(✰) message posté Ven 6 Fév 2015 - 22:53 par Invité
Je me sentais mise au pied du mur. Poussée dans les derniers retranchements de mon coeur. Je ne réagissais jamais bien dans ces situations. Je me sentais obligée d’attaquer pour ne pas me laisser disparaître. Il s’agissait là du combat que je m’étais donné depuis des années : ne pas me laisser submergée, façonnée par ce que tout le monde attendait de moi. Ma vie entière était régie par des règles, des précautions, des échéances. J’avais du renoncer à de nombreuses aspirations et je refusais désormais de continuer. Le mot bébé heurtait mes oreilles. Il me donnait des envies de rebellions que je n’avais pas l’habitude de réfréner. Je m’interrompis cependant lorsque James coupa mon flot de paroles dans un geste exaspéré. « C’est bon, arrête ça ! Stop. Tu parles de mes rêves, de mes illusions mais tu ne sais absolument rien de tout ça. Quand bien même, cela ne te donne pas le droit de te montrer aussi vindicative envers moi. Je ne pense pas avoir avait fait quoi que ce soit pour mériter ça. » Quoiqu’il en dise ce soir, je connaissais ses rêves, j’étais confrontée à ce qui était pour moi ses illusions. Il me les confiait régulièrement, il me les narrait avec tout le lyrisme dont il était capable. Un romanesque, que James l’avoue ou non, c’est ce qu’il était. Il émanait de lui des idéaux de vie qui me fascinaient et m’impressionnaient d’ordinaire, me tenaient à l’écart ce soir. Je mourrais d’envie de lui répliquer qu’il était celui qui avait lancé les hostilités. Que je n’avais fait que lui exprimer mes envies et qu’il s’était empressé de les juger, de les analyser, de me les reprocher, les mettant sur le compte d’un manque émotionnel flagrant combiné à un obsessionnel besoin de contrôle. Je mourrais d’envie mais cela aurait été puéril. Puéril et indigne. Jusqu’à maintenant, je n’avais pas élevé la voix, ou crié comme une névrosée à bout de patience. Je m’étais tenue éloignée des excès de colère dont j’avais souvent été témoin. « Tu savais quelle serait ma réaction. Désolé de ne pas être un sombre connard, peu enclin à assumer ses responsabilités. Contrairement à ce que tu sembles croire, je ne cherche pas à te faire culpabiliser. Je te l’ai déjà dit, tu fais ce que tu veux. Ca ne veut pas dire pour autant que je dois adhérer à cette décision. » Je prenais chacune de ses justifications comme une énième façon de me culpabiliser. Tu fais ce que tu veux. Mais à quel prix ? Cela signifiait-il que je perdrais son affection, son approbation, son respect ? Poserait-il désormais toujours ce même regard vide et moralisateur que celui qu’il m’accordait à l’instant ? « C’est échapper à mes responsabilités que de vouloir mettre un terme à tout ceci ? » Nous nous sommes observés une seconde sans rien dire. J’avais quelque peu reculé vers le fond de la cuisine, avant de toucher le réfrigérateur. « Pourquoi tu es là, Lexie ? Je veux dire … je suis quoi au juste ? Un passe-temps ? Non parce qu’au regard de toute l’amertume que tu mets dans tes propos, je me demande sérieusement ce que tu attends de moi. Que je sois le spectateur de ta majestueuse descente aux enfers ? Tu as le droit de ne pas vouloir espérer, croire ou rêver. En revanche, tu n’as pas le droit de m’en empêcher, moi. Pas plus que tu n’as le droit de me le reprocher. » L’espace d’une seconde, je retins ma respiration, sentis mon cœur manquer un battement. J’étais partagée, déchirée par l’envie de le contredire, de le rassurer puis par celle de répliquer violemment en l’entendant poursuivre. Etait-ce vraiment ce qu’il pensait ? Que je n’avais fait que m’amuser, me servir de lui pour occuper mes journées ? Pourquoi dénigrait-il mes aspirations sous prétexte qu’elles ne correspondaient pas aux siennes ? J’espérais, je croyais et je rêvais. Je rêvais de pouvoir reprendre ma vie, je croyais au fait d’obtenir mon diplôme, devenir avocate. J’espérais pouvoir rentrer ensuite auprès de lui. Je nourrissais des ambitions, je courais après ces chimères, je les traquais en moi-même. Pourquoi les dénigrait-il ? « Nous n’avons aucun droit l’un sur l’autre. » constatai-je, avec une pointe d’amertume. C’était plus fort que nous. J’en venais à penser que tous ces reproches étaient là, en nous, depuis longtemps. Nous l’avions tu, censuré. Comme si ce n’était jamais le moment. Et tout ceci jaillissait soudainement, avec cette violence sourde et irrépressible. J’avais l’impression que, même si nous l’avions, voulu, nous n’aurions rien pu arrêter. « J’en ai besoin, tu comprends ? J’en ai besoin parce que j’ai parfaitement conscience que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Mais je n’ai pas envie de vivre avec la peur au ventre. J’en ai besoin, parce que si un jour tu venais à disparaître, je ne sais pas si je serais capable de me relever. J’en ai besoin car tu donnes du sens à ma vie. Parce-que j’ai besoin de toi, tout simplement. Vivre sans penser à demain, cela signifie pour moi qu’il n’y aura pas de lendemain. Et ça, vois-tu, j’en suis incapable. » Je cherchai son regard, ce regard bleu qui m’enveloppa comme d’ordinaire sitôt qu’il me l’accorda. Je sentis mon cœur se serrer et les assauts de ma mauvaise conscience redoubler d’ardeur. Je n’y lisais pas ce que j’aurais imaginé. J’avais été prête à me confronter à sa colère, son agressivité, ses répliques tout autant amères. Je n’étais pas apte à supporter son chagrin et sa déception. « Je ne te suffis pas. » conclus-je en un souffle, en réalisant lentement ce qu’impliquaient ses paroles. Je n’étais jamais assez. Je ne serais jamais assez. « Et merde, tiens ! » s’exclama-t-il et je lui lançai un regard acéré en l’observant quitter la pièce. Je restais immobile, attentive à mes respirations censées calmer les douleurs musculaires qui faisaient tressaillir mes membres. Juste avant de me décoller enfin du pan de mur pour le rejoindre dans le salon. C’était par ici que je devais passer. « Je ne savais pas que tu me voyais ainsi. J’ignorais que j’étais cette personne froide et défaitiste à tes yeux. Je ne veux pas d’enfants, je ne suis pas faite pour en avoir. L’avenir que j’imaginais à tes côtés n’en comportait pas, en effet, pas plus que de mariage ou que sais-je encore. Je n’ai pas besoin d’être encadrée, je n’ai pas besoin de tous ces repères pour avoir l’impression de vivre ma vie. Ca ne fait pas de moi le robot sans cœur que tu sembles découvrir. » le contrariai-je une dernière fois en le transperçant du regard. Ses mots résonnaient dans mon esprit dans un vacarme assourdissant. Ce bruit dans ma tête m’empêchait de bien penser. Je fermai les yeux, cela cognait de plus belle. De grands chocs dans un grand vide. « Tu veux que je parte ? » m’enquis-je placidement. Je n’attendis de toute façon pas sa réponse avant de me diriger vers notre chambre, sa chambre, pour récupérer mes affaires. « Je prendrais rendez-vous … James, il y a plus de 40% de fausses couches chez les patientes dialysées, de toute façon. Et j’ai tendance à toujours tomber pile dans ce genre de statistiques ... » Je me mordis l’intérieur de la joue avant de tourner les talons et de rentrer dans sa chambre. J’avais conscience de ce que je dégageais, je tenais à mon pragmatisme, peu importe s’il était perçu comme du cynisme. Peut-être que je n’aurais pas à prendre rendez-vous. Peut-être que mon corps se rendrait-il compte de lui même de l’absurdité de la situation. Peut-être qu’il se rendrait compte qu’il n’était pas apte à accomplir quoique ce soit, pas apte à donner la vie. Pas apte, jamais.
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(✰) message posté Sam 7 Fév 2015 - 12:53 par Invité
Elle était revenue à la charge, probablement soucieuse de garder cette image d’elle-même. L’image de la jeune femme qui n’a peur de rien, qui n’a aucune faiblesse, la jeune femme qu’il avait autrefois connu. Pourtant, James n’y croyait pas à ce masque de certitudes et de confiance en elle. Il ne lui fallut que peu de temps pour prendre une décision ; répliquer à son tour à chaque coup de poignard qui le transperçait, ou la laisser faire, afin qu’elle évacue ce qu’elle avait sur le cœur. Il avait choisi la deuxième option. Sans doute allait-elle considérer son silence comme une énième provocation, mais il essayait surtout de la ménager. Il n’était donc pas question de surenchérir. C’était peine perdue. James n’aimait vraiment pas la tournure que prenait leur échange. Ainsi il l’écouta sans l’interrompre, sans détourner les yeux et en conservant un calme olympien. Ce même calme qui le faisait passer pour un homme insensible et dénué de toute forme de compassion. Toutefois, nul ne pouvait se douter de la peine qu’il ressentait face à ses critiques. Une fois qu’elle eut terminé, il patienta quelques secondes, le temps qu’elle puisse prendre une bouffée d’air et puisse l’écouter à son tour avec attention, et possiblement comprendre qu’il n’était pas son ennemi. « La seule chose que je voulais que tu comprennes, c’est que je t’aime envers et contre tout.» Voilà comment résumer en quelques mots ce qu’il essayait de lui faire comprendre depuis de longues, très longues minutes. Que pouvait-il faire de plus si ce n’est se montrer présent et l’aider à surmonter au mieux cette épreuve ? Hélas, tout ce qu’il pouvait dire ou faire semblait se retourner contre lui. Il était sans doute préférable qu’il conserve le silence et la laisse agir à sa guise. « Tu veux que je parte ? » Quoi ? Non, voyons ! Doucement, il hocha la tête de droite à gauche. Il ne voulait pas qu’elle s’en aille, c’était absurde. Il allait le lui dire, mais c’était peine perdue puisqu’elle tournait déjà les talons afin de traverser l’appartement en direction de la chambre. « Je prendrais rendez-vous … James, il y a plus de 40% de fausses couches chez les patientes dialysées, de toute façon. Et j’ai tendance à toujours tomber pile dans ce genre de statistiques ... » Donc 60% parvenaient à mener leur grossesse à terme. C’est tout ce qu’il avait retenu des propos de Lexie. Mais qu’importe. Intérieurement, l’éditeur fulminait. Non pas seulement à cause de cette décision, mais avant tout car Lexie ne tenait absolument pas compte de ce qu’il pensait ou ressentait. Elle avait mis cette conversation sur le tapis et était désormais en train de prendre la fuite. Comme toujours. « Tu n’as pas répondu à ma question. » Non, il ne savait toujours pas ce qu’il représentait pour elle, ni quel était son rôle au sein de la vie de la jeune femme. James avait cette exaspérante manie de toujours rester calme et placide. A son tour, il s’avança en direction de la chambre, s’appuya contre l’encadrement de la porte avec nonchalance et observa Lexie qui s’affairait à récupérer ses affaires. « Arrête ça, c’est ridicule. Tu n’es pas obligée de t’en aller. Ce n’est pas ce que je souhaite en tout cas. » Ceci dit, James n’avait pas l’intention de la retenir contre son gré. Il savait que le moment était particulièrement mal choisi pour tenter de la raisonner et que quoi qu’il puisse dire, tout ceci allait finir par lui retomber dessus. « Ne pourrions-nous pas avoir une conversation normale sans que tu finisses par te braquer ou prendre la fuite ? J’essaie de te comprendre. Crois-moi, j’essaie vraiment. Mais en dépit de tous mes efforts, je ne parviens toujours pas à saisir ce qui te pousse à réagir ainsi. Parfois j’ai comme l’impression que rien n’a changé entre nous. Que nous sommes toujours ce couple d’amants terribles refusant de s’impliquer sentimentalement parlant. Je pensais pourtant que nous avions passé ce stade. Que nous pouvions désormais nous faire confiance et évoquer nos bonheurs, nos doutes et nos peines en toute sérénité.» Pour sa part, James avait toujours considéré Lexie comme sa confidente, sa meilleure amie… Il n’était pas effrayé à l’idée de lui faire part de ce qui n’allait pas. Au contraire, elle était même la seule personne en qui il puisse réellement avoir confiance. Savoir que ce sentiment n’était pas réciproque était blessant pour lui. Pas seulement parce que son égo en prenait un coup, mais avant tout car il pensait qu’ils étaient différents de tous ces autres couples. Tous ceux auxquels James n’avait pas la moindre envie de ressembler. « Je sais bien que tu n’es pas un robot sans cœur, Lexie. Je l’ai toujours su. Pourtant, tu sembles vouloir me faire croire le contraire, encore et encore. C’est ça que je te reproche. Cette manière que tu as de te cacher, d’être sur la retenue en permanence. Même mes manuscrits anciens sont plus faciles à déchiffrer que tes émotions, c’est dire.» Un léger sourire en coin se dessina sur ses lèvres. Il ne fallait pas lui en vouloir. Même si la situation ne prêtait pas à rire, James ne parvenait pas à se mettre en colère contre elle. Il était peiné, confus et déstabilisé, mais en aucun cas il n’avait l’intention de péter les plombs. « J’ai entendu ce que tu as dit tout à l’heure ; que tu ne me suffis pas. Hum… en fait j’aurais tendance à dire que c’est tout l’inverse Je parviens à me contenter de toi. Uniquement de toi. Il n’y aurait personne d’autre sur cette planète, rien d’autre que nous deux que ce serait déjà suffisant à mon bonheur. Crois-moi, c’est plutôt flippant de ressentir tout ça. Parce-que je sais que cela ne durera peut-être pas. Que si un jour tu n’es plus là, je n’aurais rien à quoi me raccrocher.» Pas même à son absence, puisqu’elle ne vivait pas avec lui. Pas même à l’idée de savoir qu’ils étaient unis au-delà de l’éternité puisqu’elle refusait l’idée de se marier. Pas même à … cet enfant qu’il pourrait avoir ensemble. « Je suis peut-être un peu trop conventionnel sur les bords mais c’est le risque à prendre quand on sort avec un vieux con.» ironisa-t-il en demeurant contre la porte. « Je suis désolé Lexie.» Son sourire s’estompa doucement, jusqu’à ce qu’il retrouve son sérieux. Désolé ne pas être celui qu’elle voudrait qu’il soit. D’être trop maladroit pour la rendre heureuse. « Peut-être qu’on devrait … » James se mordit la lèvre. Oui, peut-être qu’ils devraient songer à mettre un terme à tout ça.
Je n’étais pas de celles à se contenter des silences pour effacer les conflits. Je n’étais pas de celles à accepter les soupirs comme seules conséquences de nos désaccords. J’aurais voulu m’emparer de lui, le secouer, lui hurler de me répondre quelque chose, n’importe quoi. N’importe quoi plutôt que ce calme olympien et glaçant qui me donnait l’impression d’être la seule à ressentir, la seule à voir ce qui se tramait, la seule capable d’avoir des regrets plus tard. Il me traitait comme une bombe à retardement qu’il fallait manier avec la plus extrême des prudences. Il me traitait comme si j’étais cette chose instable prête à déborder à tout moment et qu’il ne voulait surtout pas confronter. Il me traitait comme si j’étais à ménager, me regardant de haut, de toute sa superbe que j’aimais si follement, si intensément mais qui ne faisait que nourrir mes ressentiments aujourd’hui. Il y avait trop de choses qui se jouaient, trop d’espoirs qui ne se réaliseraient pas, trop d’embûches sur nos chemins respectifs, trop de ratures que nos cœurs avaient subi. Il n’en exprimait aucune, face à moi. Il avait cette faculté de voir plus loin, d’attendre le mieux sans jamais se révolter. Je savais qu’il était dans le vrai. Je savais qu’il était celui qui s’en sortait, qui brillait, qui s’élevait. Je mesurais l’immense gâchis que je créais, seule, l’immense gâchis que j’incarnais. J’avais besoin de cendres pour renaître, de tempêtes pour reconstruire. « La seule chose que je voulais que tu comprennes, c’est que je t’aime envers et contre tout. » me répondit-il sereinement. Voilà ce qu’il me donnait. Voilà ce qui me projeta à nouveau deux pas en arrière, avant de rejoindre sa chambre. Il posait sur moi des regards que je ne comprenais pas. Il avait pour moi une compréhension et une patience qui me perdaient. J’étais injuste. J’étais incisive. Et il ne disait rien, il m'aimait sans me comprendre, il m'aimait en attendant que je me calme. C’était plus que ce que je n’avais jamais eu, plus que ce que je savais gérer. Les oppositions ne me faisaient pas peur, pas avec les êtres aimés. Pas lorsque je savais que ça ne changerait rien, qu’une fois les colères exprimées, je serais toujours sienne. Mais il ne méritait pas mes fracas s’il ne répliquait pas, pas plus que je ne méritais son indifférence. Je voulais qu’il me dise que j’allais trop loin, je voulais qu’il me secoue, m’oblige. Je savais que je ne l’accepterais pas tout de suite, que je me débattrais mais je reviendrais. Je reviendrais toujours à lui. « Arrête ça, c’est ridicule. Tu n’es pas obligée de t’en aller. Ce n’est pas ce que je souhaite en tout cas. » Je m’étais redressée en l’entendant arriver derrière moi, fermant les yeux quelques secondes pour dissiper les vertiges. Je tenais toujours un de mes hauts entre les mains mais je me laissai m’asseoir sur son lit, avant de lever enfin mon regard sur lui. « Ne pourrions-nous pas avoir une conversation normale sans que tu finisses par te braquer ou prendre la fuite ? J’essaie de te comprendre. Crois-moi, j’essaie vraiment. Mais en dépit de tous mes efforts, je ne parviens toujours pas à saisir ce qui te pousse à réagir ainsi. Parfois j’ai comme l’impression que rien n’a changé entre nous. Que nous sommes toujours ce couples d’amants terribles refusant de s’impliquer sentimentalement parlant. Je pensais pourtant que nous avions passé ce stade. Que nous pouvions désormais nous faire confiance et évoquer nos bonheurs, nos doutes et nos peines en toute sérénité. » Je hochai la tête une fois, doucement. Je voulais lui promettre que c’était le cas, lui promettre que tout avait changé mais je sentais les mots s’étouffer au fond de ma gorge, abasourdis par le fait qu’il puisse les remettre en question. Je ne pouvais pas changer. Je ne pouvais pas, il ne voulait pas que je change, il me l’avait dit. Et je l’observais, ce soir, remettre tout en question. Je lui avais crié mon amour, je le lui avais murmuré, promis. Je le lui avais montré, de toutes les manières possibles. C’était quelque chose que je chérissais, que j’embrassais, que j’exprimais sans retenue aujourd’hui. Mais je n’avais jamais été cette fille qui s’épanchait sur ses peines ou ses brisures. Elles étaient là et je les taisais. Ce que je considérais comme une force de caractère, il me l’enlevait à présent. Il voulait me l’enlever et je n’étais pas prête à le laisser faire. « Je sais bien que tu n’es pas un robot sans cœur, Lexie. Je l’ai toujours su. Pourtant, tu sembles vouloir me faire croire le contraire, encore et encore. C’est ça que je te reproche. Cette manière que tu as de te cacher, d’être sur la retenue en permanence. Même mes manuscrits anciens sont plus faciles à déchiffrer que tes émotions, c’est dire. » Je surpris une nouvelle fois son sourire, ce sourire que je ne comprenais pas. Ce sourire auquel j’aurais voulu répondre mais qui ne trouvait pas son sens. J’avais mal au cœur de nous voir ainsi. Cette sensation qu’on aurait pu penser n’être qu’une expression jusqu’à ce qu’on la ressente, littéralement. J’avais envie de me laisser à ma peine de nous voir ainsi, de me laisser aller à lui hurler tout ce que je ressentais jusqu’à perdre conscience. Je cherchais d’autres images, d’autres manières, d’autres émotions capables de me desserrer la gorge pour tout laisser sortir, même ces larmes qui ne coulaient plus depuis une éternité. Mais je restais ardente, seulement, incapable d’exprimer ma douleur autrement. « Mes émotions, je devrais les mettre en scène ? Il n’y aurait qu’une seule façon de ressentir, de souffrir, d’aimer ? » Je me relevai pour lui faire face. « Je suis ce que je suis, je ne te cache rien, c’est toi qui ne veux pas voir. Regarde moi. » le suppliai-je presque, dans une énième tentative qu’il me rejoigne, qu’il me l’accorde, au moins ça. « J’ai entendu ce que tu as dit tout à l’heure ; que tu ne me suffis pas. Hum… en fait j’aurais tendance à dire que c’est tout l’inverse Je parviens à me contenter de toi. Uniquement de toi. Il n’y aurait personne d’autre sur cette planète, rien d’autre que nous deux que ce serait déjà suffisant à mon bonheur. Crois-moi, c’est plutôt flippant de ressentir tout ça. Parce-que je sais que cela ne durera peut-être pas. Que si un jour tu n’es plus là, je n’aurais rien à quoi me raccrocher. » Ce que je lui donnais ne lui suffisait pas, ne lui suffisait plus. Il avait beau affirmé le contraire, nous en revenions toujours à ce point. Je serais toujours à ses yeux celle qui refusait, celle qui nous laisserait tous les deux démunis si un jour nous étions séparés. « Je suis désolé Lexie … Peut-être qu’on devrait … » Il s’interrompit et ce n’est qu’à ce moment que je réalisais avoir retenu ma respiration jusqu’à maintenant. Je le dévisageai un instant. N’allait-il pas finir sa phrase ? N’allait-il pas prendre une décision de lui-même pour ne pas avoir à me l’imposer ? Je ne voulais pas, pour ma part, clore cette conversation sans avoir répondu à sa question. « Tu aimes … Tu aimes ce que nous pourrions être. Tu aimes ce que pourrait être notre vie ensemble. Tu m’aimes, la plupart du temps, lorsque je vais bien, lorsque je te le dis. Tu ne me comprends pas quand je fais marche arrière ou que je me renferme. Tu m’aimes, la plupart du temps. » commençai-je en plongeant mon regard dans le sien, désireuse qu’il comprenne ce que je ressentais. « Je t’aime. Aujourd’hui. Tout le temps. Je t’aime avec ce que tu veux bien me donner et avec ce que tu préfères garder pour toi. » Je n’avais jamais été aussi sûre de ce que je me laissais lui confier à présent. Jamais aussi sûre de ce qu’il me faisait ressentir, de ce qu’il me faisait vivre. « Je n’ai pas besoin de plus. Toi oui. Je peux le comprendre. Tu attends toujours plus et … je ne peux pas. Je ne peux pas sans me perdre. Alors peut-être oui … » J’aurais voulu acquiescer définitivement. Je ne pouvais plus être à la merci de ma colère, je ne pouvais plus souffrir de ses attentes que je ne pouvais pas combler, je ne pouvais plus être la cause de sa déception.
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(✰) message posté Mar 10 Fév 2015 - 16:50 par Invité
L’air grave, James croisa ses bras sur son torse en continuant d’observer Lexie sans mot dire. Il avait la désagréable sensation que cette conversation ne les mènerait à rien. Sans compter qu’il lui semblait faire erreur sur erreur dès qu’il tentait de réparer un minimum les dégâts. Merde, qu’est-ce qui n’allait pas chez lui ? James avait l’impression de ne pas parler de la même chose qu’elle ou pire, d’être incapable de lui faire comprendre ce qu’il ressentait. D’ordinaire, il n’était pas un homme particulièrement expressif mais pour elle, il avait tenté d’affronter ses vieux démons afin qu’elle puisse se rendre compte qu’il n’était pas le monstre que tout le monde décrivait. Pourtant, ce qu’elle percevait de lui semblait totalement erroné. Comme s’ils n’étaient que deux parfaits inconnus. « Tu aimes … Tu aimes ce que nous pourrions être. Tu aimes ce que pourrait être notre vie ensemble. Tu m’aimes, la plupart du temps, lorsque je vais bien, lorsque je te le dis. Tu ne me comprends pas quand je fais marche arrière ou que je me renferme. Tu m’aimes, la plupart du temps. » L’éditeur demeura interdit tandis que les mots de la jeune femme le transperçaient de part en part. Une fois de plus, elle se trompait. S’il y avait une once de vérité dans ses propos, James ne serait plus là depuis une éternité. Il l’aimait, sans condition aucune. Certes, il ne parvenait pas toujours à la comprendre mais il faisait de sacrés efforts pour ça en dépit d’une évidente maladresse. Mais si c’était là la vision qu’elle se faisait de lui et de ses sentiments, alors ils n’avaient effectivement plus rien à faire ensemble. « Alors c’est ça la vision que tu as de moi ? » Il n’en fallait pas davantage pour le blesser au plus profond de son être. Non, ce n’est pas de cette manière simpliste et égoïste qu’il l’aimait. C’était foutrement douloureux de l’entendre dire tout ça. James ferma les yeux un instant. Vraiment, il ne comprenait pas comment elle pouvait se faire une telle image de lui. Il les ouvrit à nouveau et l’observa. « Je t’aime. Aujourd’hui. Tout le temps. Je t’aime avec ce que tu veux bien me donner et avec ce que tu préfères garder pour toi. » Rien. Il ne ressentait plus rien. Ses mots auraient pu le toucher une nouvelle fois mais ce n’était pourtant plus le cas. James était en train de redevenir cet être effroyablement insensible qu’il détestait tant. Celui pour qui les émotions n’avaient plus aucune importance puisqu’elles étaient si douloureuses et difficiles à supporter. Dès que la douleur l’atteignait, il avait cette formidable manie de construire une muraille infranchissable autour de lui. « C’est faux, tu ne m'aimes pas et tu n’as pas besoin de moi. Je n’y crois pas, je n’y crois plus. » articula-t-il sans la quitter du regard. Il savait qu’elle avait gagné, elle le voyait désormais exactement de la même manière que les autres. Avec elle, il avait pourtant cru que les choses seraient différentes. Quel imbécile ! « Oui j’ai des sentiments et des rêves. Le problème, c’est que mes rêves sont essentiellement liés à toi. Depuis le temps, tu devrais savoir que rien n’aurait pu être plus fort que cet amour que je ressens pour toi. Rien. Pourtant, je comprends désormais que je ne suis pas à la hauteur. Mais je te félicite. Tu as réussi, Lexie. Tu m’as bien fait comprendre qu’il n’y aurait aucun lendemain pour nous. » N’était-ce pas ce qu’elle cherchait à faire depuis le début ? L’éditeur soupira doucement et posa son regard en direction des affaires de la jeune femme. Avait-elle réellement l’impression qu’il ne l’aimait que la plupart du temps ? Comment pouvait-elle oser affirmer une chose pareille alors qu’il l’aimait plus que tout au monde, d’un amour inconditionnel ? « Je pourrais essayer de te retenir, mais ça ne servirait à rien, n’est-ce pas ? Ce serait presque facile d’imaginer à quel point l’expression de tes sentiments n’avait pas de fond. Si je suis tellement indésirable, crois-moi le message est passé. Je ne pensais pas que tu voyais en moi un être aussi égoïste. Mais finalement, ça rejoint l’opinion générale.» Indéniablement, son cœur était comme percé par des milliers de lames et la douleur n’était pas seulement par vague. Elle risquait d’être constante, éternelle. « Je te souhaite tout de même le meilleur, puisque je ne peux pas te l’apporter. » Une pensée traversa alors son esprit… la pensée d’une promesse qu’il lui avait adressé quelques mois plus tôt : si tu saisis ma main, alors compte sur moi pour ne plus la lâcher…
(✰) message posté Mer 11 Fév 2015 - 23:25 par Invité
Je m’étais tue alors que les mots me semblaient dérisoires à présent. Comme s’il n’en existait plus d’assez forts pour exprimer le chaos qui régnait dans mon esprit. Je détournais le regard alors que je le sentais m’observer, de son regard pénétrant, rendu gris par la déception. Il observait mon inertie, mon corps immobile, mes mains crispées, le silence des larmes inexistantes. J’avais détourné le regard pour ne plus avoir à souffrir de son reflet, à lui. Pour ne plus avoir à faire face à sa mâchoire contractée, au tracé de ses veines et à toutes ces choses pour lesquelles je n’avais plus de courage, plus assez pour résister. « Alors c’est ça la vision que tu as de moi ? » Je haussai les épaules lentement, en me mordant la lèvre inférieure. C’était la vision que j’avais de moi-même. C’était ce dont j’avais peur. C’était ce qui allait se passer dès que je serais allée à l'hôpital, dès qu’il se rendrait compte que je ne comptais pas capituler. Ce n’était pas lui, non. Je le lui disais. « C’est faux, tu ne m'aimes pas et tu n’as pas besoin de moi. Je n’y crois pas, je n’y crois plus. » me répondit-il sèchement en me transperçant du regard. Je savais ce qu’il faisait. Je pouvais le voir reculer, mettre de la distance entre nous, comme si cela était plus facile pour lui de me considérer désormais comme une étrangère. Il pouvait bien faire ce qu’il voulait, il ne serait jamais un étranger à mes yeux. Il ne serait plus jamais un étranger. Je connaissais son âme et son cœur, je connaissais ce regard qu’il m’adressait et qui était supposé me mettre à l’écart. Je connaissais son besoin de se replier pour ne plus ressentir, j’étais brisée du simple fait d’en être cette fois-ci la cause, mais je ne découvrais rien. Il était l’homme que je connaissais, l’homme que j’aimais et que je blessais. « Ne me dis pas que je mens. Si c’est ce que tu penses, si tu remets ça en question, tu ne sais rien. » Les mots claquèrent contre mon palais, tandis que mon regard se faisait d’acier. Je me demandais ce que j’aurais pu faire pour causer moins de douleur, permettre à l’amour d’exister, au lieu de le détruire comme maintenant, au lieu de détruire celui qui m’en témoignait. Nous étions là, face à face. Nous ne comprenions pas au fond, cela se voyait, dans nos regards qui s’attardaient sur le visage de l’un et de l’autre. Il y a quelques heures encore, nous étions ce couple que je pensais solide. Que s’était-il passé pour que tout vole en éclat ? Je traversais ce qui ressemblait à une chute lente et silencieuse, je n’en finissais plus de tomber et il était trop tard pour qu’on me rattrape. Alors je continuais, j’enfonçais les portes ouvertes, je finissais d’achever ce que j’avais commencé. J’avais l’impression de lui avoir fait perdre du temps. J’avais peur qu’il finisse par me détester. « Oui j’ai des sentiments et des rêves. Le problème, c’est que mes rêves sont essentiellement liés à toi. Depuis le temps, tu devrais savoir que rien n’aurait pu être plus fort que cet amour que je ressens pour toi. Rien. Pourtant, je comprends désormais que je ne suis pas à la hauteur. Mais je te félicite. Tu as réussi, Lexie. Tu m’as bien fait comprendre qu’il n’y aurait aucun lendemain pour nous. » Il ne serait jamais un étranger pour moi mais j’avais l’impression d’en être une pour lui. Je me refermais sur moi-même, désireuse de ne plus entendre le moindre de ses reproches, me transformant ainsi en cette créature détestable qu’il semblait voir en moi. Il n’était pas un étranger et je savais ce qu’il faisait, mais c’était pire. Cela rendait encore pire ce que nous étions en train de vivre. Je voulais fermer les yeux et laisser toutes les douleurs de mon corps emplir mon esprit, échapper ainsi à cette affreuse sensation de vide qui grandissait en moi. Des lendemains avec lui, j’en avais vus, une éternité, notre éternité, comme il me l’avait promis. Je ne les voyais pas remplis des mêmes choses que lui, je n’y pouvais rien. Nous aurions pu en parler si il n’y avait pas eu cette nouvelle qui était venue tout chambouler, qui était venue me renverser et me braquer comme une bête sauvage. Mais il était trop tard. « Je pourrais essayer de te retenir, mais ça ne servirait à rien, n’est-ce pas ? Ce serait presque facile d’imaginer à quel point l’expression de tes sentiments n’avait pas de fond. Si je suis tellement indésirable, crois-moi le message est passé. Je ne pensais pas que tu voyais en moi un être aussi égoïste. Mais finalement, ça rejoint l’opinion générale. » Nous nous sommes observés un instant sans rien dire. Je pouvais sentir la masse gonfler dans ma gorge, mais je me pinçais la lèvre la main pour étouffer mes larmes, passant une main dans mes cheveux. Elles sont restées à l'intérieur. Il aurait été aisé de les laisser faire au lieu de ne rien laisser paraître. Presque aussi aisé que de me laisser aller à le contredire au lieu de le laisser se flageller, de lui dire qu’il avait tord sur tous les points, qu’il avait été ma seule ancre. Mais j’étais celle qui n’était pas assez, j’étais celle qui l’empêchait d’avancer. Je me taisais. « Je te souhaite tout de même le meilleur, puisque je ne peux pas te l’apporter. » Je te souhaite le meilleur. C’était si formel, si conventionnel, si froid. C’était à m’en faire saigner le cœur. Je te souhaite le meilleur. Je m’en allais, je devrais prendre cette décision à l’hôpital, cette décision qui nous brisait, et il me souhaitait le meilleur. J’aurais sûrement du partir maintenant, sur le champ, sans même lui adresser un regard. J’aurais sûrement du le contourner, sans même l’effleurer et disparaître de son appartement, de sa vie. C’était sans doute ce qu’il voulait à présent, c’était ce qu’il méritait. Il méritait de ne plus m’avoir dans ses cauchemars, de ne plus avoir à se battre contre moi en permanence, de ne plus avoir à s’inquiéter de choses qui ne pouvaient pas être changées. J’aurais aimé ne pas l’aimer autant pour pouvoir m’éloigner sans m’effondrer, sans paniquer, sans avoir le sentiment que j’allais disparaître à tout moment ou me blesser à jamais en tombant dans le vide. Je le contournai pour sortir, m’arrêta une seconde sur le pas de la porte. J’avais mal aux jambes, mal au coeur, mal à respirer. Je n’arrivais plus à faire la différence entre ce qui était normal, causé par la maladie, et ce qu’il me faisait, lui. « Tu ne comprends rien. » J’avais comprimé mes mains sur mon ventre en laissant échapper ces mots, dos à lui. Si tu ne comprends pas, comment pourras-tu me pardonner ? Comment pourrait-il me pardonner s’il pensait que je ne l’aimais pas assez, que c’était pour cela que j’allais mettre un terme à ce qui naissait en moi, à ce qui pourrait grandir en moi, à ce qui pourrait être notre enfant. Comment pourrait-il me pardonner s’il pensait qu’en agissant ainsi, je voulais simplement tuer le fruit de notre amour. J’étais perdue, tout ceci était trop, beaucoup trop. « Je ne peux même pas t’en vouloir, c’est moi qui … Je suis désolée. » Tu ne comprends rien. Il ne comprenait pas que c’était ma fierté qui parlait, ma peur aussi de faire les choses mal. Il ne comprenait pas que j’en avais trop dit et que je ne savais plus comment faire marche arrière. Il ne comprenait pas que j’étais en train de l’éloigner, de perdre la meilleure chose qui m’était jamais arrivée, la seule et unique chose qui me rendait réellement heureuse. Que j’étais en train de la perdre, pour une raison obscure que je n’arrivais même pas à définir. Si ce n’est que j’étais un gâchis, un gâchis permanent. Et qu’il me laissait gâcher.
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(✰) message posté Jeu 12 Fév 2015 - 15:46 par Invité
James aurait vendu son âme au diable dans la seconde en échange d’une toute petite chance de pouvoir se sortir de cette situation désastreuse. Il n’avait que trop conscience de tout ce qu’ils étaient sur le point de sacrifier : cette chance qu’ils avaient accepté de se donner, leur amour, leur bonheur, leur vie. Lorsque l’on aime une personne, on subit toujours la peur de la perdre … intense … terrifiante. Pourtant, l’éditeur ne cilla pas. Pas face à la Lexie qui se tenait devant lui. Ses mots, son ton, son regard froid … soit autant d’éléments qui avaient fini par avoir raison de lui. Comment pourrait-il encore remettre les paroles de la jeune femme en doute ? Tout était là. Tout était dit. Il ne lui avait fallut que quelques ridicules minutes pour balayer d’un revers de main un destin qu’ils avaient été sur le point de rendre plus beau. Pourquoi agissait-elle ainsi ? Adossé contre la porte, il leva la tête en direction du plafond et soupira profondément. Bien sur qu’il ne supportait pas la simple idée de la voir s’éloigner. James en tremblait d’avance et se maudissait d’avoir à faire fuir la seule personne comptant réellement à ses yeux. Hélas, elle ne lui laissait pas le choix. Plus maintenant. L’incompréhension à laquelle il était confronté lui serrait le cœur comme jamais mais il n’était plus possible de faire machine arrière désormais. Elle passa près de lui et il demeura impassible. Il fallait qu’il le soit, qu’il ne lui laisse pas l’occasion de s’apercevoir qu’il mentait. Qu’une fois de plus, il dissimulait ses émotions, les enfouissait sous ce masque d’indifférence et d’assurance afin de ne pas les laisser envahir son âme. C’était plus fort que lui. Il ne voulait pas ressentir la moindre émotion, encore moins si celle-ci s’avérait douloureuse. Sa propre indifférence était troublante. Mais à qui était-il en train de faire du mal ? A Lexie ? Ou bien à lui-même ? Bon sang, il se maudissait. « Tu ne comprends rien. » Ses mots brisèrent le silence qui les entourait depuis de longues minutes. C’était là son sentiment ? Pourtant il ne demandait que ça. Comprendre. Comprendre ce qu’elle ressentait, ce qu’elle vivait, ce qui la poussait à réagir ainsi. Elle ne pouvait pas savoir à quel point il en avait envie. A quel point il souhaitait comprendre. « Alors explique-moi…» Ce fut un léger murmure qui lui échappa, tout juste audible, tandis qu’il reposait le regard sur elle, sur son dos, sur la magnifique cascade de ses cheveux dorés. « Je ne peux même pas t’en vouloir, c’est moi qui … Je suis désolée. » James ferma les yeux un court instant. Il ne voulait vraiment pas faire une croix sur ce bonheur tout juste retrouvé, sur ce bonheur qu’il avait mis si longtemps à accepter. Sur cette relation qu’ils avaient été sur le point de construire. Sa gorge se serra, ses poings et sa mâchoire se crispèrent, le sang tambourina férocement à ses tempes. Il ne voulait pas la perdre. Non, il ne voulait pas. James avait le cœur serré. C’était terriblement douloureux. Une douleur qu’il n’était pas certain d’avoir déjà connu de toute sa vie. « J’imagine que nous avons tout deux notre part de responsabilité…» déclara-t-il doucement. Il n’avait pas envie qu’elle culpabilise pour une relation qu’ils avaient été deux à essayer de construire. James soupira de nouveau et fit un pas dans sa direction. Il ne voyait toujours que son dos. Il tendit une main pour caresser son épaule mais se ravisa à la dernière seconde. « Ca ne veut pas dire que je vais disparaître du jour au lendemain, Lexie. Quoi qu’il advienne, je serai toujours là et bien décidé à t’aider comme il se doit. » L’aider elle, et non pas eux. Pour le moment, trop de paroles blessantes avaient été dites. Et il n’avait pas la faculté à les oublier aussi facilement, malheureusement. James n’arrivait pas à gérer. Il le voulait pourtant. Mais faire abstraction des mots durs qu’elle avait prononcé n’était pas si simple. «Tu as raison … c’est peut-être moi qui ne comprend rien depuis le début. Pour être honnête, je ne sais même pas comment nous avons pu en arriver là. Je ne sais peut-être rien mais j'ai peur que, dans le fond, tu n'ais réellement pensé chaque mot que tu m'as dis. Je doute que ce genre de paroles puisse t'avoir échappé juste ... comme ça. Nous n'aurions jamais dû en arriver là tout les deux. Nous déchirer ainsi, c'est absurde.» Son regard se porta sur la main de Lexie. Une main qu’il aurait tellement aimé saisir. Il aurait aimé lui prendre la main, lui faire face, la regarder droit dans les yeux et lui dire qu’il ne souhaitait pas qu’elle s’en aille. Oui, c’est ce qu’il aurait voulu faire. Seulement, il préféra ne pas se rabaisser à ça. Pas quand elle semblait si ferme et si sûre d’elle concernant ses choix. « Mais je suppose que tu sais mieux que moi ce qui est bon pour toi…» « Pour vous » avait-il failli dire. Elle et le bébé...
La peine, les ressentiments et la douleur gonflaient mes veines d’une sève vénéneuse. Ces sentiments réunis finissaient d’engorger mon cœur d’une colère indigne et dévastatrice. Je m’en voudrais plus tard. Je m’en voudrais quand, dans la solitude retrouvée, je me rendrais pleinement compte de ce que j’avais causé. Je m’en voudrais de n’être que ce fardeau inutile que l’on pouvait abandonner si facilement sur le bas-côté de la route. Je n’essayais même plus de m’expliquer ce que j’avais pu faire de si révoltant pour mériter de voir ma plus belle relation me filer entre les doigts, aussi facilement que le sang brûlant d’une plaie. Je me demanderais par contre à quoi avaient servi toutes nos promesses, si nous n’étions pas capables sur l’instant, en leur nom, d’aller au-delà de nous-même, de renoncer à nos reproches mutuels pour une étreinte, destinée à tout effacer. A quoi avaient-elles servi si nous étions seulement capable de constater les dégâts sans avoir la force d’y faire face ? « J’imagine que nous avons tout deux notre part de responsabilité … » Je ne savais que trop bien qu’il ne le pensait pas réellement. Il me l’accordait, dans son désir permanent de me protéger, même maintenant. Mais il ne le pensait pas, il me le laissait comprendre. Il l’avait dit lui-même, il assistait à ma majestueuse descente aux enfers et refusait de m’y accompagner. C’était ainsi qu’il percevait ce qui nous arrivait. Les dernières secondes disparaissaient peu à peu dans une brume noire, et je n’essayais même pas de faire le clair dans mon esprit engourdi, mais cela je l’avais compris. « Ca ne veut pas dire que je vais disparaître du jour au lendemain, Lexie. Quoi qu’il advienne, je serai toujours là et bien décidé à t’aider comme il se doit. » rajouta-t-il doucement et je laissai tomber mes bras le long de mon corps en inspirant, ébranlée par sa noblesse et sa recherche de bienveillance à mon égard. « Je ne veux pas que tu te sentes obligé de faire quoique ce soit. » Quoique ce soit dont il n’avait pas envie, quoique ce soit qu’il ne pourrait pas respecter, quoique ce soit qu’il retiendrait contre moi plus tard et qui nourrirait ses colères. Je n’étais pas une obligation, pas un poids dont il n’arriverait pas à se délester par soucis de responsabilité. « Tu as raison … c’est peut-être moi qui ne comprend rien depuis le début. Pour être honnête, je ne sais même pas comment nous avons pu en arriver là. Je ne sais peut-être rien mais j'ai peur que, dans le fond, tu n'ais réellement pensé chaque mot que tu m'as dis. Je doute que ce genre de paroles puisse t'avoir échappé juste ... comme ça. Nous n'aurions jamais dû en arriver là tout les deux. Nous déchirer ainsi, c'est absurde. » Je connaissais mes propensions aux conflits pour échapper au chagrin. Je me connaissais. Mais je ne pus m’empêcher de froncer légèrement les sourcils en l’entendant. Je voulais prendre sur moi, contrôler mon souffle saccadé, fatigué. Je voulais m’empêcher de dire quoique ce soit d’autre qui aurait pu nous blesser. Il n’aurait servi à rien de le contredire à nouveau. Mais je lui en voulais tout autant pour ce qu’il avait pu me dire. Je lui en voulais de m’avoir juger comme il l’avait fait, de m’avoir juger comme tous les autres alors qu’il avait été le seul à ne l’avoir jamais fait. Et il ne semblait pas s’en rendre compte. Il semblait penser que j’avais été la seule à avoir blesser, la seule à attaquer. Il semblait également penser que je n’avais pas eu conscience de ce que je dévoilais. Les mots avaient été acerbes, mauvais. Je m’excusais pour cela. Pas parce qu’ils reflétaient mes troubles et mes pensées. « Mais je suppose que tu sais mieux que moi ce qui est bon pour toi … » Je recevais chacune de ses paroles comme un énième coup de boutade destiné à prolonger mes tourments et à nourrir une culpabilité qu’il souhaitait créer. Je fermai les yeux une seconde pour m’empêcher de répliquer ou de tout oublier. Au fond, je n’étais pas surprise. Pas surprise de la tournure des évènements, pas surprise de cet effroi qui serrait mon cœur au plus profond de ce corps qui me trahissait chaque jour, de cet appel d’air entravé qui nous empêchait de nous comprendre. Je n’étais pas surprise, je me connaissais, j’étais simplement en colère. « Et tu sais ce qui est bon pour toi. Apparemment. » Ce n’était là qu’une autre façon de lui rappeler qu’il était celui qui demandait à arrêter. Qu’il était celui qui s’était demandé s’il ne fallait pas mieux mettre à terme à ce qui nous unissait. Il n’avait même pas su poser les mots, il n’avait même pas pu rendre cela réel, il nous condamnait à une attente, une incertitude. Peut-être qu’on devrait oui. C’était tout ce que j’avais su répondre à mon tour. C’était triste, presque pathétique de constater à quel point ces mots étaient usés, banals. Je m’étais toujours crue capable de m’exprimer sans effort, j’excellais en cours de plaidoirie, je savais trouver les mots justes, les images, je m’étais toujours crue capable de briller dans les débats. Mais ici, je n’avais pu que lâcher ces quelques mots « peut-être qu’on devrait, oui ». Je n’étais pas parvenue à en dire plus, interdite de ne pas les entendre de sa bouche à lui. En temps normal, j’aurais su en dire plus, définir précisément ce que nous étions en train de décider. Mais plus rien n’était normal. Dans l’instant, tout me faisait défaut. Je ramassai les quelques affaires que j’avais rassemblées avant de quitter sa chambre, le laissant derrière moi.