedi matin. Je m’engouffrai dans une bouche de métro et laissai l’Est londonien disparaître derrière moi. Il y avait quelque chose que j’appréciais dans le métro le matin. Revoir toujours les mêmes visages était quelque chose qui me fascinait. Que des gens si différents aient tous au moins un point commun, c’était une sorte d’harmonie, un peu comme un bel accord de piano, comme le brouhaha citadin que j’entendais la nuit par la fenêtre à Shoreditch et sans lequel j’avais vite la nausée, couché sur mon matelas.

Je suis descendu à Hyde Park, sans hésitation. Il était 9h et quelques minutes lorsque je suis entré dans le grand jardin et le lieu était encore dépeuplé, à quelques exceptions près. Allumant une cigarette, je profitai paisiblement de la vue. Finalement, cette blancheur avait le don de faire le vide dans ma tête, et c’était peut-être une bonne chose. J’étais quand même très mauvaise langue, à vouloir me donner cette allure désintéressée, alors qu’au fond c’était tout de même très agréable. Mais peut-être que ça me rappelait trop la campagne, et l’air humide – car l’air était diablement humide ce matin – qui parfumait les champs alors que l’on marchait jusqu’à ce que nos chaussures ruissellent de rosée. La campagne et sa lenteur, sa majesté, sa présence, une matinée automnale à Hyde Park m’en rappelait les bons comme les mauvais côtés. L’immobilité de la Serpentine reflétait tout aussi bien cette ambiance qui avait le don de me figer l’esprit. Lors d’un pareil instant, j’étais incapable de penser à autre chose qu’à la parfaite réflexion des arbres cuivrés sur le lac. Très écossais du nord, tout ce panorama, mais il n’en était pas moins splendide.

Je me décidai à prendre une direction précise : celle de l’endroit où j’avais l’habitude de m’installer lorsque je venais à Hyde Park durant la journée. Un banc, simplement, mais tournée d’une telle manière vers la Serpentine que l’on se sentait en symbiose avec la Nature. Et quelle Nature ! Après Shoreditch renaissant des cendres jonchant le trottoir et la familiarité paradoxale du métro, voilà que Londres abritait en elle un morceau de campagne d’une telle pureté ! Mais pourtant tout était si faux. Du plus grand arbre au moindre brin d’herbe, toute cette Nature était domptée, la Serpentine elle-même était artificielle, tout était lisse et cela en devenait presque terne. Je retins un soupir : c’était donc bien un samedi matin. Blanc, et maintenant lisse et terne. Je ralentis et m’arrêtai quelques secondes. Le banc était occupé par un jeune homme aux traits fins, penché sur ce que je devinais être un calepin, ou bien un cahier, un stylo à la main, le regard perplexe. Mon hésitation finie, je continuai d’avancer et m’installai à ses côtés, en prenant soin de ne pas le perturber dans sa réflexion. Mais malgré tout, je ne pus m’empêcher de jeter un rapide coup d’œil sur ses travaux – avouez-le, ce jeune homme était particulièrement intriguant et divertissant, surtout pour un gars comme moi dont le seul désir était de sortir d’une sacrée torpeur automnale. Et donc j’ai impoliment lu ce qu’il écrivait sur sa feuille blanche, et, écrivain en herbe qu’il était, il semblait se trouver dans une impasse, un vide, … la torpeur l’avait donc saisi, lui aussi ?! Misère. Je sortis mon paquet de cigarettes et en alluma une en faisant craquer une allumette entre mes gants de cuir. « Vous savez, j’ai dit, le meilleur remède contre la page blanche, c’est d’abandonner. » J’expirai lentement la fumée par le nez avant de reprendre, amusé. « Enfin, c’est ce qu’on dit. » Il était vrai que ne pas réussir à écrire rendait fou. Mais ne pas le faire et le regretter ensuite, c’est une toute autre histoire.

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() message posté Mar 9 Déc 2014 - 19:32 par Invité
“It is during our darkest moments that we must focus to see the light.” Les premières lueurs du soleil étaient légères, mais je parvenais  tout de même à ressentir la chaleur éclatante du jour s’attarder sur mon visage. L’obscurité se défilait sous mon regard meurtri, et malgré mes airs pensifs, et le calme du lac serpentine, je ne parvenais pas à trouver l’inspiration suffisante pour écrire. La poésie était ma première parole. Habituellement, les idées chahutaient, se bousculaient, et se brouillaient dans ma tête avant de transfigurer le papier vide. Je soupirai en songeant à mes talents perdus. Ce n’était pas facile de continuer à exister sans elle, et ses sourires. Ce n'était pas facile de continuer à prétendre, alors qu'elle n'était plus là. Je crispai mes doigts glacés autour de mon calepin. Le Hyde parc me semblait tout à coup incroyablement triste comme si toutes les chimères du passé avaient choisi d’élire domicile en ces lieux magiques. Je m’attardais sur les roseraies closes et les buissons sombres. Le vent froid se levait, intimant le silence et la mort. Je sentais la colère grouiller dans mon système comme un mal incurable, j’étais violent, impulsif et complètement hors limites ces derniers temps. Ma thérapie ne faisait que me rendre plus fébrile. Les nuages semblaient crever le ciel. Il était sans doute trop tôt pour dormir, mais mon corps engourdi réclamait quelques instants de répit. J’avais quitté mon studio sur un coup de tête, pensant crédulement qu’un peu d’air frais, ou que l’ambiance hivernale pourrait panser mes blessures. Il n’en était rien. Les heures se consumaient à une vitesse vertigineuse tandis que je restais planté là, dans l’immensité du vide.

La ville se réveillait peu à peu. Je regardais le premiers Londoniens se presser vers les bouches de métros comme des automates. La vie était tellement lassante, à jamais ponctuée par les gestes routiniers des Hommes. Je sombrais lentement dans la mélancolie. Personne ne semblait remarquer ma présence. Au final je n’étais qu’une ombre, un point noir, dans un paysage terne et lumineux. J'entendais les cailloux et le gravier craquer sur la promenade, comme si ce son n'existait que pour rythmer le fil de mes songes. Je tapotai presque machinalement dans les poches de ma veste à la recherche d’un soutien psychologique, ou plus simplement de mon paquet de cigarettes. En vain. Mes sourcils se froncèrent ; je griffonnai sur le papier d’un geste mécanique. Mes phrases n’avaient aucun sens, ce n’étaient que des idées en vracs  illustrées de petits schémas. J’étais complètement absorbé par mes démons, lorsqu’un jeune homme vint s’assoir à mes côtés. Sa voix calme et profonde m’extirpa violemment de ma crypte. Je lui fis face d’un air interloqué.

« Vous savez,  le meilleur remède contre la page blanche, c’est d’abandonner. » Souffla le jeune inconnu. « Enfin, c’est ce qu’on dit. »

Mon regard s’attarda sur son nez, et les filets de fumée qui s’en échappaient. Je déglutis avec difficulté avant d’esquisser un demi-sourire. Ses yeux ombrageux me donnaient la désagréable impression d’être épié, et bizarrement, cela ne me dérangeait pas plus que ça.

« Vous avez une cigarette pour moi ? » Commençai-je avec désinvolture avant de fermer mon calepin. « Je pense que la nicotine m’aiderait à supporter cet échec cuisant.   » Je me penchai doucement à sa hauteur. « Julian Fitzgerald.   »

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() message posté Mer 10 Déc 2014 - 21:17 par Invité
    you look as if you’ve been for breakfast at the heart-break hotel
    and sat in the back booth by the pamphlets and the literature on how to lose
    your waitress was miserable and so was your food
    if you’re gonna try and walk on water make sure you wear your comfortable shoes


A l’écoute de mes mots, le jeune homme sursauta et il se tourna vers moi, surpris. Dites donc, j’avais été vraiment très discret, et lui vraiment très plongé dans ses pensées. Je l’observai avec un sourire doux mais qui révélait toute ma nature, à bien le regarder : presque trop rieur, presque trop distrait, presque trop gai, presque trop insolent. J’étais profondément amusé par la situation. Et peut-être qu’il souffrait de ce manque, de ce vide, de cette foutue torpeur et de ce foutu samedi matin, mais je ne pouvais pas m’empêcher de voir la profonde blancheur de sa feuille et les ratures noires et agacées qui s’y trouvaient avec un détachement ironique. C’était comme passer dans les rangs et lire les brouillons des élèves : certains profs en étaient exaspérés, moi je m’en délectais. Parce qu’on voit les pièges dans lesquels les élèves tombent un à un, et que l’on connait déjà le contenu de leur copie sans même l’avoir lue. A cet instant, installé en face de cet inconnu, j’avais donc une impression de déjà-vu, un vague sentiment similaire à celui que je ressentais en tant que prof, et cela m’amusait. A la fois parce que ce jeune homme m’amusait, mais également parce que je me trouvais tellement cliché, à jouer au prof alors que ce gars n’en avait rien à faire de ma gueule. Il ne dit rien pendant quelques secondes, remuant probablement dans sa tête mes paroles malicieuses. Et puis il parla à son tour :

« Vous avez pas une cigarette pour moi ? »

Tiens donc. Il sortait de sa coquille, finalement. Gardant mon sourire et plissant des yeux, j’ai coincé ma propre cigarette entre mes lèvres, d’une main j’ai cherché mon paquet et de l’autre mes allumettes, puis lui tendis l’ensemble. « Je pense que la nicotine m’aiderait à supporter cet échec cuisant. » Certes. Et il était modeste en plus. A bien y songer, la nicotine ne pouvait rien y faire, à son échec cuisant, comme il le disait avec tant d’humilité. Oui, après tout, il aurait pu me dire d’aller me faire foutre, tout ce que je le lui avais apporté, c’était la confirmation qu’aujourd’hui, ce n’était pas le bon jour pour devenir le nouveau sauveur de la littérature, et un regard brillant et agaçant. Un samedi matin comme je les aime. Attrapant ma cigarette entre les deux doigts de ma main gauche, j’ai posé mon coude sur le dossier du banc pour lui faire face. Le truc, c’était qu’il ne m’avait pas dit d’aller me faire foutre. Il m’avait demandé une cigarette. Vous rendez-vous compte de la force intérieure dont faisait preuve cet homme ? Mettez-vous à sa place, vous m’auriez tous regardé avec mépris, votre amour-propre saignant à mort dans un caniveau et, au lieu de me demander une cigarette, vous m’auriez enfoncé la mienne dans l’œsophage en priant pour que je crève du cancer dans la minute. Et lui, non. Lui, il s’est penché vers moi et il s’est aimablement présenté : « Julian Fitzgerald. » Ironie du sort, j’ai senti Gatsby le Magnifique se retourner dans la tombe où ses démons l’avaient poussé. Un auteur torturé assis poétiquement sur un banc à Hyde Park dans l’attente d’un flux d’inspiration s’infiltrant presque insidieusement dans son esprit alors qu’il regarde avec lyrisme et émotion la sinueuse courbe de la Serpentine qui siffle doucement à son oreille attentive. Non, ce jeune homme était un peu plus qu’un simple cliché perdu et idéalisé, ou du moins je tendais à le croire. Ou peut-être étais-je simplement en train de profondément espérer être tombé sur le gars un minimum intéressant dans tout Londres. Et les rencontres fortuites et passionnantes, ce n’est pas assez cliché pour vous ?    

« Thomas Knickerbadger. » ai-je répondu, en modifiant légèrement mon sourire pour qu’il ne soit plus que courtoisie. Puis la malice est revenue, mais une malice gentille, une malice appréciable. Une malice à laquelle on répond, et non contre laquelle on s’énerve. « Vous êtes bien jeune pour penser avec tant de dureté. Je n’appellerais pas cela un échec cuisant. On ne va pas se mentir, la page blanche, c’est arrivé à tout le monde, et surtout aux plus grands. » Les plus grands avaient même le don de faire de leur manque d’inspiration une source d’inspiration. Quel talent. Cette page blanche semble si malicieuse, Un abandon profond au fond de moi se creuse. Et c’était ainsi qu’on écrivait un sonnet complet, sans aucune inspiration, rimes riches et alexandrins – ahh, ces français ! Je lui aurais bien proposé un rythme iambique plus enjoué et anglo-saxon mais le pauvre garçon n’avait sûrement pas la tête à ça aujourd’hui. Un mélancolique ? Dieu du ciel, et il manquait d’inspiration ?! « Souvent aussi, on a trop de choses à dire, et on se braque, on ne sait plus par où commencer. C’est fatal, ça aussi. » J’ai ramené ma cigarette jusqu’à mes lèvres sans le lâcher des yeux une seule seconde. Trop insistant peut-être, ce regard, hhm … Malgré tout, je ne m’en détachais pas. Il était si bien parti. « Alors, vous êtes lequel, la page blanche ou l’esprit qui se braque ? » Nuage de fumée voilant à moitié mon visage. Et puis, de nouveau, le sourire réapparut derrière l’écran fin, fragile et sinueux qui finit par s’évaporer dans l’air matinal.
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() message posté Lun 15 Déc 2014 - 17:10 par Invité
“It is during our darkest moments that we must focus to see the light.” Je me perdais dans la contemplation du lac serpentine. La quiétude de ces lieux était une délectation pour mon âme engourdie. Il me semblait que la nuit se mourrait dans l’abîme, presque miséricordieusement, afin de laisser place au jour éclatant et monotone. Le banc froid et livide, ponctuait mes absences en bougeant au gré de mon corps. Ou n’était-ce que mon imagination trompeuse ? La tête me tournait, assaillit par un million de pensées, mais aucune ne valait la peine d’être retranscrite sur papier. Un soupir m’échappa. La douceur de la nicotine, et l’odeur du goudron, me manquaient atrocement. Mon addiction était terrible, effroyable, presque paralysante. Mon œil clignait, avide de fumées grises et piquantes. Le jeune inconnu s’assit à mes côtés, me faisant sortir de ma torpeur. Ma politesse, et mon éloquence verbale, prirent bien vite le dessus sur mes gestes hostiles et mon penchant antisocial. Je lui souris avec courtoisie avant de lui quémander une cigarette. Mon cœur s’exaltait dans les sensations exquises et les promesses d’une longue et profonde latte. Je réalisais alors le ridicule de la situation ; je prônais les valeurs sûres et les beautés littéraires, mais je n’étais qu’un homme faible face à la tentation. Je croyais qu’à l’image de Dorian Grey, l’immortalité de l’esprit était une absolution. A défaut d’un miroir et de fourberies, je voulais imprimer mon nom partout dans le monde. C’était bien prétentieux de ma part – mais la poésie était encrée en moi au même titre que la vie. J’avais choisi de m’orienter vers le journalisme afin de canaliser ce talent brut, et d’apprendre à gérer les faits de manière pointue et objective, mais ma flamme ardente revenait trop souvent au galop, me rappelant que sans l’exercice de ses vertus, j’étais voué à l’échec. Je serrais mon stylo entre mes doigts. Le vide était une affliction indescriptible. Je déglutis avec difficulté, rongé par le doute et la tristesse.

Je saisis son paquet de cigarette, et dans un geste aussi lent que las, j’emprisonnai la tige entre mes lèvres gercées. L’allumette craqua en premier, lançant ainsi le compte à rebours d’un plaisir mesquin et hélas bien éphémère. Je pris une grande inspiration avant de lui faire face.

« Thomas Knickerbadger. . » Souffla-t-il avec une malice qui pouvait dans un contexte différent prêter à confusion. J’avais presque l’impression qu’il me prenait de haut. « Vous êtes bien jeune pour penser avec tant de dureté. Je n’appellerais pas cela un échec cuisant. On ne va pas se mentir, la page blanche, c’est arrivé à tout le monde, et surtout aux plus grands.  . »

Je le gratifiai d’un sourire, tout en restant dans la réserve. Son accent pompeux, et son air de grande noblesse m’intriguaient. Il avait l’allure du grand philosophe, et en même temps, la simplicité d’un tout à chacun.

« Souvent aussi, on a trop de choses à dire, et on se braque, on ne sait plus par où commencer. C’est fatal, ça aussi.  . » Continua-t-il avec aisance.  Je le fixais perplexe, tandis qu’il  se prêtait une nouvelle fois au jeu de la désinvolture. Je mimais ses gestes, aspergeant mes poumons de poisons. Je fermai les yeux pendant une demie seconde.«  Alors, vous êtes lequel, la page blanche ou l’esprit qui se braque ? . »

Je ris avec légèreté, abandonnant mon masque imperturbable et mon arrogance habituelle. Il était peut-être temps, de si bon matin, de changer un peu. Je me redressai avec humilité.

« Je suis celui que vous préférez, mon ami. » Lançai-je avec lenteur.« Lequel, dont la compagnie sera la plus agréable possible dans un meilleur des mondes possibles.   » Je grinçai des dents en laissant les vapeurs grises teinter ma bouche d’amertumes et de délicatesses. « Vous m’avez l’air d’être un grand penseur. Il est donc de mon devoir de vous répondre en conséquence.   » Expliquai-je en tapotant sur le bout de ma cigarette, plus par habitude que pour en détacher les cendres. Je me tortillai sur mon siège, étirant ainsi ma jambe gauche – et soulageant par la même occasion mon genou endolori. Il semblait que mon ligament rupturé cicatrisait avec toute la lenteur du monde. J’étais impatient d’oublier la douleur et les traitements pénibles, mais la nature en avait décidé autrement. Je me retournai vers mon interlocuteur.

« Je ne suis pas un des plus grands, Thomas. Je m’évertue à le devenir, un jour peut-être.   » Je souris. « Pour l’instant c’est dans le monde du journalisme que j’évolue. Vous avez peut-être lu quelques-unes de mes vulgarisations du monde complexe et corrompu de la finance, pour le Times uk. Je suis rédacteur de catégorie pour la rubrique business & money.   »

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() message posté Mer 17 Déc 2014 - 13:52 par Invité
Il rit avec une légèreté qui me sembla surprenante. Il n’avait pas l’air d’avoir l’esprit léger. Au contraire. Il gigota avec peine sur le banc pour se redresser, changer de position, et il le fit en serrant les dents : il souffrait, quelque part, et cela s’opposait à la fameuse légèreté donc il faisait preuve. « Je suis celui que vous préférez, mon ami. » me dit-il. Et il avait de l’humour, en plus. Je ris à mon tour, tandis qu’il poursuivit : « Lequel, dont la compagnie sera la plus agréable possible dans un meilleur des mondes possibles. » La fumée de sa cigarette s’échappait de sa bouche en même temps que ses mots. Et quel monde, vraiment. Un monde où la pureté du matin nous ennuie et nous braque, et où l’on fume pour se sentir vivant. Que de contradictions, Julian, dans votre meilleur des mondes possibles, songeai-je. Vous semblez en être la preuve physique, vous souriez malgré votre peine. Sa cigarette n’était pas pendue à ses lèvres, c’était lui qui s’y accrochait avec un désir puissant mais il fumait lentement, profitant au maximum de cette petite dose de nicotine dont il avait tant besoin. Oh, je dis ça avec un détachement qui m’était propre, mais au fond je comprenais son addiction. Le rapport d’un fumeur et sa cigarette était si révélateur parfois. La manière dont il la tenait, s’il la gardait entre ses lèvres ou non très longtemps, s’il en profitait comme s’il s’agissait d’un morceau de chocolat noir et goûteux ou s’il l’oubliait tellement elle était devenue un sixième doigt meurtrier et brûlant pour lui, s’il en avait toujours sur lui ou s’il lui arrivait de ressentir le manque. Le manque était quelque chose de terrible, car c’était le besoin poussé à son paroxysme. Le cycle du besoin était quelque chose de simple : il suffisait de le satisfaire, tout simplement. Et satisfaire un besoin menait généralement à diverses formes de plaisir. Par exemple, j’aimais personnellement ressentir la sensation de faim, le ventre vide du matin, un estomac qui gronde et dont les parois se creusent à la recherche d’une miette de pain ou d’un reste de morceau de sucre. Manger, dans ce cas, est un véritable plaisir : la nourriture, quelle qu’elle soit, devient divine sur la langue et met de si bonne humeur. Et ce cycle du besoin ne pouvait être brisé que d’une seule manière : l’abus. Quelle idée paradoxale que cet abus. Tellement consommer qu’on en oublie le plaisir et que le besoin, au lieu de s’estomper, grossit à mesure que l’on tente de le satisfaire. Voilà ce qu’était le manque : non pas un cycle, mais un trou sans fond dont les parois glissantes nous servaient d’appui, tant bien que mal, comme Julian s’accrochait à l’extrémité de sa cigarette. Et encore, je le voyais qu’il y prenait du plaisir, et cela me rassura, quelque part. Il y avait un certain optimisme dans sa manière de fumer. Dieu du ciel, plus de paradoxe, fumer n’était pas quelque chose d’optimiste. C’était quelque chose de très con, surtout. Et malgré tout, on y tombait, dans ce trou sans fond. « Ah, alors si c’est à moi de choisir … ». Je finis une pause, réfléchissant. « … vous êtes en tout cas un futur auteur bien courageux, pour vous lever un samedi matin et venir écrire dans le froid. » Je le pensais réellement, en plus.

« Vous m’avez l’air d’être un grand penseur. Il est donc de mon devoir de vous répondre en conséquence. » Je ris à nouveau, ne sachant pas vraiment s’il était ironique ou non. Mais dans les deux cas, je trouvai sa remarque amusante. Je devais avoir l’être du philosophe de service avec mes manières, c’était bien vrai. Mais tout cela n’était qu’une apparence, j’avais bien trop de défauts pour prétendre être un grand penseur. Je savais juste bien parler, mais c’était mon métier qui le voulait. « Détrompez-vous, je suis juste prof. Ouais, les gars qui font comme si ils étaient de grands penseurs sans vraiment l’être. » Toute mon allure s’expliquait d’un coup. Il tapota machinalement sur sa cigarette et changea de position sur le banc pour mieux s’installer. « Je ne suis pas l’un des plus grands, Thomas. Je m’évertue à le devenir, un jour peut-être. » Attendez, vous n’allez pas me dire que ce gars n’était pas plein d’optimisme. Sérieusement. Le garçon prenait du plaisir à fumer en cherchant l’inspiration, courageusement lové dans son manteau malgré le froid de décembre, il souriait, peut-être tristement parfois, mais il croyait en lui-même et avait du répondant, des répliques justes et intelligentes. « Pour l’instant c’est dans le monde du journalisme que j’évolue. Vous avez peut-être lu quelques-unes de mes vulgarisations du monde complexe et corrompu de la finance, pour le Times uk. Je suis rédacteur de catégorie pour la rubrique business & money. » Je fronçai des sourcils : oui, ça me disait quelque chose. Je lisais le Times, malgré le fait que leur glissement vers les Conservateurs me décevait quelque peu – quel travailliste dans l’âme j’étais – et le nom de Julian Fitzgerald me disait quelque chose. Avec un sourire, je lui répondis : « Eh bien, il n’y a pas de quoi être modeste alors. Les journalistes peuvent devenir de très bons auteurs. Après tout, ils sont plongés dans la société et on ne leur demande pas d’avoir des scrupules, donc ils en ressortent avec une vision très électrique de ce meilleur des mondes possibles dont vous parliez tout à l’heure. » Je fis une pause et penchai la tête sur le côté : « Et à la réflexion, vous avez une plume assez aiguisée, adroite et perspicace dans vos articles, mais très sévère également. Je ne vous imaginais pas aussi calme et souriant, pour tout vous dire. » J’ai jeté mon mégot à quelques mètres du banc et repris une cigarette aussitôt, l’allumant sans même regarder ce que je faisais. « Vous voudriez écrire à propos de quoi ? »
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() message posté Ven 26 Déc 2014 - 17:59 par Invité
“It is during our darkest moments that we must focus to see the light.” Ses paroles glissaient subtilement sur ma peau, avant de briser la quiétude de mes pensées. Plus je m’attardais dans mes réflexions et plus je me surprenais à frôler les limites de l’éveil littéraire. Mon esprit était en effervescence, pris au piège entre les feux  ardents de ma conscience déchainée. Je songeais à la vie, au destin, et aux beautés surfaites, avant de m’attarder sur l’ambiance morose et monotone de l’hiver. Il y’ avait mille façons de transfigurer ce paysage et pourtant l’aisance verbale se refusait à moi. C’était un affront cruel, dont le combat laborieux ne faisait que me détruire un peu plus. Je baissai les yeux sur l’herbe humide, et les créatures boueuses qui s’activaient tout autour. Mes cendres valsaient dans les airs avant de s’écraser contre ce biotope. Je souris d’un air contenu avant de me concentrer sur mon compagnon de solitude. Sa carrure filiforme, et son regard pétillant, étaient une invitation au débat existentiel. Je tirais sur ma cigarette avec lassitude, avant de refouler les poisons de la nicotine hors de mon système. Mes cils bataillaient contre une force invisible, afin de garder l’éclat de mon regard intact. Je tentai une approche maladroite avant de me résigner à ménager mon genou éclopé.« Ah, alors si c’est à moi de choisir … vous êtes en tout cas un futur auteur bien courageux, pour vous lever un samedi matin et venir écrire dans le froid. . » Souffla-t-il  d’un ton dégagé. J’esquissai avec politesse, avant d’emprisonner une nouvelle fois mon filtre entre les lèvres. Ma poitrine s’exaltait  sous l’effet des mélanges d’oxygène et de fumée, avant de se soulever au gré de mes pensées.  Mon regard évasif écumait le ciel brumeux, avant de se poser sur l’église Hyde Park Baptist . Les cloches ne sonnaient pas, mais l’architecture imposante de ce lieu de culte spirituel avait le don de me transporter. Il ne fallait pas s’y méprendre. Je n’étais pas une âme pieuse, mais la curiosité me rongeait jusqu’à la moelle.  Comment les gens pouvaient-il se laisser aller à l’adoration aussi impunément ? Pire encore, la foi inébranlable était-elle une vertu immatérielle ? J’avais besoin de toucher, de voir et de sentir… Cela faisait-il de moi un homme creux? L’esprit imaginatif me manquait horriblement. Je  serrais ma prise sur mon pansement. Ma jambe se raidit au contact de ma paume, mais c’était un mal pour un bien. J’avais besoin de ressentir la douleur, comme un rappel à l’ordre.  

« Détrompez-vous, je suis juste prof. Ouais, les gars qui font comme si ils étaient de grands penseurs sans vraiment l’être.   » Je souris à sa remarque, sans pour autant me montrer grossier. L’autodérision était une arme à double tranchant, et mon compagnon semblait avoir une certaine répartie. J’haussai les épaules, avec désinvolture. « Laissez-moi vous faire un aveu, les grands penseurs de ce monde, ou de l’autre, ont tous eu besoin d’un professeur avant de saisir la grandeur de la pensée.   » Ma joue se crispa. « Les grands penseurs modèlent les esprits juvéniles. Cette définition vous va à la perfection, mais ce n’est que l’humble avis d’un auteur en mal de mots.   » Raillai-je en balayant l’air d’un geste habile de la main.

Je me repositionnai sur le banc sans le quitter du regard. Le jeune homme avait un penchant analytique hors pair, il semblait sonder chacun de mes mouvements avec une dextérité déroutante. Je suppose qu’il avait l’habitude d’explorer les fantasmes, à force de côtoyer ses étudiants. Je griffonnai le dessus de mon jeans avec lassitude. Ce n’était pas la conversation qui me fatiguait, mais l’ambiance glaciale du parc.

« Eh bien, il n’y a pas de quoi être modeste alors. Les journalistes peuvent devenir de très bons auteurs. Après tout, ils sont plongés dans la société et on ne leur demande pas d’avoir des scrupules, donc ils en ressortent avec une vision très électrique de cemeilleur des mondes possibles dont vous parliez tout à l’heure. » Je souris. « Et à la réflexion, vous avez une plume assez aiguisée, adroite et perspicace dans vos articles, mais très sévère également. Je ne vous imaginais pas aussi calme et souriant, pour tout vous dire. »

Je penchai lentement la tête vers lui, comme pour lui adresser mes respects. « Je ne peux donc qu’imaginer votre déception, lorsque je vous avouerais que je ne suis pas très calme, ou souriant. Votre tête me revient bien alors je fais l’effort de bien me tenir. Mais je suis fidèle à mes articles, je suis crispé, cinglant et très réprobateur en vers mes assistants.  Je me plais à penser qu’il faut une certaine droiture afin d’atteindre l’excellence … Vous m’autoriserez à traiter cette époque comme étant celle de la médiocrité. Le capitalisme est entrain de bouffer tous les bourgeons de créativité. C’est effarant de constater que les choses tournent bien souvent autour du pouvoir, bien plus que de l’argent. »
Il jeta sa cigarette à quelques mètres, avant de piocher à nouveau dans son paquet, tandis que me concentrai sur le bout de ma tige, incapable de me défaire de ses derniers délices.

« Vous voudriez écrire à propos de quoi ? »

Sa question m’extirpa de ma torpeur. Je marquai un temps de réflexion avant de lui répondre : « J’écris depuis longtemps sur le même sujet. Je crois que je suis le genre de personne à avoir un domaine de prédilection, et un style répétitif. Je vois le mal comme une chose noire et visqueuse, et tout ce qui et beau prend la forme de la lumière aveuglante du soleil. Mon esprit est divisé, et mon imagination semble être une bête têtue. J’ai un livre en cours d’édition, mais je  n’arrive pas à choisir une fin appropriée. Voyons-vous il s’agit de deux personnes que j’ai intimement connue ; moi et mon démon intérieur. » Je souris malicieusement. « C’est un peu risible d’avouer que j’adresse une ode à ma personne, mais le contexte est plus complexe. Je voue un culte au désespoir qui m’a fait perdre mon premier amour. »

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() message posté Dim 28 Déc 2014 - 17:03 par Invité
« Laissez-moi vous faire un aveu, les grands penseurs de ce monde, ou de l’autre, ont tous eu besoin d’un professeur avant de saisir la grandeur de la pensée. » Mon sourire s’accentua, faisant apparaître légèrement la blancheur de mes dents. « Les grands penseurs modèlent les esprits juvéniles. Cette définition vous va à la perfection, mais ce n’est que l’humble avis d’un auteur en mal de mots. » Après tout, c’était très plaisant d’entendre ça. Je m’étais trop habitué à ce que l’on crache sur ma profession – généralement de manière tout à fait justifiée, d’ailleurs. Les profs qui bossent à peine et qui se plaignent tout le temps. Personnellement, je ne me plaignais pas, j’aimais mon métier et j’avais un fascinant détachement en ce qui concernait l’argent – tant que je pouvais m’acheter des clopes et des livres, je n’en avais pas besoin. « Vous me flattez presque. », plaisantai-je d’une voix cristalline. Charmant jeune homme, ce Julian, il me mettait à la limite de la bonne humeur. En vérité, on aurait pu dire que j’étais touché par sa remarque, mais ce qui se cachait vraiment au fond de mon regard sombre, j’aimais le laisser mystérieux. D’ailleurs, mon interlocuteur lui-même avait pris des pinces en faisant cette furtive analyse, accentuant en fin de compte sur sa subjectivité et une certaine forme de modestie.

« Je ne peux donc qu’imaginer votre déception, lorsque je vous avouerais que je ne suis pas très calme, ou souriant. Votre tête me revient bien alors je fais l’effort de bien me tenir. Mais je suis fidèle à mes articles, je suis crispé, cinglant et très réprobateur envers mes assistants. Je me plais à penser qu’il faut une certaine droiture afin d’atteindre l’excellence … Vous m’autoriserez à traiter cette époque comme étant celle de la médiocrité. Le capitalisme est en train de bouffer tous les bourgeons de créativité. C’est effarant de constater que les choses tournent bien souvent autour du pouvoir, bien plus que de l’argent. »

Je plissai des yeux, attentif à son discours. Déçu ? Oh, non. Loin de là. Quelle idée, moi, préférer un type souriant et optimiste à un autre torturé et cinglant. J’ai haussé les sourcils, amusé : « Non, je suis rassuré plutôt. Les gens calmes et gentils n’écrivent pas de bons livres, ça se saurait. » D’ailleurs, je laissai mon esprit vagabonder dans ma bibliothèque intérieure et je fus incapable de citer un bon auteur qui avait été un gars sympa et heureux toute sa vie. Ils étaient tous fous, vraiment. L’esprit d’un écrivain, c’était comme un vase en verre au bord d’une table ; un jour ou l’autre il finirait par tomber et se casser, les morceaux tranchant joncheraient le sol et l’écrivain devrait se pencher, reconstituer tant bien que mal le puzzle de sa vie et de ses pensées, non sans que le verre ne lacère sa peau au passage. On ne pouvait pas être souriant en sachant cela. Et il me parlait de médiocrité, de capitalisme et de pouvoir. Des choses qui me faisaient tant horreur que généralement, je finissais par laisser mon sarcasme le plus noir parler à ma place – un grand visage de ma riche et mystérieuse personnalité, mais que je tentais de dissimuler le plus longtemps possible, car c’était un visage blessant. Et si, plus tôt, j’avais évoqué le fait que je me fichais complètement des plaisirs que pouvait procurer l’argent, je méprisais au plus haut point ceux qu’apportait le pouvoir. Julian exprimait une pensée précise, que je trouvais assez juste. Le pouvoir pouvait s’obtenir par des manières bien plus subtiles et enivrantes que l’argent, d’ailleurs, et ça, les gens avaient tendance à l’oublier. Je pouvais en citer des centaines à cet instant. Le pouvoir avait bien des visages : le visage opaque et masqué de l’assassin, le visage du tyran déguisé en symboles républicains, le visage  des mannequins dans les publicités, le visage de la mode, oui, et celui des présidents et de la Reine sur les billets de banque, le visage du père et de la hiérarchie injuste, le visage impassible du bourreau qui observe celui, luisant de sueur, de sa victime, le visage d’une beauté corrompue, sexuelle et attirante, le visage des gens que l’on voudrait voir morts, leur tête écrasée sur les pavés des révolutionnaires. Mon regard avait dû s’assombrir en pensant à tout cela, malgré moi. Mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Les résidus de mes principes d’adolescent révolté se réveillaient toujours dans des moments pareils, rampant lentement sous ma peau et me rappelant que le monde était un lieu bien pauvre et bien petit. Au fond, je crois que je n’ai jamais compris pourquoi un tel engouement pour le pouvoir, et c’est cette incompréhension et ce scepticisme qui ont ralenti mes ardeurs à la sortie de mon adolescence. J’en ai eu assez d’entendre n’importe qui débiter des discours dont la longueur égalait la connerie – très longs et très cons, donc. « Vous vous en rendez compte au moins, c’est bon signe. A vous de faire fleurir à nouveau la créativité et dénoncer la médiocrité dans laquelle nous vivons. » Oui, je sais. C’était facile à dire. Et puisque je le savais aussi, et puisque tant de gens le savaient, pourquoi nous ne ferions pas cet effort, nous aussi ? La réponse était simple : beaucoup trop de monde possédaient mon détachement et trop peu laissaient l’ardeur d’un Julian Fitzgerald s’emparer d’eux. C’était beau d’avoir de grands penseurs (et des professeurs), mais au fond, on s’en foutait de ce que je pouvais dire, même si je le disais bien. Moi et mon appart situé dans l’un des quartiers les plus embourgeoisés de Londres, moi et ma culture à la con que je déversais en soufflant la fumée de mes cigarettes, moi, ma désinvolture et mon dégoût pour la consommation, j’étais le sacré cliché que le monde ne voulait plus entendre. Et qui pouvait les blâmer, vraiment ?

« J’écris depuis longtemps sur le même sujet. Je crois que je suis le genre de personne à avoir un domaine de prédilection, et un style répétitif. Je vois le mal comme une chose noire et visqueuse, et tout ce qui est beau prend la forme de la lumière aveuglante du soleil. Mon esprit est divisé, et mon imagination  semble être une bête têtue. J’ai un livre en cours d’édition, mais je n’arrive pas à choisir une fin appropriée. Voyez-vous il s’agit de deux personnes que j’ai intimement connues ; moi et mon démon intérieur. » Il a souri et je l’imitai. Il était dans une impasse assez classique pour un écrivain. « C’est un peu risible d’avouer que j’adresse une ode à ma personne, mais le contexte est plus complexe. Je voue un culte au désespoir qui m’a fait perdre mon premier amour. » Dieu du ciel ! Risible ? Un auteur qui parle de lui-même, c’était le fondement même de la littérature, tous les genres confondus. Sa façon de parler presque lyrique, ses gestes, la lassitude et la mélancolie que je lisais dans son regard me faisaient d’ailleurs penser au Romantisme. Il était l’anti-héros romantique par excellence en me disant cela, alors se considérer risible, c’était aussi considérer une page révolutionnaire de la littérature comme telle. J’ai retenu un léger rire lorsqu’il me dit ça : je ne voulais pas qu’il pense que je me moquais de lui et de son désespoir. C’était d’ailleurs tout le contraire, j’étais presque émerveillé de trouver par hasard un romantique, au détour d’un sentier à Hyde Park. Oh, peut-être que je m’emballai un peu, sûrement même, mais je ne pus empêcher mon regard de briller d’une étrange satisfaction et d’un soulagement soudain et inexpliqué. Le jeune homme n’était pas perdu : sa page ne resterait pas longtemps vide avec de telles idées naviguant dans son esprit. « C’est loin d’être risible, croyez-moi. Comme tous les auteurs avant vous, et ceux qui viendront après vous, vous exploitez ce que vous avez sous la main, ce qui vous tourmente, vous, particulièrement. A savoir la médiocrité du monde, la dualité terrible de votre âme, et vos blessures passées. C’est quelque chose de tout à fait normal. » Je fumai avant de reprendre. « Vous semblez bien défaitiste, je trouve. Pourtant, vous avez l’air bien parti. Et vous n’avez pas choisi les thèmes les plus vides : le mal, le désespoir et l’amour. J’imagine que vous allez opter pour une fin de livre plutôt malheureuse avec ça,  non ? » Je ponctuai mes mots d’un sourire discrètement brodé d’une ironie presque espiègle. Comme si, aujourd’hui, les fins heureuses, ça intéressait qui que ce soit.

Je vis qu’il était sur le point de finir sa cigarette, j’ai donc plongé ma main dans mon manteau pour en ressortir mon paquet que je déposai sur le banc, entre nous deux. « N’hésitez pas à vous servir, hein. » lui ai-je poliment dit. De quel romantique désespéré aurait-il l’air s’il n’avait pas une clope au bec, franchement.
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() message posté Lun 29 Déc 2014 - 16:45 par Invité
“It is during our darkest moments that we must focus to see the light.” Je m’abandonnais à l’allégresse d’un sentiment étrange ; celui d’une rencontre fortuite avec une âme pensante et charmante. Thomas me surpassait sur bien des points. Je remarquais chacune de ses courbes se tirer malicieusement au gré de ses pensées complexes et philosophes. Son regard se voilait d’obscurité, avant de pétiller comme les éclats d’une lune ronde et majestueuse.  Je crispais mes doigts autour de mes genoux pour me donner un peu de contenance, mais je ne pouvais empêcher mes pensées d’exploser en mille couleurs. J’étais transporté par les passions ravageuses de ma révolte continuelle contre le monde. Je le regardais au coin, afin d’imprimer chacune de ses allusions subtiles.« Vous me flattez presque. . » Souffla-t-il sans aucune transcendance. Il n’en dévoilait jamais assez, et pourtant les voiles du mystère m’attiraient inéluctablement vers les abîmes de son âme. Je n’avais pas la prétention d’élucider ses secrets, mais j’étais intrigué de manière incommensurable. Mon penchant vers la curiosité s’embrasait à chaque frémissement de sa bouche vicieuse. J’esquissai une ébauche de sourire en me calant contre le banc.«  Non, je suis rassuré plutôt. Les gens calmes et gentils n’écrivent pas de bons livres, ça se saurait. . » Je laissai échapper un rire sarcastique avant d’écraser mon mégot sur le sol humide. Il avait sans doute raison, les plus grands de ce monde avaient tous fini au bûcher, ou à l’asile psychiatrique. Les plus chanceux se fanaient dans la solitude, dans une maison de compagne en retrait, un livre à jamais inachevé entre les mains. Je redoutais l’amertume d’un travail en suspens ; c’était certainement l’une des nombreuses raisons de mon blocage intellectuel. Je soupirai en reprenant mes aises ; qu’est-ce que la gloire fugace ? Pourquoi cette obsession pour la reconnaissance ? Je suivais avec acharnement une quête stupide, mais je ne pouvais m’en défaire jusqu’à la mort. J’avais tellement abandonné afin d’élever mon esprit, et pourtant je n’avais jamais été aussi terre-à terre qu’en cet instant. Un frisson de dégoût traversa mon échine, et je fermais les yeux pendant quelques secondes. Intérieurement, j’adressais une prière au destin ; celui qui m’avait ôté toutes les belles choses de la vie et qui m’avait appris à manier les poésies des plus meurtris. C’était à la fois une bénédiction, et une douleur profonde. Mais je n’étais rien sans le mal qui rongeait, sans la flamme qui brûlait, la violence qui détruisait, ou l’amour qui tuait. Je redoutais le bonheur comme on redoute la peste, et la fièvre virulente – Le vent froid se leva brusquement, m’intimant le silence. Je ronchonnais à taire mes divagations, mais mon absence se faisait longue.

« Vous vous en rendez compte au moins, c’est bon signe. A vous de faire fleurir à nouveau la créativité et dénoncer la médiocrité dans laquelle nous vivons. . » Annonça-t-il dans le ton passion de la révolte, avant de retomber dans la lassitude ambiante. Je me mordis la lèvre inférieure, en faisant une moue dubitative.

« Je devrais peut-être commencer par dénoncer votre incroyable laxité, et votre désinvolture parfois déstabilisante. Vous me perdez parfois, dans le fil de vos raisonnements … A quoi pensez-vous quand vous ne parlez pas ?   » M’amusai-je en réalisant qu’il marquait bien plus de blancs que moi. Mon regard croisa le sien, avant de se fondre dans la lumière du jour. Le brouhaha gémissant des habitants de Londres commençait déjà à submerger notre petite bulle de réflexion. Je peinais à quitter ma solitude, dont il faisait à présent si gracieusement partie.

Le débat s’orientait vers mes folies littéraires – Je n’aimais pas briser la magie de mes écrits, mais je l’écoutais  assumer mes tourments, avec une attention toute particulière.  « C’est loin d’être risible, croyez-moi. Comme tous les auteurs avant vous, et ceux qui viendront après vous, vous exploitez ce que vous avez sous la main, ce qui vous tourmente, vous, particulièrement. A savoir la médiocrité du monde, la dualité terrible de votre âme, et vos blessures passées. C’est quelque chose de tout à fait normal. Vous semblez bien défaitiste, je trouve. Pourtant, vous avez l’air bien parti. Et vous n’avez pas choisi les thèmes les plus vides : le mal, le désespoir et l’amour. J’imagine que vous allez opter pour une fin de livre plutôt malheureuse avec ça,  non ? . » Il  formulait un avis  sombre, mais bien tranché. Venant d’un autre défaitiste, ses paroles ne pouvaient que me satisfaire. Je n’étais qu’un homme en mal d’attention, et le peu d’éloges que je semblais recevoir, regonflait mon égo. Je souris d’un air bien entendu.

« Je ne sais pas. »   Avouai-je en secouant la tête. «  Tout est relatif. Se détacher de l’emprise de la plus chère me semble être une alternative charmante et très positive : Aller de l’avant, voilà bien de grand mots ! Mais lorsque je m’attarde dans la réflexion, je songe que ce détachement cache une plaie profonde – et le gout acerbe d’une femme  tant désirée mais jamais acquise, me renvoie vers la tristesse à nouveau.   »  Je fis une grimace à mi-chemin entre l’amusement, et la perplexité. « Voyez-vous, l’espoir est le plus grand mal de l’humanité. Je suis incapable de créer une fin, car je n’ai jamais trouvé la force de me battre pour mes sentiments et comme toute âme crédule et pathétique ; je me nourris de l’espoir vain. Mon ambition est un fléau redoutable, la stabilité d’une relation équilibrée, dans le meilleur des cas – ne m’aurait jamais suffi. Je ne peux pas me contenter d’un amour banal, si je ne me damne pas avant. » Je louchai sur son paquet de cigarette.

« N’hésitez pas à vous servir, hein.  . » Amen ! J’esquissai avec courtoisie.

« J’essaie de dompter mes démons. C’est dur, mais j’ai promis de baisser ma consommation. » Je souris. « J’ai la chance d’avoir une petite amie flexible, je lui doit bien ça. Après tout elle supporte mes élans de conscience pour une autre avec une indulgence feinte mais pas des moindres . »
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() message posté Mar 30 Déc 2014 - 1:25 par Invité
« Je devrais peut-être commencer par dénoncer votre incroyable laxité, et votre désinvolture parfois déstabilisante. Vous me perdez parfois, dans le fil de vos raisonnements … A quoi pensez-vous quand vous ne parlez pas ? » Oh. Il était déjà perdu. Je ris. Sa remarque était divertissante. Quoi, Julian, tu veux lever le voile sur le mystère de l’inconnu qui vient assaisonner tes pensées troublées d’une pointe de délicieux sarcasme saignant ? A quoi je pense quand je ne parle pas, mais n’était-ce pas le jeu ultime de l’humanité toute entière, sur quoi se basait toute la société ? Que faisait-on de l’hypocrisie, de l’admiration, de la timidité et de la créativité après une question pareille ? Trêve de questions rhétoriques que je gardais pour moi – le pauvre, il devait se languir de ne pas savoir que je me posais des questions à moi-même sans lui en faire part. Il m’amusait, cet écrivain et son échec cuisant, ce journaliste et son monde médiocre, son capitalisme merdique et son sourire hypnotisant, ce jeune homme et le désespoir qu’il tentait en vain de faire rimer avec les mots amour et nicotine. Et son regard se perdit dans les reflets du soleil sur l’eau du lac. C’en était d’autant plus amusant que je pouvais le perdre encore plus en lui répondant par l’une de mes phrases énigmatiques et détachées. Difficile de résister. Mettez-vous à ma place, et délectez-vous trois petites secondes de la situation. « Mais je pense à ce que vous me dites, à comment vous laissez vos mots jaillir parce que vous semblez exténué par le simple fait d’exister, et je réfléchis à votre opinion, à vos idées et le plaisir que vous prenez en fumant une simple cigarette. Je pense à l’illusion d’impasse que vous vous acharnez à avoir. Je ne savais pas que j’avais un air si mystérieux. » Dieu du ciel, je méritais des baffes, mais au lieu de ça, j’accentuai mon sourire, qui devint presque narquois. Ce sourire qui mit mes mots entre parenthèses, qui signifiait que ouais, il était bien possible que je pense à tout ça. Mais peut-être que non, tout compte fait, peut-être que mon détachement allait beaucoup plus loin. Et il désirait dégager la brume que mon regard lui imposait ? Il ne fallait pas aller plus vite que la musique.

« Je ne sais pas. » me répondit-il. « Tout est relatif. Se détacher de l’emprise de la plus chère me semble être une alternative charmante et très positive : Aller de l’avant, voilà bien de grands mots ! Mais lorsque je m’attarde dans la réflexion, je songe que ce détachement cache une plaie profonde – et le goût acerbe d’une femme tant désirée mais jamais acquise, me renvoie vers la tristesse à nouveau. Voyez-vous, l’espoir est le plus grand mal de l’humanité. Je suis incapable de créer une fin, car je n’ai jamais trouvé la force de me battre pour mes sentiments et comme toute âme crédule et pathétique ; je me nourris de l’espoir vain. Mon ambition est un fléau redoutable, la stabilité d’une relation équilibrée, dans le meilleur des cas – ne m’aurait jamais suffi. Je ne peux pas me contenter d’un amour banal, si je ne me damne pas avant. » J’avais envie d’ouvrir un dictionnaire et glisser une image de ce type à la définition des mots « paradoxe » et « instabilité », avec pour légende « Julian Fitzgerald, journaliste désabusé et presque-écrivain ». Il était l’un des visages du pouvoir que j’avais évoqué plus tôt, avec son sourire de requin, son ambition apparemment réalisée (mais qui, pourtant, semblait aussi le détruire), ses cheveux flamboyant du feu de la victoire et la lueur qui animait ses iris d’une vivacité cinglante, mais d’un autre côté, il était l’enfant refusant l’autorité et laissant les coups s’abattre sur son corps frêle qui couvrait la douce chaleur de l’espoir. Et après, c’était lui qui était perdu, juste parce que je gardais le silence lorsque je réfléchissais ? Fous-toi de ma gueule, Julian Fitzgerald. C’était terrible, parce qu’il y avait un truc que j’adorais chez lui, dans sa manière de souffrir et de délier sa langue, comme si enfin, il se moquait de tout, peignait ses démons adorés et montrait ses toiles au premier inconnu qui avait daigné lui adresser la parole. Et ce truc que j’adorais, ça m’empêchait de le trouver lamentable – parce qu’il l’était. Quoi de plus pathétique qu’un gars qui avait tellement tout qu’il se perdait dans les choix qui s’offraient à lui ? Non, à la place de lamentable, je le trouvais complexe. Putain, ça c’était la preuve que je faisais un effort considérable pour être le moins sarcastique possible. Il ne se doutait pas de la chance qu’il avait. C’est que je l’appréciais, quand même. « Oh, mais il faut garder espoir. Comment voulez-vous faire changer les choses sans espoir ? Quelque part, il faut continuer à croire en son pouvoir. Vous êtes indécis, bien sûr, dans un monde pareil, qui ne l’est pas ? Mais vous avez le temps, vous n’allez pas mourir demain. Vous avez le temps de faire votre choix. Et vous avez le temps de trouver la fin adéquate pour votre livre. Qui vous presse ? Moi ? » J’esquissai un sourire goguenard, avant de reprendre un air sérieux. « Et l’amour, ce sentiment si noble, vous en parlez comme s’il vous faisait autant de mal qu’un couteau dans le cœur. Je croyais que c’était quelque chose de doux, pourtant, quelque chose d’épanouissant. Enfin, après tout, je ne suis pas un grand spécialiste – je suis trop détaché et trop con pour comprendre l’amour. » Oh, voilà que je me mettais à parler de moi maintenant. Et non, je ne me moquais pas subtilement de lui. Son désespoir ne me laissait pas indifférent et, même si je ne pouvais pas dire que je le comprenais – après tout, je n’avais jamais vécu de tels tourments – j’éprouvai une sorte d’empathie étrange qui me mit mal à l’aise. « Si vous voulez une fin heureuse, commencez d’abord par pardonner à ceux qui vous ont fait du mal. Même s’ils ne sont pas désolés, là n’est pas l’important. Le pardon, c’est la clé, car vous atteindrez bien plus que la stabilité : vous serez serein. » Reprenons l’un des visages du pouvoir : celui du bourreau qui se prépare à tuer le condamné. Les deux pensent posséder une supériorité par rapport à l’autre. Le bourreau, pour lui, c’est évident, il tient la hache, il étouffe une vie entre ses immenses paumes. La victime, elle, possède une force plus subtile, celle de la morale, celle que la vie possède face à la mort. Mais une victime qui meurt en ressentant de la colère n’avait pas cette force. Elle mourrait dans la haine. Elle devait pardonner à son bourreau avant de s’éteindre. Et, à cet instant, son âme deviendrait limpide et calme, d’une quiétude jamais égalée. « A l’inverse, si vous ne pouvez pas supporter l’équilibre et la perfection, eh bien continuez à vous laisser aller. Mais attention, vos démons que vous chérissez tant vont vous attendre au tournant. » ajoutai-je avec ma malice habituelle. C’était un jeu dangereux, et plus il me parlait, plus je doutais qu’il en ressorte vivant. Il était désinvolte, mais il s’attachait aux autres, et il les aimait, apparemment assez pour que cet amour devienne les flammes qui lui brûleraient les ailes.

« J’essaie de dompter mes démons. C’est dur, mais j’ai promis de baisser ma consommation. » me dit-il. Je ricanai. Regarde, Julian, je suis en train de penser à toi et à ton addiction à la cigarette, et je trouve ça franchement drôle finalement. Je t’ai pas tant menti que ça, en fait, tout à l’heure. « J’ai la chance d’avoir une petite amie flexible, je lui dois bien ça. Après tout elle supporte mes élans de conscience pour une autre avec une indulgence feinte mais pas des moindres. » Je penchai la tête et le fixai, retirant ma cigarette d’un geste svelte. « Qui sait, je suis peut-être un de vos démons, avec mes clopes et mon mystère. » soufflai-je dans un nuage de fumée. Peut-être que tout ceci n’était qu’un rêve et qu’il allait se réveiller dans les bras de sa copine indulgente, ébranlé par une telle nuit d’analyse intérieure. Sauf que, ironie du sort, dans ces cas-là, j’étais persuadé que c’était le genre de gars à oublier la fin de ses rêves, vu l’efficacité qu’il fournissait pour finir ses romans. Oh, non, encore du sarcasme. J’étais vraiment incorrigible. « Décidément, vous êtes un homme très divisé, à la fois en votre for intérieur mais aussi avec les autres. Vous rendez la sérénité bien difficile à atteindre. Enfin, voyons, je ne suis pas bien placé pour vous donner des leçons, ce serait un peu prétentieux. Surtout que j’ai toujours trouvé les gens volages bien plus passionnant que les couples stables. Mais ça, c’est parce que je lis beaucoup trop, j’ai tendance à oublier dans quel monde on vit. » Je laissai mon paquet de cigarettes là où il était. C’était à lui de résister à la tentation, et non à moi de le caresser dans le sens du poil. Je glissai à nouveau mon filtre entre mes lèvres et …

… quoi ? Fin de l’histoire ? Julian, tout cela n’était-il qu’un rêve ?
Non, voyons. Je n’avais pas la carrure d’un démon. Et j’allais laisser mon compagnon me répondre, il était si fort pour inventer la suite des événements. Un vrai poète.
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() message posté Dim 4 Jan 2015 - 21:49 par Invité
“It is during our darkest moments that we must focus to see the light.”  La violence de mes pensées se faisait cuisante. J’entendais les cris désespérés de ma conscience bataillant sans fin contre les révélations du monde et les clartés du jour. Le parc était austère. Les gens étaient pressés. Le lac était routinier. L’air était le même partout ailleurs, glacé et vicieux. Tandis que je bouillonnais dans ma propre lave. J’étais en fusion, pris au piège entre deux identités. Je pouvais être l’amoureux bienveillant, ou le solitaire téméraire. Je pouvais aimer ou philosopher sur l’amour. Pour moi, il n’y avait pas de juste milieu. Il n’y avait rien d’autre que le vide. Thomas se redressa tout à coup, son expression changea, transfigurant le cours de mes raisonnements. Il semblait amusé par les propos que je tenais. Sans nul doute,  je n’étais pas à la hauteur d’un grand penseur ! grinça mon démon  intérieur avec une demi-mesure de sarcasme. Je plissai les yeux avec malice. J’avais bien des lacunes, mais je pouvais compter sur mes charmes volatils afin de captiver mon interlocuteur. Heureusement pour moi, d’ailleurs ! Je me penchai avec lenteur, prenant la pause du fourbe individu. «  Mais je pense à ce que vous me dites, à comment vous laissez vos mots jaillir parce que vous semblez exténué par le simple fait d’exister, et je réfléchis à votre opinion, à vos idées et le plaisir que vous prenez en fumant une simple cigarette. Je pense à l’illusion d’impasse que vous vous acharnez à avoir. Je ne savais pas que j’avais un air si mystérieux. . »Je ris avec légèreté, me moquant presque de son analyse. Après tout, mes longs discours lui avaient apportés tous les éléments de réponses.  Son sourire narquois m’invitait à dévoiler mes vices cachés. Je n’étais pas le brave homme en manque d’inspiration, et il était loin d’être le simple professeur de littérature française. Ma langue claqua contre mon palais, aspergeant mes muqueuses de poisons et de désillusions. Je voulais me lancer dans une joute verbale sanglante, et explorer les tréfonds de mon esprit. C’était lamentable de l’avouer, mais je ne prenais jamais le temps de savoir ce que je pensais réellement de la vie. C’était au milieu du débat – ou du combat entre les vanités littéraires, que je réalisais peu à peu qui j’étais. « Vous avez l’air …   » Je marquai un silence en détaillant les traits de son visage. Il tenait sa cigarette d’une manière presque noble, je soupçonnais un rang social élevé ou une éducation sévère. Les règles de bienséances de la société londonienne, ne l’avaient pas raté. « … Vous avez l’air d’un grand penseur …   » Finis-je par trancher afin de le taquiner. Ma désinvolture bravait tous les dangers afin de souligner mon allure. Je n’étais certainement pas doué aux jeux du mystère, mais mon compagnon de labeur me poussait dans mes limites spirituelles. C’était certainement un talent acquis lors de l’exercice de ses fonctions d’instructeur, ou une déformation professionnelle visant à délier la langue de l’étudiant muet au regard ténébreux caché au fond de la classe. Je souris en frottant mon dos contre le banc.

« Oh, mais il faut garder espoir. Comment voulez-vous faire changer les choses sans espoir ? Quelque part, il faut continuer à croire en son pouvoir. Vous êtes indécis, bien sûr, dans un monde pareil, qui ne l’est pas ? Mais vous avez le temps, vous n’allez pas mourir demain. Vous avez le temps de faire votre choix. Et vous avez le temps de trouver la fin adéquate pour votre livre. Qui vous presse ? Moi ?  . » Il sourit, et je ne pus m’empêcher de le rejoindre dans son hilarité. En effet, rien ne me pressait – surtout pas lui. Mais il y avait quelque chose dans le ton de sa voix, une affirmation plus légère que le défi, mais aussi poignante qu’un coup de pied au derrière, qui me donnait envie de le contredire.  «  Et l’amour, ce sentiment si noble, vous en parlez comme s’il vous faisait autant de mal qu’un couteau dans le cœur. Je croyais que c’était quelque chose de doux, pourtant, quelque chose d’épanouissant. Enfin, après tout, je ne suis pas un grand spécialiste – je suis trop détaché et trop con pour comprendre l’amour.  . » Il arbora le visage de l’indolence avant de continuer sa plaidoirie. Les vapeurs grises de sa cigarette valsaient autour de ses souffles réguliers, comme pour appuyer ses dires. Je soupirai, tout en restant concentré sur sa bouche. «  Si vous voulez une fin heureuse, commencez d’abord par pardonner à ceux qui vous ont fait du mal. Même s’ils ne sont pas désolés, là n’est pas l’important. Le pardon, c’est la clé, car vous atteindrez bien plus que la stabilité : vous serez serein. A l’inverse, si vous ne pouvez pas supporter l’équilibre et la perfection, eh bien continuez à vous laisser aller. Mais attention, vos démons que vous chérissez tant vont vous attendre au tournant. . » Après quelques minutes de réflexion, je me permis de secouer la tête. Non. Ça ne marchait pas comme ça, malgré ses belles paroles, et les perspectives charmeuses qu’il pouvait énumérer. Je ne pouvais pas pardonner aux personnes qui me m’avaient fait du mal, car j’avais déjà expié tous mes pêchers par la vengeance. A présent, la seule personne qui me faisait souffrir, n’était autre que mon propre reflet dans la glace.« Êtes-vous optimiste, Thomas ?   » Lui demandai-je avec un détachement presque déconcertant. « Je ne cherche pas à vous offenser, mais vous êtes à l’image du chevalier ténébreux – celui qui apparait à la dernière minute pour faucher tous les espoirs, et cheminer les âmes jusqu’à la mort. Mon expression est peut-être trop imagée, mais … Venez de vous, cet homme sombre et étrange que je ne connais pas, mais dont j’apprécie d’ores et déjà l’esprit, une telle déclaration sur l’espoir et l’amour me parait surfaite. Êtes- vous optimiste ou romantique ? Je suis presque sûr que non. » Ce n’était pas une question d’égo, mais je voulais réellement comprendre. Peut-être qu’au fond, nous étions tous pareil face à la fatalité. Il y’ avait une part de noirceur, et toujours une lueur d’espoir pour l’accompagner. Il y’avait le dédain, et l’amour en même temps. Peut-être que nous n’étions pas plus différent du commun des mortels, malgré nos débâcles philosophiques et nos airs pompeux.

Il retira une cigarette d’un geste parfait. Ses mouvements étaient en harmonie avec les bruits de la nature. Je le regardais, émerveillé par ses grands gestes. Il avait l’air si … serein. Etait-il arrivé, contrairement à moi et aux autres, à tromper les doigts dans la coupe dégoulinante de l’indulgence ? Avait-il pardonné à tous ceux qui avaient failli devant lui ? Ou peut-être était-il trop imbu de sa personne pour se rendre compte qu’il ratait ses propres sentiments ? «  Qui sait, je suis peut-être un de vos démons, avec mes clopes et mon mystère.. » Il m’extirpa de ma crypte, et je le gratifiai d’un sourire évasif. « Vous avez l’air trop droit pour être un démon. »   M’amusai-je. «  Mais j’accepte volontier de laisser le son de votre voix raisonner à mon oreille à chaque fois que je m’apprête à faire le juste choix.   »  Je glissai les doigts vers la boite de pandore afin de capturer une nouvelle cigarette. Misère ! Je n’avais aucun self-control. Ce diable était bien plus futé que tous les autres.  Mais, je pouvais toujours me consoler en pensant que je ne l’avais pas encore allumé.

« Décidément, vous êtes un homme très divisé, à la fois en votre for intérieur mais aussi avec les autres. Vous rendez la sérénité bien difficile à atteindre. Enfin, voyons, je ne suis pas bien placé pour vous donner des leçons, ce serait un peu prétentieux. Surtout que j’ai toujours trouvé les gens volages bien plus passionnant que les couples stables. Mais ça, c’est parce que je lis beaucoup trop, j’ai tendance à oublier dans quel monde on vit.   » Je me retournai vers lui, alerte. Je réceptionnais chacune de ses remarques comme si son avis pouvait compter plus que le mien. Je ris, amusé par ma propre bêtise avant de me redresser, la cigarette toujours pendue au bec.« La sérénité n’est pas une fin en soi. L’accomplissement est une quête sans fin, il faut tout le temps trouver une nouvelle ambition – la simplicité n’est pas satisfaisante. Ce n’est qu’une pâle imitation de ce que pourrait être le bonheur. Or, il n’existe pas vraiment. Il faut qu’il soit accompagné de douleurs et de doutes pour exister. C’est la beauté de l’univers. Tel que je la vois, et que je la dépeins. » Je fronçai les sourcils. Pourquoi mon livre devrait-il se terminer par une affirmation, lorsque je pouvais poser autant de questions existentielles que je le voulais ? Je fis la moue, en me résignant à fumer. Après tout, une âme torturée n’était rien sans les poisons de la nicotine.
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