Toi, tu as bien besoin d'ouvrir tes chakras, ma chérie.

Cela faisait partie des journées d'apparence un peu banales. Un peu inutiles, certes mais où tout semblait aller bien, ou du moins se passer comme il le fallait, sans accrocs, sans surprise. Il ne pleuvait pas, il faisait gris mais le ciel londonien avait pour une fois était clément.
Lola, elle, avait passé toute la journée dans les amphithéâtre de la fac, à naviguer entre études de texte et les répétitions de rôle. Fatiguant ? Oui, pour sûr. Mais elle s'en fichait pas mal et ne comptait pas le moins du monde les heures passées dans ces vieux locaux.
Il était un peu plus de 17h, Lola était toujours à son cours d'interprétation, avec ce prof qu'elle exécrait au plus haut point. Il représentait tout ce qu'elle détestait ; le prof archaïque et patriarcal, à n'écouter que lui-même et surtout à aimer ça. Avare en compliment, comme si dire des choses positifs symbolisait pour lui le témoignage d'une faiblesse professorale. Mais peu importe ce qu'elle pensait, c'était son prof, et malgré son caractère sauvage, Lola devait quelque peu montrer patte blanche ici, être un peu plus polissée, du moins dans ses façons de parler hors de la scène. Car sur les planches... C'était une autre histoire. Elle pouvait se laisser aller complètement. C'est en jouant un rôle qu'elle était le plis souvent elle-même. Elle ne trichait pas, et vivait simplement les personnages qu'elle incarnait.
Elle était loin d'être comme ces filles qui étaient dans sa promo. Ces nanas qui ne vivaient que pour le cliché de la comédienne, faussement tourmentée, faussement poète, et surtout faussement vraie.
Bien plus qu'être sur scène, ces gamines avaient pour seule ambition de jouer sur grand écran, d'être sur grand écran, et peu importe le rôle. Le but étant étant de se montrer le plus, que ce soit au bras de Johnny Depp ou Brad Pitt sur un tapis rouge.
Lola, elle, s'en fichait pas mal du cinéma, ou du moins, le septième art ne l'attirait pas autant que le théâtre. Elle, ne vivait que pour vivre sur les planches, pour interpréter des personnages, ne pas être enregistrée par sept ou huit prises mais être dans le présent, dans le danger de la spontanéité.
C'est donc pour nombres de ces raisons que Lola ne fréquentait pas ses filles, les trouvant un peu trop superficielles pour être vraiment honnêtes dans leur travail théâtral. Elle restait donc plutôt seule, le nez dans diverses pièces de théâtres dont elle se nourrissait perpétuellement.

Aujourd'hui, ils travaillaient sur le texte d'Antigone, la version de Jean Cocteau, plus moderne, une pièce que Lola appréciait beaucoup de par son personnage principal assez torturé dont les tourmentes sont surtout provoquées par de sombres secrets de familles. Sans justification apparente, le professeur avait voulu faire un mini-casting, comme une sorte de concours où il allait juger qui étaient la meilleure "Antigone". Idée brillante n'est-ce pas ? Comme si la gente féminine de la promo ne se tirait pas assez dans les pieds...
Evidemment, TOUTES les filles étaient intéressées par ce rôle, tout d'abord par son importance colossale dans la pièce, et par la palette de jeu possible. Antigone, c'était la nouvelle Juliette, la nouvelle Phèdre que toute comédienne rêve d'incarner.
En bonne anti-conformiste, Lola refusait évidemment cette pensée unique, mais voulu quand même participer à ce concours, non pas pour la quelconque "gloire" qu'elle pourrait en tirer, mais surtout pour l'intérêt qu'elle porte à ce rôle.
Monsieur Tarawa justement, ce professeur ignoble avait pour une fois était sympathique avec Lola. Et par sympathique, il fallait entendre non agressif, avec pour seul commentaire un "Bien" qui au vu du l'individu, symbolisait dans un langage humain, un compliment plutôt correct. C'était une éloge d'autant plus importante que Lola en avait été la seule à en recevoir de la journée.
C'est donc presque confiante, pour une fois, qu'elle sortit de la salle. Avec pour objectif dans les deux prochains jours, travailler le monologue pour le connaitre dans les moindres détails, dans les moindres mots, afin d'être la plus juste possible dans son interprétation.

L'air frais londonien lui piqua le nez et la ramena sur terre, loin des entités grecques. Sans trop réfléchir alors, de façon spontanée elle se dirigea au café derrière l'université. Juste avant d'entrer, elle émit un petit sourire avec une idée en tête. Et pourquoi elle n'appelait pas Ivana ? Cela faisait un petit moment qu'elles ne s'étaient pas vu. A dire vrai ? Une semaine et demi. Mais c'était déjà bien trop long pour la jolie blonde qui d'une nature et d'une culture très populaire, avait ce besoin constant de voir, de toucher, de prendre dans les bras les gens qu'elle aime.
Ivana était une personne aux antipodes de Lola. Mais qu'elle considérait pourtant plus que ses semblables. Elle était douce, d'un calme olympien qui contrastait avec le caractère volcanique de la jolie blonde. Et surtout, elle était cultivée, et réfléchie, et généreuse bien que quelque fois un peu trop secrète aux goût de Lola. Mais qu'importe, c'était son amie et elle l'aimait pour toutes les nombreuses discussions et débats qu'elles avaient déjà eu et qu'elles auront encore. Car même si elles ne sont pas d'accord sur tout, et que de nombreuses choses dans leur caractère les opposait, elles se retrouvaient sur beaucoup d'autres points et se portaient mutuellement un respect et une tendresse sans jugement.
C'est donc devant ce café s'appelant "La Pause" qu'elle essaya d'appeler son amie, qui évidemment ne répondit pas.

◊ Ah merde, elle doit bosser encore.

Lola n'avait pas réfléchit avant d'agir, un peu comme à son habitude. Mais son envie de la voir était forte. Cette envie de voir un visage amie, qui n'allait pas juger sa façon de s'habiller,de se comporter, de parler - tous ces jugements qui se font dans les regards de ses camarades de promo.
Elle décida donc de lui envoyer un message.

Code:

Eh copine ! On se prend un café ?
J'ai envie de faire des bisous sur tes joues tachées de rousseur !
Suis au café d'habitude. Et comme j'aime le danger, j't'ai déjà commandé le tien (que je boirai dans 30 minutes si tu n'es pas là.)
PS : C'est Grincheux qui sert aujourd'hui en plus ! ;)
Lo

Lola sourit sans pour autant relire son message et pressa la touche "envoyer". Grincheux ? C'était le barman, patron de ce petit café qui n'avait jamais arborer le moindre sourire, même pour ses clients les plus généreux. Outre son physique ressemblant à un des fameux nains compagnons de Blanche-Neige, c'était donc également son caractère qui faisait que ce barman étaient appelé ainsi.
Lola se dirigea donc vers le comptoir pour mener à bien sa commande.

◊ Salut Gr... Robert ! J'peux avoir deux Chaï Latte pour commencer s'il te plait ? Tu sais tellement bien les faire ! Et si Ivana arrive - tu sais la rousse super mimi au regard de braise - qui a d'ailleurs tapé dans l'oeil de ton neveu, OOOH ! Ne me mens pas je l'ai très bien vu. Bref, si tu la vois arriver, tu lui dis que je suis au fond de l'annexe, ok ?


Elle répliqua d'un sourire angélique auquel Grincheux répondit par un marmonnement inaudible qui voulait sans doute dire oui pour tout ce qu'elle avait dit.
Une fois ceci fait, Lola prit son sac et s'installa tout au fond de l'établissement et s'installa en attendant son café. Elle ouvrit alors la version d'Antigone qu'elle avait et relut encore et encore le monologue.

Une fois que le message avait été envoyé, Lola avait rangé son téléphone au fond de son sac. Elle prévoyait de ne le ressortir que si ce dernier sonnait, auquel cas cela signifiait que quelqu'un l'appelait et que par conséquent c'était soit urgent, soit important. Les messages ? Elles n'y répondaient que rarement, ou alors pas instantanément, préférant le naturel d'une discussion à quelque chose d'écrit. Lola n'était pas pour ainsi dire une très grande accro aux nouvelles technologies, elle savait très bien s'en servir mais elle savait aussi très bien s'en passer. Elle ne savait donc pas à vrai dire, si Ivana allait venir où si même elle avait reçu son message.
Quoi qu'il en soit, même si Ivana ne venait pas, Lola se sentait bien dans ce café, avec sa boisson chaude préférée posée devant elle, à réviser tranquillement son texte.
Avec la lumière orangée qui traversait sa table, et colorait son Chai Tea Latte; la jeune femme se sentait comme dans un cocon ici. A la fois proche du coeur battant de la ville et protégée par un carcan. Elle avait l'impression que rien ne pouvait lui arriver, là, à cet instant précis. Naïve pensée, certainement, mais poétique ceci dit.

Plongée dans sa lecture, Lola fut surprise par la silhouette qui l"effleura et se posa sur le siège en face d'elle, c'était donc Ivana qui venait d'arriver, très rapidement, peut-être même trop puisqu'elle avait l'air un peu essoufflée. D'un air un peu surpris, Lola fronça les sourcils et jeta un coup d'oeil vers sa montre.

◊ Et bien ! T'as inventé la téléportation ou c'est parce que tu étais pressé d"avoir ton Chai ?

De nature taquine, Lola n'hésitait pas à envoyer ce que certains pourraient appeler des "piques". Des petites phrases avec un peu d'humour qui n'étaient jamais bien méchantes. Lola ria d'un air malicieux puis se leva pour prendre chaleureusement son amie dans les bras comme elle avait toujours l'habitude de faire. Une fois les étreintes consommées, la jeune femme regarda son amie, au teint clair, qui par le froid avaient les joues rougies. Ce qui a eu pour conséquence de faire sourire tendrement Lola, inclinant légèrement la tête sur le côté.

◊ Ca me fait tellement plaisir de te voir ! L'amour et le froid te siéent au teint ma biche, laisse moi t'embrasser !

Lola repartit alors dans une envolée de tendresse et donna une bise affectueuse sur chaque joue de la rouquine.  Pour certains, cela faisait trop mais les gens qui connaissaient Lola ne savaient que trop bien à quel point la jolie blonde pouvait être un vrai bisounours avec ceux qu'elle aimait.
Une fois ré-installée dans son fauteuil cosy, elle prit une gorgée de son Chai qui n'en n'étaient plus qu'au quart de la tasse. Elle ferma son livre et plongea son regard dans celui de son amie.
Son livre d'ailleurs, n'était pas passé inaperçu auprès de son amie qui avait l'air de connaitre, ce qui ne surprit pas Lola, toujours admirative de la culture d'Ivana.

◊ Oui, Antigone la version modernisée par Cocteau... Mon prof d'inteprétation veut jouer à Qui sera la meilleure Antigone, et du coup j'me suis un peu prise au jeu... On verra bien dans deux jours !

Sous une façade triomphante quelque peu fière, son sourire de triomphe, Lola n'en était pas moi très peu sure d'elle. Sa confiance n'était soit que passagère soit une simple vitrine pour cacher sa peur immense cachée derrière. Elle pouvait avoir l'air détachée justement de ce concours auquel ce prof se donnait, mais cependant elle y était sensible.
Elle trempa ses lèvres dans la douceur du chai Teal Latte, et regarda Ivana.


◊ Tu es toujours aussi belle ma biche ! Va falloir que tu me donnes ton secret pour rayonner autant. Mais permets moi juste de te dire une chose, mmh... Tu m'air fatiguée... Ce n'est pas grave ? Ce n'est pas Kaspar au moins hein ?

De manière tout à fait sincère, Lola avait sorti ces quelques mots qui finissaient toujours par une pointe d'inquiétude. D'un caractère maternel, la jeune femme tenait toujours à savoir et à entendre le bien-être ou non des gens.

S'il y a bien une chose que Lola appréciait plus que tout dans la vie, c'était la compagnie de ses proches, de ses amis. Prendre le temps de faire une pause dans le tourbillon de la vie, du travail et des études. Prendre le temps de vivre et d'aimer, c'était une des priorités qu'elle n'oubliait jamais. Alors évidemment ce n'est pas facile de se réserver ce temps-là, mais aujourd'hui après une journée de dur labeur, Lola avait décidé de s'octroyer ce temps, de se réserver le luxe de laisser passer le temps.
Et ce plaisir était évidemment multiplié par la présence d'Ivana, et d'un chai tea latte dans la même pièce. Il ne manquait plus qu'un groupe de blues chantant du Janis Joplin et le nirvana pourrait presque être atteint.

◊ Longue journée aussi, on va pouvoir se détendre. Tu n’es pas pressée de toute façon si ?

Cette question sous-entendait une légère inquiétude, peut-être qu'après-tout Ivana avait des choses à faire après, et qu'elle ne pourrait pas rester aussi longtemps que Lola le souhaitait. Elle devait sûrement rejoindre son amoureux.
Lola regarda son amie se poser dans le confortable fauteuil. Après tout, si elle devait partir plus tôt tant pis, elle l'aurait vu quelques minutes, et c'était un bien déjà précieux, de voir une tête amicale et bienveillante comme celle de la jolie rousse, qui d'ailleurs fit à nouveau un commentaire sur le sujet d'étude de Lola.
♦ Oh, je me fais pas vraiment de souci pour toi.
Lola esquissa un sourire d'une allure quelque peu gênée, elle rougissait sous le compliment d'Ivana, qui avait été court mais suffisamment précis pour que la jolie blonde soit touchée. Car recevoir des fleurs sur son physique, sur son sourire, elle n'en avait pas l'habitude, loin de là, mais elle savait plus ou moins les accepter, mais quand cela allait sur son intellect, sur son possible talent de comédienne, cela la touchait au plus profond d'elle-même. Elle qui n’était pas confiante, voire de la confiance dans les yeux de ses amis ne pouvaient que la toucher encore plus. Ça l'avait toujours gêné cette confiance, voir à quel point des gens pouvaient croire en elle alors qu'elle ne croyait pas en elle-même, c'est pourquoi elle répondit par un merci presque inaudible tant le gêne était présent.

La discussion dériva alors sur l'emploi du temps dantesque d'Ivana, qui vu ses dires ne s'accordait pas énormément de temps, elle rassurait en même temps Lola de sa relation avec Kaspar qui se passait pour le mieux.
Lola connaissait très bien le jeune homme, c'était un de ses amis intimes, comme pouvait l'être Ivana. Le couple était un modèle d'amour et de vie pour la jolie blonde dont la vie sentimentale était quelque peu brouillon.

◊ De toute façon, si l'autre te fait des misères, il aura à faire à bibi, crois-moi !

Elle prit un regard faussement menaçant avant d'éclater de rire. Ce côté maman poule, protecteur de Lola ressortait toujours.

◊ Mhhh, bon tu sais quoi ? Pour ton anniversaire je t’offre un packaging massage et tout le tintouin, ça ne peut pas te faire de mal et tu le mérites amplement. Tu as bien besoin de lâcher prise ma biche !

Lola n'attendait au fond même pas une réponse, qu'elle soit négative ou positive de la part de son amie. Elle faisait partie de ces gens qui aimaient plsu que tout offrir des cadeaux et avaient toujous des centaines d'idées plus originales les unes que les autres, et aujourd'hui pour Ivana, le cadeau était tout trouvé.