Il aurait pu croire que je battais en retraite, que je le fuyais, mais non, il se trompait lamentablement. Je me détachais simplement de sa mauvaise emprise. Je l'ignorais, je faisais fi du démon qui se promenait dans la librairie. J'avais trop longtemps laissé son emprise guidée ma vie. J'étais libérée à présent et je m'en sentais que mieux. Dans le backstore, je me dirigeai vers les divans qui y étaient présents, mais je déviais vers la machine à eau chaude que je mis en marche. J'avais bien envie d'un thé pour me détendre. Mais je sentais déjà que j'allais mieux. La pénombre envahissait la pièce, ce qui accentuait mon réconfort. Ce que je ne savais pas, c'était que le démon n'était pas parti, qu'il guettait de nouveau sa proie, prêt à fondre sur elle d'une seconde à l'autre, tentant du mieux qu'il le pouvait de la posséder de nouveau avec son charisme déviant. Sans que je ne le remarque, il s'était glissé dans la pièce et avait mis ses mains à mon cou. Je sursautai violemment, cherchant un moyen de fuir, mais encore une fois, mon corps ne voulait pas suivre. « J’espère que tu n’es pas assez stupide pour crier. » murmura-t-il, se penchant vers mon visage. Theodore était tout près de ma bouche. Je ne savais plus quoi faire. Avait-il l'intention de mettre ses menaces à exécution? Je m'étais inventée tout un tas de scénario dans les mois qui avaient précédé ce moment. Il fallait croire qu'un d'entre eux allait finalement se réaliser. Je n'étais pas certaine que ce serait quelque chose qui me convenait... « Que me reproches-tu au juste petite libraire ? Tu en veux plus ? Tu regrettes peut-être …» ajouta-t-il. Je le fixai droit dans les yeux, tentant avec de plus en plus de difficulté de garder la tête droite et fière. Mais je commençais à faillir. J'avais peur et ça devait se lire sur chaque trait de mon visage. « Oui, je regrette... J'ai écarté les cuisses devant un monstre.... » lui dis-je, fronçant les sourcils. Autant lui dire ce que je pensais réellement pendant qu'on y est. Un regain de courage peut-être? Ce dernier disparaissait à petit feu. « Lâche moi! » lui dis-je, ferme, prenant son bras pour me détacher de lui. Plusieurs émotions se bousculaient dans ma tête, mais cette fois-ci, je ne céderais pas comme la dernière fois. Ça avait été une belle erreur et ça ne se reproduirait jamais. J'en avais fais la promesse. « Je ne veux plus vous voir. Jamais. » lui dis-je, détachant chaque syllabe du dernier mot prononcé. Je le pensais. Je l'avais en horreur. Qu'il aille faire son cirque ailleurs! J'en avais plus qu'assez.
Theodore était un manipulateur. Il avait eu accès à mon esprit quelque temps. Je ne voulais pas me l'avouer à moi-même, mais il exerçait toujours, que je le veuille ou non, un certain contrôle de mes sens, mais je ne voulais plus être son pantin. J'avais voulu un moment en savoir plus sur lui, mais c'était terminé. J'en avais assez de jouer avec le danger. Je m'étais brûlée. Je ne voulais pas finir brûlée vive.
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“Smart people learn from their mistakes. But the real sharp ones learn from the mistakes of others.” ✻ Mes doigts se fermaient sur son cou parfumé avec lenteur. Je pouvais sentir sa peau vibrer sous ma prise haineuse. Mon cœur battait la chamade, animé par le désir de détruire toute forme de compassion, de bonté ou de lumière présente dans la pièce. Je rencontrais son visage sans y retrouver l’étincelle charmeuse de la jeune libraire. Elle avait sauté à pieds joints dans mon univers étrange et sanguinaire. A présent, elle n’était plus libre de partir. Ma présence ombrageuse était différente des mythologies stupides qu’elle avait l’habitude de connaitre – J’étais un monstre et j’étais bel et bien réel. Mes veines glacées pompaient les poisons de la désillusion dans mon système saccagé par le vice et la perversion. Elle m’excitait – toujours et encore. Pas parce qu’il s’agissait d’elle ; Delilah Weiss ou peu importe son nom, mais parce qu’elle possédait l’attrait particulier de la femme aguicheuse et indomptable. J’aimais les femmes. Je charmais les femmes et je les oubliais afin de recommencer ce cercle de délectation vicieux. Mes bras raides s’écartèrent en direction de ma poitrine avant que je ne la retienne prisonnière de mes griffes, contre le mur du fond. « Oui, je regrette... J'ai écarté les cuisses devant un monstre.... » Oh, mais tu me froisses. Son acharnement éveillait mon penchant démesuré par le vice. L’odeur de la peur envahissait les alentours. Je sentais la puanteur d’un cœur usé, effrayé et mou. Elle posa ses mains sur mes bras en me poussant légèrement, mais tous ses efforts étaient réduits à néant face à ma poigne de fer. « Lâche moi! » Je plissai le front en me laissant submerger par un sentiment de satisfaction médiocre. Elle sortait de sa zone de confort afin de me tenir tête. Je la voyais se débattre contre mon emprise sans parvenir à se dérober de mes filets. « Je ne veux plus vous voir. Jamais. » Ma gorge fut secouée par un rire sonore alors que je la plaquai de nouveau contre mon torse. Je dirigeais tous mes ressentiments envers moi-même et envers tous les Hommes. L’étouffement de tous mes sentiments se dispersait autour de mon esprit avec une contrariété profonde et mauvaise. J’étais sourd d’oreille mais je pouvais entendre les battements de mon cœur effréné, annonçant ma chute inéluctable. Je déglutis en parcourant les jointures de sa mâchoire d’un geste agile et désespéré. Pourquoi a-t-il fallu que tu croises mon chemin ? Je t’avais prévenu. Je ne suis pas un policier ordinaire. Ma double identité fait de moi un être raffiné, intelligent et particulier. Ma langue claqua contre mon palais afin de ponctuer mes paroles alors que je restais immobile contre la jeune brune. Son parfum boisé recouvrait peu à peu les effluves de ses émotions. J’étais prêt à venger mon honneur lorsque le visage poupin de Jasmine apparut derrière mes paupières. Je réprimai une grimace de dégout avant de m’éloigner brusquement. Ma fille – J’ai une fille maintenant. Cette affirmation me paralysait les sens. Je plongeais lentement dans la douleur. Je croisais mes bras sur mon torse. Mon regard luisant se posa sur Delilah pendant un long instant, où je fus incapable de détailler les traits de son visage horrifié. Je ne savais pas ce qui m’arrivait. Je ne connaissais pas les valeurs de ce regain de conscience . J’étouffais dans mon propre corps. Mes semelles craquèrent en avançant à reculons vers la sortie. Je disparaissais, sans adresser la moindre explication, le moindre mot à la jeune femme que je venais de brutaliser par pur dépit. Mes pensées se bousculaient dans ma tête. J’avais l’impression d’être exclu, rejeté par ma propre vie.